II. Dette éternelle

Quand j'ai enfin trouvé un endroit où poser mon postérieur, je fus surpris par le monde déjà présent. Il n'est même pas 10h et y'a autant de gens au bar ? Bande d'ivrognes.

Je m'assois sur une table, tout seul, ou en tête à tête avec mon air le plus dépité et j'attends.

"- Hé Camille ! Y'a des caisses qui traînent, viens ranger bordel !"

Démerde-toi, on se connait pas. Pourquoi tu me regardes en plus ? T'as cru que j'étais venu faire la boniche pour toi ? C'est qui ce mec ? En plus, il me fixe. C'est perturbant !

"- J'arrive!"

Puis une voix s'élève derrière moi tandis que je me retourne. C'est la fille de ce matin !

"- Allez, bouge-toi un peu !"

Waw. C'est la même fille que j'ai rencontrée sur la plage.

"- Vous avez vraiment un prénom de merde."

Étrangement ma pensée m'a échappé tandis qu'elle s'arrête à ma hauteur en me dévisageant.

"- Encore vous ?! Vous me suivez ou quoi ? Vieux pervers dégoûtant.

- Hé ! Vous êtes bien trop jeune pour moi de toute façon. Puis vous n'avez pas du boulot à faire là ?Allez, zou ! Du balai !"

C'est ce qu'elle fait. Elle s'en va et disparaît derrière le bar et moi, je reste comme un pauvre con que l'on veuille bien me servir quelque chose. Sérieusement ? Je suis un client merde ! Vous ne voyez pas que j'attends ? J'irais saboter votre bar sur les sites de tourisme !

Alors que je m'apprête à quitter ce misérable endroit, une tasse de café est violemment posée sur ma table.

"- Buvez ça."

Camille.

"- Je n'ai pas commandé de café.

- On ne sert pas d'alcool à cette heure-ci.

- Qu'est-ce qui vous fait croire que je suis venu me torcher ?

- Vous vous êtes déjà torché sur la plage. Vous venez juste finir le boulot. Les gars misérables et miséreux comme vous, j'en ai vu pleins dans ce bar.

- Alors d'une, ne me mettez pas dans le même panier que l'alcoolique moyen, de deux...Je ne vous ai rien demandé de toute façon.

- D'accord, je le reprends alors."

Elle s'apprête à s'en aller avec la tasse et bizarrement, une partie de moi l'en empêche parce que ce café...Je le veux.

"- C'est un 100% arabica au moins ?

- Oui monsieur."

Manquerait plus que ça soit l'un de ces prétendus cafés qu'ils vous servent habituellement alors que ça a le même goût que l'eau des chiottes.

Je prends la tasse tandis qu'elle reste figée à côté de moi.

"- C'est bon, je l'ai, retournez travailler.

- J'attends.

- Vous attendez quoi ? Je ne donne pas de pourboire aux mineurs.

- Je suis majeure ! Et un "merci" ça vous ferait mal au cul ?

- Pourquoi je vous remercierais ? Je le ferais si je l'avais demandé ce café, mais vous êtes venus me l'apporter de votre plein gré non ?

- Très bien. Prenez-le comme ça. Je ne vous en veux pas. Il faut de tout pour faire un monde. Même des connards."

Pardon ? T'as dit quoi là ?

"- Au fait, votre café ? J'ai crachée dedans. Bonne dégustation"

La connasse. Je vais me la faire.

Laissant la tasse de côté, à peine je me lève de ma chaise que j'entends

"- Paulo ! Y'a le client de la table 4 qui veut partir sans payer !"

Quoi ? Mais pas du tout !

Tous les regards sont alors braqués vers moi tandis qu'un molosse arrive droit sur moi. Je fais pâle figure à côté.

"- Écoutez...C'est un malentendu ! Oui, c'est ça...Un malentendu !

- Caisse. Tout de suite !

- Mais bien sûr !"

Il va même jusqu'à m'escorter droit vers le comptoir où m'attends Camille, appuyée dessus, tout sourire.

"- Vous ferez moins la maline dans quelque temps.

- Est-ce une menace ?"

Je vais t'effacer ce petit sourire fier que tu as, tu verras.

Je cherche mon portefeuille dans mes poches, mais sans succès. Je ne le trouve pas. Nulle part.

Merde.

"- Je...Je n'ai pas de monnaie sur moi. En fait, j'ai dû oublier mon portefeuille sur la plage ce matin !

- Oh ? Vous m'en direz tant...Paulo ? Tu as entendu le monsieur. Il n'a pas de quoi payer sa consommation.

- Mais si ! Mais laissez-moi aller voir sur la plage au moins. Je reviendrais !

- Désolé monsieur, mais la maison ne fait pas crédit. Et puis votre parole ne vaut rien.

- Je vous jure que...

- Mais oui, mais oui ! Allez, à la plonge ! Paulo ? Tu conduis monsieur s'il te plait ? Tiens, d'ailleurs...Vous vous appelez comment ?

- Camille."

Son sourire fier change en un plus tendre, plus amusé. Elle paraît intriguée.

"- Vous avez un prénom de merde, vous le savez ça ?

- On m'a souvent dit que j'avais un nom de fille, que voulez-vous ?"

Elle rit, fait le tour du comptoir et revient à ma hauteur. Elle est toute petite Camille. Je dois bien faire une tête de plus qu'elle. Comment peut-on être aussi minuscule ?

"- Vous me revaudrez ça."

Sortant trois piécettes de sa poche, elle pose sur le comptoir en faisant un signe à Paulo qui s'en va.

"- Maintenant, vous avez une dette envers moi, Camille.

- C'est ce qui paraît..."

Pour la première fois depuis longtemps, en échangeant avec cette fillette, je n'ai pas pensé à "elle". Pas une seule fois.

Et pour la première fois depuis longtemps, je me suis senti bien.

"- Je repayerais ma dette.

- J'attends de voir ça."

Quelque chose me dit que j'ai mis les deux pieds dans le plat sans même le voir venir.

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