CHAPITRE 53

Andy se demanda comment une pile de cadeaux avait pu se dresser devant lui. Il n'avait jamais eu une telle attention de ses proches. Sa famille l'avait toujours bouclé dans sa chambre, après avoir passé une soirée banale. Alors que ses sœurs avaient toujours fêté leurs anniversaires, parfois même avec leurs amis, lui n'avaient jamais eu cette chance.

— Vous... vous êtes sûr que c'est pour moi, tout ça ?

— Pourquoi ce ne le serait pas ? intervint Victor.

— Heu, ben... bredouilla le blondinet. J'ai... J'ai pas l'habitude...

— Ça se prend en un tour de main, cette habitude, contra doucement Archie.

Son accent du nord tranchait l'air, comme d'ordinaire. Il restait un peu en retrait, mais tout le monde cherchait à l'intégrer aux conversations. Il ne le connaissait pas vraiment car ils n'avaient jamais parlé convenablement, mais il l'appréciait. Sa douceur le touchait. Il ne connaissait pas ses goûts et encore moins son histoire, mais il devinait que quelque chose se cachait sous cette réserve. Seul Elijah parvenait à effacer ce pli soucieux au creux de ses lèvres pâles.

— Tu le joue à pique-nique-douille ?

Cerise se prit un petit coup de coude dans les côtes de la part de son voisin. Elle n'aimait pas cette atmosphère tendue qui s'était abattue sur la pièce lorsque les paquets s'étaient entassés sur le bois.

— Tu n'as pas l'air décidé. Tiens, voilà le mien, déclara Elijah en tendait une pochette qui avait été posée sur le flanc de la pile.

Elle n'était pas très épaisse. Il décrocha le scotch, anxieux d'être le point commun de tous les regards. Le jeune homme gardait la tête baissée, pour être certain de ne pas flancher devant tant d'attention. Il détestait être au centre de tout. Après avoir bataillé, un petit bracelet tomba au creux de sa main. Une constellation se formait. Il dû la tourner pour se rendre compte que c'était celle de son signe astrologique ; le verseau.

— C'est très joli, merci...

L'émotion l'empêchait de parler. Comme lancé, il attrapa un nouveau cadeau et déballa de nouveaux crayons, pinceaux et peintures d'aquarelle avec des feuilles épaisses faites pour cette matière. Il n'y avait aucun doute que cela venait de Sam et Zoé, il reconnaissait le papier cadeau. Un sourire timide étira ses lèvres. Le suivant fut moins personnel. Il venait d'Archie, qui avait essayé de lui offrir quelque chose de passe partout.

— Ho, je cherchais cette édition. Comment tu as su ?

— Je l'ai trouvé jolie, en fait.

Un livre Harry Potter superbement illustré en langue originale lui faisait face. Il passa ses doigts sur les dessins qui ressemblaient plus à des gravures. Cerise et Victor lui avouèrent qu'ils s'étaient mis ensemble pour lui acheter quelque chose d'un peu plus gros. Dans une grosse boîte, un énorme album photo vide attendait, accompagné d'un bon pour faire imprimer des clichés. Ils s'étaient donc souvenus de sa deuxième passion.

Les larmes commençaient à se pousser, au bord de ses yeux. Il renifla.

Il voulut ouvrir le dernier cadeau, mais quelques coups furent frappés à la porte.

— Tu devrais y aller, lui intima Morgan.

Perplexe, le blondinet se leva pour trottiner jusqu'au battant. Une fois ouvert, il tomba nez à nez avec son collègue du Elio's. Le garçon était emmitouflé dans son manteau d'hiver, si bien que seuls son nez et ses yeux étaient à l'air libre.

— Joyeux anniversaire mec !

— Mais... mais comment t'as su ? Et... et qu'est-ce qu'tu fais là ? bredouilla le blond.

— J'ai fini mon service tard, et le temps de me changer. Et puis, j'avais besoin de récupérer un colis.

— Ha ? s'étonna bêtement Andy en l'invitant à entrer.

Le jeune homme ne se fit pas prier, sentant les courants d'air venir d'en bas. Andy allait fermer la porte, lorsqu'il se rendit compte qu'Isaac n'était pas seul. Une petite frimousse blonde étaient enveloppée de trente-six couches pour lui tenir chaud.

Le blond écarquilla les yeux en posant sa main devant sa bouche, sous le choc.

— Joyeux anniversaire, grand frère, déclara Noa, se dandinant, peu à l'aise.

Ledit frère ouvrit en grand les bras, et elle sauta dans cette invitation. Vu qu'il était plus grand qu'elle, ses petits pieds décolèrent du sol. Elle se pendit à son cou, et passa ses jambes de part et d'autre de ses hanches. Noa ne voulait plus le lâcher.

— T'es content ? demanda-t-elle, pleine d'espoir.

— Tu as réussi à me cacher ça... sanglota le blond.

La petite blonde rigola, mais son frère savait qu'elle pleurait également, vu les reniflements qu'elle lâchait de temps à autres. Les mains d'Andy tremblaient si forts qu'il dû reposer sa sœur au sol, pour être certain de ne pas la faire tomber.

— Tu veux rester un peu ?

— Les parents pensent que je suis chez une amie, t'en fais pas !

— Tu es machiavélique, morveuse.

Ils durent se serrer autour de la table. Les derniers cadeaux passèrent à la trappe, sous l'excitation des retrouvailles. D'un côté, Andy tenait les doigts de Morgan dans sa main, tandis que de l'autre, il regardait sa sœur avec fierté. La plus jeune se présentait déjà à ceux qu'elle n'avait encore jamais vu.

— Mais qui a manigancé tout ça ?

— C'est Morgan. Je ne l'ai pas cru, quand il m'a contacté.

— Tu sais garder des secrets, alors...

Ce n'était en rien une accusation. Le sourire ravi de son petit ami fit pointer le sien. Il se pencha pour embrasser le brun, avant de déposer un dernier baiser sur sa joue. Même s'il avait les yeux rouges et brillants, le blond resplendissait. C'était la première fois de sa vie qu'il pleurait de joie, et c'était une drôle de sensation.

Malgré cette interruption, les conversations reprirent. Quelqu'un s'était levé pour mettre un fond musical, pour combler les éventuels blancs. De l'autre côté de la table, Elijah et Archie s'entretenaient à voix basse, penché l'un vers l'autre. Andy songea que ce n'était qu'une question de temps, entre eux deux. Sur le côté, Cerise et Victor essayaient d'expliquer en quoi consistait l'art contemporain à une Zoé qui refusait de reconnaitre l'existence de cet art. Sam s'était déjà levé pour aller vérifier la cuisson des pizzas. C'était bien la seule chose qu'on ne lui avait pas caché, dans cette soirée.

— Isaac, qui t'as mis au courant, du coup ?

— Elijah. Il est venu m'inviter il y a deux jours. Morgan ne pouvait pas se déplacer.

— C'est donc à vous deux que je dois tout ça ?

— Il y a Sam, aussi, se permit de préciser le châtain.

— J'aurais dû m'en douter...

— Tu avais d'autre chose à penser, Boucle d'or ! dit le métis de la cuisine.

— Mmh... J'aurais quand même dû le voir venir.

— On est trop forts, c'est tout !

— La modestie ne t'étouffe toujours pas, rétorqua Morgan.

— Ça vous fait un point commun, avec Sam, renchérit Andy.

Les deux concernés s'indignèrent. Il fallait tout de même avouer que les deux hommes s'entendaient très bien sur ce point. Ils avaient tous les deux des idées farfelues en trouvant les moyens pour les faire.

— Merci à tous. Ce que vous avez fait me touche énormément.

Les invités se regardèrent, l'air fier. Cela faisait plusieurs semaines que le médecin les avait contactés pour planifier cette petite fête surprise. Il avait voulu la faire chez lui, car son appartement était plus grand, mais lorsque Samaël l'avait contacté pour lui dire qu'il avait trouvé Andy endormi, ils avaient changé leurs plans à la dernière minute. Ensuite, ils avaient départagé les éléments à acheter. Sam avait pris les ingrédients pour faire le plat, Zoé les ballons et des banderoles, Elijah le gâteau, alors qu'Archie avait couru les magasins à la dernière minute pour les serviettes en papier et la décoration de table. Comme les deux autres étudiants n'avaient pas les moyens, ils étaient arrivés une heure plus tôt pour installer le tout en faisant le moins de bruit possible. Isaac avait accepté d'aller chercher Noa chez son amie, après avoir débauché.

Avec un peu de temps, ils s'étaient parfaitement accordés les uns aux autres.

Un réel esprit d'équipe.

— Vous avez fini de vous bourrer le ventre avec l'apéro ?

— Que tu es pressé !

— J'aime que les choses soient bien. Et puis, ça va refroidir, se défendit Sam.

— Ok, sert-les, abdiqua Zoé.

Ils se levèrent tous avec leur assiette dans les mains pour choisir une part des quatre pizzas qui leur était présentait. Il y en avait même une végétarienne pour Noa. Du haut de ses quatorze ans, elle avait fait le choix de ne plus manger de viande, car elle n'aimait pas le goût. Ses parents avaient accepté ce changement, pensant que c'était une lubie.

— N'empêche, je pensais pas que tu as un an de plus que nous.

— Tu t'es fait avoir par sa peau de bébé, compléta Sam.

— C'est ça, fiche-toi de moi, grogna le blond en récupérant sa part au fromage.

— Comment je peux me foutre de toi, quand c'est la vérité ?

Andy lança un regard blasé à son colocataire. Un peu plus loin, Archie riait discrètement de ces piques. Le professeur d'anglais n'avait pas l'habitude d'être entouré de gens aussi vivants. Il commençait à saisir le principe, mais parfois, il se sentait un peu perdu, ne sachant pas si les remarques étaient sérieuses ou non.

— Tiens. Essaye de ne pas t'en mettre partout.

Zoé fusilla du regard son petit ami. Elle avait une fâcheuse tendance à faire couler la sauce tomate sur ses vêtements, et à chaque fois, il lui faisait remarquer. Maintenant, c'était devenu un jeu, entre eux.

« Qui aime bien châtie bien » comme on disait.

Lorsqu'ils furent de nouveau tous assis, Andy souffla un grand coup pour se donner du courage. Il craqua ses doigts avant de se racler la gorge. Devant tant de bruits, les autres s'étaient tut et avaient convergé leurs regards sur lui. Les joues rouges et le souffle court, le blondinet carra les épaules pour se donner de la prestance.

C'était amusant de voir quelqu'un du gabarit d'Andy essayer de se faire imposant.

— Je... couina-t-il avant de s'éclaircir la voix. Je n'ai pas vraiment l'habitude de faire ça, mais je tiens à vous dire quelques mots.

— Ho ! Un discours ! s'enflamma immédiatement Cerise.

— Mais laisse-le parler, bon sang ! la morigéna Victor.

Andy parut décontenancé un instant, avant de faire de nouveau le calme en lui. Il n'aimait vraiment pas la situation dans laquelle il s'était lui-même plongé. Sur sa cuisse, les longs doigts de Morgan tracèrent des cercles afin de l'apaiser. Le courage qui avait disparu remonta en flèche. Il remercia son petit ami d'un regard tendre.

— Bref... Heu... Ha oui. Je voulais vous remercier pour tout ce que vous avez fait pour moi, depuis qu'on se connait. Il faut se rendre à l'évidence car a part Noa, je vous ai vu pour la première fois en septembre. C'était il n'y a pas longtemps, en fait. Un peu moins de six mois, apprit-il après avoir vérifié sur ses doigts.

Des sourires amusés lui répondirent.

— Sam, tout d'abord, car tu m'as ouvert la porte lorsque j'en avais le plus besoin. Tu as été le soutien familial que je n'ai jamais eu. Tu es devenu un grand frère, au fil du temps et je ne te remercierais jamais assez.

— C'est normal Boucle d'or, le monde n'est pas si pourri, quand on cherche.

Ils échangèrent un regard entendu.

— Mais avec Sam, tu es venue, Zoé, comme une fleur. Ta bonne humeur et ton enthousiasme est vraiment quelque chose de positif. C'est toujours amusant de vous voir vous engueuler pour un film.

Le rire du couple vola dans la pièce.

— Ensuite, il y a eu Cerise et Victor, qui sont arrivés comme une bouée de sauvetage dans l'ouragan scolaire. Maintenant, j'ai moins peur d'affronter les autres, leur jugement et leurs mauvaises langues. On ne dirait pas, mais vous faites une sacrée équipe.

— Tu te mets à la poésie, maintenant ? plaisanta Cerise.

La blague ne trompait personne. Ses yeux brillaient un peu, car elle était touchée.

Victor ne disait rien, presque ému.

— La première fois que j'ai rencontré Elijah, c'était avec Archie, au café. Je n'aurais jamais deviné qu'ils seraient présents à mon anniversaire. Ils n'étaient que des inconnus, mais un jour, ils sont devenus plus. Je ne peux pas encore dire « ami », mais je l'espère.

— J'ai surtout dû te faire peur.

— Je l'avoue, un peu. Je pensais que tu étais un pervers.

— Je menais l'enquête pour Morgan ! se défendit le bouclé.

Un nouveau rire traversa la table.

Comme à son habitude, Archie remercia le blond du regard.

— Isaac, je voulais te remercier pour la patience dont tu as fait preuve pendant toute ma période d'essais. Tu étais toujours là pour rattraper mes erreurs et plaider ma cause après du patron. C'est grâce à toi que j'ai encore ce boulot...

— Tu ne m'as pas vu à mes débuts, j'étais une catastrophe, donc je connais.

Il n'y avait donc pas qu'Andy, qui faisait des gaffes plus grosses que le monde ?

Il y eut un silence, comblé par un fond de musique des années quatre-vingt. Andy reprenait son souffle, sentant presque toute son énergie être aspirée par les aveux qu'il adressait aux membres de son cercle proche.

— Mais... on ne peut pas se mentir... Vous êtes merveilleux, mais la meilleure rencontre que j'ai faite, c'est celle avec Morgan. J'étais parti faire des photos, et on s'est croisés. Ensuite, on s'est revus au café, et on a commencé à se voir pour mes cours. Je ne pensais pas qu'on irait jusque-là. Se mettre en couple, je veux dire. C'est... c'est quelque chose d'immense, et... et j'en perds les mots, en fait.

Il ne lutta pas, lorsque Morgan embrassa tendrement sa tempe.

— C'est certainement tôt, mais là, tout ça, j'aime le cercle que nous sommes.

Personne ne bronchait. Noa regardait son frère avec fierté. Elle ne l'avait jamais entendu parler aussi longtemps, et avec tant d'émotions. Généralement, il se cachait et laissait couler les choses. Elle était heureuse qu'il soit allé au-devant de ses peurs de s'ouvrir aux autres. Elle était fière d'être la petite sœur d'un garçon aussi fort.

— Mec, je ne sais pas quoi dire... murmura Victor.

— Ne dites rien, c'est pas grave. Il fallait juste que ça sorte.

Après avoir dit ces mots, Andy se sentait libéré d'un poids qui semblait lui peser sur la poitrine. Il ne s'en était pas rendu compte avant, mais parler de ce qu'il ressentait avait un côté libérateur. Être entouré de Morgan et de Noa lui avait donné assez de courage pour le faire. Quelque part, au fond de lui, il espérait pouvoir répéter cette action d'autres fois.

— Je crois que les pizzas sont froides, maintenant, remarqua Noa.

Les adultes esquissèrent un sourire à la remarque. La plus jeune avait brisé cette ambiance de gêne post-révélation. Ils se regardèrent un peu, et certains se levèrent de nouveau pour passer leur part au micro-onde.

Andy resta cloué sur place. Il avait les jambes en coton, si bien qu'il était certain que s'il se levait, il tomberait. Le cœur battant, il regardait la vie s'agiter autour de lui. Il savait qu'il avait les joues rouge vif. Il se demandait quelle vision il donnait de lui.

C'était donc cela, d'être heureux ?

Il n'avait pas l'habitude de l'être, alors il douta.

Là, entouré, il se sentait bien, en sécurité et apprécié pour ce qu'il était. Oui, c'était certainement ce sentiment compliqué. Il était heureux. Mais quelque part, au fond de lui, il savait que c'était le premier jour de bonheur d'une très longue série.

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Hey vous ! 

Voici un nouveau chapitre !  

Des avis ? :) 

(Désolée pour le retard, Wattpad ne voulait pas que je publie...)

Bisou sur votre joue gauche, 

Rheexus

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