CHAPITRE 50
Andy cliqua sur le bouton « envoyer ».
Son cœur battait vite.
Le jeune homme referma le clapet de son ordinateur en repoussant sa tête vers l'arrière. Il venait de rendre l'un de ses devoirs qui lui avait prit le plus de temps. Le dernier en date avait été le portrait de Morgan. Il se rendait compte aujourd'hui que cela avait été l'une des meilleures décisions de sa vie. La veille, ils avaient fêté leur un mois en tête à tête, avec la fin de leur série en fond. Entre deux coups de fils d'Elijah, ils avaient passé leur temps à se câliner sous une couverture épaisse. A leurs yeux, la soirée avait été parfaite.
Maintenant, Andy se rongeait presque les ongles sous l'appréhension. Il avait eu le temps d'envoyer un message à Morgan pour lui informer que son dessin avait été transmis à son enseignant. Sam venait de partir de l'appartement, lui faisant promettre de le tenir au courant pour la réponse qu'il aurait.
— Bon, pourquoi tu paniques autant ? demanda Cerise, assise sur l'accoudoir.
— Tu sais bien que Blondie stresse toujours pour rien, renchérit Victor.
— Ce que vous dites ne m'aide pas vraiment.
— Et que veux-tu qu'on dire pour que tu te sentes mieux ?
— Je n'en sais rien, marmonna le blond en soupirant.
— Voilà, affaire réglée ! s'exclama Cerise.
Leurs trois ordinateurs étaient posés autour d'eux. Ils avaient choisi de passer l'après-midi ensemble pour s'avancer dans leurs devoirs à rendre. Par chance, ils n'avaient pas cours en présentiel, car les enseignants avaient reçu une convocation de dernière minute pour les formations qu'on leur proposait de faire courant l'année.
— Et si on profitait du reste de l'après-midi pour faire quelque chose ?
— Toi, tu as une idée en tête ? rétorqua Victor à la rouquine.
— J'ai envie de faire les boutiques !
Les deux garçons se regardèrent, interloqués. Ils n'étaient absolument pas emballés par l'idée d'aller où que ce soit. Dehors, il faisait froid, et ils n'avaient pas envie. Cependant, les yeux pétillants de leur amie les suppliaient.
— Allez, s'il vous plaît ! J'en ai marre de rester cloitrée chez moi !
— Mais pourquoi tu nous entraînes ?
— Il est évident qu'il faut changer les idées d'Andy, voyons, bougonna Cerise.
— Je suis encore un prétexte, donc ? rétorqua le concerné.
— Il faut bien !
La demoiselle explosa de rire devant son ami qui levait les yeux au ciel. Elle se mit sur ses deux jambes, s'étira et fourra son ordinateur dans son sac à dos, après l'avoir mis en veille. A ses côtés, Victor faisait déjà de même. Andy n'allait donc pas avoir d'autre choix que de les suivre. Ils se bagarrèrent gentiment le temps de lacer leurs chaussures et de mettre leurs manteaux. Ils n'avaient vraiment pas envie d'aller braver le froid, mais pour faire plaisir à Cerise, ils étaient prêts à prendre le risque d'être congelés sur place.
— Y'a pas à dire, ton immeuble fait vraiment flipper, déclara la jeune femme.
Les clefs encore en main, Andy verrouillait la porte. Il fallait avouer que les marches de bois faisaient du bruit, alors qu'on jouait à pile ou face, pour savoir si elle résisterait au poids de ceux qui marchaient dessus. Le propriétaire avait fait changer les néons la semaine passée, si bien que la lumière qui s'en échappait était un peu trop vive. Andy devait saluer l'entêtement de son colocataire, pour cela. Les voisins de palier étaient venus le remercier lorsqu'ils avaient compris à qui ils devaient cette modification.
— J'ai surtout fait en fonction de mes moyens, donc je ne me plains pas trop.
— C'est clair qu'ici, le loyer est élevé. C'est un bon plan, la coloc'.
— Tu vis encore chez tes parents, non ? demanda Victor.
— J'ai l'impression d'avoir quarante ans et d'être toujours célibataire, comme tu en parles, c'est génial, rouspéta l'étudiante. Mais ouais, on est à une trentaine de minutes de l'école en vélo, alors c'était un peu ridicule de me prendre un appart'. Ça fait des économies pour ma sœur qui est à Paris.
— C'est un tout autre niveau !
— Me demandez pas pourquoi, mais elle voulait vraiment y aller, dans cette école.
La rousse avait l'air passablement détachée de la situation. Elle haussa les épaules avec une mine boudeuse. Elle ne parlait jamais de sa famille, si bien qu'Andy et Victor ne connaissait même pas le nom de la rue où elle habitait. La porte de ferma sur leur passage, avec un grand fracas. Comme elle ne se verrouillait plus, elle rebondit au lieu de se fermer. Andy enclencha le verrou de fortune à la main. Samaël avait réussi à négocier la lumière, mais la sécurité était encore mise à rude épreuve. Heureusement qu'ils ne vivaient pas dans l'un des quartiers qui craignaient, comme ils les appelaient.
— J'espère que tu n'as pas envie de faire tous les magasins du centre, pesta Victor.
— C'est vrai qu'on se pèle le cul.
Elle attrapa les bras de ses amis et les tira en avant. Andy se laissa faire devant la bonne humeur de la rouquine. Son sac gonflé sur le dos, elle ressemblait à une tortue ninja à la crinière flamboyante. Le blondinet s'amusa à imaginer des noms, vu qu'elle était extravagante et pétillante, mais il s'abstint de faire un choix. C'était un peu ridicule, comme pensées. Il se tut et suivit les deux autres. Cerise expliquait quelque chose à Victor avec de grands gestes. Elle ne faisait pas vraiment attention où elle marchait, et manquait de heurter les passants en se retournant brusquement vers le brun.
Un peu en retrait, Andy se demanda comment il pouvait faire parti de leur groupe. Il n'était pas comme eux. Il était plus discret, et s'inquiétait beaucoup trop sur tant de choses futiles. Il se laissait submerger par la panique dès qu'il ne parvenait pas à gérer les évènements. Pourtant, les deux amis lui avaient tendu les mains lorsqu'il s'était retrouvé avec son camarade de classe qui n'avait pas la moindre sympathie pour lui. Cerise avait débarquée comme une fleur, avec son tact et sa voix forte. Elle s'était fait une place dans sa vie, au même titre que Victor. Les deux l'avaient accepté au sein de leur duo.
C'était encore étrange d'y penser.
— Tu rêves ?
Andy cligna des yeux pour tomber dans ceux de la demoiselle rousse qui marchait à reculons, histoire de l'avoir dans son champ de vision. Elle failli se casser la figure lorsque la semelle de sa chaussure glissa sur le côté d'un pavé.
— Non, j'étais en train de me dire que vous êtes un peu étranges de m'avoir accepté.
Les deux amis se regardèrent avant d'exploser de rire. Le son se répercuta sur les surfaces vitrées des magasins qu'ils dépassaient. Certains passants se retournaient sur leur passage, mais la plupart s'en fichait comme de l'an mille.
— Tu deviens sentimental ? se moqua gentiment la jeune femme.
— Arrête, ce n'est pas drôle, se défendit le blond.
— Ça ne l'est pas. Mais je suis heureuse d'être étrange, dans se cas. Et toi ?
— La question ne se pose pas, enchaîna le brun.
Andy ne parla pas, mais son silence disait beaucoup de choses. Cerise et Victor en étaient conscient, si bien qu'ils ne l'embêtèrent pas plus que cela. Ils se mirent à son niveau pour macher. Ils s'arrêtèrent plusieurs fois pour faire du lèche-vitrine avant de rentrer dans une boutique. La seule demoiselle du trio avait une envie incommensurable d'aller voir de la lingerie. Le blondinet se demanda alors pourquoi il se trouvait dans une allée, entre des culottes en dentelle et des soutiens-gorges assortis. Il était heureux de ne pas avoir a se casser la tête. Un boxer, et cela faisait l'affaire, pour Morgan.
— Qu'est-ce que tu en penses ? demanda la rouquine.
Le rideau de la cabine venait de s'entrouvrir pour l'inviter à entrer. Le jeune homme le fit afin d'avoir la paix et découvrir son amie en sous-vêtements. Elle ne semblait absolument pas gênée, et il savait qu'il ne materait jamais. Apprécier les courbes d'une femme, à la limite, mais rien de plus poussé.
— Le soutif est trop grand, non ? Mais je n'y connais rien, alors...
— Je le pense aussi. Attends, je vais essayer l'autre taille.
Elle se dévêtit sans même lui demander de se retourner. Par pudeur, Andy braqua son regard dans le coin de la grande cabine, le temps qu'elle change de haut. Du bout du pouce, il caressa la dentelle sur une coque qui pendait à un crochet. Il n'en avait jamais porté, mais il trouvait cette finesse tout à fait charmante.
— Alors ?
— Mieux. Beaucoup mieux. Le bleu nuit te va vraiment bien.
— Parfait ! s'exclama la jeune femme.
— Tu veux plaire à quelqu'un en particulier, ou c'est ton petit plaisir ?
— Je te raconterais plus tard, si tu veux, avoua-t-elle sur le ton de la confidence.
Andy hocha du chef avant de sortir de la cabine. L'une des vendeuses le regarda étrangement de la tête aux pieds. Elle semblait se demander s'il avait essayé un ensemble, ou s'il avait conseillé une personne. Finalement, elle se détourna, un air de dédain sur le faciès. Les femmes étaient d'étranges personnages, à n'en pas douter.
— Elle a enfin choisi ?
— Toi, par contre, tu as fait des emplettes !
Victor avait l'air rayonnant. Andy était un peu gêné d'être dans ce genre de magasin, il fallait l'avouer. Son ami avait l'air totalement à l'aise, avec son sac au bout du bras. La marque écrire en doré sur fond blanc attirait l'œil.
— Oui, j'ai envie de faire plaisir à ma copine. Elle rêve d'un rose pâle.
— Tu es romantique, en fait, s'amusa l'autre.
— Tu ne connais pas toutes mes facettes ! Je suis un homme mystérieux...
Il haussait un sourcil avec un sourire en coin. Andy voulu répliquer, mais il se tut, lorsque Cerise sortie de la partie essayage, de nouveau habillée, coiffée d'une queue de cheval lâche, faite à la va-vite. Elle alla directement payer ses achats et plaisanta avec la vendeuse. Visiblement, elle était habituée à ce magasin.
— Bah, tu mets de la lingerie toi ? demanda-t-elle en sortant.
— C'est sûr que j'adore mettre des strings et des brassières ! renchérit Victor.
— Certains hommes le font, tu sais.
— Certes, mais pas moi. C'est pour quelqu'un.
— Ha ? Et qui c...
— On peut aller de celui-là ? demanda Andy en pointant une devanture.
C'était une friperie à bas prix. Elle faisait partie des rares magasins de vêtements où il allait. Parfois, il trouvait des pépites. Comme la fois où il avait réussi à dénicher une paire de Dr Martens pour une bouchée de pain.
— Tu t'habilles donc ici ? Je n'y aurais jamais pensé !
Ils entrèrent tous les trois, et les tapis colorés étouffèrent le bruit de leurs pas. Deux trois clients flânaient entre les portiques alors qu'une femme était en train de payer ses articles, à la caisse. On leur offrit une salutation enjouée par l'homme qui tenait la boutique depuis des années. Peu habituée à ses lieux, Cerise partit en direction des vestes et manteaux.
— Ho regarde, comme c'est beau ! Vous pensez que ça me va ?
— La taille est peut-être un poil trop grand... attendez, j'ai une similaire mieux taillée.
La rouquine se retourna pour voir la personne qui lui parlait. C'était bien la première fois qu'Andy assistait à ce phénomène, mais elle rougit furieusement. Elle se mit à bredouiller des choses incompréhensibles à l'étudiant qui lui faisait face. Victor et Andy échangèrent un regard, interloqués.
Qui était ce gars ?
Sans même se concerter, ils eurent la même idée ; sortir et cuisiner Cerise.
— Je te verrais bien avec ça, enchaîna le brun en sortant une veste large.
— Quoi ? Tu me verrais vraiment avec ça ? s'étonna le blond.
— Carrément. Vas-y, essaye-là !
Andy enleva son manteau avant de l'échanger pour la veste en velours noir. Elle était un peu grande, mais chaude. La doublure était assez épaisse pour sentir la différence. Il regarda le prix qui pendait à la manche et pâlit. C'était trop cher pour se le permettre.
— Ouais, elle est superbe, mais je verrais une prochaine fois.
Un peu plus loin, Cerise était en pleine conversation avec l'inconnu. Elle se regardait dans le miroir, et le garçon lui montrait certains détails de la veste. De son comptoir, le propriétaire de la boutique regardait ces jeunes qui s'agitaient sur les tapis.
— Elle vous va vraiment bien ! clama-t-il en lorgnant Andy.
— Heu, merci, mais je vais passer mon tour, cette fois.
Il était nerveux. Ses mains tremblaient un peu, lorsqu'il passa les manches sur le ceintre en bois. L'étiquette coincée sur le crochet pour que le vêtement ne tombe pas. Il le reposa sur la tringle, et songea que c'était dommage de se priver ainsi.
— Pourquoi ? Le prix est trop élevé ? L'état n'est pas assez bien ? Pourtant, je choisis avec soin ce que je peux proposer à la vente, annonça l'homme en venant vers les deux amis, contrarié. J'espère qu'il n'y a pas de gros problème ?
— Ho... Je... Je n'ai pas les moyens, en fait, alors... une prochaine fois ?
— Je vous connais, vous venez ici, souvent.
— Vous me reconnaissez, alors ?
— Une tignasse blonde comme la votre ne s'oublie pas. Comme vos yeux.
Distraitement, Andy passa sa main dans ses mèches libérées qui coulaient dans son dos. Quelqu'un l'avait donc remarqué. Cela n'arrivait pas souvent, lorsqu'il passait en coup de vent dans les magasins, se faisant peur avec les prix, ou en évitant les gens avec le plus grand soin. Le blond baissa les yeux, intimidé, devant le regard doux de l'homme.
— Que pensez-vous d'une remise ? Vous êtes un client fidèle, tout de même.
— Vous... Vous ferez ça ? Pour de vrai ? bredouilla Andy.
— Je ne suis pas à quelques euros près pour aujourd'hui, petit.
Le blond écarquilla les yeux de surprise lorsque l'homme prit le cintre et l'emmena sur le comptoir afin d'enlever les étiquettes et noter le prix de l'article sur une feuille déjà bien remplie. Visiblement, la boutique tournait bien, au cœur de la ville. On lui annonça le nouveau tarif, et il failli pleurer de joie. Ce geste était une bénédiction. Il allait pouvoir se faire plaisir, tout en payant ses études et son loyer. Comme dans un rêve, on lui tendit un sac recyclé, et on le poussa vers la sortie, après qu'il eut payé l'article.
Victor le guidait par l'épaule, alors qu'il se dirigeait machinalement entre les portiques. Quelques secondes après, Cerise les rejoignit avec un immense sourire et un sac supplémentaire au bout du bras. Andy descendit de son petit nuage de bonheur lorsqu'il sentit le vent glacial couler sur sa nuque. Il pesta en remettant son écharpe en place.
— Et bien, ça te fait de l'effet, d'acheter quelque chose, plaisanta la rousse.
— On dirait toi avec ce mec ! rétorqua Victor, fier de sa répartie.
— Faut qu'on aille prendre un chocolat, j'ai des trucs à vous raconter, les gars !
Andy suivit le mouvement, évitant habilement les passants. Ses deux amis étaient déjà partis dans une discussion autour de cet étrange inconnu. Du moins, pas si inconnu que cela pour la demoiselle qui le faisait bien comprendre au brun.
— Dis, vous pensez qu'une veste peu signer une nouvelle vie ?
— J'en suis convaincu. Elle était faite pour toi, c'est un signe.
— Bien sûr ! Tout pareil que Vic', c'est un symbole, c'est clair.
Alors, ce jour-là, il avait marqué une nouvelle vie grâce à une veste en velours.
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Hey vous !
Voici un nouveau chapitre !
Des avis ? :)
(J'ai complètement oublié qu'on est mardi... Désolée)
Bisou sur votre joue gauche,
Rheexus
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