CHAPITRE 47

Avoir des cheveux blonds dans le visage était devenu une habitude. Surtout lorsque le soleil pointait à travers les nuages, et qu'Andy dormait profondément. Sur le dos, une de ses jambes essayait de s'échapper des draps. Ses longs cils blonds formaient des ombres majestueuses sur ses joues pâles. De petites constellations parsemaient ses joues. Le brun adorait les contempler.

Mais pas à six heures du matin, alors qu'il devait se préparer pour aller au travail.

Déçu, il soupira avant d'éteindre son alarme. Il ne voulait pas réveiller son petit ami par inadvertance. Il avait découvert qu'il était grognon, lorsqu'il était tiré de ses rêves par la voix mécanique du portable du brun. Un fois, il avait tiré la tête pendant des heures, car il l'avait extrait d'un rêve agréable, selon ses dires. Après un dernier regard pour observer le blond se retourner, Morgan s'engagea vers la salle de bain. Une bonne journée commençait toujours par une bonne douche.

Le parquet du couloir était froid sous ses pieds. Chaque pas le réveillait un peu plus, lorsque son épiderme frissonnait à cause du changement de température. Le bois craquait. Malgré les années, il travaillait encore. La peinture blanche des murs formait une allée d'honneur qu'il prenait tous les matins. La salle de bain l'accueilli, avec ses plantes qui vivaient sous la fenêtre. A côté de la double vasque, le dentifrice et la brosse à dent d'Andy trainaient. Le bouchon était abandonné un peu plus loin. Les produits s'alignaient les uns après les autres en dessous du grand miroir. Ses yeux bruns de la même couleur que ses cheveux apparaissaient un peu plus haut, dans le reflet. Par habitude, il se dévêtit et exposa sa nudité à la cabine de douche. Il y entra en quelques secondes et y resta très peu de temps. Il ne voulait pas perdre de précieuses minutes, dès le matin. Moite de vapeur, il enroula son corps dans une grande serviette. Le contact de l'éponge contre sa peau le ravissait. Il enfila un pantalon clair assorti à une chemise cintrée.

En chaussettes, il relia la cuisine où le noir et le silence ouvrirent leurs portes. Après avoir allumé la lumière, il mit en marche la cafetière d'où coulait déjà la boisson à l'odeur entêtante. Morgan plongea le nez dans son téléphone, comme tous les matins. Il se devait d'être au courant de ce qu'il se passait à l'hôpital, pendant son absence.

Ce n'étaient que des bonnes nouvelles, aujourd'hui.

— Tu te lèves toujours aussi tôt ? couina Andy en arrivant dans la cuisine.

— Parfois, c'est l'heure à laquelle je me couche, répondit Morgan.

Un bâillement. Les yeux félins ne devinrent que des fentes.

— Comment tu arrives à tenir le rythme ?

— On s'y fait, à la longue. Excuse-moi de t'avoir réveillé, surtout.

Andy se frotta une nouvelle fois les yeux pour tenter de ses ouvrir en grand.

— C'est pas grave. J'avais l'intention de te voir avant que tu ne partes.

Morgan trouva que l'expression enfantine du blond était tout à fait attendrissante. Il peinait à garder les yeux ouverts, alors qu'il s'embrouillait presque lui-même avec les mots qu'il voulait lui adresser. Là, de l'autre côté de l'ilot et portant une de ses chemises, son cœur flanchait. Qu'avait-il fait d'assez bien pour qu'on lui fasse croiser le chemin d'Andy ? Il n'en avait aucune idée, mais n'allait pas s'en plaindre. Cela pourrait peut-être inverser le cours des choses, et c'était son dernier souhait.

— Si tu allais te recoucher ? Tu as petite mine.

Andy hocha lentement la tête pour montrer son accord.

— Mais je veux un bisou avant... réclama-t-il en s'approchant du brun.

Il le réceptionna dans ses bras, avant de lui offrir un câlin. Assez longtemps pour qu'il sente son petit ami s'assoupir contre lui. Il embrassa son front avant de le soulever par les cuisses. Instinctivement, dans le brouillard, Andy entoura ses hanches de ses jambes. Il grogna lorsque son dos rencontra la surface moelleuse du matelas. Morgan allait partir, pour ne pas le réveiller, lorsque son poignet fut faiblement attrapé.

— J'ai pas eu mon bisou, se plaignit faiblement le blond.

— C'est qu'il est capricieux, en plus de ça.

L'étudiant sourit à moitié. Le médecin s'assit au bord du lit et déposa ses lèvres sur ceux du petit blond. Il n'y avait rien de plus, juste un contact rassurant. Satisfait, Andy se tourna avec un soupir de soulagement. Quelques secondes suffirent pour qu'il retourne dans les Limbres de ses songes. Morgan le regarda un instant, avant de se rendre compte qu'il avait fichu en l'air sa routine. Le cœur battant, il fit volte-face et se rua dans la cuisine.

Par rapport à l'heure du four, il avait sept minutes de retard sur son programme.

« Bordel »

Il s'activa plus rapidement pour combler ce retard. Le brossage de dents fut plus énergique que d'ordinaire. Il ne vérifia pas son sac avant d'en saisir la hanse et de la passer sur son épaule. Son écharpe était mise de travers, mais peu importait. Dans l'ascenseur, il laça ses chaussures, mais batailla avec le sac qui tombait sur son bras. Ce fut avec un grognement qu'il se releva, après avoir ressentit l'à-coup de la cage de fer. Dehors, il courait presque, quitte à s'étaler sur les pavés. Les semelles de ses Dr Martens devenaient un peu lisses avec ces ports répétés, et le sol glissant était une aventure à lui seul.

Il passa les portes vitrées de l'hôpital, les joues un peu rouges. Finalement, il avait deux minutes de retard. Les secrétaires le regardèrent étrangement. Ils se demandaient pourquoi il le pressait autant ce matin-là. Il n'y avait pas d'urgence, pourtant. La femme qui était au téléphone pour donner des directives lui adressa un salut de la main. Ils n'avaient pas remarqué son manque de ponctualité.

— Ha, Morgan ! Tu tombes bien, tu peux venir voir un truc avec moi ?

— Je peux aller poser mes affaires avant ? demanda le brun.

— Bien sûr, je t'accompagne, pour être certaine que tu n'oublies pas, ria Eva Prast.

Les deux médecins entrèrent dans la boîte métallique sans un mot. Le docteur Prast n'était pas une grande bouche comme Luna. D'ailleurs, ne plus l'avoir dans les pattes ravissait Morgan. Contrairement à ce qu'il pensait, ne plus la voir graviter autour de lui l'apaisait. Elle ne cherchait pas à communiquer avec lui, donc il ne le faisait pas en retour. C'était surement égoïste de sa part, mais il s'en fichait. Maintenant, il avait d'autres choses auxquelles penser qu'une femme trop énergique.

Il tourna la poignée de la porte, avant de rentrer dans le bureau pour caler son sac contre le mur et troquer son manteau pour sa blouse blanche. Disponible, sa collègue le précéda dans les couloirs jusqu'à son propre bureau. Il était aussi grand que le sien, un peu moins lumineux, peut-être, mais paraissait beaucoup plus rangé. Il n'y avait pas des feuilles volantes un peu partout, et les classeurs des dossiers étaient parfaitement alignés.

— L'étudiant à fini son stage, et il a une soutenance. Pourras-tu t'y rendre ?

— Ce serait quand ?

— Dans un mois, mardi douze février. Qu'est-ce que tu en penses ?

C'était bien la première fois qu'il avait le choix d'aller ou non à une soutenance. Le garçon avait été très productif et intéressé par ce qu'ils faisaient. Il n'avait jamais rechigné aux tâches qu'il lui avait confié, alors c'était la moindre des choses. Il accepta avant qu'Eva ne lui donne des documents à remplir pour communiquer sa présence à l'école.

Aujourd'hui était vraiment une drôle de journée.

— Tu fais une tête étrange, quelque chose te froisse ?

— Non, je... je ne fais pas comme d'habitude depuis ce matin et c'est...

— Bizarre ? En quoi ça le serait ?

— En rien. Enfin, je crois.

— Alors il n'y a pas à s'en faire ! Tu es attaché à ta routine, n'est-ce pas ?

Morgan marmonna quelque chose alors que l'heure tournait.

— Je suis arrivé en retard, tout à l'heure.

— Pourquoi ? s'étonna Eva en croisant les bras sur sa poitrine, étonnée.

— Mon copain à dormi chez moi, et ça m'a décalé dans mon planning.

La brune ria si fort qu'elle rejeta sa tête en arrière. Devant la tête déconfite de son collègue, elle laissait l'hilarité gagner du terrain. Elle ne connaissait pas vraiment Morgan en dehors de leur travail, mais elle savait qu'il avait toujours été seul. Du moins, depuis qu'ils se connaissaient.

— Mais, Morgan ! s'esclaffa-t-elle, les yeux brillants.

Le brun ne répondit pas, levant les yeux au ciel devant cette moquerie à son égard.

– Tu ne trouves pas que c'est le meilleur imprévu qu'il puisse t'arriver ? demanda-t-elle sérieusement.

— Il n'est pas un... commença-t-il avant de se taire. Si, c'est le meilleur...

Il fallait avouer que depuis que le blond était rentré dans sa vie, il avait fichu un gros coup de pied à ses certitudes et ses routines. Il ne comptait plus le nombre de fois où il était allé au café pour le voir, avant de sortir ensemble. Le nombre de messages qu'il avait reçu dans la journée, juste pour prendre des nouvelles où lancer une blague. Ce changement avait commencé ainsi. Par petites touches, puis par chamboulement. Son cerveau quadrillé avait intégré Andy petit à petit, dans l'une de ses cases. Elle s'était ouverte pour se déverser sur ses diverses activités.

Andy.

Il était arrivé comme une tornade, et ne s'en était même pas rendu compte. Il avait tout balayé sur son passage avec son sourire timide, sa maladresse et ses magnifiques yeux verts. Sans le voir venir, il avait changé quelque chose au creux de Morgan.

— Je sens que ça cogite, là-haut. J'ai tors ? demanda Eva en tapotant son front.

Morgan eut un mouvement de recul, surpris.

— Non.

— Apprends à lâcher prise, alors. Ce gars, je suis sûr qu'il t'y aidera.

Morgan hocha simplement la tête. Il était presque huit heures. Son service allait bientôt débuter, et il n'avait pas trié et rangé les documents de la veille. Quelque part au fond de son crâne, il sentit une pointe de déception de lui-même. Mais l'autre partie, la plus imposante fit taire se sentiment en s'asseyant dessus. Comment un simple ressentiment pouvait gâcher une nouvelle découverte ?

— File, je n'ai plus besoin de toi. Tes patients vont encore te réclamer.

Le brun prit une fausse mine outrée pour faire rire son amie.

— Ils le font, d'habitude ? s'étonna-t-il tout de même.

— Le premier jour où tu as été en vacances, la petite de la chambre trente-huit ne voulait pas que je lui fasse son check up. Tu devrais aller la voir aujourd'hui, elle a un gros examen dans l'aile neurologie. Elle a l'air de se remettre peu à peu, c'est plaisant à voir.

— Je le ferais. Merci d'avoir pris soin de mes patients.

— C'est normal. C'est notre boulot, après tout.

Elle lui adressa un clin d'œil avant qu'il ne referme la porte. Alors qu'il évitait les chariots qui allaient de chambre en chambre, il se mit à réfléchir sur ce que lui avait dit la femme. Lâcher prise. Lui en voudra-t-on s'il ne gardait pas cette maitrise qu'il avait quotidiennement ? Lui en voudra-t-on s'il se laissait aller durant quelques heures ? Dans le cadre du travail, la réponse était un grand oui en majuscules. Mais du côté personnel, il n'y avait rien qui l'en empêchait. Devrait-il en parler à Andy, ou essayer tout seul, dans un premier temps ? La porte de son bureau claqua lorsqu'il approuva la deuxième option. Il avisa le plan de travail de son bureau ; des feuilles étaient coincées dans des piles bancales, alors que des dossiers bataillaient pour ne pas tomber.

« Ce n'est pas grave, je rangerais après ma consultation de neuf heures »

Il ne recevait pas de patients dans la pièce avant l'après-midi, était-ce vraiment grave ? Il n'aurait plus qu'à pousser les dossiers et les mettre en ligne, afin de faire un bazar ordonné comme disait Marius lorsqu'il était plus jeune et que leur mère leur ordonnait de ranger leurs chambres. Il avait toujours su y faire, pour contourner les règles.

L'emplois du temps lui confia qu'il devait se rendre dans la chambre soixante-quatorze. Ce n'était pas l'une des ailes aux pathologies graves. Cet homme avait été conduit en urgences, quelques heures plus tôt. Il ne connaissait pas encore ce patient. On lui avait transmis son dossier la veille juste avant de partir du travail. Le précédent médecin venait de prendre sa retraite, déchargeant les patients sur les autres.

Morgan retint une insulte mentale à son encontre. C'était le meilleur moment pour faire cela, lorsque les hôpitaux manquaient de personnel et que celui restant se tuait à la tâche. Il soupira avant de se pincer l'arrête du nez, las.

— Allez, c'est parti pour une nouvelle journée, s'encouragea-t-il.

Le dossier sous le bras, il s'engagea dans le couloir blanc à l'odeur si caractéristique du désinfectant et de la stérilisation. Il regarda distraitement le ballet du corps médical, alors qu'il saluait quelques collègues qui couraient presque, pressés.

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Hey vous !

Voici un nouveau chapitre !

Des avis ? :)

Bisou sur votre joue gauche,

Rheexus

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