CHAPITRE 45
Andy en voulait au monde entier. Pourquoi avait-il fallu qu'il fasse du présentiel lors de la seule demi-journée libre de Morgan depuis deux semaines ? Fulminant, il rangea son carnet de dessin dans son sac avec des gestes brusques. Ils auraient pu passer du temps ensemble, mais non ! Les aiguilles de sa montre avaient dû rougir tant il les avait regardées, maudissant le temps qui s'écoulait trop lentement à son goût.
— Monsieur est grincheux ? demanda Cerise en sortant en même temps que lui.
Le blond dû se faire violence pour ne pas lui répondre sèchement.
— Je suis fatigué, lui menti-il.
Au croisement de deux couloirs, Victor les rejoignit. Il était dix-huit heures, et tous les étudiants présents s'en allaient dans une cacophonie joyeuse. C'était vendredi. Certains planifiaient déjà ses soirée démentes, et d'autres s'éclipsaient sans demander leur reste. Il y avait quelques professeurs qui traînaient, afin de surveiller si les élèves ne faisaient pas de bêtises. Ici, Andy avait toujours l'impression d'être surveillé. Il ne savait pas si c'était réconfortant ou non. Mais maintenant que ses deux amis l'attendaient à la fin des cours et mangeaient avec lui les rares fois où il le faisait à la cafétéria, les élèves ne le scannaient plus du regard. Cela était un soulagement.
— J'espère que notre travail aura une bonne note, réfléchit Victor à voix haute.
— C'est vrai, on s'est cassé le cul pour le faire ! renchérit Cerise.
Le blondinet ne répondit pas, concentré à ne pas rater une marche de l'escalier. En début d'après-midi, ils avaient dû rendre le travail qu'ils avaient fait pour l'université. Le professeur avait eu l'air plutôt satisfait, en recevant leur fichier. Il avait promis à toute la classe de les faire imprimer en grand format par nombre d'élèves dans le groupe.
Le hall était presque vide, lorsqu'ils s'y présentèrent. Cerise avait croisé une enseignante et lui avait demandé des précisions sur un travail à rendre. Les deux garçons l'avaient attendue, pour qu'elle ne rentre pas seule. Vu qu'ils habitaient à peu près dans la même direction, ils avaient décidé de faire le chemin ensemble. Ils avaient passé vingt minutes à attendre dans le couloir. Victor avait eu le nez plongé dans son téléphone pendant tout ce temps, un sourire niais collé au visage. Andy avait pu jurer qu'il s'agissait de sa petite amie. Il avait envie de la rencontrer, mais sentait que cela ne se ferait jamais.
— Purée, enfin le week-end ! s'extasia Cerise en levant les bras au ciel.
— J'ai cru que ça n'allait jamais finir, ce bombardement de projets, rigola Andy.
— On commence un nouveau semestre, c'est normal...
— Tu es toujours terre à terre Vic', tu devrais te dérider un peu, mon vieux !
Dans le froid de l'hiver, leurs exclamations étaient accompagnées de nuages de fumée blanche. Victor s'amusa à en faire volontairement pendant quelques secondes, avant d'enfoncer de nouveau le bas de son visage dans le creux de son écharpe. Andy n'avait même pas tenté la chose. Drapé d'une étoffe chaude, d'un bonnet à pompon et de gants, il ne voulait pas sortir un centimètre de peau. Alors qu'ils passaient les grilles, certains fumeurs leur coulèrent un regard. Un peu plus loin, Andy repéra une silhouette qui était adossée contre le mur. Il ne se souvenait pas qu'un étudiant portait un long manteau gris clair et des Dr Martens basses marron. Il s'en serait aperçu, étant lui-même fan de la marque. Ce n'était clairement pas un étudiant. Ces cheveux bruns en bordel et cette attitude calme ne ressemblait qu'à une seule personne qu'il connaissait.
Morgan.
Andy n'y réfléchit pas à deux fois, et courra vers lui, lorsque leurs regards se croisèrent. Il se faisait l'impression d'un enfant qui retrouvait la personne qu'il aimait le plus au monde. Il failli déraper sur une plaque de verglas, mais se stabilisa au dernier moment avec des mouvements de bras désordonnés.
— Tu es si impatient de me voir ? railla gentiment le brun, amusé.
— Tu n'as même pas idée...
Le blondinet se pendit à son cou, y passant ses bras de part et d'autre. Le nez de Morgan était un peu rougi par le froid, et ses yeux un peu larmoyant par la sécheresse de l'air. Andy posa ses lèvres craquelées sur celles douces de son petit ami. Le brun enserra sa taille, pour le coller un peu plus contre lui. Il détesta immédiatement les épaisseurs qui gardaient leur corps au chaud. En voulant plus, Andy lécha la lèvre inférieure du médecin pour qu'il lui laisse accès à sa bouche. Sa langue continua son investigation jusqu'à danser avec sa jumelle, comme si elles avaient fait cela toute leur vie.
— Tu m'as manqué, avoua Morgan, après lui avoir embrassé le front.
Andy se lova contre lui, gardant sa tête contre son épaule, le temps d'un câlin. Un peu plus loin, il entendait les fumeurs parler fort. Parlaient-ils d'eux, ou ils s'en fichaient complètement ? Le blond ne voulait pas le savoir. Personne ne pourrait percer la bulle de bonheur que Morgan avait construit en venant le chercher à la sortie des cours. Il ne s'y attendait pas. La surprise n'était que plus douce.
— Bon, bah... bon week-end, blondinet ! annonça Cerise, un peu plus loin.
Lorsque l'interpelé tourna la tête dans sa direction, il vit ses deux amis lui faire signe avant se s'éloigner en se poussant par l'épaule. Comme deux enfants, ils s'engouffrèrent dans la rue qui les menait tout droit chez eux.
— Tu veux rentrer ? demanda alors Morgan qui commençait à avoir froid.
— Oui, je me pèle le cul, en fait...
Le brun ria devant le manque de délicatesse de l'étudiant. Lui qui d'ordinaire aimait les belles phrases, il trouva que le froid chassait cette douceur. Il repoussa un peu le plus petit pour entrelacer ces doigts au sien et le tirer dans les rues à leur tour. En passant près des fumeurs, ceux-ci se turent, préférant les regarder marcher, interloqués.
— Tu travailles, ce soir ?
— Non, ma collègue reprend les heures en retard qu'elle a eu, pourquoi ?
— Tu veux passer la soirée chez moi ?
Andy dévisagea Morgan. Il était sérieux.
— Bien sûr, quelle question !
Il allait pouvoir découvrir où son petit ami vivait. Etait-ce dans le centre ? Est-ce que l'appartement était grand ? Non, était-ce une maison, peut-être ? Il chassa cette idée. Il voyait très mal Morgan vivre dans une maison.
— Qu'est-ce qui est en train de se passer dans la tête ? questionna le brun.
Andy fut décontenancé de s'être fait prendre la main dans le sac. Il rougit un peu, mais prétexta que c'était le froid, avant de remonter un pan de son écharpe qui s'était replié sur lui-même.
— Rien du tout.
— Tu sais que tu mens très mal ?
— Quoi ? C'est pas vrai ! J'embobine les gens comme je veux.
— Si c'est le cas, je pense que les gens te bernent depuis des années.
— C'est très dévalorisant, ce que tu dis là, bougonna Andy.
— Es-tu vraiment en train de faire des louanges à ta capacité à mentir ?
— Il faut bien que j'arrive à t'impressionner...
— Tu es bête. Tu le fais déjà, ne t'en fais pas.
Un baiser sur la tempe, et les joues du blond se relevèrent. Il ne savait pas comment il avait réussi à l'impressionner, mais ce devait être assez pour qu'il lui témoigne autant d'attention. Heureux, il se laissa diriger, lorsque la foule devint un peu plus compacte. Les écoliers sortaient des cours. Certains criaient par l'euphorie du vendredi soir. Des parents allaient chercher leurs enfants chez la nourrice, et d'autres échangeaient les cadeaux qu'ils avaient reçu pendant les fêtes.
— Voilà, c'est ici, dit Morgan, en le coupant de son observation des alentours.
Andy releva le nez pour voir un immeuble moderne. Il songea un instant qu'il avait dû bien rire, en voyant le sien. A travers les vitres des doubles-portes, il pouvait entrevoir le hall qui devait être aussi grand que chez lui. Une fois le code tapé, Morgan poussa les battants afin de se protéger du froid. Il n'y avait pas le chauffage, mais le bâtiment leur épargnait le vent glacial qui s'infiltrait sous les vêtements.
— C'est grand... murmura Andy en lorgnant les murs blancs.
— Et il y a même un ascenseur.
— Fiche-toi de moi ! Tu as dû bien rigoler en venant chez moi.
— A part la porte cassée et les lampes de l'escalier, j'aime beaucoup ton chez toi.
— C'est Sam qui a fait la décoration, pourtant, c'est un peu bancal.
Morgan pressa plusieurs fois le bouton qui appelait la cage de métal. Il ne voulait pas l'avouer, mais il était un peu nerveux. C'était la première fois qu'il invitait son petit ami dans un endroit aussi intime. Il essayait de se convaincre qu'il ne faisait rien de mal. Être allé le chercher à son école avait bousculé ses habitudes. Sa bouche avait déversé la proposition avant même qu'il n'y réfléchisse. Son corps contrait les œillères de sa tête.
Andy bouleversait ses habitudes et sa routine.
— Il y a beaucoup d'étages, je ne pensais pas, en regardant de l'extérieur.
Le blond laissait courir ses yeux verts sur les cercles lumineux. Au fond, il y avait un large miroir. Il se rendit compte qu'il ressemblait à un tas d'étoffes, qu'à un humain. Andy ria de sa bêtise, avant de porter son attention sur le brun.
— Il ne fait plus jour, c'est normal.
— Bien vu, Sherlock.
Ce soir, l'étudiant ne se reconnaissait plus. D'ordinaire discret, il avait laissé cet Andy là au placard. Il lâchait la seconde partie de son être. Depuis quelques temps, avant qu'ils ne sortent ensemble, il avait l'impression que la gêne et la timidité s'évaporaient lentement lorsqu'il était au près de Morgan.
Le « ding » sonore les accompagna, juste avant leur descente. Morgan déverrouilla la porte, après avoir bataillé avec la clef. Il ne savait comment, elle s'était un peu tordue et rentrait mal dans la serrure.
— Bienvenue chez moi, annonça-t-il en pressant les boutons des luminaires.
Andy était curieux de nature, si bien que ses yeux furetaient dans tous les coins qu'il pouvait apercevoir. Même s'il s'était laissé porté par son imagination, il n'aurait jamais pensé à un tel logement pour le brun. Grand, sans doute très lumineux, et très impersonnel. Il n'y avait rien qui traînait, la cuisine était rangée au centimètre près. Il ne détecta aucune trace de poussière, ni coussin désordonné sur le canapé. Le blond se demanda même s'il engageait une femme de ménage, pour que tout soit parfait. La réponse était non. Morgan se sentait mieux lorsque tout était à sa place, comme d'habitude.
— Tu es un grand fan de Disney ? demanda Andy en s'approchant des DVDs.
— Ce n'est pas pour moi, mais pour Clem', ma nièce.
— Je me disais aussi, je ne te vois pas chanter sur la Reine des neiges...
Alors qu'il lisait les titres un par un, Andy enlevait les couches de vêtements. Il n'avait pas pu se résoudre à faire taire cette curiosité. « Les films et les musiques que quelqu'un regarde et écoute en disent beaucoup sur lui » disait souvent sa mère. C'était bien là une des rares seules phrases correctes qu'elle lui avait adressées. Le blouson fini sa course dans le creux de son bras, et son bonnet fut fourré dans sa poche. Il se releva sous le regard intrigué de Morgan, pour poser ses affaires sur le porte-manteau.
— Pardon, j'ai été impoli, s'excusa le blond, dos à son hôte.
Morgan l'enlaça par la taille et embrassa l'arrière de son crâne avant de se détacher.
— Il n'y a pas de mal. Tu voudras regarder un film, peut-être ?
— Heu... ça dépend de combien de temps je reste, surtout.
— Tu as cours, demain ?
— Non pourquoi ?
Andy n'aimait pas lorsqu'on lui répondait par une question.
— Reste dormir, alors, lui proposa Morgan, les yeux plongés dans les siens.
Le blond hésita. Ce n'était pas la première fois, certes, mais c'était tout de même très intimidant, lorsqu'il lui proposait ainsi, sans préparation. Au jour de l'an, il s'en était douté, et avait prit des affaires de rechanges, mais ici, il n'avait rien.
— Je pourrais te prêter des sous-vêtements et un pyjama, si tu le souhaites.
Les gens pouvaient-ils lire les pensées, maintenant ?
— Il... Il faut que je prévienne Sam, alors. Il va s'inquiéter...
— Il vaudrait mieux, je ne voudrais pas qu'il appelle la police pour enlèvement.
Andy éclata de rire. Décidément, Morgan était d'une humeur joueuse.
— Il me reste de la tarte aux légumes. Ça te conviendra ?
Pendant que le blond avait tapé son message, le médecin n'était dirigé vers la cuisine pour voir ce qui trainait sans son frigidaire. Il n'y avait pas grand-chose, mais le plat de la veille s'était trouvé excellent. Fier de sa réussite, il était près à la partager.
— Tant qu'il n'y a pas d'ananas sur les pizzas, je mange de tout.
Morgan releva la tête, les sourcils froncés.
— Ne me dis pas que tu en mets ? s'offusqua Andy, choqué.
— Non, bien sûr que non ! Je ne suis pas barbare à ce point, tout de même.
Le blond fut soulagé. C'était presque un critère éliminatoire, à ce niveau. Il s'amusa de sa propre pensée, alors que son téléphone vibrait dans sa main.
Samaël [18 : 57] : Ok Boucle d'or, merci de m'avoir prévenu. S'il y a le moindre problème, tu m'appelles ? Je ne dis pas qu'il y en aura, mais je préfère te prévenir que grand frère Sam est là, si tu as besoin. Passez une bonne soirée, bisous.
Les emojis qui envoyaient des cœurs accompagnait le message. Il répondit avant d'aller prêter main forte à Morgan qui découpait deux grosses parts de nourriture à même le plat. Andy n'osa pas lui dire qu'il n'avait pas faim. Le brun semblait tellement heureux de partager son repas avec lui, qu'il ne voulait pas entacher cette joie débordante. Il ne comprenait pas vraiment pourquoi il semblait être face à un nouveau Morgan, mais l'idée ne le repoussait absolument pas.
— Tu voudrais regarder quoi ? demanda ce dernier.
— Je crois que je serais tenté par un dessin animé...
— Fiche-toi de moi, bougonna le brun en mettant une assiette au micro-onde.
— Non, je ne plaisante pas ! Je n'ai pas encore vu Vaiana.
— Tu veux vraiment le regarder ? s'enquit le plus vieux, surpris.
— On m'en a dit que des bonnes choses. Ça te tente ?
Morgan hocha la tête et lui demanda d'aller le mettre. Andy batailla avec les télécommandes qui étaient alignées sur la table basse. La blanche était pour la musique, mais il s'en rendit compte trop tard, alors il jeta son dévolu sur la noire. Bonne pioche.
— Tu en mets du temps, le taquina le médecin.
— Je ne connais pas ton appartement, c'est pour ça !
— Ça viendra.
Plus qu'une phrase dite à la légère, elle sonnait comme une promesse.
Quelque chose se tordit dans le ventre d'Andy. C'était doux et chaud. Il suivit du regard Morgan qui allait chercher la deuxième assiette remplie, des couverts dans une main et un verre dans l'eau. Il était nonchalant, comme à son habitude. Le blond n'arrivait pas à deviner les pensées qui le traversaient.
— Andy, ton père n'est pas vitrier, tu sais... se moqua gentiment le brun.
Le plus jeune rougit de honte et se décala pour se laisser tomber dans le canapé.
« Non, c'est un connard ».
Mais cela, Morgan ne le savait pas encore.
___________________________
Hey vous !
Voici un nouveau chapitre !
Des avis ? :)
Je tiens à préciser qu'il reste tout pile 10 chapitres :)
Bisou sur votre joue gauche,
Rheexus
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top