CHAPITRE 44
— Louis, pourquoi tu es venu ? souffla Morgan, sur le pas de la porte.
— Parce que c'est dégueulasse, ce que tu as fait ! s'écria l'autre, furieux.
— Et qu'est-ce que j'ai fait de si immoral ?
Il s'éffaça afin de laisser entrer le châtain. Il ne voulait pas que les voisins portent plainte pour cris dans le couloir. Il n'avait décidément pas besoin de cela, en ce moment. Et encore moins d'un Louis qui venait réclamer des comptes. Sa journée avait été difficile, si bien qu'il n'arrivait toujours pas à s'en remettre, même après quelques heures.
— Tu m'as quitté par message !
— Il aurait fallu que nous soyons ensemble pour ça, non ?
Morgan était déjà éreinté de la situation.
Louis prit une mine offusquée, les yeux écarquillés et la bouche entre-ouverte. Il se rendit brusquement compte qu'il avait vécu dans le déni pendant des années. Malgré ce que lui avait toujours dit Morgan, il avait secrètement pensé qu'ils partageaient quelque chose de fort, ou du moins assez unique pour qu'il reste à ses côtés. Seulement, il s'était trompé. Et pas qu'un peu, sur toute la ligne, même.
— Tu me l'avais dit, de toute façon, trancha le châtain.
— Je n'ai jamais laissé un doute planer, tu le sais bien...
Malgré la situation inédite, le brun ne lui voulait pas de mal. Il ne l'avait d'ailleurs jamais souhaité. S'il en était ainsi, c'était qu'il ne devait pas y avoir plus que du sexe, entre eux, mais cela, Louis avait toujours eu du mal à le croire. Voir Morgan toujours seul avait été un des éléments qui l'avaient induit en erreur.
— Je suis juste trop con, apparemment, dit l'homme, un air de défaite sur le visage.
— Tu t'es accroché à la mauvaise personne, essaya de le rassurer le brun.
Ce fut un échec total. Louis le regarda, peiné. Le brun l'invita tout de même à boire quelque chose. Avant d'être des sex-friends, ils étaient amis, et il ne voulait pas perdre cela sur une telle note négative. Le châtain voyait la situation sous le même angle. Il avait perdu des privilèges, mais il s'en remettrait, alors il ne voulait pas tout gâcher bêtement.
— Ça fait combien de temps ? demanda-t-il enfin, après un long silence.
Dans sa main, le liquide noir avait des reflets. Le café venait juste d'être fait. Morgan se refusa cette dose de drogue. Il était fatigué. Il souhaitait dormir un peu plus que trois heures, cette nuit-là. Il n'y arriverait certainement pas, car son cœur s'était rapidement habitué à se lever aux alentours de neuf heures.
— Juste avant Noël...
Louis calcula rapidement. Cela faisait donc un peu plus de dix jours. Quinze, peut-être ? Vu qu'il ne voulait pas le savoir, il ne posa pas la question. Il voulait juste être certain d'une chose ; depuis quand Morgan se fichait de lui ? Du moins, il ne l'avait pas fait, car ils ne s'étaient rien promis, mais cela était tout de même difficile à avaler.
— Ça fait pourtant depuis beaucoup plus longtemps qu'on ne se voit plus.
Le brun ne dit rien, gardant ses yeux rivés sur ses mains.
— J'en conclue donc que vous vous connaissez depuis un bail ?
— Connaître est un grand mot mais... depuis début décembre, on se voyait plus.
Louis compris alors des choses. Toutes les fois où son ami avait refusé de le voir, prétextant qu'il avait eu une dure journée. Pourtant, il savait que lorsqu'il avait une telle pression au travail, il ne demandait qu'à la relâcher le soir venu. Il n'avait pas fait attention sur le coup, mais avec les bonnes pièces du puzzle, il voyait la situation.
— Excuse-moi de m'être accroché à toi, alors...
Morgan n'osa pas lui avouer qu'il l'avait oublié. Andy prenait tellement de place dans sa tête qu'il avait éclipsé toutes les autres personnes qui avaient pu lui faire de l'ombre, à un moment ou a un autre. Il avait un peu honte de le penser, alors il hocha la tête, un air concentré sur le visage, pour que Louis ne devine pas ce qui lui traversait l'esprit.
— Je ne sais pas quoi te dire, en fait, continua le châtain. Tu es quelqu'un de génial, et tu mérites vraiment le bonheur, mais est-ce qu'on pourra tout de même rester amis ? Je ne voudrais pas que ça s'arrête aussi brusquement, tu comprends ?
La voix de Louis était basse, chargée de tristesse. Avouer cela à voix haute était une épreuve. Il n'arrivait pas à mettre des mots justes sur ce qu'ils avaient partagé durant tout ce temps. Ses yeux noisette continuaient de fixer le fond de sa tasse.
— Je suis de ton avis.
— Mais ne me présente pas ton copain. Je ne veux pas savoir qui il est...
Morgan fut peiné de cette réaction, car Andy n'avait rien fait, à proprement parler. Il respecta tout de même ce choix en hochant une nouvelle fois la tête. Louis lui offrit un pâle sourire, avant de finir sa boisson sans un mot. Puis, trouvant qu'ils s'étaient assez expliqués, il prit son manteau qu'il avait enlevé, et passa la porte en sens inverse. Son cœur était lourd et léger en même temps. Cette sensation était étrange. Même s'il avait des sentiments pour le médecin, il s'imagina, quelques temps plus tard, avec un homme à son bras, partageant quelque chose avec lui, sur un pied d'égalité. Il ne reprochait rien au brun, il savait que Morgan ne voulait que son bien. Et lui aussi. Louis disparut avec les portes de l'ascenseur qui se refermait sur sa silhouette fine et ses cheveux châtains.
***
« Putain de merde »
Morgan ne s'était même pas rendu compte qu'il s'était endormi. Il venait de manquer l'appel d'Elijah. En vérité, il n'avait même pas le courage de faire un mouvement vers lui, si bien qu'il se tourna pour se prendre quelque chose dans le visage. Il ouvrit un œil paresseux, et se rendit compte qu'il s'était endormi sur le canapé. L'assise lui faisait face, drapée de cuir clair. Il s'était finalement endormi devant la série qu'il regardait. Du moins, regarder était un grand mot, il entendait la série, plongé dans ses pensées. En grognant, il attrapa son téléphone et activa la lampe torche. Il connaissait le grand appartement par cœur, mais avec la tête dans le sceau, il était capable de se prendre tout ce qui se trouvait dans un rayon de moins de cinq mètres autour de lui. Ce qui voulait dire beaucoup de choses. Comme la commode qui s'enfonça dans sa hanche.
— Bordel...
Le téléphone vibra une nouvelle fois dans sa main. Qui pouvait bien s'acharner à deux heures du matin ? Elijah avait sûrement dû faire une connerie phénoménale pour s'acharner autant à le contacter. Il s'avachit dans son lit, alors que le portable s'éteignait de nouveau. Il n'avait même pas eu le temps de décrocher. Peut-être qu'il se lassera ?
Non.
— Eli, je te jure qu'il faut que tu aies une excellente raison pour m'appeler à cette heure, soupira le brun en portant l'objet à son oreille.
— Hey...
Ce n'était clairement pas Elijah.
— Arthur.
Il y eut un petit rire à l'autre bout du téléphone.
— On parlait de toi avec Eli la dernière fois et... C'est pour ça que tu m'appelles ?
— Yes. Je... voulais te féliciter, en fait...
— Pourquoi ?
— Il n'a pas pu se retenir de me dire, pour vous. Andy ?
— J'espère qu'un jour, il s'étouffera avec sa bêtise, celui-là, marmonna le brun.
— Je pense qu'il vivra plus vieux que nous, pour être certain de nous faire chier jusqu'à la fin, ria son interlocuteur.
Les yeux fermés, Morgan imaginait parfaitement les boucles brunes sautiller sur sa tête. Il savait comment se tordait sa bouche, avant qu'il ne la cache de sa main. Le doux Arthur. Entendre sa voix faisait remonter une affection toute particulière pour lui. Il était son quatrième frère, au même titre que les deux autres et son meilleur ami.
— Je ne voie bien mettre des phrases ridicules sur nos tombes.
— Ne parle pas de malheur ! Personne ne voudra approcher le cimetière !
Un éclat de rire s'envola.
— Tu reviendras, un jour ?
Le rire s'éteignit peu à peu pour se murer dans la réflexion
— Je vais essayer de me débloquer cet été. Vous me manquez tous.
— C'est également le cas ici. D'ailleurs, vous m'avez fait des cachoteries.
— Wait, I'm on the phone ! Okay, . Pardon, tu... ha, oui.
Un silence tomba entre eux, mais Arthur se racla la gorge. Il soupira avant de se lancer dans des explications. Il commença plusieurs fois sa phrase, mais se stoppa en chemin, pour revenir en arrière. L'homme ne savait pas par où débuter.
— On est sortis ensemble pendant cinq mois avant mon départ. C'était bien, mais le fait d'être de l'autre côté de l'océan à un peu brisé la magie. Il n'y a pas grand-chose à dire. Tu ne l'as pas su, parce que je ne voulais pas le dire. Tu m'en veux ?
— Pourquoi donc ?
— Je t'ai menti. Enfin non, nous t'avons menti.
— Ce n'est pas comme si tu avais tué un chat en le faisant exprès.
— Tu apprécies les chats, maintenant ?
— J'les ai jamais détesté. Deux en particulier m'ont fait changer d'avis, c'est tout.
Arthur babilla un peu, mais le sommeil attendait Morgan au détour d'un mot. Ses paupières étaient tellement lourdes qu'il peinait à rester éveillé. Pourtant, ce n'était pas l'envie qui lui manquait. Parler avec son ami avait quelque chose de réconfortant.
— Je suis content de pouvoir parler un peu avec toi, murmura Arthur.
— Ça fait longtemps, c'est vrai. Pourquoi tu n'as pas appelé avant ?
— Et toi, pourquoi tu ne l'as pas fait ?
Arthur n'essayait pas de lui jeter la faute dessus, mais il avait un peu honte de l'avouer.
— Ne me la fait pas à l'envers, ricana Morgan, s'endormant peu à peu.
— J'osais pas, voilà... J'avais peur que tu le prennes mal, se défendit le bouclé.
Le brun ne répondit pas. C'était son ami tout craché, à ne pas vouloir déranger les autres. Discret, il préférait attendre que faire le premier pas vers les autres. Une pensée traversa l'esprit brumeux de Morgan.
— Du coup, notre règle de ne pas passer sur le copain des autres est révolue...
— C'est dégeu, dit comme ça ! rigola Arthur.
Les deux rirent. Puis, le bouclé se rendit compte de l'heure qu'il était à Bordeaux. Il s'excusa platement après de son ami, plusieurs fois, même, et lui souhaita une bonne nuit. Arthur n'avait pas du tout pensé au décalage horaire. Il avait reçu le message d'Elijah il y avait un peu plus de trois heures, et il lui avait fallu tout ce temps pour se motiver à appeler Morgan. Il avait eu tellement peur de se faire crier dessus qu'il avait repousser ce moment fatidique. Ensuite, il s'était dit que c'était le médecin, et que jamais il ne lui crierait dessus. Pour dire vrai, Arthur n'avait jamais vu son ami énervé, et il ne voulait pas le découvrir. Les personnes calmes étaient les plus explosives, lorsque cela sortait, c'était bien connu.
— Fais de beaux rêves, Morgan.
Cependant, le brun ne l'entendit jamais. Avec ce court laps de temps silencieux, Morphée l'avait emmené, sans lui demander son avis. Dans le creux de son oreille, la communication coupa, après une promesse qu'il n'entendit pas non plus.
La journée était enfin terminée. Quelque par au fond de son sommeil, Morgan se sentait paisible. Il avait réussi à s'expliquer avec Louis, et Arthur l'avait contacté. Il n'avait pas espéré autant de chose en vingt-quatre heures. Le matin, il s'était levé en se disant qu'il avait juste envie de se coucher. Dormir pendant plusieurs jours était une excellente idée, vu ce qui l'attendait dans les prochaines semaines de travail. Ses collègues avaient pris en charge ses patients, mais dorénavant, il devait remettre les informations en ordre et reprendre là où on l'avait laissé. Eva Prast faisait un formidable travail, si bien qu'il ne s'était même pas soucié de cela, pendant ses vacances. Les premières vacances de Noël depuis des années. Sa vie avait pris un tournant décisif durant cette période.
Après cette parenthèse où il n'avait pensé à rien d'autre que lui et Andy, la chute était difficile. Il peinait à reprendre son rythme de vie à cent à l'heure.
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Hey vous !
Voici un nouveau chapitre !
Des avis ? :)
Bisou sur votre joue gauche,
Rheexus
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