CHAPITRE 42
Lorsqu'Andy se retourna, son bras buta contre quelque chose. Et ce n'était clairement pas le mur. Il ouvrit difficilement un œil en grognant à cause de la luminosité qui envahissait l'appartement d'Elijah. Pendant un instant, il avait oublié où il se trouvait, et avec qui. L'accoudoir du canapé lui faisait face, comme la baie-vitrée. La veille, il ne l'avait pas remarqué car il faisait déjà nuit, mais les stores n'avaient pas été descendus. Il grogna une nouvelle fois en se coulant un peu plus sur le matelas.
Il avait heurté quelque chose ?
Le blond se retourna prudemment, incertain. Face à lui, Morgan dormait, apaisé. Il avait la joue fourrée dans l'oreiller, sur le flanc. Il s'assura qu'il dormait toujours, lorsqu'il se rapprocha de lui. C'était un peu étrange, comme situation. Lorsqu'il dormait avec les autres, c'était quand il faisait des crises d'angoisse en pleine nuit et qu'on venait le réconforter. Là il n'y avait pas cette condition, et pourtant, la veille, les deux n'avaient même pas imaginé faire autrement. Ils s'étaient allongés l'un à côté de l'autre, et avaient un peu discuté. A un moment de la nuit, Andy s'était blotti contre son petit-ami, et avait passé l'un des meilleurs sommeils depuis bien longtemps. Par la suite, il avait eu trop chaud, et s'était éloigné.
Il avait adoré.
Ce constat chassa le brouillard de son esprit. Il sortit du canapé, avant de recouvrir Morgan de la couverture, pour que le soleil ne lui réserve pas le même sort. Le brun soupira avant de se tourner face à la porte. Le froid du parquet agressa ses pieds, lorsqu'il se dirigea vers la cuisine. La veille, Elijah leur avait dit de faire comme chez eux, s'il n'était pas réveillé, lorsqu'ils le seraient. Alors, avec un bâillement, il partit en quête de nourriture. Il avait anormalement faim, ce matin. Les cheveux en pétard, un large sweat sur les épaules et un legging de sport aux jambes, il s'assit sur la chaise qui se présentait à lui.
— Le réveil est difficile ?
— Laisse-moi juste le temps d'émerger...
Il passa sa main sur les yeux, avant de se tourner vers la voix. Elijah, un sourire canaille accroché aux lèvres, le dévisageait. Les hanches calées contre le plan de travail, il buvait ce qui semblait être un chocolat chaud. Andy se fit la remarque que lorsqu'il le croisait au café, il n'en buvait jamais.
— Tu veux un café ? J'ai du chocolat, sinon. Ou de l'eau, et du jus d'orange.
— Du jus d'orange, s'il te plait...
Le châtain partit alors chercher la bouteille dans le frigidaire. Pas le moins gêné d'être torse nu, il évoluait avec aisance. Visiblement, il était levé depuis un petit moment. Il n'avait pas cette fatigue tenace qui prenait les traits du visage, lorsqu'on sortait du lit.
— J'espère que ce n'est pas périmé. Noora en a bu la semaine dernière.
Il lui tendit la bouteille, après l'avoir senti.
— Bah, ça me semble bon. Au pire, on a un médecin à domicile...
Elijah lui offrit un sourire alors qu'Andy le remerciait. Il bailla de nouveau, épuisé. Il avisa la pile de crêpes, et en prit une, avant de la saupoudrer de sucre. La Nutella de la veille n'était pas sortie, alors il ne voulait pas faire son difficile.
— Je suis content que Caméléon soit tombé sur toi, avoua alors le psychologue.
— Quoi ? grogna Andy, peu habitué à la conversation dès le matin.
— Morgan, toi, je suis content que vous soyez ensemble.
— Ha. Merci, bredouilla le blond.
Le sucre de sa crêpe tomba sur la table. Il regarda vaguement l'heure sur le four.
10 : 29.
Il était encore tôt, selon le point de vue. Surtout s'il se fiait à leur heure de coucher, qui avait avoisiné les cinq heures et demie. Noora les avait abandonnés vers minuit, alors qu'elle piquait dur nez sur les genoux de son père. Elijah était parti la couchée, l'installant confortablement dans la chambre d'amis où il n'y avait qu'un canapé non convertible. Dans ces situations de crises, il servait toujours, même si la pièce était en réalité un bureau.
— Tu me fais pitié, avec ton sucre. Tiens, prends-en, si tu veux.
Le pot de Nutella, et deux de confitures apparurent dans son champ de vision. Une demie seconde après, ç'en fut un de beurre de cacahuète, fait maison, comme s'en était vanté Elijah durant la soirée. D'ailleurs, ils avaient fini la boîte de conserve de crème de marrons. Le sucre attirait le sucre, étant une drogue.
— Je ne t'ai pas dérangé, quand je me suis levé ? s'enquit Elijah.
— Non, c'est le soleil...
— Ha, merde ! On ferra gaffe, la prochaine fois !
Elijah était de trop bonne humeur, dès le matin. C'était assez étrange, car d'ordinaire, il n'aimait pas vraiment quitter son lit. Il y avait certainement une raison à cet apaisement matinal. La question était sur le bout des lèvres d'Andy, sans oser la poser. Pour quoi passerait-il ? Quelqu'un qui se mêlait de ce qui ne le regardait pas ? Non, c'était juste une question. Il n'y avait donc pas mort d'homme. Le châtain déciderait d'y répondre ou non.
— Tu as dormi avec Archie ?
— Quoi ? Mais comment tu le sais ? s'interrogea Elijah, les yeux écarquillés.
— Tu parles encore plus qu'après avoir baisé le fils homophobe des voisins.
Les deux occupants de la cuisine se tournèrent de concert vers Morgan qui venait d'entrer. Ses cheveux bruns étaient en bordel monstre, si bien que le blondinet voulait y passer les doigts afin de discipliner les mèches rebelles. Contrairement à son meilleur ami, il avait fait un effort pour se vêtir. Andy songea qu'il devait être magnifique, dénudé. Ses joues rougirent immédiatement, alors qu'il baissait le visage de honte de penser cela.
— C'est faux ! s'offusqua le châtain.
— Si, je te promets. Et Dieu seul savait comment tu t'en vantais tout le temps.
— C'était qu'un petit con. En plus, il ne disait pas non quand...
— Tu as déjà raconté cette histoire trente-six fois. Epargne Andy, s'il te plait.
— Ok, ok ! Je la boucle ! déclara-t-il en mimant une fermeture sur ses lèvres.
Morgan prit place aux côtés de son petit ami, avant d'embrasser son front. Il n'y avait pas d'échange langoureux, ni de grandes démonstrations d'affections, mais cela leur convenait. Pour l'instant. Andy savait que le brun ne voulait pas l'envahir trop vite, alors, il gardait ses distances. Il lui en serait toujours reconnaissant, contrairement à tous ses ex qui ne lui avaient jamais demandé quoi que ce soit pour faire les choses.
— Sinon, tu as réussi à dormir ?
— Presque pas... l'avoir dans mon lit sans le toucher était une torture, avoua Eli.
La machine à café s'ébranla. Le vrombrissement envahi l'air. Pendant que le liquide coulait doucement, libérant cet arôme connu, il imagina une nuit passée au près du blond platine, comme un couple. Si ce jour arrivait, il n'y survivrait pas, c'était certain.
— Quand est-ce que tu passes à la vitesse supérieure ?
— Tu es vraiment en train de me demander ça ? Qui t'as bougé le cul pour Andy ?
— Toi, car j'avais besoin d'aide. Alors, maintenant, je te rends la pareille, c'est tout.
Eli servit le café au brun, avant de se laisser tomber sur une chaise en face d'eux.
— Tu serais donc apte à me donner des conseils pour ravir le cœur d'un homme hétéro, alors que tu n'as jamais été en couple de ta vie ? A part Andy, bien sûr. Je te rappelle que tu as toujours eu des plans culs, et c'est tout...
Andy tendit l'oreille, car il ne connaissait pas cette partie de l'histoire de Morgan.
— Et toi, tu as eu que deux relations de courte durée, donc tu n'es pas mieux lotit !
— Oui, c'est vrai. Mais j'en ai eu trois, pas deux, le corrigea le châtain.
— Le grand mec roux là... Robin ? Robin. Quand t'avais quatorze ans. Et celui qui t'avait couru après pendant des moins, au lycée. Je ne sais plus trop à quoi il ressemblait, mais il avait un sac à dos rose bonbon. Lucas. Il n'était pas méchant, je l'aimais bien.
— Tellement bien qu'il m'a quitté pour vouloir se mettre avec toi !
— En tant que meilleur ami modèle, j'ai refusé et je l'ai insulté.
— Morgan, mon héro ! s'écria presque le psychologue, hilare. Tu en oublies un...
— Non, je ne crois pas...
— Arthur.
— Arthur ? Mais... Ho. Oui. Mon cerveau a préféré oublier cette information.
— Sauf erreur de ma part, ce n'est pas quelque chose de traumatisant, donc tu ne m'as juste pas écouté, quand je t'en ai parlé la dernière fois, bougonna le châtain.
Andy n'avait pas la moindre idée de qui était Arthur. Visiblement, les deux amis le connaissaient, mais lui, il était perdu, dans ces souvenirs de jeunesse. Enfin, lorsqu'ils avaient son âge. C'était étrange de résonner ainsi, mais c'était la vérité. Il se faisait peu à peu à l'idée qu'ils n'avaient pas le même âge, ni les mêmes enfances.
— Je n'arrive pas à vous imaginer ensemble.
— Et bien tu devrais. Les sentiments n'étaient pas assez forts, apparemment.
— Tu le regrettes ?
— Non, pas vraiment. C'était chouette, d'être ensemble pendant un temps, mais la vie nous a séparé lorsqu'il est parti en Amérique. On reste en contact, bien sûr, mais c'est tout. On espère se voir de temps en temps. Je crois qu'il a retrouvé quelqu'un, mais je ne suis pas sûr. Les infos s'entrecroisent juste, en ce moment.
— Vous êtes en contact ? Il ne répond jamais à mes messages ! s'indigna Morgan.
— Je suis son préféré, c'est tout, minauda Eli.
Son meilleur ami lui envoya un regard noir.
— Qui est Arthur ? demanda alors le blondinet, cherchant des réponses.
— Jusqu'il n'y a pas longtemps, on était trois. Art', Caméléon et moi, expliqua Elijah.
— On s'est presque toujours connu, si tu veux venir par-là, affirma le brun.
— Un tragique accident au bac à sable, si tu veux mon avis !
— Qu'est-ce qui s'est passé ?
Andy aimait découvrir son homme par bribes. Elijah avait la meilleure position pour lui avouer les choses les plus secrètes qu'il avait pu faire dans son enfance. C'était assez amusant de voir les deux amis échanger des regards, l'un pour intimer de se taire, et l'autre avec un large sourire, prêt à révéler les bêtises.
— Avec Eli, on se connait « depuis toujours » si je peux dire, commença Morgan en mimant les guillemets. Même si on est nés à un an d'intervalle, nos mères sont amies et voisines, donc... bref, toujours collés l'un à l'autre, il a été difficile pour lui de me partager à la crèche. Arthur est arrivé pour jouer avec moi dans le bac à sable, mais Eli l'a frappé avec une pelle en bois, apparemment. A partir de ce moment, nous sommes devenus inséparables jusqu'à son départ, révéla le brun, une lueur malicieuse dans le regard.
— Je ne pensais pas que tu étais violent, s'amusa Andy.
— J'étais encore jeune et insouciant ! Il ne m'en a jamais voulu, d'ailleurs !
Le châtain partit d'un grand éclat de rire, avant de mettre sa main devant sa bouche. Les murs n'étaient pas très épais, et il ne voulait pas réveiller les deux autres.
— Et toi, tu as fait des rencontres comme ça ? demanda Eli au blondinet.
— J'avais une nourrice, alors... pas vraiment. J'ai toujours vécu avec mes sœurs.
— Les sœurs, des catastrophes ! Caméléon, tu as de la chance d'avoir des frères !
Morgan leva les yeux au ciel. Son meilleur ami lui avait toujours envier ses deux frères. Il ne supportait que peu sa grande sœur, et s'était toujours senti plus proche de Marius et de Milo. Pourquoi, il devait l'avouer, ils n'étaient pas la fratrie de l'année, vu comment ils lui en avaient fait baver lorsqu'ils étaient petits. Marius avait toujours enchainé les bêtises, et Milo avait toujours essayé de les réparer, en les empirant. Et c'était toujours sur Morgan que la remontrance tombait.
— Je pense que c'est d'être l'enfant du milieu, qui est le pire.
— Je confirme. C'est assez perturbant, de l'être, avoua Andy d'une petite voix.
— Ah bon, pourquoi ? demanda Elijah, curieux.
Andy n'eut pas le loisir de répondre. Des pas précipités retentirent dans le couloir. La petite frimousse de Noora apparut alors dans la cuisine, un grand sourire aux lèvres. Cette tornade châtaine avait sauvé le blondinet dans même le savoir. Seul Morgan fronçait les sourcils, ayant senti le malaise de son petit ami.
— Elijah ! Elijah ! God dag ! s'exclama la petite en sautant sur ses genoux.
— Bonjour princesse, tu as bien dormi ?
— Ja ! Og du ? continua-t-elle, heureuse.
— Oui, et toi ? traduit Archie en pénétrant la cuisine à son tour.
— Parfait, tu veux manger quelque chose ?
— Jeg vet ikke ! Det er pannekaker igjen ?
— Noora, parle français, je te prie, tonna son père. Ils ne comprennent pas.
— Ho, oui, pardon... Est-ce qu'il reste des crêpes, s'il te plait ?
Les trois autres se regardèrent étrangement. Andy n'avait encore jamais entendu cette langue, et Morgan regardait la petite d'un œil intrigué. Cela se voyait qu'Elijah essayait de comprendre ce qu'elle avait dit, mais il n'avait pas la connaissance pour. Peut-être qu'avec un traducteur, cela aurait été possible.
— Oui, sers-toi, elles sont toutes sur la table, indiqua le châtain en les montrant.
Du coin de la pièce, Archie regardait sa fille sévèrement. Elle oubliait sans cesse qu'elle était entourée de français, et tout le monde savait que ce n'était pas la population la plus douée avec les langues. Seule une minorité se dépatouillait, et encore...
Alors que les conversations futiles du matin, presque de midi, même, commencèrent, le blondinet pu observer le châtain et le blond platine. Il essaya de voir ce que déduisait Morgan de leurs comportements. Après plusieurs minutes à se concentrer, il en conclu qu'il n'avait pas la même habilité que le brun. Alors que ce dernier menait une conversation avec Archie, il posa ses doigts froids sur sa cuisse. Naturellement, le médecin les entoura de sa main, sans cesser son explication sur il ne savait trop quoi. De l'autre côté de la table, Noora mangeait goulument, Elijah lui apportant un verre de jus de fruit.
Cette matinée était incroyablement naturelle, si bien qu'il en était lui-même surpris.
Le pire, c'était qu'il adorait cela.
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Hey vous !
Voici un nouveau chapitre !
Des avis ? :)
Bisou sur votre joue gauche,
Rheexus
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