CHAPITRE 41

Ils étaient dans un univers parallèle, il n'y avait pas d'autre solution.

La gamine n'arrêtait pas de piailler, installée sur les genoux de son père. Morgan fusilla son meilleur ami du regard, car il ne l'avait pas prévenu. Une fraction de seconde plus tard, il sentait la main d'Andy se crisper dans la sienne. Il n'avait même pas eu le temps de le complimenter sur ce magnifique chemisier et ce jean qui épousait ses courbes tentatrices.

— Donc, Archie, je te présente Morgan, mon meilleur ami.

— J'ai beaucoup entendu parler de toi, enchanté ! s'exclama ce dernier, ravi.

Il avait un accent tout à fait charmant. Morgan ne sût dire d'où il venait. Quelque chose qui venait des pays du nord, peut-être ? Il semblait reconnaitre une pointe d'articulation comme le faisait les anglais. Ce n'était pourtant pas cela. Irlandais ? Norvégien ? Suédois ? Il avait le physique pour, avec ses cheveux blond platine et ses yeux clairs. Le médecin se demanda un instant s'il ne se les décolorait pas, pour avoir cette couleur atypique.

— Oui, moi aussi, rétorqua le médecin, coupant court à ses pensées.

— Je suis Andy, se présenta le blondinet. Je... je suis le copain de Morgan...

Sa timidité était touchante. Ses doigts trituraient la tresse défaite qui pendait sur son épaule. C'était la première fois qu'il se présentait ainsi de lui-même, et c'était intimidant. Le châtain lui offrit un immense sourire en tapant gentiment son épaule d'un geste fraternel.

My name is Noora ! s'exclama la petite, les yeux pétillants.

Les deux invités furent surpris de la langue employée par la gamine. Morgan était certain que Clémentine ne savait pas aligner deux mots en anglais. Elle ne savait peut-être même pas ce qu'était cette langue. Pourtant, elles semblaient avoir environ le même âge. Il fut immédiatement intrigué par ce petit bout de demoiselle.

— Noora, en français, s'il te plait, la réprimanda gentiment son père.

— Désolée fader... marmonna la petite en faisant une moue adorable.

— Caméléon, je sais ce que tu vas dire. Ce n'était pas prévu, et tu détestes l'imprévu, mais ils étaient seuls. Je ne pouvais pas ne pas les inviter ! argua Elijah, pour mieux faire passer la pilule. On aura plus de crêpes, ils en ont ramené aussi !

— C'est moi qui les ai faites ! s'exclama Noora.

— Tu les as fait cuire ? s'intéressa Andy, trouvant la petite adorable.

Elle lui faisait penser à sa propre sœur, plus jeune. Noa était si douce et gentille. Elle avait bien changé, mais ce n'était pas de sa faute. Il avait fallu qu'elle relève la honte subie par la famille, en tant que cadette. Andy n'était que cela, à leur yeux.

— Non, ça c'est fader... il veut pas que je touche au gaz...

— C'est normal, tu es encore jeune. Tu pourras bientôt les faire, ne t'en fais pas !

— Vraiment ? Je les ferais, la prochaine fois, alors !

La bonne humeur de Noora était revenue. Les quatre hommes furent attendris par l'énergie qu'elle dégageait. Jouant avec les doigts de son père, elle était déjà passée à autre chose. Andy avait oublié comment il était aisé d'occuper un enfant. Morgan et Elijah étaient déjà partis dans une conversation où le blondinet n'arrivait pas à en comprendre le sens. Ils faisaient partis de ces paires de meilleurs amis qui n'avaient pas besoin de finir leurs phrases, pour qu'ils se comprennent. Se connaissant sur le bout des doigts, ils savaient presque à quoi l'autre pensait.

— Ça fait longtemps que vous êtes ensemble ? l'interrogea Archie.

— Quelques jours... répondit Andy, impressionné.

Les yeux de l'homme semblaient le transpercer de part et d'autre. Il n'était pas à l'aise avec le regard des gens, et encore moins avec celui du blond. Il n'avait jamais vu de pupilles si belles. Il en perdait les mots. Son vis-à-vis dû le sentir, car il lui sourit gentiment, comme pour lui dire que sa gêne était normale. Il avait l'habitude.

— Vous êtes beaux, ensemble, avoua-t-il.

Même si Morgan ne suivait pas la conversation, Andy sentit une pression plus appuyée sur sa main. Le pouce forma des cercles. C'était une sensation agréable, car il parvenait à calmer les palpitations de son cœur par la même occasion. Comme cela pouvait-il être possible ? Décidément, le brun était un magicien, avec ses problèmes.

— Merci...

Ses joues s'empourprèrent immédiatement. Il n'était pas coutume qu'il reçoive des compliments, et encore moins ceux d'un inconnu sur son couple. Son couple. Lorsque le mot tournait dans sa tête, cela lui faisait toujours étrange.

— Apéro ? demanda Elijah en se levant de la table basse.

Les invités lui répondirent par l'affirmative. Morgan alla sortir ce qu'il avait ramené, et Archie en fit de même. Vu l'assiette qu'il tenait, il avait fait des crêpes pour une vingtaine de personnes. Le bouclé rigola devant cette constatation ; ils pourraient en manger pendant des semaines, à coup sûr. Heureusement que ces aliments pouvaient se congeler.

Alors qu'ils faisaient des aller-retours entre la cuisine et le salon, Morgan remarqua un changement de taille, dans l'appartement. Comment avait-il fait pour ne pas le voir ?

— Dis-moi Eli, as-tu enfin remplacé ton canapé ?

— Hum... oui ! Ça m'énervait de ne pas pouvoir le déplier, pour les invités.

Alors que les chips rejoignaient les dés de fromage, Morgan fronça les sourcils.

— D'ailleurs, tu ne m'as jamais dit comment c'est arrivé.

— Tu ne veux pas le savoir ! répliqua l'autre.

— T'as égorgé un troll dessus ? tenta le brun, taquin.

— Je ne suis pas aussi gros, merci, bougonna le bouclé.

Un peu plus loin, Noora aidait Andy à la cuisine. Ils étaient en train de verser les boissons sans alcool dans des grands verres prévu à cet effet. La petite était sur une chaise, un pli soucieux sur son front. Elle voulait bien faire devant son nouvel ami. A leurs côtés, le blond disposait les dessous de verres. Elijah lui jeta un coup d'œil, légèrement anxieux.

— Alors ? le pressa Morgan.

— C'était un... hum... c'était un plan à trois... murmura-t-il, gêné.

Et il en fallait, pour gêner le psychologue. Ses yeux fuyaient vers le sol, alors que le médecin éclata de rire. Archie craqua ses doigts, les joues aussi rouges qu'une tulipe. Il se retira, prenant pour excuse la maladresse de sa fille.

— Tu ne m'avais jamais dit que tu avais fait ça, se scandalisa Morgan.

— Arrête, c'est embarrassant... marmonna Elijah.

— Peux-tu me dire depuis combien de temps, quelque chose peut t'embarrasser ?

— C'est vrai...

— Et puis, tu as toujours été aventureux, au niveau de ta sexualité. Ça ne me choque pas vraiment. Mais dis-moi, c'est aussi bien qu'on le prétend ? demanda le brun, en baissant le volume de sa voix, comme un secret.

— Tu n'as même pas idée... c'était la meilleure expérience de ma vie, pour l'instant.

Son regard clair traîna un instant sur le dos d'Archie. Pour l'instant. Il espérait que le destin lui réserve de nouvelles choses, avec le blond qui hantait ses pensées depuis trop longtemps déjà. A le voir évoluer dans son appartement, il avait envie de lui sauter dessus et de le lui demander. « Veux-tu sortir avec moi ? ». Comme les enfants, dans les écoles primaires. Bientôt, il lui enverrait un papier avec la case « oui » et la case « non ».

Etait-il aussi désespéré ?

Oui. Assurément.

Morgan comprit immédiatement le regard qu'il avait. Il posa sa main sur son épaule, rassurante, avant de se pencher à son oreille.

— Attends encore un peu, il viendra à toi.

— Comment tu peux en être aussi sûr ? demanda le bouclé.

— Je le sais, c'est tout.

C'était un comble pour un psychologue, de ne pas voir ce qu'il se passait sous ses yeux. On disait souvent que lorsqu'on appréciait une personne, on devenait aveugle de ses signaux. Peut-être que c'était le cas ? Il secoua la tête, chassant ces pensées.

Morgan partit en direction de la cuisine, demandant s'il pouvait aider à quelque chose. La réponse des plus jeunes ne tarda pas à tomber. Ils avaient fini de mettre en place, il ne restait que le service. Le brun s'en occupa volontiers, alors qu'Eli était encore planté dans le salon, entre le nouveau canapé et la table basse. Il décida se mettre un fond sonore, pour palier a des éventuels blancs, entre les conversations.

— A table ! s'exclama Noora, en tirant Andy par la main.

La petite semblait avoir eu un coup de foudre sur le jeune homme. Depuis qu'elle l'avait vu, elle ne le lâchait plus. Assis entre elle et Morgan sur le canapé, Andy se demanda s'il pourrait s'échapper de là durant la soirée. Alors qu'il se penchait pour attraper un bâtonnet de carotte, la gamine lui attrapa le bras et s'y accrocha fermement.

— Tu veux quelque chose ? s'étonna le blond.

— Heu... bredouilla-t-elle. Tu veux être mon amoureux ?

Andy ne sut dire lequel d'Archie ou de Morgan s'étouffa le plus à cette question. La petite avait les yeux qui pétillaient de questionnement. Elle semblait sérieuse, avec son petit nez retroussé, et ses sourcils froncés. Le blond lui offrit un sourire maladroit.

— Je... je suis flatté, mais... je suis déjà amoureux de Morgan... s'excusa-t-il.

— Ho, I'm stupid, sorry, murmura la plus jeune.

Andy et Morgan s'échangèrent un regard, alors que les deux autres se retenaient de venir consoler Noora. L'étudiant posa sa main sur la chevelure châtaine de la petite, et lui tapota la tête d'un geste protecteur. Elle tourna son visage embarrassé vers lui.

— Tu sais, nous ne sommes pas faits pour être amoureux, mais quelqu'un t'attends, quelque part, je n'en doute pas, se justifia Andy en se demandant pourquoi il expliquait cela à une enfant de six ans.

— D'accord ! s'exclama-t-elle, la joie revenue dans ses pupilles claires.

Il s'amusa à penser que c'était la première fois qu'il stoppait quelqu'un dans une déclaration. Que Noora soit une enfant, et qu'elle soit une fille était deux grosses raisons pour le faire. Pourtant, il était amusé de sa façon de procéder. La petite n'avait pas froid aux yeux, même si quatre adultes avaient les yeux rivés sur elle. De sa petite taille, elle se réinstalla confortablement dans l'assise du canapé, jouant avec la chips qu'elle avait entre les doigts. Ses jambes battaient contre le tissu moelleux.

— Eli m'a dit que tu es en école d'art ? demanda Archie.

Andy sut qu'il lui parlait, car il était le seul étudiant de la pièce et parce que ses pupilles exceptionnelles étaient posées sur lui. Il se demanda pourquoi cette famille tournait son attention vers lui. L'interpelé baissa les yeux face à cette intrusion. Il n'aimait pas être au centre des conversations, encore moins lorsqu'il n'y avait pas un bruit dans la pièce.

Comme maintenant.

— Heu... oui... je suis dans ma première années, en fait...

Il se cacha derrière son verre, lorsqu'il prit une gorgée de soda. Autour de lui, l'atmosphère était pesante. Il avait presque l'impression que l'air qui touchait son corps était en train de le réduire en charpie. Cependant, dans son dos, la main de Morgan formait des cercles du bout des doigts. Il reposa le verre, avec un « poc » distinctif.

— Et que fais-tu, comme projets ? s'intéressa le blond platine.

— En ce moment, je fais une affiche pour l'Université qui est affiliée avec mon école. C'est quelque chose de graphique, et je suis en groupe avec deux potes. Après, je dois rendre plusieurs travaux dans les options que j'ai choisies en début de semestre.

— Ça à l'air vraiment intéressant ! Cette filière m'aurait certainement plus, si je n'avais pas cet amour pour les langues, ria Archie.

— Tu es traducteur ? osa Andy, ne sachant rien de cet homme à la peau trop claire.

— Non, pas du tout, je suis professeur d'anglais au lycée.

Andy fit la grimace. Il ne savait pas comment ces hommes et ces femmes arrivaient à se tenir devant un auditoire toute la journée. Ils avaient son plus grand respect. Lui, il était beaucoup trop timide pour se présenter devant autant de paires d'yeux à la fois. Une petite dizaine était déjà compliqué, alors une trentaine ?

— Mon fader, c'est le meilleur des professeurs, scanda Noora, convaincue.

Son père lui sourit tendrement avant de lui embrasser le front.

— Vous êtes du même établissement, alors ?

Les deux hommes en face de lui se sourirent avant d'hocher la tête. Andy se dit qu'ils étaient beaux, ensemble. Morgan lui avait un peu expliqué la situation compliquée dans laquelle se trouvait Elijah. Il ne l'avait vu que quelques fois au café, accompagné du blond platine et du brun, mais il s'avait qu'il n'éprouvait pas la moindre gêne, alors pourquoi les choses trainaient ainsi ?

La musique changea une nouvelle fois, Morgan s'engagea dans une discussion mouvementée avec Archie et Elijah. Le blond ne savait pas de quoi ils parlaient, mais il ne cherchait pas vraiment à en savoir le sujet. Curieux, il laissait ses yeux félins courir le long des murs et des étagères. Il y avait une grande bibliothèque, avec pleins de plantes, sur les casiers. Cela apportait une cacophonie agréable.

— Mais je te dis que j'ai raison ! s'exclama Eli, montrant un document sur son portable.

— Cette théorie est aussi farfelue que toi, rétorqua Morgan, en s'approchant.

— Tu oserais me contredire ? s'indigna son meilleur ami.

— Assurément. Ça ne tient pas la route.

— Je suis de l'avis de Morgan, intervint le professeur.

— Quoi ? mais vous vous alliez contre moi ?

Archie ria franchement devant l'air défaitiste qu'arborait son ami. Il ébouriffa ses boucles, sous les bougonnements d'Elijah.

— Andy ? chuchota Noora, finissant son dé de fromage.

— Hum ? Tu veux encore de l'Ice Tea ?

— Non, merci beaucoup, mais ils parlent de quoi ?

Elle montra les trois hommes d'un geste du menton, curieuse.

— Je n'en sais pas plus que toi...

Elle haussa alors les épaules, laissant ses mains fouiller dans les restes des paquets ouverts. Andy se demanda comment une demoiselle pouvait autant manger, en étant aussi fine qu'elle l'était. Décidément, les corps des enfants étaient de véritables mystères. Noora se mit à fredonner une chansonnette qu'il ne connaissait pas, tapant doucement le canapé de ses mollets. Ses cheveux châtains se baladaient tranquillement dans son dos au rythme de ses mouvements de tête. La petite intriguait autant qu'elle fascinait Andy. Dans ses yeux, un éclat de maturité brillait. C'était dingue.

En voyant toute la petite troupe se disputer et s'empiffrer comme des ogres, il n'aurait jamais songé passer son nouvel an ainsi. D'ordinaire, il sortait un bouquin de son placard, et lisait durant de longues heures, alors que la musique au rez-de-chaussée faisait presque trembler les murs de la vieille bâtisse. Presque avec une pointe de soulagement, il se rendit compte que son ancienne vie familiale était officiellement résolue.

Etait-ce cela, la liberté ?

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Hey vous !

Voici un nouveau chapitre !

Des avis ? :)

Si vous voulez en savoir plus sur la fameuse histoire du canapé, vous pouvez retrouver le court texte sur le profil de MissPurpleInk dans un de ses textes qui s'intitule "Elijah" :)

Bisou sur votre joue gauche,

Rheexus

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