CHAPITRE 40
Le blond avait la tête qui allait exploser. A ses côtés, Zoé babillait joyeusement. Elle était avachie sur le canapé, et semblait vouloir mourir à tout moment. La série qu'ils regardaient tournaient sur l'écran de la télévision, mais aucun des trois ne la regardait. La femme racontait toutes ses mésaventures durant les conférences. Elle adorait son travail, mais elle aimait encore plus mimer les voix des hommes et des femmes qu'elle traduisait.
— Du coup, on est tous sortis. Fin. Voilà comment ça c'est terminé.
La chute de l'anecdote était un peu mauvaise. Zoé n'était pas vraiment douée pour raconter des histoires. Elle s'éparpillait souvent, sans jamais retrouver le fil de sa pensée. Sam et Andy avaient le devoir de la remettre sur la route de son récit, lorsqu'elle se perdait subitement, au détour d'une explication biscornue.
— Andy, tu fais attention à l'heure, tout de même ? s'enquit-elle aussitôt.
— J'ai encore du temps. Il passe me chercher à dix-neuf heures trente.
Sam ne parvint pas à retenir une grimace. Zoé cogna son épaule de son poing. Il n'arrivait toujours pas à se faire à l'idée que le grand brun partageait la vie d'Andy, autrement que par messages et rares entrevues. Il y avait trois jours, il était revenu de chez ses parents, et les deux avaient passé un moment dehors. Le blond leur avait confié qu'ils s'étaient arrêtés quelque part pour manger une sucrerie. Morgan avait pris la liberté de l'inviter au nouvel an qu'il passerait en compagnie d'amis. Andy n'avait pas accepté. Il avait baissé la tête et s'était excusé. Morgan n'avait pas paru surpris. Ils avaient continué leur après-midi comme s'il n'avait jamais posé la question.
Andy avait dit qu'il avait angoissait de rencontrer ses amis.
La réalité, c'était qu'il avait peur de ne pas être assez bien présenté pour Morgan.
Après avoir réfléchit seul dans sa chambre, Andy avait envoyé une confirmation de sa présence au brun le jour suivant. Le smiley ravi qui avait suivi le message du médecin lui avait confirmé que c'était le meilleur choix qui s'offrait à lui. Depuis, le brun stressait. Il n'arrivait pas à penser comme d'habitude, car la menace de se ridiculiser aux yeux des êtres chers de Morgan lui nouait l'estomac. Et s'ils ne l'aimaient pas ? Et s'ils le laissaient dans un coin car il était trop bizarre ? Pourquoi devait-il penser à tout cela ?
— Je... vais me doucher... annonça Andy.
Alors que Zoé et Sam se disaient des mots doux au creux de l'oreille, le plus jeune s'éclipsa sans sa chambre en désordre. La fenêtre grande ouverte laissait se déverser la froideur de fin décembre. Il songea un instant au coût du chauffage pour remettre la pièce à température, alors il la ferma. Il prit quelques vêtements et s'enferma dans la salle d'eau.
Il enclencha le Bluetooth entre son téléphone et l'enceinte qui attendait sur le lavabo. Un air des années quatre-vingt-dix empli la petite pièce. Andy se déshabilla lentement avant de filer sous l'eau chaude de la douche. Son passage fut éclair, en entendant Sam l'appeler pour une quelconque raison. Il se drapa d'un chemiser clair et d'un jean sombre qui moulait parfaitement ses jambes fines et sa taille étroite. Il se peigna rapidement avec ses doigts et tressa ses mèches couleur soleil. Même s'il ne faisait pas vraiment d'effort, il ne voulait pas paraitre négligé pour autant.
Son reflet lui renvoya l'image qu'il présentait. Il n'était assurément pas beau, mais il était mignon. Il avait encore la douceur et la naïveté que certains adolescents gardaient pendant de nombreuses années. Il se fichait totalement de ce qu'il montrait de lui. Certains pensaient que c'était un homme, alors que d'autres pensaient que c'était une femme. Des inconnus penseraient toute leur vie qu'il faisait partie de la gente féminine, après l'avoir croisé au détour d'une rue. Ses cernes creusaient presque des sillons sous ses yeux clairs. Il n'avait toujours pas récupéré de la nuit où la peur avait failli l'emmener. Ne pouvait-il pas emprunter un peu de maquillage à Zoé ? Non, c'était une mauvaise idée. Premièrement, il n'était pas certain qu'elle en avait avec elle, et deuxièmement, avec sa peau fragile, il ferait une réaction allergique à coup sûr.
— Andy, vient me prêter main forte ! appela de nouveau son colocataire.
— Non ! J'ai besoin que tu m'aides ! contra sa petite amie.
Il coupa la musique avant de sortir et de refermer la porte. Du couloir, il pouvait entendre le couple mener une rude bataille. Il jeta sur son lit les vêtements qui n'étaient pas assez sales pour aller dans la corbeille, et s'en alla voir la situation dans le salon.
— Sam veut encore regarder un film d'action ! Ça fait pas du tout Noël !
— Mais on s'en fiche, un film, c'est pour en prendre plein la vue, pas s'ennuyer !
— Je ne m'ennuie pas devant des comédies, bougonna la jeune femme.
— La dernière fois, tu t'es endormie avant que les acteurs se mettent ensemble.
— Mais c'est mignon, tu ne veux pas le comprendre ?
— Et puis, Noël c'est passé ! Ton argument ne tient pas la route !
— C'est toi qui ne tiens pas la route, tu veux dire ? railla Zoé.
Samaël fut vexé. Il voulu répliquer quelque chose mais s'abstint. Il tourna le dos à sa petite amie. Apparemment, dans le ton de la femme qui se voulait léger, il y avait une pointe de sérieux qu'avait parfaitement reconnu le cuisinier. La mine boudeuse, il croisa ses bras contre son torse. Andy avait eu le loisir de comprendre cette pause. L'homme essayait de faire craquer Zoé en faisant mine d'être blessé. Sauf que cette fois-ci, il y avait une part de vérité. La jeune femme esquissa un sourire défaitiste.
— Pourquoi ne pas faire moitié-moitié ? De l'action et de la romance ?
— Trouves-en un, alors ! tempêta Sam en fusillant Andy du regard, vexé.
— Heu... réfléchit-il à toute allure. Mr. et Mrs. Smith ?
— Il est super vieux, ce film, il a au moins quinze ans !
— Certes, mais il n'est pas moche à regarder, dans mo souvenir...
— Okay, okay ! Vous êtes deux contre moi ! Faites comme vous voulez !
— Qu'est-ce que tu es mignon quand tu boudes, mon Samy...
Le brun garda le menton haut, bien qu'il détestait ce surnom. La jeune femme s'était mise en tête de l'appeler ainsi, car elle aimait le taquiner. Parfois, Andy se demandait s'ils pouvaient passer une journée entière sans s'envoyer des piques. C'était ce qu'il y avait de beau, dans leur relation. Qui aime bien châtie bien. Elle lui embrassa la tempe, comme si elle voulait se faire pardonner. Le cuisinier se laissa faire, et sa mauvaise humeur soudaine s'envola aussi rapidement qu'elle était venue. Voyant que la situation était sous contrôle, le plus jeune parti dans la cuisiner se servir un verre d'eau. Plus les minutes passaient, plus son stress montait. Il ne put empêcher ses yeux de lorgner les chiffres rouges sur le four.
19 : 24.
Morgan allait bientôt arriver. Ses mains tremblaient un peu.
— Andy ? appela Zoé, de nouveau assise sur le canapé.
— Hum ?
— Tu rentres ce soir, ou tu dors chez l'ami ? Désolée, j'me souviens plus du prénom.
— Heu... Je ne sais pas du tout, en fait...
— T'enverras quand même un message, qu'on sache où tu es ? demanda Sam.
Le blond avait presque l'impression d'être en face de ses parents. Pourtant, ce n'était qu'une inquiétude le concernant. Le couple n'avait pas envie qu'il reste là-bas s'il ne le souhaitait pas. Le jeune homme découvrait les soirées. Ils ne voulaient pas qu'il soit coincé dans un environnement dont il avait peur.
— Si tu as besoin, je viendrais te chercher, ok ? proposa le métis.
— D'accord, merci beaucoup.
Rassuré, Samaël plongea son attention sur la télécommande afin de trouver le film qu'ils allaient voir. Il traîna un peu sur les films d'action, mais il tint parole et zappa jusqu'à trouver leur compromis. Zoé jeta la grosse couverture molletonnée sur eux, et elle se blottit dans les bras du brun. Lorsqu'ils étaient dans leur bulle, Andy était convaincu que la fin du monde pouvait arriver, qu'ils seraient toujours en train de regarder le film, occultant toutes les menaces autour d'eux. Il les observa un moment, attendrit.
[19 : 36] Morgan : Je suis en bas.
Andy était certain que son cœur avait loupé quelques battements.
En bas. Morgan était en bas, à l'attendre pour aller à une soirée.
Il se força à bouger pour aller enfiler un gilet chaud. Ce n'était pas très élégant, avec le chemisier qu'il portait, mais il s'en fichait. Il passa son long manteau, et enfila son bonnet avec hâte. Il pensa une seconde trop tard à sa natte. Il devrait se recoiffer en arrivant. Frileux de nature, il enroula son épaisse écharpe autour de son cou. Il n'était pas suicidaire au point de sortir en plein hiver, sans éléments pour le protéger du froid mordant. Son sac à dos sur l'épaule, il prit soin de vérifier qu'il avait ses papiers et ses clefs pour rentrer.
— Bonne soirée, annonça-t-il au couple.
— A toi aussi ! répondirent-ils d'une même voix.
Le froid était mordant. Il n'essayait même pas d'imaginer la température au pied des montages, s'il devait s'habiller comme un esquimau pour sortir. Il haïssait l'hiver. Les couleurs partaient des arbres, la vie devenait morne, avec ces quelques heures de soleil en une journée, et il tombait malade au moins deux fois par saison. La porte en bois claqua dans son dos lorsqu'il la poussa de toute manière, le loquet était toujours cassé. Sam voulait harceler le propriétaire pour le faire réparer.
— Excuses-moi, je suis arrivé un peu en retard...
— C'est parfait, murmura Andy, gêné.
Il lécha sa lèvre inférieure pour faire disparaitre les craquelures, et se hissa sur la pointe des pieds afin d'embrasser rapidement Morgan. Ce dernier avait un sourire de bienheureux sur le visage. A chaque fois, il ne parvenait pas à l'ôter, tant il était satisfait de cette simple attention. Il prit les devants du chemin, entrelaçant ses doigts à ceux de son petit ami. Tous les deux emmitouflés dans leurs manteaux et leurs écharpes, ils ressemblaient à toutes les autres silhouettes qu'ils croisaient. Des adolescents couraient, goûtant à leur premier nouvel an sans leurs parents. Des couples se rejoignaient déjà, et des groupes d'amis sortaient des supermarchés avec des packs de bières sous le bras.
Andy songea à ses mains vides.
— Je n'ai pas demandé si je devais emmener quelque chose ! s'horrifia-t-il.
— J'ai pris une boisson sans alcool, et j'ai fais des crêpes, avoua Morgan.
— Mais il faut que j'achète un truc ! Je vais passer pour un abruti. J'aurais dû y penser ! continua le blond sur sa lancée. Qu'est-ce qu'Elijah aime ? Du chocolat ? Tout le monde aime le chocolat !
Il tira le brun vers l'une des boutiques qui se présentaient devant lui. Elle allait bientôt fermer. Le médecin fit poids mort, en retenant le blond. Il pivota vers lui, les sourcils froncés et les yeux affolés. Il reconnaissait bien là une crise d'angoisse monter, peu à peu. Il emprisonna son visage entre ses doigts, l'obligeant à le regarder. Les yeux félins furetèrent partout sur les traits du plus vieux.
— Calme-toi. Ce n'est pas grave, c'est juste une soirée avec un ami, pas un dîner officiel avec la reine d'Angleterre. Tu pourras dire que la boisson vient de toi, d'accord ?
— Tu es sûr ? couina l'étudiant.
— Absolument. Détends-toi, je pourrais sentir les nœuds de ses muscles d'ici.
Il embrassa doucement son front, avant de reprendre leur marche, comme si ce qu'il venait de se passer n'était jamais arrivé. Andy aimait cela, chez Morgan, il prenait toujours le temps de l'apaiser, lorsqu'il déraillait un peu. Cela ne faisait que quelques jours qu'ils étaient ensemble, mais il avait l'impression que cela faisait une éternité.
Après de nombreuses minutes à échanger les dernières nouvelles, Morgan se présenta à l'immeuble d'Elijah. Il tapa le code d'un geste habitué. Il était vingt heures six lorsqu'ils pénétrèrent le hall. Ils étaient à l'heure, et cela rassurait le blond. Il ne voulait pas mal se faire voir aux yeux du bouclé. Ils s'étaient déjà croisés au café, mais jamais dans cette situation. Arrivés au palier de son meilleur ami, Morgan eut tout de même la décence de frapper le battant en bois. Un cri leur répondit. Une exclamation pressée.
Le couple patienta un instant, avant qu'un remue-ménage ne retentisse de l'autre côté de la porte. Des jurons coulèrent jusqu'à eux, si bien qu'Andy songea à la mauvaise isolation acoustique de l'appartement. Les voisins devaient être ravis.
— Je suis sûr qu'il était sous la douche, pesta Morgan. Il a dû oublier l'heure.
— C'est souvent arrivé ? s'intéressa le blondinet.
— Plus souvent que tu ne le crois. D'habitude, il débarre la porte, quand il sait que je vais venir, car à coup sûr, il sera en train de faire autre chose.
Devant l'air amusé d'Andy, il ne put s'empêcher de continuer.
— C'est Eli, il ne faut pas chercher plus loin. Un sacré phénomène à lui tout seul.
Alors que sa phrase tomba entre eux, la poignée métallique s'abaissa.
— Et ben, il était temps ! pesta Morgan pour la forme.
Il eut un temps d'arrêt. Ce n'était pas Elijah, mais un homme aux yeux incroyables.
____________________________
Hey vous !
Voici un nouveau chapitre !
Des avis ? :)
Bisou sur votre joue gauche,
Rheexus
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top