CHAPITRE 36

— Tu plaisantes ?

La question tourna dans l'air avant de tomber lourdement entre eux.

— Absolument pas.

— On avait parié juste après Noël, avec Archie.

— Donc tu fais des paris sur mon dos, avec quelqu'un qui m'est inconnu ?

— Ne soit pas comme ça ! Il n'y avait rien en jeu !

Même si Morgan n'était pas content de la façon de faire de son ami, il ne pouvait pas le lui reprocher. Il était beaucoup trop heureux pour faire une remarque à qui que ce soit. Il avait presque l'impression d'évoluer sur un autre plan astral.

Lorsque le brun avait appelé son ami, il n'avait mis que peu de temps à venir chez lui. Euphorique, il lui avait sauté au cou comme un enfant qui venait d'ouvrir ses cadeaux d'anniversaire. Il n'avait pas arrêté de babiller, si bien que Morgan n'avait presque pas pu placer un mot dans les longs monologues de l'autre.

— Tu auras pris trente et un ans pour te mettre avec quelqu'un, c'est beau !

— Je suis juste un peu plus lent que la moyenne, c'est tout.

— Plus lent ? Tu plaisantes ? Tu es un escargot asthmatique à reculons !

Le rire d'Elijah fendit de nouveau l'espace. Accoudé à l'ilot central de la cuisine, ils partageaient un apéro de la victoire pour fêter cela. Le châtain s'était arrêté en chemin pour faire le plein de provision, et devant eux se battaient des cacahuètes à décortiquer, un peu de chips, du saucisson, des carottes et un peu de concombre, bien que ce n'était pas la saison. Les deux bières servaient à les désaltérer.

— Ne te moques pas. Le temps a prouvé que je ne suis pas doué en sentiments.

— Je ne me moque pas ! Ce ne serait pas correct. Je suis juste heureux pour toi.

Ils se regardèrent l'espace d'un instant, sachant pertinemment ce que voulait dire l'autre. Jamais Elijah ne se serait permis de se moquer de lui. Il était déjà dans une mouise sans nom pour essayer de conquérir son beau, alors il comprenait parfaitement ce que venait de traverser son meilleur ami.

— Et du coup, qu'est-ce que tu as ressenti ?

— Tu n'es pas un peu trop curieux, dis-moi ?

— Certainement, mais tu me connais ! J'adore les potins !

Morgan soupira devant l'enthousiasme du châtain. Il avait les yeux brillants et un sourire enfantin. Il était à l'affut du moindre détail qui pouvait lui faire mieux comprendre ce que ressentait le brun. Il n'était pas vraiment ouvert sur ses sentiments, alors Elijah sautait sur les rares occasions comme celle-ci.

— J'avais l'impression que mon cœur allait lâcher, en fait. J'étais mort de trouille, mais c'était chouette. Je me suis dit « c'est le moment ou jamais » et apparemment, j'ai eu raison, n'est-ce pas ?

— L'avenir nous le dira...

— Connaissant Andy, il doit se poser pleins de questions à l'heure qu'il est.

— Tu as peur qu'il change d'avis ?

— Pour être honnête, oui. Il est plus jeune, peut-être qu'il veut mieux ?

— Mieux que toi ? Il n'y a que moi ! ria Elijah en le frappant à l'épaule.

— Les chevilles, ça va ? rétorqua l'autre, amusé.

— Sérieusement, tu es bête. Tu es un type exceptionnel. A part ton obsession pour le boulot, tu es quelqu'un de prévenant, de gentil et de calme. Qui ne voudrait pas passer des jours heureux avec toi ?

— Je ne suis pas dans la tête des autres.

— Heureusement que tu n'es pas dans la mienne, je te le garantis

— Je ne veux pas savoir à quoi tu penses pour faire passer Archie à la casserole.

Son ami lui servit un sourire qui voulait dire beaucoup. Ils ne parlaient que rarement de leur sexualité, mais Morgan savait qu'Elijah aimait découvrir de nouvelles choses. Il ne s'en était jamais caché. Parfois, lorsqu'ils étaient adolescents, ils étaient allés chercher des nouveautés sur internet. Quelques fois, ils avaient fermé la session de l'ordinateur, choqué de ce qu'ils avaient vu, avant d'en rire quelques semaines plus tard.

— Ça pourrait peut-être te donner des idées, tout compte fait ?

— Je te promets que je ne veux rien savoir, s'obstina le brun.

Le psychologue soupira, comme s'il venait de perdre une guerre. Il haussa les épaules et prit un bâtonnet de carotte pour le tremper dans la sauce de fromage de chèvre.

— C'est pas grave, tu apprendras, petit padawan.

Morgan leva les yeux au ciel, sachant pertinemment que le châtain n'allait pas le lâcher aussi facilement que cela. Il était attachant, mais parfois chiant sur les bords, il fallait l'avouer. Il était têtu, et arrivait toujours à obtenir ce qu'il voulait.

— J'espère que j'ai été le premier à le savoir, en tout cas.

— Oui. Contrairement à toi, je te dis tout.

Elijah eu un air coupable. Malheureusement pour lui, Morgan n'avait pas oublié cet épisode. Il s'était confondu une deuxième fois en excuse, quelques temps après, quand la dispute avait de nouveau surgi de leurs mémoires. Lui qui ne s'excusait jamais le premier, il avait changé ses habitudes pour son ami et cela l'avait touché.

— Hum... Tu montes voir ta famille pour les fêtes, alors ? demanda-t-il.

— Oui, depuis deux ans, je n'ai pas pu. J'espère que ça leur fera plaisir.

— Tu ne les as pas prévenus ?

— Milo le sait, mais il a promis de ne pas leur dire.

— Et tu y vas quand ?

— Le vingt-quatre après-midi.

En réalité, il devait y aller plus tôt, mais quelques dossiers à l'hôpital étaient en désordre et il ne voulait pas laisser un surplus de travail à ses collègues. Il ne savait trop quand, il irait à son bureau pour organiser tout ça. S'il le disait à Elijah, l'homme ferait un nouveau sermon comme quoi il était un bourreau du travail. Pourtant, à ses yeux, il ne l'était pas. Il faisait juste ce qu'il avait à faire.

On disait que l'alcool et la drogue étaient une addiction. Le travail aussi, pour certains.

— Et toi, tu le fais avec qui ?

— Je pense que je vais rentrer aussi.

Si Morgan n'avait pas vu sa famille à noël pendant deux ans, c'était également le cas du châtain. Il avait tenu à ce qu'ils le fêtent ensemble car pour lui, noël ne devait pas se passer seul, dans son appartement, entre deux tours de gardes. Le brun n'avait jamais eu la force de le contredire. Ils faisaient des soirées films. C'était simple, mais agréable.

Cette année, il était tout excité de revoir ses parents et Marius. Son deuxième frère avait fait l'effort de venir chez lui à cause de la santé de sa fille, mais l'autre se contentait de face time. Son travail était aussi prenant, et il ne voulait pas laisser ses employés seuls. Finalement, donner toute son énergie pour le boulot était de famille.

— Tu restes dormir ici ?

— Je pense. Je ne peux pas taper l'incruste' chez Archie à cette heure...

— Tu parles de plus en plus de lui, remarqua le médecin.

— Vraiment ? s'étonna le châtain en mangeant une tranche de saucisson.

— Ça doit être la troisième fois que tu en parles depuis que tu es arrivé

— Je... Je crois que je perds un peu patience, en fait.

Morgan écarquilla les yeux sous la surprise. Le plus vieux n'avait encore jamais avoué sa défaite pour courir après quelqu'un. Sa main resta figée au-dessus du bol de concombres alors qu'en face de lui, son vis-à-vis baissait la tête.

— Pourquoi ?

— J'ai l'impression qu'il ne me verra jamais autrement qu'un ami. Un ami !

— Bouges toi les fesses alors ! Montre-lui ce que tu veux.

— C'est pas parce que tu es en couple qu'il fait me donner des conseils...

L'autre bougonna, tapant des ongles sur la surface lisse de l'ilot. Si Archibald ne le voyait que comme un ami, il était foutu. S'il suivait sa conscience, il s'éloignerait pour lui laisser de l'espace, et peu à peu s'en aller, mais son cœur n'était pas d'accord.

— Je ne te donne pas de conseil, je t'ordonne quelque chose. Ce n'est pas pareil.

— L'enfant insolent que tu es mériterait presque des claques.

Morgan ria un peu. La légèreté de leur discussion lui faisait plus de bien qu'il ne le pensait. Andy sortait de sa tête durant un moment, et cela lui donnait un moment de répit. Il ne savait pas vraiment quoi, et comment faire avec lui. Devait-il lui envoyer un message ? Devait-il lui proposer de se revoir dans les trois prochains jours ? Il était perdu.

Il avait envie de passer du temps avec lui, mais de le fuir en même temps.

— Caméléon ?

— Mmh ?

— Et Louis ?

— Il lui est arrivé quelque chose ? s'inquiéta le brun.

— Non, mais quand vas-tu lui dire que c'est fini entre vous ? Parce que rassure-moi, tu ne vas pas faire ce coup au blondinet ?

Le brun ouvrit la bouche pour répondre, mais rien n'en sorti. Il avait complètement oublié Louis. Ils n'avaient pas le temps de se voir, et le blond prenait trop de place dans ses pensées pour qu'il en reste au châtain.

« Ho putain de merde »

— Non, bien sûr que non. Je parlerais à Louis. J'espère qu'il comprendra.

— Quoi, tu vas juste lui dire ça comme ça ? Comme un abruti sans cœur ?

— On ne s'était rien promis, et nous avions été clairs. Si nous trouvions quelqu'un durant cette amitié avec des bénéfices, notre entende deviendrait caduc. Depuis le début, c'est lui qui s'est attaché.

— On dirait que ça te fait ni chaud ni froid.

— C'est faux. J'aime beaucoup passer du temps avec lui, même si on a eu du mal à se croiser depuis quelques mois. Il est gentil et doux, mais je ne suis pas l'homme qu'il lui faut. Il s'est accroché à ça malgré mes tentatives de lui faire comprendre.

— Ouais, je comprends. Mais s'il te plait, soit plus compatissent lorsque tu lui diras.

— Je ferais de mon mieux.

Cette révélation avait jeté un blanc entre eux. Ce fut à cet instant que le téléphone du brun se mit à vibrer sur la surface lisse. Il cru presque à quelque chose de programmé, tant c'était coïncident avec leur discussion.

[23 : 45] Andy : Désolé de te déranger, mais c'est un peu le foutoir dans ma tête. Je voulais te demander si ce qui s'est passé devant chez moi est quelque chose de sérieux pour toi, ou pas ? Soit honnête, et ne me laisse pas espérer pour rien, s'il te plait.

— Pardon ? s'exclama-t-il, perdu.

— Qu'est-ce qu'il se passe ?

Il lui tendit son téléphone, les sourcils froncés.

— Mais il est un peu bête, ou il le fait exprès ? demanda Elijah.

— Il est juste perdu, je crois. Passe-moi mon portable.

Le châtain obtempéra et le cellulaire retourna dans les mains de son propriétaire. Il écrivit plusieurs phrases, avant de les effacer et de recommencer. Ce manège dura un peu, car il ne savait pas quoi répondre. C'était loin d'être une blague ou quelque chose du genre, mais il avait peur d'être trop sec dans ses mots. Finalement, il trouva une formulation adéquate et pianota sur l'écran tactile.

En face de lui, le psychologue le regardait, inquiet.

[23 : 51] Morgan : D'une, tu ne me déranges pas du tout. Et de deux, tu devrais savoir que je ne fais rien à la légère. Ce baiser a été longuement réfléchit, et si tu en as envie, nous pouvons essayer de faire quelque chose. Tu en dis quoi ?

— Heureusement que tu lui as demandé son avis, on dirait une agression !

Elijah avait fait le tour de l'ilot pour s'asseoir sur le tabouret haut à côté de son ami. Il était penché vers lui afin de mieux lire.

— Je ne savais pas comment être doux.

— Tu as bien fait, il ne l'a pas été non plus.

[23 : 56] Andy : Je crois que je voudrais essayer quelque chose, oui.

— Et bien, il est moins timide à travers un écran qu'en vrai !

[23 : 57] Andy : Excuse-moi, c'était maladroit. C'est juste que nous n'avons pas le même âge et la même situation alors peut-être que tu ne cherchais pas quelque chose de sérieux, tu vois ? Enfin bref, je m'embrouille tout seul, désolé.

— Son cerveau carbure bien à presque minuit, dis donc.

— Eli, la ferme, s'il te plait. C'est important, ce qu'il se passe.

Le châtain se tut donc. Il voulait répliquer quelque chose, mais il estima que ce moment était aux amants fraichement trouvés. Il descendit de son tabouret haut pour s'éclipser dans le couloir. Il en avait marre de porter un jean serrer, et voulait quelque chose de plus ample. Ce temps passé seul permit à Morgan d'organiser ses pensées.

[23 : 59] Morgan : Oui, je vois tout à fait ce que tu veux dire. Mais c'est plutôt à toi de penser à ça. J'ai douze ans de plus que toi, alors nous n'avons pas les mêmes points de vue. Peut-être que tu souhaites juste un copain de passage.

[00 : 00] Andy : Je ne suis pas comme ça ! « De passage » ne fait pas partie de mon vocabulaire. Soit c'est une relation réfléchie avec des sentiments, soit c'est rien. Je ne cherche pas de « plan cul » si tu veux venir par là !

[00 : 02] Morgan : D'accord. C'est parfait. Nous avons la même vision des choses.

Elijah revint avant que la réponse n'arrive. Enveloppé de vêtements de Morgan, cette vision était habituelle entre eux. D'une taille presque similaire, ils s'échangeaient les fringues depuis tous petits. Même si le châtain avait une plus grande tendance à les tâcher.

— Alors ?

— C'est clair. Nous cherchions la même chose.

— Je suis vraiment heureux pour vous. Tu n'as même pas idée.

— Merci.

Morgan était certain qu'ils allaient en chier, mais il voulait se lancer dans cette aventure. Andy n'était pas comme tous les autres. Il était discret et renfermé. Il ne voulait pas parler de certaines choses et il faisait des crises d'angoisse. Il avait l'impression que le blond était un joyau, protégé par le plus inviolable des coffres forts. Mais le brun voulait l'ouvrir, ce coffre-fort. Il voulait libérer Andy de ses démons et de ses peurs. C'était peut-être présomptueux de sa part, mais il aimait voir le Andy solaire qui souriait doucement à ses hypothèses sur le monde. Il avait déjà vu deux facettes de sa personnalité, et tout lui plaisait, chez le jeune homme.

[00 : 08] Andy : Est-ce que ça veut dire qu'on forme un couple ?

Morgan sentit tout l'espoir et toute l'innocence du blond dans cette simple question. Ils devraient avancer pas à pas, ensemble. Ils y arriveraient, le brun en était sûr. Ils s'apprivoiseraient et de découvriraient.

[00 : 09] Morgan : Je crois que oui.

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Hey !

Voici un nouveau chapitre !

Des avis ? :)

D'ailleurs, si vous voulez, venez me rejoindre sur Instagram ( pseudo :  @ rheexus) pour des nouvelles de la saga, des sondages, des informations inédites, votre avis à donner et pas mal de délires ! :)

Bisou sur votre joue gauche,

Rheexus

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