CHAPITRE 35
Andy resta figé quelques secondes, le temps qu'avait duré le contact. Il ne comprenait pas. Pourquoi ? Son cerveau ne parvenait pas à analyser ce qu'il se passait. Il s'était sûrement mis en pause. Puis, lorsque Morgan ne recula, les yeux baissés sur la pointe de ses chaussures, il comprit l'ampleur de ce qu'il venait de se passer.
« Il m'a embrassé »
Le blond aurait pu hurler, crier, piquer une crise de colère, mais rien ne vint. Il n'y avait qu'un certain soulagement et ses émotions étaient calmes. C'était comme si son corps et son cœur s'étaient mis en accord afin de réagir le plus calmement possible. Ou comme s'ils attendaient depuis longtemps que ce moment vienne.
— Excuse-moi... je... je vais partir, pardon.
Devant lui, Morgan s'empêtrait dans ses excuses murmurées. Le plus jeune des deux n'en voulait pas. Il ne les écoutait pas, si bien qu'il retint à son tour le brun lorsqu'il allait partir, s'enfuyant de la scène de crime. Il n'eu même pas le temps de faire quoi que ce soit qu'Andy s'était hissé sur la pointe des pieds et réitérait cet échange privé.
Là, devant son immeuble, il laissait sortir tout le courage dont il faisait preuve.
Morgan fut surpris. Il n'y avait pas d'autre mot pour décrire ce qu'il ressentait. Son cœur explosa en mille morceaux sous l'émotion. Ses bras passèrent sous le manteau du blond afin de le rapprocher le plus possible de lui. Andy sourit dans le baiser.
— C'est une drôle de journée, murmura le blond, la tête contre son épaule.
— A qui le dis-tu...
Ils restèrent plantés au milieu de la rue déserte, comme s'ils essayaient d'assimiler ce qu'il venait de ses passer. L'un avait le cœur en vrac, alors que l'autre se posait un milliard de questions plus ou moins utiles. Le blondinet voulait les oraliser, mais il n'y parvenait pas. La seule chose qu'il pouvait exprimer était un large sourire caché à la vue de tous. Même s'il avait les mains froides et le nez rougit, il ne parvenait pas à faire un mouvement pour se mettre au chaud dans l'immeuble. Ils restèrent ainsi quelques minutes, le menton du brun sur le sommet de la tête du blond.
Ils écoutaient le silence qui régnait, et savourait le contact.
— Je dois y aller... fini par murmurer Morgan.
— Mmh ? Ok, ouais. Ouais c'est bien.
Andy se recula d'un pas, les joues cramoisies. Il avait l'impression que ses sentiments explosaient avec retardement. Morgan embrassa doucement son front, comme s'il ne voulait pas faire trop pour une soirée.
— Prend une douche chaude quand tu rentres, tu es gelé, dit le brun.
— Fais attention sur la route.
— Ne t'en fais pas. Bonne soirée, Andy.
Le concerné murmura également une forme de politesse et attendit que le médecin tourne au coin de la rue pour rentrer. Il récupéra sa clef, et grimpa les escaliers d'un pas prudent. Il ne voulait pas terminer à l'hôpital à cause des marches glissantes. Arrivé à son pallier, la petite lampe n'était toujours pas en état de marche. Il ouvrit sans attendre le battant, et la chaleur de l'appartement lui fouetta le visage. Il pourrait peut-être justifier ses joues rouges par le changement de température ?
« Qui crois-tu berner ainsi ? »
— Ha, tu es rentré ? Tu aurais pu m'envoyer un message !
— Quoi ? Heu... ouais, pardon...
L'appartement sentait la pizza. Andy ne parvint même pas à se réjouir. Sur le canapé, Amadeus avait grimpé sur le dossier. Il faisait une tâche noire sur le tissu gris. Sur le sol, Blue gambadait comme une bienheureuse. Parfois, ses pas n'étaient pas assurés, si bien qu'elle tombait sur le flanc, se relevait, et repartait en courant. Ce chaton était une force de la nature. Malgré les épreuves, elle continuait de se battre.
Un peu comme Andy.
— Tu fais une de ces têtes, tu as vu le diable ou quoi ? s'interrogea Sam.
— Non, c'est rien. Je vais à la douche.
Le métis fut décontenancé de voir Andy passer devant lui sans lui lancer un regard. Le jeune homme avait encore la tête dans les nuages. Seul, il passa les doigts sur ses lèvres, essayant de savoir si la douce sensation s'était volatilisée ou pas. Elle ne l'était pas.
Morgan l'avait bien embrasé, ce n'était pas un rêve.
Dans sa petite chambre, il fouilla son placard pour en sortir un legging polaire de sport, bien qu'il n'en faisait pas, et un de ses larges sweat qu'il dénichait dans les friperies de la ville, au plus petit prix possible. Lorsqu'il voyait les étiquettes dans les magasins, il faisait presque une attaque ; le coût de la vie devenait de plus en plus cher. Ce soir, ce serait des motifs géométriques sur fond blanc. Il n'était pas particulièrement esthétique, mais il était vraiment chaud. C'était tout ce qu'Andy demandait.
Il passa un certain temps sous le jet d'eau chaud. Il massait lentement son cuir chevelu, afin de le détendre après de longues heures aux cheveux tirés dans une position peu naturelle. Il lâcha un soupir de soulagement lorsque les picotements disparurent. Il rinça son corps en sentant les effluves de mandarine êtres aspirées dans le siphon. La serviette autour de ses cheveux afin de les égoutter, le jeune homme s'habilla rapidement. La salle de bain avait beau être petite, ils n'avaient pas de chauffage pour quand ils sortaient de la cabine. Le choc thermique ne plaisait ni à l'un, ni à l'autre, mais ils oubliaient toujours d'en acheter un, lorsqu'ils faisaient les courses
Andy sortit alors de longues minutes, presque vingt, plus tard. Les cheveux humides, en désordre sur sa tête, qui finissaient de s'écouler sur son pull. Amadeus courait à son encontre dans le couloir, peu heureux d'avoir été interdit d'entrer dans la salle d'eau.
— Ben alors, je t'ai manqué grosse vache ? demanda le blond en se penchant.
Le gros chat au creux de ses bras, il continua sa route. Dans le salon, Samaël avait changé de place pour se mettre devant la télévision, une série en pause. Pas loin de lui, le chaton tentait de se faire une place douillette sur les coussins.
— Ça va mieux ? demanda le métis.
— Oui pourquoi ?
— Tu avais l'air de vouloir de te noyer sous la douche, en rentrant.
— Ne t'en fais pas, je tiens un minimum à ma vie, tout de même...
— J'espère bien ! s'exclama Sam. Tu veux manger maintenant ?
Le blond hocha la tête et posa le chat qui repartit d'une démarche indignée. Les deux colocataires mirent la table et servirent le repas sans un mot. Comme peu souvent, ils prirent directement place sur le canapé, leur assiette entre les jambes. Ils étaient tous les deux absorbés par la série policière, même si Andy ne comprenait pas tout car il regardait des épisodes par intermittences.
Alors que le personnage principal venait de se faire tirer dessus, après au moins trois épisodes de course poursuite et de questionnement, Sam se tourna vers le blond. Il avait cet air inquisiteur sur le visage, et les yeux un peu plissé, comme pour se donner un faciès sérieux. Andy n'osait pas lui dire qu'il ne ressemblait à rien, comme ça.
— Bon, raconte à grand frère Sam comment a été ta journée.
— Donc, tu mets en pause, juste pour me demander ça ?
— Ne sous-estime pas le caractère important de ma phrase !
— J'ai une question plus importante ; pourquoi ça n'irait pas ?
Samaël le regard, un rictus blasé sur les lèvres, la tête penchée. Visiblement, il ne croyait pas du tout aux paroles du plus jeune. Il se tourna même vers lui, ramenant ses jambes en tailleur sur l'assise du canapé. Entre eux, le Maine Coon avait pris ses aises.
— Peut-être parce que tu tires la tronche depuis deux heures ?
— Je ne tire pas la tronche ! s'offusqua le blond.
— Comment tu appelles le fait de rester de marbre, sans aucune émotion ?
— C'est ma tête de tous les jours, je te signale...
— Mmmh... non. D'habitude, tu es plus... perplexe face aux évènements.
— Perplexe ? est-ce que tu ne te ficherais pas de moi ? ricana presque Andy.
— Non, pas du tout, tu devrais te voir.
— Je n'ai pas constamment un miroir avec moi, désolé.
Sam décida d'arrêter cette conversation avant qu'elle ne parte dans tous les sens. Il savait comment Andy pouvait défendre ses positions, lorsqu'il se savait dans la vérité. De plus, ce n'était pas le sujet principal.
— Les gens n'ont pas aimé ton œuvre, c'est ça ?
— Je crois qu'ils ont apprécié, au contraire. Ils m'ont posé plusieurs questions...
— C'est super ! Tu as trouvé des contacts ? s'enquit le métis, curieux.
— Ce n'était pas vraiment le but, mais un artiste reconnu est venu me voir.
— Mais c'est super ! Mon petit Andy devient grand !
Le cuisinier feignait d'avoir les larmes aux yeux avec des gestes dramatiques. Cela fit chaud au cœur d'Andy, de voir qu'une personne croyait en lui. Depuis qu'ils se connaissaient, Sam n'avait jamais émit de réserve au sujet de ses études. Il se montrait curieux, sans vraiment aller en profondeur. Il ne lui avait jamais demandé comment venait son inspiration, mais appréciait les avoir en stand-by dans l'appartement.
— Si l'expo s'est bien passée, c'est Morgan qui a fait quelque chose ?
— Non !
Andy avait répondu trop vivement pour que cela paraisse naturel. Il sut à la seconde près que Sam avait compris quelque chose, vu le sourire en coin qu'il arborait.
— Il n'a rien fait qui t'ai froissé, au moins ?
— Non... au contraire... répondit l'étudiant d'une petite voix.
— Tu veux en parler ?
Même si son colocataire le demandait, Andy savait qu'il ne l'obligeait à rien. Ils étaient comme cela, ils se confiaient lorsqu'ils en avaient besoin, mais n'approfondissait pas les révélations. Ils gardaient une sorte d'intimité.
— Je crois que oui, quelque part...
— Je t'écoute.
Andy ouvrit la bouche pour parler, mais Sam le stoppa d'un geste de la main.
— Attends deux minutes, je vais nous faire le dessert !
— Mais ça peut attendre ! rétorqua Andy alors que le métis se levait.
— Non non non ! Je veux entendre ton histoire palpitante avec un chocolat chaud entre les mains ! répliqua l'autre, déjà en train de sortir les tasses et le chocolat en poudre. Tu sais bien que sinon, je vais t'arrêter toutes les trente secondes.
— C'est vrai que pour le bien commun... rigola Andy, plus léger.
Il entendit les placards se refermer, puis les tiroirs claquer. Il ne s'en formalisa pas, sachant que la délicatesse et Sam faisaient deux. Les doigts dans les poils noirs de son ami à quatre pattes, le jeune homme formait des phrases dans son cerveau. Sous sa main, l'animal s'étira avant de se coller un peu plus à son humain.
— Voilà pour toi, avec un fond de caramel et de chocolat fondu.
Andy remercia le cuisinier, avant qu'il ne s'installe en face de lui, touillant sa boisson.
— Tu peux y aller, je suis tout ouïe.
Andy soupira avant de se lancer. Il raconta le début de sa journée, passant quelques détails, embraya sur le repas du midi qu'ils avaient passé dans le froid, à l'ombre d'un mur. Puis, il expliqua que la professeure avait été en retard et qu'il avait fait une crise de panique au beau milieu du hall de la galerie.
— Tu as réussi à t'en remettre ? demanda Sam.
— Laisse moi continuer, rouspéta le blond, fâché.
Le métis ria un peu, et laissa la parole à son vis-à-vis. Il lui expliqua la honte qu'il avait ressenti, mais le soulagement qui l'avait chassé, lorsque Morgan avait attendu patiemment qu'il sorte lui-même de ses peurs.
— Bon, ce n'est pas un abruti complet, c'est déjà ça...
Le regard d'Andy le fit taire immédiatement.
— Il a été doux et compréhensif, le défendit-il.
Sam leva les deux mains en l'air, comme s'il voulait se faire pardonner.
Andy continua alors son récit, en racontant comment Cerise et Victor lui avaient fait la surprise de venir. Sam voulu intervenir, mais le blond l'en empêcha, sachant qu'il ne parviendrait jamais à terminer son récit s'il le laissait faire. Il aborda la fin de son histoire en expliquant que Morgan l'avait ramené, car il ne voulait pas qu'il fasse le trajet seul.
— Et juste avant de rentré il... commença-t-il en rougissant. Il m'a embrassé...
— Et toi ?
— Je l'ai embrassé aussi.
Le blond ne savait pas s'il pouvait devenir encore plus rouge qu'à cet instant. Le faire était une chose, mais le dire à voix haute et en prendre conscience en était une autre. Sam écarquilla simplement les yeux, la bouche entre-ouverte de surprise.
— Donc, vous êtes un couple ? s'étonna-t-il.
— Heu... je ne sais pas. Je ne lui ai pas demandé, à vrai dire.
— Je pense qu'à partir du moment où vous vous plaisez et que vous vous embrassez, vous êtes un couple. Putain, c'est vraiment bizarre de le dire ! Mais t'es sûr qu'il ne se fiche pas de toi ? Enfin, je veux dire, je ne veux pas qu'il te fasse espérer du vent.
— Je n'en sais rien.
L'éclat dans les yeux d'Andy se ternit immédiatement. Il n'avait même pas envisagé cette option. Il était encore complètement perdu de cette découverte, et il devait se méfier du brun car il jouerait peut-être avec lui ? C'était à ne plus rien y comprendre. Il voulait le voir pour lui demander de vive voix, mais à presque vingt-trois heures, c'était impossible.
— Notre rencontre n'à pas été la meilleure, mais il ne semblait pas être un de ces connard. Il ne dit pas qu'il va faire ça, mais on ne sait jamais. Je sais que ce que je te dis est difficile à entendre, mais il faut voir toutes les éventualités...
Sam s'embrouillait dans ses explications. Il ne voulait pas qu'Andy s'emballe et qu'il se fasse briser le cœur par un énième connard. Le jeune homme lui avait un peu raconté ses précédentes relations, et il avait été furieux. Le métis allait faire en sorte qu'il ne soit pas un dommage collatéral d'une simple curiosité ou d'une lubie.
Il méritait le meilleur du monde.
— Je comprends ce que tu veux dire. Tu as raison. Je ne dois pas m'emballer.
Parce que même s'il ne montrait rien, son cœur avait déjà fondu sous l'émotion. La douche lui avait permis de rejouer en boucle la scène, et à chaque fois, un sourire niais lui avait entravé le visage. Andy avait du mal à extérioriser ses sentiments, mais à l'intérieur, c'était un feu d'artifice coloré. Mais Sam avait raison. Ils devaient mettre les choses au clair avec Morgan. Il ne voulait pas se faire d'illusions pour rien. Il espérait de toute son âme que ce n'était pas une passe, mais quelque chose de sérieux.
— Je vais lui envoyer un message. Peut-être qu'il me répondra ?
— C'est une excellente idée.
Le blond se leva et alla chercher son téléphone dans la cuisine. Une fois en main, il le déverrouilla, alla sur la conversation avec le brun, et ses doigts s'agitèrent tous seuls. Ils semblèrent déjà savoir comment retranscrire les pensées en chaos du blond.
[23 : 45] Andy : Désolé de te déranger, mais c'est un peu le foutoir dans ma tête. Je voulais te demander si ce qui s'est passé devant chez moi est quelque chose de sérieux pour toi, ou pas ? Soit honnête, et ne me laisse pas espérer pour rien, s'il te plait.
Le blond ne savait pas si par message était correct ou non, mais il n'avait pas le courage d'appeler le brun. Premièrement, il était certainement en train de dormir, et deuxièmement, il ne voulait pas entendre les mots, si Sam avait raison. Anxieux, il lorgnait la LED verte de son téléphone, priant pour avoir une réponse rapide.
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Hey vous !
Voici un nouveau chapitre !
Des avis ? :)
Bisou sur votre joue gauche,
Rheexus
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