CHAPITRE 32

— Non ?

— Si, et je me suis pris la plus grosse gamelle de ma vie, je crois.

— Mais comment tu as fait ton compte ?

— J'ai mal posé mon pied sur la planche, et elle a glissé sans prévenir.

— Est-ce que tu es tombé comme dans les vidéos ?

— Certainement, j'ai eu des bleus pendant des semaines !

Andy riait. Morgan relatait la première fois où il était monté sur une planche de skate. Il n'avait aucun équilibre, et ce fut une catastrophe. Elijah et Arthur avaient tenté désespérément de l'aider à avancer, mais le premier avait vite abandonné, alors que le deuxième avait perdu toute une après-midi. Comme à son habitude, il avait été doux et pédagogique. Il se souvenait que ses frères s'étaient moqués de lui pendant longtemps de cette journée. Sur le coup, ç'avait été une honte, mais maintenant, il en plaisantait.

— Je ne te pensais pas aussi casse-cou, s'exclama le blondinet.

— Je n'ai pas toujours été l'adulte posé et réfléchi que tu as devant toi...

— Je me doute bien. Ce serait ennuyant, sinon, de toujours être parfait.

Morgan ne releva pas, la tête tournée vers la barquette sur ses cuisses.

« Parfait ». Il ne l'était pas, il faisait des erreurs et parfois avait un mauvais caractère. Quelqu'un de parfait ne pouvait pas exister dans leur société. Ils étaient tous à la recherche de cette perfection, du moins une grande partie, sans jamais la trouver. Alors se proclamer parfait était assez ironique.

Mais le compliment lui réchauffait le cœur. Il s'efforçait de montrer ses bons côtés à Andy, malgré sa réservation. Elijah avait raison ; il fallait qu'il se bouge les fesses avant que quelqu'un ne lui pique la place à ses côtés. Lorsqu'il essayait d'imaginer le blondinet au bras d'un autre homme, ou même une femme, des frissons désagréables coulaient de sa colonne vertébrale. Parfois, il s'étonnait lui-même des réactions qu'il avait, lorsqu'Andy était concerné. Etait-ce normal ? Il ne le saurait certainement jamais.

— Et toi, qu'est-ce qui te marque encore aujourd'hui ? demanda Morgan.

Il était d'une excellente humeur, si bien qu'il avait l'impression d'être sur un petit nuage. S'il était là, son meilleur ami se fouterait de lui à tous les coups. Mais comme ils n'étaient que tous les deux, il s'en fichait complètement.

— Heuu...

Il paraissait embarrassé, et jouait avec le coin de sa serviette en papier jaune.

— Je n'ai jamais eu d'amis, en fait... Donc je n'ai pas de « bon souvenirs ».

Il y eu un éclat de douleur dans ses yeux. Il repoussa un peu le kebab qu'il avait à peine entamé. Le jeune homme avait jeté son dévolu sur les frites qui baignaient dans de la sauce. A ses côtés, le médecin avait déjà mangé la moitié de son plat. La petite bouteille d'eau était à moitié bue, à force de parler.

— Ils ne savent pas ce qu'ils ont loupé, c'est tout.

Morgan ne savait pas vraiment quoi répliquer. Il avait toujours eu sa bande d'amis, malgré les hauts et les bas. Il ne s'était jamais senti seul. Du moins, aussi seul qu'il le pouvait, en partant du principe qu'ils étaient toujours trois. Lorsqu'il se fâchait avec Elijah ou Arthur, Marius et Milo prenaient toujours le relais. Ils étaient soudés comme les doigts d'une main.

— Mais j'ai une sœur. Enfin deux, mais la grande ne me parle pas. Du coup, on a fait pas mal de bêtises quand on était petits, avec Noa, dit timidement le blond. Mes parents me tombaient toujours dessus, mais c'était sympa...

Etait-ce vraiment le cas ?

Non, assurément. Il se souvenait parfaitement des claques qu'il se prenait.

Il se souvenait aussi amèrement des hurlements et des promesses de sanctions.

— Tu as des parents stricts, alors ?

— Non, pas vraiment, enfin... ils ne voulaient juste pas de garçon...

Même Samaël ne connaissait pas cette partie de lui. Pourtant, il se confiait au brun, dans le froid de l'hiver, les joues rouges et le nez froid. Morgan posa son regard sur lui, surpris. L'atmosphère douce venait de brusquement tomber. Quelque chose de tendu avait prit la place, sans poser de question. Le sérieux avait la légèreté.

— Ils auraient été mal avec nous ! Nous sommes des triplés. Trois garçons.

Il essayait de changer de sujet. Il n'aimait pas voir cet air triste sur le visage d'Andy. Le blondinet était solaire, alors il ne devait pas se faire prendre dans la spirale des tourments. Il ne voulait pas qu'il soit abattu, pas dans un jour si spécial.

— Tu as réussi à survivre ? plaisanta faiblement l'étudiant.

— Ils sont des piles électriques, mais c'était chouette, à la maison. Il n'y en avait pas un pour rattraper l'autre, et j'essayais de réparer leurs bêtises. Généralement, c'était un fiasco total, mais ça partait d'un bon sentiment.

— Tes parents ont réussi à vous gérer tout de même ?

— Ho, oui ! ricana le brun. Lorsque ma mère dit quelque chose, il faut filer droit. Mon père est très à cheval sur les règles aussi. Ce ne sont pas des tyrans, loin de là, mais ils ont su nous canaliser lorsqu'il le fallait. Je pense que ce n'était pas facile pour eux.

— C'est vrai qu'il en faut de la volonté, pour élever trois enfants du même âge.

— Surtout qu'ils n'en voulaient qu'un seul, au départ.

Le médecin avait toujours essayé d'imaginer la tête de ses parents, lorsqu'à l'échographie, on leur avait annoncé qu'il n'y avait pas un bébé, mais trois. Il savait juste qu'à aucun moment, ils avaient baissé les bras, ou même flanché.

— Ils te ressemblent beaucoup ? s'intéressa alors l'autre.

— Je pense qu'on peut dire que oui.

Morgan sortit son téléphone de sa poche de manteau, entra son mot de passe, et alla directement sur la galerie. Les petites vignettes colorées attiraient le regard du plus petit, mais il était trop poli pour laisser agir sa curiosité. Il détourna simplement les yeux, avant de croquer dans le pain, qui avait relativement refroidit.

— Tiens, là, c'est nous, dit le brun après une longue recherche du pouce.

Andy se pencha afin de voir le cliché. D'une qualité correcte, elle montrait trois silhouettes de taille identique. Trois bruns. Trois peaux claires. Trois yeux bruns. Ils étaient trois copies conformes. L'un d'eux avait des lunettes, alors que l'autre avait un sourire canaille sur les lèvres. Morgan était au milieu, un air détaché sur le visage. Celui de droite avait passé son bras autour de ses épaules, et l'autre faisait une grimace amusante.

— A droite, c'est Milo, dit-il en pointant l'homme qui l'étreignait. Et là, c'est Marius.

— On dirait que vous vous êtes clonés.

— Tout de même pas. Lorsque nous sommes ensemble, les gens savent très bien qui est qui, à cause de nos caractères. Pour les nouvelles connaissances, ce n'est pas simple, mais de toute façon, nous nous voyons presque plus à cause du travail.

— Ho...

Andy ne savait pas vraiment quoi dire. C'était la vie, de s'éloigner, puis se rapprocher de nouveau, si on le voulait. Cependant, Morgan n'avait pas l'air d'être si chagriné. Il prenait cela comme ça venait, et attendait impatiemment les fêtes de fin d'années. Dans trois jours, il serait chez ses parents pour fêter noël. Cela faisait deux ans qu'il n'y était pas allé.

— Et toi, tes sœurs ? demanda Morgan.

— Ça fait depuis août que je n'ai pas vu Noa.

Ha.

« Sujet sensible »

Morgan avait l'impression de marcher sur des œufs, lorsqu'il parlait de la famille du petit blond. Pour ne pas le mettre davantage dans une situation embarrassante, il décida de se taire. Comment pouvait-il mieux connaitre Andy, lorsqu'il se refermait de la sorte ?

Il enfourna un bout de pain avec de la viande dans sa bouche afin de s'occuper. Sur sa montre, il était indiqué treize heures douze. Cela faisait plus d'une heure qu'ils étaient assis, et il commençait à ne plus sentir le bout de ses pieds. Pourtant, il était bien. Même s'il faisait des erreurs, être avec Andy lui procurait une joie sans pareille.

— Tu es déjà allé à une exposition ? relança Andy, ne supportant pas le silence.

— Une fois à Paris, avec le lycée. C'était le musée du quai Branly.

— Tu es déjà allé à la capitale ? s'exclama Andy. C'était bien ?

— Mmh... j'ai une tante qui y habite. Le musée, ou la ville ? s'amusa le brun.

— Le musée pardi ! Paris est une grande ville qui absorbe la joie des gens, c'est tout.

C'était une façon intéressante de présenter la capitale. Morgan ne pouvait pas le contredire. A chaque fois qu'il y était allé, un parisien était un parisien. Ils tiraient une tête de trente-six pieds de longs, et ils regardaient mal ceux qui venaient de la campagne. Il avait eu en horreur cette façon de juger par les vêtements qu'il portait.

— C'était très bien. On a passé une super après-midi entre les diverses cultures et les salles qui s'ouvrent sur un nouveau monde à chaque fois. Je ne me souviens pas de tout, mais j'ai un bon souvenir de cette fois-ci, confia le brun.

— Tu aimes l'histoire ?

— Qui n'aime pas ça ? C'est important de savoir d'où on vient.

Andy sourit pudiquement. C'était un peu timide, mais c'était présent. Morgan fini sa nourriture avant de s'essuyer les doigts dans l'une des serviettes qu'on lui avait donné. A ses côtés, le blondinet avait les yeux rivés sur le bout de ses chaussures.

— Je trouve que c'est un peu comme l'art. On éprouve beaucoup de choses, et on chercher d'où ça provient. L'art s'exprime par la beauté de la visualisation, alors que l'histoire s'exprime par le savoir. C'est différent et semble, je trouve que ça va de pair.

— J'aime beaucoup ta définition de la chose.

— Qu'est-ce qui pourrait aller avec la médecine, selon toi ?

Le brun réfléchit à la question posée. Il ne s'était jamais interrogé sur sa discipline. Il trouva se raisonnement très intéressant. Alors que le blondinet finissait tant bien que mal son repas, Morgan se perdait dans ses pensées.

Quelle matière pouvait aller avec la médecine ? Quelque chose de manuel ? Non. La recherche, la découverte ? Puis, la réponse lui vint naturellement. A ses yeux, c'était d'une logique imparable.

— Je dirais l'astronomie.

— Pourquoi ?

— Dans les deux domaines, nous voulons toujours aller plus loin, mieux, plus haut. Nous sommes dans un perpétuel développement pour trouver des solutions. Il faut avoir de meilleurs résultats, trouver de nouvelles choses. Il y a de la recherche et de la passion.

— Ça me ferait presque envie d'aimer la médecine.

— Et est-ce que tu t'y intéresserais ?

Andy réfléchit quelques secondes, tout en avalant difficilement la fin de son repas.

— Non, je suis un rêveur, mais toi, tu es un scientifique. Un monde nous sépare.

Peut-être qu'ils n'évoluaient pas dans le même monde, mais qu'adviendrait-il si leurs univers s'entrechoquaient ? Morgan n'était sûr que d'une chose ; que cela arrive pour le découvrir.

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Hey vous !

Voici un nouveau chapitre ! (tout petit mwehehehe)

Des avis ? :)

Bisou sur votre joue gauche,

Rheexus

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