CHAPITRE 31
— Blue, arrête de manger le rideau bon sang !
Andy courrait un peu partout depuis une heure. Depuis que le chaton allait mieux, il faisait toutes les bêtises possibles et inimaginables. Cela mettait de la vie dans le quotidien morne du blondinet. Le matin, il était réveillé par elle qui lui mordillait la joue, ou jouait dans ses cheveux qui s'emmêlaient. A chaque fois, Amadeus ouvrait un œil paresseux pour voir qui était le fauteur de trouble. Le gros chat du logement avait, à la surprise générale, prit la demoiselle sous son aile pour lui apprendre la vie. En une semaine, elle avait découvert à aller à la litière, et ne faisait presque plus à côté. Elle était d'une incroyable intelligence.
— Oui, oui... je te sers ta pâtée, patiente trente secondes, veux-tu ?
Blue miaula, comme pour le presser. Les deux colocataires avaient opté pour ce prénom à cause des grands yeux bleus curieux qu'elle avait. Finalement, sous cette couche de crasse et cette odeur nauséabonde, ils avaient trouvé des poils qui se battaient entre le blanc et le crème. Ils repoussaient doucement, mais surement.
Pleine de vie, elle leur en faisait voir de toutes les couleurs.
— Royal Blue, tu arrêtes ! tempêta le blond.
Le chaton s'assit alors et attendit.
Quelques coups furent portés sur le battant en bois du logement.
— Entre ! s'écria l'étudiant.
Timidement, la porte s'ouvrit alors qu'il servait la nourriture au chaton. Quelques secondes plus tard, le Maine Coon arriva au galop, entendant le bruit caractéristique du plastique d'une gamelle. Andy soupira et versa quelques croquettes.
— Bonjour, annonça l'intrus, dérouté par la vie qui régnait dans l'appartement.
— Bonjour, je ne t'attendais pas aussi tôt, ria nerveusement le blond.
Il était gêné de se présenter ainsi. Son treillis sur les fesses et une chemise trois fois trop grande pour lui, il ne présentait pas la meilleure des visions. Surtout lorsque l'homme en face lui plaisait, et qu'il voulait se montrer sous son meilleur jour. Andy passa ses mains dans ses cheveux afin d'essayer de les dénouer.
— Il est onze heures, je suis à l'heure.
Le blondinet rougit immédiatement. Depuis qu'il s'était levé, il n'avait pas vu le temps passer. Il n'avait dormi que quelques heures, les cernes sous ses yeux en témoignaient. Son colocataire l'avait réveillé juste avant de partir, pour lui souhaiter bon courage de vive voix, et les deux chats s'étaient livrés une bataille féroce pour savoir qui allait le faire sortir du lit le plus tôt. Blue avait gagné, avec son acharnement à toute épreuve.
— Heu... je... je vais aller m'habiller ? demanda timidement l'étudiant.
— Je ne suis pas pressé, ne t'en fais pas.
Devant Morgan, Andy se sentait tout petit. Il avait une prestance que lui-même n'avait pas. Tout de noir vêtu, il était époustouflant. Andy osa passer un regard sur son corps. Avec un sourire amusé, il se rendit compte que lui aussi portait des Dr Marten's, noires et basses, elles laissaient noir ses chevilles, au-dessous d'un ourlet discret.
— Fais comme chez toi, je reviens vite.
Et il disparu dans le couloir pour s'enfermer dans sa chambre. Il s'était préparé une tenue, mais elle lui paraissait fade, maintenant. Il enfila tout de même son jean noir serré et troqua son pull pour une blouse. Blanc cassé à fins carreaux dorés, elle faisait ressortir le blond de ses cheveux, et les tâches de rousseur sur son nez.
— Ho 'daille... Je dois me coiffer... pensa-t-il en chaussant ses plateformes.
Il ne voulait pas paraitre négliger pour un jour aussi important. Il traversa donc en sens inverse le couloir pour se pencher devant l'évier. Le reflet que lui renvoya le miroir ne lui plaisait pas. Il était pâle, et avait des cernes. Il aurait pu vendre son âme au diable pour avoir un peu de maquillage sous la main, afin de cacher la misère. Au lieu de cela, il prit sa brosse à cheveux et ne fit pas de cadeaux à ses mèches. Il tenta une queue de cheval stricte, mais il avait trop de petits cheveux qui en sortaient. Un chignon lâche ne ferait pas l'affaire. Après avoir essayé d'évaluer ce qui pourrait lui allez, il scinda ses cheveux en deux, et se fit deux chignons aux mèches rebelles sur le haut de la tête. Il passa rapidement ses doigts sur tous ceux qui restaient en liberté, sur ses épaules et dans son dos.
« Un jour, il faudrait que je me les coupe... »
— C'est bon, je suis prêt, annonça-t-il en revenant dans le salon.
Il avait vérifié deux fois que sa tenue n'était pas bizarre, et qu'il n'avait pas une tête de chouette avec ce qu'il avait fait de ses cheveux.
— Parfait, nous y allons maintenant, alors ? demanda Morgan en regardant l'heure.
— Oui... excuse-moi pour l'attente...
— Ne t'en fais pas, il n'y a pas mort d'homme. Nous ne sommes pas pressés.
Andy apprécia la délicatesse du brun. Il n'était pas prêt à l'heure, mais il ne s'affolait pas pour autant. Ce n'était pas grave. L'étudiant rangea les gamelles, avant d'enfiler son manteau. Il enroula deux fois son écharpe autour de son cou, afin d'être certain que le vent ne passe pas. Frileux de nature, l'hiver était une épreuve.
Morgan sortit en premier, vite suivit par Andy qui avait prit le temps de dire au revoir aux chats avec un gros bisou sur le haut de leur crâne. Il verrouilla la porte et fourra ses clefs dans la pose de son sac. Il avait fait l'effort d'emprunter l'un des sacs de Samaël, pour ne pas trainer son bout de tissu troué, comme son colocataire l'appelait.
— Je ne savais pas que tu avais deux chats, commença Morgan.
Ils venaient tout juste de rejoindre la rue, après avoir descendu l'escalier prudemment, dans le silence complet. Dans ses poches de manteau, les doigts d'Andy jouaient avec les bouloches qui s'étaient formées au fil du temps. Il se sentait tendu et stressé. Il avait repoussé cet instant depuis le début de la semaine, avant de recevoir un message de Cerise, la veille, lui souhaitant bon courage.
« Pour l'exposition, ou pour passer plusieurs heures avec Morgan ? »
— Ça ne fait qu'une semaine, en fait, répondit-il timidement. J'ai trouvé Blue dans le parc. Elle a été abandonnée, alors, nous l'avons recueilli. Les deux se sont alliés pour nous mener la vie dure, rigola-t-il un peu.
— Vous avez un cœur, contrairement à ceux qui l'ont abandonné.
— Je ne sais pas si elle sera heureuse avec nous, mais elle est en sécurité, au moins.
— Je ne doute pas une seconde qu'elle vous adore déjà.
— C'est vrai qu'elle a de la pêche, pour une rescapée.
« Blue, merci d'avoir fait en sorte de lancer le sujet. Tu auras plus de pâtée »
Morgan suivait Andy au travers des rues. Il avait dû venir avec son GPS, alors, il se remettait entièrement au blond pour retrouver le cœur de la ville. L'atmosphère était lourde, entre les deux. Par messages, ils pouvaient parler durant des heures sans interruption, surtout la nuit, mais en face à face, ils étaient bien trop timides pour engager quelque chose. Andy attendait que Morgan se jette à l'eau, mais Morgan ne voulait pas bousculer Andy.
Ils n'avanceraient pas très vite, à ce rythme.
Il y avait une différence entre se voir accidentellement au café, une poignée d'heures pour dessiner, et en rendez-vous annoncé une semaine plus tôt. Andy n'avait jamais fait cela. D'ordinaire, les garçons venaient tout de suite le voir, sans préambule et encore moins de drague. Du rentre dedans pur et dur. C'était soit pour « Tu vois, il est bizarre, mais ça passe » ou pour passer quelques semaines à ses côtés, et le laisser derrière une fois que ses crises se manifestaient. Durant ses dix-neuf ans d'existence, seulement quatre garçons avaient tenté quelque chose. L'un avait réussi l'exploit à passer le un mois de fréquentation. Il avait rendu son tablier lorsque le blond avait fait une crise d'angoisse en public. Le garçon n'avait pas su gérer, et avait profondément eu honte. Il lui avait servit une excuse bancale avant de s'enfuir et de ne jamais revenir.
Alors, l'étudiant ne savait pas quoi faire, lorsque quelqu'un prenait son temps.
— Tu es en vacances ce soir, c'est ça ? demanda subitement le brun.
— Oui, ils voulaient participer à cette exposition dans une période calme.
— Tu ne vas pas être tout seul, alors, à ce que tu m'as dit ?
Andy se souvenait d'avoir envoyé un message où il expliquait tout ce qui allait se passer cette après-midi même. Il avait eu sa professeure de peinture au téléphone l'heure d'avant, et avait pris des notes. Visiblement, les étoiles avaient écouté ses prières.
— Trois autres étudiants vont être là-bas, aussi. Je ne les connais pas, par contre.
— Cela te permettra de te faire connaitre de tes camarades, qui sait ?
Andy n'était vraiment pas enjoué par cette situation. Il ne souhaitait pas s'approcher des personnes de son école, hors deux exceptions. Il y avait de la compétition et des murmures sur le passage, de la part des autres. Lui, on ne l'appréciait pas, car il était un peu bizarre et ne venait presque jamais en cours. Cependant, son art était sur la plupart des bouches des professeurs qui s'extasiaient lorsqu'il rendait un devoir.
« Pourquoi lui ? Il est trop chelou et il ne vient jamais » disait-on.
— Peut-être, répondit évasivement le blond.
Ils arrivèrent enfin à leur destination. Coincé entre la rue et un immeuble, le petit bâtiment colorait la rue avec des couleurs vives. Bien entretenue, la devanture donnait envie d'enfoncer les portes. De l'extérieur, ils pouvaient sentir l'odeur de la viande qui s'échappait par une fenêtre haute ouverte. Par la grande porte vitrée, ils pouvaient voir que des adolescents attendaient déjà leur repas. Cependant, ils ne se concertèrent même pas pour décider qu'il fallait entrer. Ils devaient se serrer un peu, mais les températures d'hiver ne leur laissaient pas vraiment le choix.
— Ça fait des années que je ne suis pas venu manger ici...
— Ha bon ? Tu connais, alors ? s'étonna le brun.
Ils parlaient bas pour ne pas déranger les autres. De toute façon, le bruit de la cuisson et de la femme derrière le comptoir, qui criait plus qu'elle ne parlait, suffisaient à camoufler leur conversation.
— Oui, nous venions souvent lorsque nous étudions en ville.
— Tu habites à la campagne ?
— Moi, non, mais mes parents oui, dit Morgan avant de s'avancer au comptoir.
Ils passèrent leur commande et la jeune femme écrivait tout ce qu'ils disaient. Un menu enfant pour le blondinet, et un adulte pour le brun. Andy fut légèrement gêné en exposant son choix. Déjà qu'ils avaient une différence d'âge, il ne voulait pas que Morgan le voie encore plus jeune qu'il ne l'était.
Combien avaient-ils de différence, au juste ?
Il ne devrait peut-être pas y penser, finalement.
— Ça doit être chouette. J'ai toujours vécu en ville et je me sens... enfermé.
— Avec mes amis, nous avions l'habitude d'aller dans un skate parc pas très loin, se poser toute une après-midi, loin de la circulation. Quand nous étions petits, je suis certain qu'on y mangeait de la boue, au lieu d'être enfermé devant la télévision.
Le brun lâcha un éclat de rire, et ce fut immédiatement le son préféré d'Andy.
— Je n'ai jamais fait de skate, j'aimerais bien essayer, confia-t-il.
— Si je retrouve ma planche, je pourrais t'apprendre, qu'en dis-tu ?
L'effet fut immédiat. Andy rougit, baissa la tête, et la hocha, confus. Cela voulait dire que Morgan voulait passer plus de temps avec lui, non ? Il tenta de camoufler son ravissement en se détournant un peu.
— Voilà messieurs, vos commandes sont prêtes !
Les deux hommes prirent les sacs en plastique épais et sortirent du bâtiment. La clochette en haut de la porte tinta un peu sur leur passage. Le blond avait l'impression d'être au café, dès qu'il entendait ce bruit. Il l'aimait bien, mais maintenant, les magasins avaient des portes coulissantes qui faisaient un bruit d'aspiration. Il n'aimait pas l'industrialisation que subissait la société. Il aimait le charme des anciens temps.
— Tiens, nous serons bien là-bas, dit Morgan. Un peu à l'abris, enfin, je l'espère.
Il y avait un banc, contre un mur et sous un arbre. Ils ne pouvaient pas faire mieux, car ils n'allaient pas squatter dans un café pour manger leur repas. Andy avait un peu honte de ne pas avoir pensé à tout, mais Morgan n'en faisait pas cas. Il aimait le charme décalé du moment qu'ils passaient ensemble.
Rien n'allait vraiment, mais c'était différent. Dans le bon sens du terme.
Les deux compagnons s'assirent sur le bois froid, et bénirent leurs manteaux longs qui protégeaient leurs fesses. Pourquoi avait-il fallu qu'ils se rencontrent lorsque les jours devenaient les plus froids de l'année ? Andy s'amusa de cette pensée.
— Qu'est-ce qui te fait sourire ? demanda le brun en réajustant son écharpe.
« Toi »
— Il fallait vraiment qu'on tombe sur le jour le plus froid de la semaine...
— On se souviendra de cette journée pour une chose, au moins.
— Si le temps peut te faire oublier comment je me suis présenté ce matin...
— Ne t'a-t-on jamais dit que les cheveux en vrac et la marque de l'oreiller sur la joue était quelque chose d'irrésistible ? demanda Morgan, un sourire jouant sur ses lèvres.
Heureusement qu'Andy n'avait pas encore sorti la nourriture du sac, sinon il se serait étouffé dessus. Il passa une main dans ses mèches libres qui s'échappaient de son écharpe, pour s'occuper, le cerveau tournant à plein régime.
— Je n'avais quand même pas la marque de l'oreiller ? couina-t-il alors.
— Je te taquine.
Il fut immédiatement soulagé. Il ne s'était tout de même pas ridiculisé à ce point devant lui. Un poids s'enleva de ses épaules.
— Tes blagues sont de mauvais goût, répliqua-t-il.
— Je sais, on me le dit souvent. Mais je sais faire d'autres choses !
Andy pointa ses dents dans sa lèvre inférieure afin de s'empêcher de sourire. Il aimait le Morgan qu'il avait sous les yeux. Il semblait détendu et taquin. D'ordinaire, il était plus posé et strict, mais il semblait avoir laissé ce Morgan là au placard. Sa retenue s'emblait s'être envolée pour une quelconque raison.
— Bon appétit ?
— A toi aussi !
Ils posèrent tous les deux leurs mains sur les barquettes encore chaudes.
La journée ne faisait que commencer.
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Hey vous !
Voici un nouveau chapitre !
Des avis ? :) (je suis sûre que vous en avez xDD)
Bisou sur votre joue gauche,
Rheexus
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