CHAPITRE 24

— Tu n'es pas sérieux ? demanda Morgan, tout bas pour ne pas qu'on l'entende.

— Je ne vois pas ce qu'il y a de mal à venir prendre une boisson...

L'air innocent de son meilleur ami le fit soupirer. C'était donc cela, l'idée qu'il avait en tête depuis le début d'après-midi. Morgan aurait dû s'en douter, à voir l'empressement qu'il avait eu, après avoir lu le message d'Andy.

« Sur le chemin du Elio's » avait écrit le jeune homme.

C'était une embuscade, à n'en pas douter.

— Bonjour messieurs, puis-je vous servir ? demanda le garçon au comptoir.

— Oui, s'il vous plaît ! chantonna le châtain. Ce serait pour consommer sur place.

— Très bien, je vous laisse choisir alors. Aujourd'hui, nous avons une formule ; pour deux boissons et deux collations achetées, une collation offerte. Cela vous intéresse ?

— Prenons ça, alors...

Morgan laissa son ami choisir en premier, alors que son regard furetait un peu partout à la recherche d'un certain blond. Un peu déçu de ne pas le voir, il opta pour un café serré et une part de flan. Il n'avait pas vraiment envie de manger quelque chose, mais il allait faire un effort, si au cas où, à l'angle d'une table, il pourrait apercevoir Andy.

— Très bien, vous pouvez aller vois asseoir près du mur en pierre.

Les deux hommes joignirent le geste à la parole, et patientèrent.

— Tu es machiavélique, pesta Morgan.

— Pardon ? Mon plan est le meilleur, que veux-tu ? Que ferais-tu sans moi ?

— Je vivrais tranquillement, à n'en pas douter.

Le châtain arbora une expression outrée avant d'éclater de rire. Dans le petit café, il faisait assez chaud pour enlever leurs écharpes et leurs manteaux.

— Je trouve que tu es moins sur la défensive, en ce moment, déclara Elijah.

— Je ne le suis jamais, rétorqua le brun, de mauvaise foi.

— Et bien, si, justement. Ça se passe mieux, au travail ?

— Le stagiaire est assez habile et vif, alors je lui confie certaines tâches. C'est agréable de pouvoir compter sur quelqu'un. Les journées sont un peu moins difficiles.

— Et ta collègue Luna-superficielle ?

— Tu ne l'aime toujours pas, n'est-ce pas ?

— Non, elle me sort par les yeux. Trop fausse. Trop superficielle. Trop tout.

— Je ne l'ai pas revu depuis un bout de temps. Ils ont décidé de nous mettre en équipe décalée. Lorsque je suis à l'hôpital, elle n'y est pas, et inversement.

— Ce n'est peut-être pas une mauvaise chose.

Morgan ne répondit pas. Il jouait avec le set de table qui couvrait sa place.

— Bonjour messieurs, votre commande est prête. Puis-je la poser ?

Morgan se tourna pour faire face au serveur. Andy. Son ouïe ne l'avait pas trompé. Il s'attarda un peu trop longtemps sur son visage, si bien que le blondinet rougit. Il baissa les yeux sur ce que ses mains faisaient, pour ne pas créer d'accident.

— Je ne t'avais pas reconnu... bredouilla le blond d'une petite voix.

— Elijah m'a trainé ici, nous ne devions pas passer, sinon je t'aurais prévenu.

Le blond laissa ses yeux couler sur ledit Elijah, et remarqua bien vite que c'était l'homme qui venait souvent avec un autre. Il ne commenta pas sa déduction, et leur adressa un petit sourire. Voir Morgan avait chamboulé ses plans. Il n'osait pas le regarder, de peur de rougir une fois de plus.

— Ce... ce n'est pas grave... Je vous apporte les gâteaux tout de suite.

Lorsqu'il s'en alla, le châtain offrit un visage dépité au brun.

— C'est quoi cette conversation ? Tu vas me faire plaisir de lui parler correctement car l'« effet robot » n'est pas très romantique, si tu veux mon avis. Tu m'étonnes qu'il ne se passe rien, si vous êtes deux coincés !

— Je ne te demande pas ton avis.

— Mais tu l'as quand même, alors fais avec.

Andy revint avec deux assiettes où les pâtisseries reposaient et une boîte en carton blanc. Pour la supplémentaire, Elijah avait demandé de l'emporter. Pour une obscure raison, il avait opté pour une tartelette à la myrtille, alors qu'il en était allergique.

— Si vous avez besoin de quoi que ce soit, appelez-moi, dit machinalement Andy.

— Même si Morgan a vraiment besoin de toi ? demanda Elijah une fois le blond parti.

Le concerné roula des yeux avant de lâcher un soupir. Pour l'avenir, il devrait se souvenir qu'il ne fallait pas mettre Andy et Eli dans la même pièce, sinon le deuxième allait retourner le cerveau du premier par ses imbécilités.

— Il est quand même très agréable à regarder.

— Je ne te le fais pas dire...

Morgan était en parallèle du comptoir. D'où il était, il pouvait voir le jeune homme expliquer quelque chose à son collègue qui avait un air perplexe. Ses longs cheveux blonds étaient ramenés en deux chignons sur le haut de sa tête. Sa nuque pâle était exposée à la vue de tous, si bien que le brun voulait lui donner son écharpe.

Depuis quand était-il devenu aussi possessif ?

Surtout envers une personne qu'il ne connaissait à peine.

Il plongea de nouveau le visage vers son flan.

Pourquoi de telles pensées lui traversaient l'esprit.

— Toi, tu penses à quelque chose qui te contrarie, n'est-ce pas ? intervint le châtain.

— Arrête de m'analyser, s'il te plait.

— Je ne le fais pas, ton froncement de sourcils parle pour toi.

Morgan ne répondit pas. Il ne pouvait pas avouer ce qu'il lui passait par la tête, avec l'objet de ses inquiétudes à seulement quelques mètres de lui. Andy pouvait passer à tout moment près d'eux et écouter ce qu'ils se disaient. Le blond accueilli de nouveaux clients avec un sourire chaleureux sur les lèvres. Le brun vit distinctement que son regard félin venait de passer sur lui. Il y eu ce petit moment de flottement, où leurs regards s'accrochèrent. Andy détourna la tête en premier, retenant son attention sur la femme.

— Vous n'osez pas faire le premier pas tous les deux. Comment vous voulez vous en sortir ? Andy est trop timide pour le faire, et toi tu as peur. Il va falloir trouver une solution.

Alors qu'il parlait, Elijah coupait des petits morceaux de sa pâtisserie tout en touillant le thé encore fumant qui se présentait à lui. Il avait dit cela comme si c'était l'évidence même.

— Je vois ce que tu as fait. Tu nous as emmené ici pour voir nos réactions.

— Peut-être bien, oui. Et je peux voir que vous avez besoin d'un sacré coup de main.

— Je n'ai pas besoin de ton aide, tempêta Morgan à voix basse.

— Vraiment ? Donc, d'ici quelques jours, tu serais capable d'aller le voir et de lui avouer que penser à lui te fait des nœuds au cerveau ? Serais-tu capable de lui dire ce que tu ressens ? Parce que tu ressens Morgan, sois-en certain.

Le silence qui s'ensuivit fut la plus éloquente des réponses.

Morgan n'avait jamais ressenti, comme le disait son ami. Il se laissait seulement porter par les humeurs de Louis qui avait prit leur relation en main dès le début. Ils s'étaient rencontrés par hasard, à l'une des soirées d'Elijah, et depuis, le brun voguait en fonction des intempéries. Il ne s'attachait pas pour autant. Il laissait Louis gérer.

Mais Eli avait raison. Il n'était pas assez courageux.

Cette constatation l'embêta immédiatement.

Sa spécialité était de s'adapter aux autres, pas de prendre les devants. Il ne savait pas comment cela fonctionnait, car il n'avait jamais eu besoin de le faire. D'aussi loin qu'il se souvenait, ses frères avaient toujours tout décider, et puis Elijah avait prit le relais. Il était le seul à lui laisser une marge de manœuvre, mais dans le fond, il orientait ses choix.

— Quelle est ta décision ? Te bouger les fesses ou laisser trainer la situation ?

— J'ai horreur que tu me parles comme tu le fais.

— Tu ne me laisses pas vraiment le choix, caméléon.

« Caméléon ». Un simple surnom qui exposait au jour l'une de ses plus grandes faiblesses. Il se fondait si bien dans le paysage qu'il ne savait même plus en sortir. Il ne faisait pas de vagues, et n'en créait pas. C'était son problème le plus urgent.

— Bon, d'accord ! Qu'est-ce que tu me conseilles de faire ?

Le sourire qui illumina le visage de son vis-à-vis fut magnifique.

— Parle-lui ! Mais vraiment, pas seulement des conversations futiles !

— Nous parlons par messages presque tous les jours...

— Et qu'est-ce que tu sais de lui ?

— Il est...

— Puis-je vous offrir une nouvelle boisson ? demanda soudainement le garçon.

Morgan écarquilla les yeux, prit sur le fait. Il les détourna pour tomber dans le fond de sa tasse vide. Les traces marrons zébraient la porcelaine. C'était décidément la chose la plus intéressante qu'il puisse être à cet instant. Ou peut-être, c'était Andy qui était apparu aux côtés d'Elijah, timidement, comme s'il s'excusait de sa présence.

Avait-il écouté leur conversation ?

— Ho ! Volontiers ! s'exclama le châtain. Mais en quel honneur ?

— Vous êtes l'un nos meilleurs clients. Cela est la moindre des choses, monsieur.

— Déjà, appelle moi Elijah, s'il te plait ! C'est vraiment très gentil de ta part. Je peux te tutoyer ? Morgan le fait déjà, je peux également ?

— Heu... oui, oui ! Cela ne me dérange pas...

Le jeune homme avait l'ait gêné devant d'aisance du châtain à lui parler. Il savait manier les mots, si bien qu'il avait toujours ce qu'il voulait, même par un chemin détourné tordu et sinueux.

— Je reviens donc avec un café et un thé aux fruits rouges ?

— Oui, s'il te plait.

Le blondinet repartit de sa démarche fluide. Morgan se perdit dans le mouvement hypnotique de ses hanches étroites. Soulignée par un jean foncé, sa cambrure était exquise.

— Tu vois, ce n'est pas compliqué de communiquer. Tu m'écoutes ?

Le brun fredonna une réponse, et son ami se tourna afin de voir ce qu'il regardait aussi fixement, la commissure de ses lèvres réhaussée, appréciateur.

— C'est effectivement une très belle vue, commenta l'autre. Quand est-ce que tu lui mets le grappin dessus ? Cela m'étonne qu'un homme comme lui soit encore célibataire. Tu es sûr qu'il est libre au moins ? Peut-être qu'il a un sexfriend, comme toi ?

— Ne parle pas de malheur. Quand je suis allé chez lui, il n'a pas parlé de couple.

— Cela m'étonnerais, mais il est peut-être hétéro ?

Morgan pâlit immédiatement, se rendant compte qu'il avait certainement raison.

— Tu n'en sais rien... Purée ! Je vais devoir tout t'apprendre pour le conquérir !

Andy revint avec les deux nouvelles boissons. Tac. La porcelaine touchant le bois de la table sembla être l'élément déclencher du psychologue. Alors que l'étudiant débarrassait la vaisselle sale, il passa à l'attaque.

— Dis-moi... La fille là-bas te regarde depuis tout à l'heure. Tu devrais aller la voir ?

« Elijah, tais-toi je t'en prie » murmura la conscience de Morgan.

Le blondinet rougir immédiatement. Il se mordilla la lèvre inférieure avant de passer ses doigts dans les mèches dorées qui retombaient sur son torse.

— Heu... j-je... elle ne m'intéresse pas... et... désolé...

— Tu ne l'as même pas regardé, confia l'autre en détaillant les mimiques du blond.

Le visage d'Andy vira littéralement de couleur. La peau d'ordinaire si pâle devenait rouge au fil des secondes. Il venait de se faire avoir. Il détestait ce sentiment. Il ne voulait pas être méchant avec le client, alors il tenta un sourire qui échoua. Il repartit alors vers le comptoir, mort de honte.

Il venait de se ridiculiser devant Morgan, et il détestait cela.

— Elijah, la prochaine fois, tu la fermes. Tu l'as gêné, tu es satisfait ?

— Il faut savoir brusquer les gens si tu veux des réponses, rétorqua l'autre.

— Et cela te sers à quoi ?

— Il est gay. Du moins, il ne s'intéresse pas aux femmes. Et tu lui plais.

Morgan lui offrit un visage perplexe avant de boire une gorgée de son deuxième café. Ce devait être la pire idée de la semaine, mais il ne pouvait pas refuser une tasse offerte par Andy. Il ne pouvait rien refuser de la part du blond.

— Et comment tu as pu le voir en l'acculant de la sorte ?

— Justement, je l'ai acculé. Lorsqu'une personne se sent coincée, elle ne fait plus attention à ses expressions faciales, se raccrochant à ce qu'elles estiment une aide, une échappatoire ou une personne de confiance. Il t'a regardé fixement pendant plusieurs secondes. Il a répondu trop vite avant de focaliser son attention sur toi. Les choses parlent pour elles-mêmes.

— Mais tu ne...

— De rien, c'était un plaisir de t'aider, le coupa Elijah.

Finalement, les deux hommes sortirent du Elio's de longues minutes plus tard. Ils avaient terminé leurs boissons dans le silence. L'un et l'autre réfléchissaient silencieusement. Même l'ambiance festive de la pièce ne les avait pas perturbés.

A presque vingt-heures, dans les rues animées, Morgan donna raison à Elijah.

Il fallait agir avant qu'Andy lui échappe.

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Hey vous !

Voici un nouveau chapitre !

Des avis ? :)

Je n'aime pas du tout ce chapitre, alors si vous avez quelque chose à dire...

Bisou sur votre joue gauche,

Rheexus

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