CHAPITRE 21

— Tu voulais me dire quoi ? cracha Morgan, sur le seuil de sa porte.

— Je viens en ami, rassure toi...

Le brun fusilla le châtain du regard. Elijah cherchait quelque chose où accrocher son regard, et si c'était possible, pas sur son meilleur ami. Enfin, pour l'instant, il ne l'était pas, s'il en croyait son regard. D'ordinaire, Morgan n'était pas rancunier. Elijah n'avait pas bien compris pourquoi il était parti en claquant la porte, la dernière fois. Il avait attendu deux semaines qu'il le contacte, comme il le faisait toujours, mais il n'y avait pas même eu un message. Pas de signe de vie, à part ses connexions sur Facebook et Instagram, qu'il guettait pour s'assurer qu'il était encore vivant.

Il était devenu un stalkeur, comme on disait.

— Parfait, et bien tu peux partir, si tu n'as rien à dire.

Son ton était tranchant. Il allait fermer la porte. Il avait déjà reculé pour le faire.

— Morgan, laisse-moi entrer, s'il te plait ! J'ai vraiment envie de te parler.

— Ce n'est pas mon cas.

Elijah voulait abandonner. Il voulait claquer la porte et laisser le brun seul. Il savait qu'il n'appréciait pas vraiment la solitude. Mais durant tous ces jours de silence, le châtain avait dressé une liste mentale de tous ses torts. Malheureusement, il en avait, et ils remontaient des années passées. Parfois, il avait fait vivre un véritable enfer au brun, sans même qu'il ne se plaigne, sans même qu'il s'en rende compte.

Là, aujourd'hui, il voulait réparer ses erreurs. Il était venu pour demander le pardon de Morgan. Même s'il devait le faire à genoux, il le ferait. Il préférait cracher sur sa fierté que perdre son meilleur ami. Celui avec qui il avait fait les quatre-cents coups.

— Ok, pardon ! Excuse-moi ! J'ai été con !

Morgan soupira, et consenti à ouvrir la porte. Le psychologue pénétra dans le logement qu'il connaissait par cœur. Timidement, il posa son manteau à côté de celui du propriétaire. Le brun lui fit comprendre par les gestes qu'il devait s'asseoir sur le canapé. Il eu une vague pensée pour le sien qui était toujours cassé, si bien qu'il ne pouvait plus le déplier pour accueillir ses invités.

Un silence gênant s'installa entre les deux amis.

— J'ai... heu... je suis passé au Elio's et... je t'ai pris ça, tu en veux ?

Il sortit du sac en carton une tartelette aux amandes. Les yeux de Morgan brillèrent un instant, avant de se détourner. Elijah lui posa le petit papier sur les genoux, une fois qu'il fut assis, de l'autre côté de l'assise. Le châtain avait envie d'aller le chercher par la peau des fesses et de le faire asseoir juste à côté de lui. Comme si de rien n'était.

Mais il ne pouvait pas, il le savait.

En silence, il détourna son regard de Morgan qui attaquait la pâtisserie. Les bruits de mastication tombèrent entre eux, si bien qu'ils étaient la seule chose qui semblait vivant dans la pièce. Elijah formulait mille et unes phrases dans sa tête, sans oser les dire à voix haute. Il avait peur. Peur de la déception sur le visage du brun. Peur de la haine qu'il pourrait peut-être lire sur ses traits. La tartelette diminuait rapidement entre ses mains.

Elijah savait qu'il n'aurait pas de temps, après que la pâtisserie soit finie.

— Il s'appelle Archibald.

La phrase claqua dans l'air, comme un coup de fouet. Morgan s'étrangla presque sur sa bouchée, toussant autant qu'il pouvait. Après avoir frôlé la mort causée par des amandes caramélisées, l'homme se tourna vers Elijah, les sourcils froncés. Le plus vieux regardait la couture du canapé comme si sa vie en dépensait.

A cet instant précis, c'était la plus belle chose au monde.

— L'homme que j'aime s'appelle Archibald, répéta-t-il.

Après quelques secondes, Morgan le dévisagea enfin.

— Et... et... et il est prof d'anglais au lycée, il est parfait, il est gentil, beau, attentionné, drôle, et -et je te jure qu'il est un homme extraordinaire ! Il s'occupe de sa fille et il ne flanche jamais. Enfin... enfin voilà, je pourrais en parler pendant des heures sans jamais arrêter.

Il fit une courte pause, reprenant son souffle avant de reprendre.

— Je suis désolé de ne pas t'avoir parlé de lui. J'étais perdu. Je ne savais pas quoi faire et je voulais régler la situation tout seul, tu comprends ?

— Je pense que tu as trouvé le chemin jusqu'à Archibald.

— Ne dis pas ça sur ce ton, on dirait que je suis un vieux pervers...

— Ce n'est pas ce que tu es ? contra Morgan.

— Je vais te scalper, renchérit Elijah, étonnement calme.

Le brun heurta le vert-bleu. Il s'en suivit une lutte féroce silencieuse. L'un ne voulait pas se retirer du combat alors que l'autre voulait faire entendre ses arguments. Eli savait qu'il avait fait du mal à Morgan, et il était assis sur ce canapé pour se faire pardonner. Par tous les moyens. Les deux semaines sans son meilleur ami avaient été rudes.

— Me psychanalyser serait plus dans tes cordes.

— Tu dis toujours que ça t'insupporte, marmonna le bouclé.

— Et c'est le cas.

Elijah voulu se racler la gorge. Il voulait faire du bruit pour briser cette atmosphère pesante. Il était ce genre de personnes qui n'aimaient pas le silence. Cependant, il respectait le besoin de paix qu'avait besoin Morgan. La pâtisserie fût terminée. Elle devait être aussi bonne que sa tarte aux pommes, car le médecin se lécha le bout des doigts afin d'enlever les dernières traces de caramel. Ou était-ce pour enlever le coté collant ?

— Il est comment ?

— Parfait.

L'adjectif avait fusé, comme s'il était une évidence. Le regard chocolat tomba sur lui, surpris. D'ordinaire, Elijah ne s'épanchait pas sur ses relations. Il n'en avait pas eu beaucoup, mais il n'avait jamais aimé être seul. Il ne se mettait jamais en couple, sauf s'il avait des sentiments pour la personne. Comme Morgan.

— J'avais compris, tu es complétement tombé pour cet homme.

— Non, je ne suis pas tombé. Car lorsqu'on tombe, on se fait mal, et là, c'est doux.

— Ça fait combien de temps, que vous êtes ensemble ?

— Heu... dit-il en se massant la nuque. On est pas encore ensemble, en fait...

Il s'attendait à ce que Morgan lui dise quelque chose de méchant, comme la dernière fois, mais il hocha seulement la tête. Elijah le connaissait assez pour savoir qu'il acceptait.

— Il a une fille, tu m'as dit ? Y'a une garde alternée avec la mère ?

Le psychologue tourna la tête, gêné.

— La mère de Noora n'est plus là.

Morgan voulait demander plus de renseignements, lui demander pourquoi, mais il ne le fit pas. Il sentait qu'une toute autre histoire se cachait sous cette demi-vérité. Déjà que c'était tendu entre eux, il ne voulait pas enfoncer le clou.

— Tu as autre chose à me dire, peut-être, vu que c'est le moment des confidences ?

Eli saisi la perche qui lui était tendu pour changer de sujet.

— Ouais... Raccoon, ton doudou, c'est pas ta mère qui l'a recousu, quand Milo l'a déchiré, mais c'est moi. Au collège, la grosse brute a arrêté de t'harceler car je lui ai cassé la gueule à la sortie. C'est moi qui ai cassé ton superbe collier en argent, pas Marius. J'ai essayé de le recoller, mais ça n'a pas marché, donc je l'ai planqué en te faisant croire que tu avais dû le perdre. Heu... et aussi... on est sortis ensemble avec Arthur, pendant quoi... quatre ou cinq, mois ?

Morgan cligna des yeux afin d'encaisser le choc.

« Attends, comment ça, tu as cassé mon collier ? »

Mais il y avait plus important, dans cet amas de révélations.

— Vous êtes sortis ensemble, avec Art' ? Mais quand ? Et pourquoi je ne le sais pas ?

— Ouais, je savais que tu allais noter ça...

Le brun avait changé de position pour faire face à son meilleur ami. En tailleur sur le canapé, il avait les yeux écarquillés de surprise. Il n'aurait jamais pensé que ses deux amis les plus proches puissent un jour former un couple.

— Mais... tu l'as aimé ? s'informa-t-il, perplexe.

— Hm, oui. Je ne pensais pas que cela pouvait aller entre nous. C'était juste avant son départ. Finalement, la distance a étouffé ce qu'il y avait. Ce n'était pas assez fort, il faut croire. Mais ce n'est pas plus mal, car j'ai pu rencontrer Archie...

— J'espère qu'il a trouvé quelqu'un, aux USA.

Ils échangèrent un nouveau regard. Ils savaient. Arthur était beaucoup trop gentil pour ne pas se faire marcher dessus. Il avait besoin d'un homme protecteur avec les pieds sur terre, pour garder Arthur avec eux. Il s'égarait bien trop souvent, et les autres en profitaient. Le doux Arthur... le premier baiser de Morgan. C'était avec cet homme qu'il avait perdu sa virginité. En abordant le sujet, son ami lui manquait énormément.

— Tu as une idée de quand il rentre ? demanda alors Eli.

— Non, aucune. Il ne répond jamais au téléphone, je n'arrive pas à la contacter.

— J'enverrais un message à sa sœur plus tard.

Les tensions s'étaient un peu apaisées, depuis l'arrivée d'Arthur dans la conversation. Il avait toujours eu cet effet d'apaiser les autres, même s'il n'était pas physiquement présent.

— Maintenant que je me suis confié, tu as peut-être d'autres choses à dire ?

— Je n'ai pas de remords de l'enfance, si c'est ta question.

— Ho ! Tout de suite les grands mots ! s'exclama Eli en s'esclaffant.

— Si tu veux tout savoir, je suis allé chez Andy dimanche dernier...

— Bah mon gars, je ne pensais pas que vous vous sauterez dessus aussi vite !

— Garde tes commentaires pour toi, veux-tu bien ?

Le regard noir de Morgan dissuada le bouclé de répliquer. Il pinça les lèvres et fit taire son imagination qui débordait un peu trop pour ce qui concernait ces deux-là. Ses yeux clairs étaient rieurs, si bien que Morgan imaginait sans peine ce qui lui traversait l'esprit.

— Non, il m'a dessiné. Il n'y a rien de sexuel ! réfuta immédiatement le brun.

— Quoi ? Mais cette technique d'approche est vraiment.... peu banale...

Morgan soupira.

— Ce n'est pas une technique d'approche. Il est étudiant en art, et il avait besoin d'un visage pour faire un devoir. Je ne me souviens plus du sujet, mais apparemment, je corresponds à ses critères. Donc, nous nous sommes vus toute une après-midi.

— Hm mmh, juste pour un devoir, tu dis ? Je pense que ses critères sont visés.

— Qu'importe, c'était drôlement chouette, c'est tout ce que je retiens.

Elijah avait un sourire jusqu'aux oreilles. Il ne parvenait pas à cacher sa joie, et en faisait profiter à Morgan. Le brun soupira une nouvelle fois. Cependant, voir son ami aussi heureux déteignait sur lui. La colère qu'il ressentait encore il y avait quelques minutes avait presque disparue. Un étrange sentiment le parcourait juste.

— « Aucun garçon ne pourra nous séparer », tu te souviens ? demanda Eli.

— Je suis sûr que c'est toi qui as sorti cette phrase clichée !

— A n'en pas douter !

Les rires des deux hommes firent trembler le canapé. Elijah se détendit un peu, glissant sur l'assise jusqu'à poser ses pieds sur la table basse, après avoir enlevé ses chaussures. Le visage tourné vers son meilleur ami, il se sentait bien, à sa place.

— On a trahi notre parole tout de même, l'auteur de la phrase n'y change rien.

— C'est parce que tu ne me fais pas assez confiance pour m'en parler, tu veux dire.

— Arrête, c'est faux, tu le sais ! J'étais perdu. Tu sais ce que cela fait ?

— Bien sûr, à chaque fois où je pense à Andy. Je nage en plein mystère.

— Ce n'est que le début, tu verras... les sentiments sont la plus belle des dogues.

— Je ne savais pas qu'ils faisaient autant peur, surtout.

Elijah lui décrocha un nouveau sourire. Plus doux, cette fois, comme s'il était en procession d'une vérité que Morgan ne captait pas. C'était certainement le cas, vu que le brun ne savait pas y faire avec les sentiments. Il préférait les éviter que de tomber dedans.

— Je crois qu'en l'espace d'une heure, nous nous sommes transformés en filles.

— Pourquoi ? demanda le médecin, ne voyant pas le fil de sa pensée.

— Parler cœur et sentiments est leur domaine, non ?

— Tu es très caricatural, dis-moi, rétorqua le brun, amusé.

— Hm... mais réel.

Cette fois-ci, le silence ne fut pas gênant. L'un avait les yeux braqués sur le plafond, tandis que l'autre regardait la télévision éteinte. Elijah voulait débiter des nouvelles, échanger sur les potins, mais il ne voulait pas envahir le médecin. Il savait pertinemment comment Morgan marchait : lorsqu'il était expulsé de sa zone de confort, il se braquait. Et cette après-midi, il en était sorti.

— Il est quelle heure ? demanda brusquement Morgan.

— Dix-huit heures trente-trois pourquoi ? dit Elijah en vérifiant l'heure sur son portable.

— Apéro ? Histoire de finir cette journée en beauté ?

— Ton rhum arrangé me fait toujours de l'œil, tu le sais bien !

Morgan échappa une exclamation enjouée, avant de se lever pour sortir les verres des placards. Elijah suivit le mouvement, allant directement à l'endroit où il savait qu'il y trouverait de l'alcool. Les bouteilles de rhum et de wiskey étaient alignées. Morgan ne buvait pas beaucoup, mais il aimait les boissons de qualité. Celle qui déposaient agréablement leurs arômes sur le palais.

« Tu es un vieux avec des goûts de luxe » disait Marius lorsqu'il venait.

Alors que le brun s'activait à éplucher et couper les carottes en bâtonnets, le bouclé lava et sépara le chou-fleur cru. L'un sortit une faisselle de chèvre pour accompagner leurs collations. L'autre attrapa les petites serviettes pour les disposer sur la table basse.

— Au fait, Andy était très sexy aujourd'hui, avec ses cheveux détachés.

Morgan s'arrêta net dans le remplissage des bols.

— Il a l'air de bien s'entendre avec son collègue, ça fait plaisir à voir. Lorsque je vais au Elio's, il a toujours un air triste sur le visage. Et si tu passais, quelques fois ?

— Je ne pense pas que me voir pourrait lui rendre sa bonne humeur...

— N'en sois pas si sûr. Allons-y ensemble la prochaine fois, je te ferais pars de mes observations ! Tu peux compter sur moi sur cette mission, je te le garanti !

Elijah avait vraiment l'air sûr de lui. Il posa les verres sur la table, et ajouta même des petits crackers aux graines. Morgan venait de les retrouver au fond d'un tiroir. La date de péremption était passée, et il n'avait aucun souvenir de quand il avait acheté le paquet.

— Je ne suis pas certain de ce que tu dis... grogna le brun.

— La prochaine fois, nous irons, et tu verras. J'ai raison, comme toujours, mais tu ne le sais pas encore, car tu es trop timide pour aller lui faire les yeux doux.

— Je ne suis pas timide, j'ai beaucoup de travail, nuance, se défendit le brun.

— Que de bonnes excuses, dis-moi !

Le châtain prit une première gorgée de rhum et soupira de bonheur. Il croqua quelques carottes, avant que le brun ne daigne répondre. Les joues un peu rougies par le train de ses pensées, il n'était pas certain que ce soit la bonne réponse à donner.

— Bon, d'accord, la prochaine fois, nous irons voir Andy...

Elijah sût qu'ils étaient en train de gagner la guerre des sentiments de Morgan.

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Hey vous !

Voici un nouveau chapitre !

Des avis ? :)

Bisou sur votre joue gauche,

Rheexus

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