CHAPITRE 11
Andy tournait la situation dans tous les sens. Il faisait les cent pas dans le salon, sous les yeux lassés d'Amadeus. Le gros chat noir baillait, du haut de l'accoudoir du canapé. Le blond avait délaissé ses cours en vrac sur la table basse pour se saisir de son téléphone. Il ne savait pas quoi faire, et comment aborder le sujet.
En bas à gauche de son téléphone, il y avait la date et l'heure en grand. Vendredi seize novembre. 15 : 56. Cela faisait déjà neuf jours qu'il restait à cette étape. Ses doigts survolaient leur conversation vide, pour l'instant. Il avait déjà tapé des dizaines et des dizaines de messages, sans jamais avoir l'audace de les envoyer.
Peut-être le dérangerait-il ? Peut-être qu'il travaillait ? Il avait certainement donné son numéro par politesse. Mais était-ce vraiment le cas ? Il avait dû se demander pourquoi il l'accostait comme ça, alors qu'ils ne s'étaient jamais parlé. Andy était certain que c'était fichu et que Morgan avait déjà oublié leurs paroles échangées. N'était-il pas qu'un gamin demandant une faveur a un adulte ? Il tritura son chinon lâche pendant quelques minutes avant de s'effondrer sur le canapé. Il n'en savait rien. Rien du tout, même.
Le gros chat noir s'étira avant de venir vers lui. Il cogna la main qui tenait le téléphone avec sa tête tout en ronronnant. Etait-ce un signe ? Andy plongea ses yeux semblables à ceux d'Amadeus dans ceux du chat, pour avoir une réponse. Mais il ne trouva rien.
— Bon ok, ok ! Tu as gagné ! Je vais l'écrire, ce message, t'es content ? dit-il.
Le chat ronronna un peu plus fort. Le blondinet se demande un instant comment Amadeus pouvait savoir de quoi il parlait, en réalité. Il se demanda même si le Maine Coon n'avait pas des supers pouvoirs qu'il n'avait pas encore découvert.
Les doigts au-dessus des touches, il commença à écrire.
« Bonjour monsieur, je me permets de vous contacter »
Il effaça immédiatement les lettres, les regardant disparaitre. Il ne devait pas commencer ainsi. C'était bien trop formel pour cette demande. Devait-il l'appeler monsieur ? par son prénom ? Le tutoyer ? Non, ils n'étaient pas amis, alors le vouvoiement était de mise. Devait-il se présenter, même s'il devait y avoir son nom en haut à gauche ? Andy se trouva bien bête, à stresser ainsi pour un simple message. Les gens s'en envoyaient tous les jours. Mais même à travers un écran, il avait les mains qui tremblaient.
« Bonjour, c'est Andy, le serveur du Elio's »
Oui, c'était une bonne idée de ne pas le nommer. Morgan le prendrait certainement moins pour un abruti. Le blond soupira, regarda à droite, à gauche, se mordit la lèvre et se lança. Il n'allait pas y passer des heures, tout de même !
[16 :47] Andy : Bonjour, c'est Andy, le serveur du Elio's. Excusez-moi de vous déranger, mais je voulais savoir si votre proposition d'être mon modèle tient toujours ? Si oui, pourrions-nous convenir d'un créneau ? Bonne journée.
C'était beaucoup trop formel, Andy le savait, mais il n'allait tout de même pas parler à cet homme comme à un ami. Enfin, il n'avait pour comparaison, que ses discussions avec Sam et avec Isaac, donc il ne savait même pas s'il leurs parlait en « ami ». Andy jeta son téléphone sur l'assise du canapé, lassé. Il n'avait pas à interagir avec les autres, et il le savait très bien. Pourtant, il ne savait pas comment y remédier. Découragé de lui-même, il glissa du canapé pour atterrir les fesses au sol. Il avait encore pas mal de travail à rendre pour la fin de semaine. Avec son crayon de papier dans la main, il se coupa du monde durant quelques heures.
***
La porte claqua.
Andy sursauta. Un mauvais trait s'échappa de sa courbe harmonieuse. Il releva les yeux, prêt à assassiner Samaël. Pourtant, en voyant un sourire aussi grand sur ses lèvres, il ne fit pas de commentaires. Lorsqu'il était parti ce matin, le métis était de mauvaise humeur alors qu'à cet instant, il rayonnait. Le blond en avait presque mal aux yeux.
— Salut boucle d'or ! Tu as passé une bonne journée ? demanda Sam.
— J'ai dessiné, répliqua Andy.
— Quel programme ! déclara son colocataire en posant des sacs sur le comptoir.
— Pourquoi es-tu si heureux ?
— Zoé arrive dans une demi-heure ! Elle est revenue de sa conférence.
— Ha. Tu veux que j'aille dans ma chambre pour vous laisser un peu seuls ?
Andy n'était pas vraiment heureux de voir sa soirée tranquille ainsi chamboulée. Il aurait préféré que Sam lui en parle avant, mais il ne pouvait pas lui crier dessus non plus. Il était dans son appartement, de toute façon. Il n'avait pas vraiment son mot à dire. Sam se tourna vers lui, les sourcils froncés, interdit.
— Quoi ? Pourquoi ? demanda-t-il, surpris.
— Pour vous laisser un peu d'intimité ? Ça fait longtemps qu'elle n'est pas venue.
Samaël s'approcha de lui pour frotter sa main sur ses cheveux. De toute façon, son chinon était tellement défait qu'il pendait lamentablement dans sa nuque fine. Andy releva les yeux sur son colocataire, ne sachant pas vraiment comment interpréter sa réaction.
— Nous serions allés chez elle, si nous voulions de l'intimité, soupira Sam. Elle voulait te voir car ça fait longtemps. Tu veux bien manger avec nous ? Ça serait sympa de passer un peu de temps ensemble non ? et puis, tu l'aimes bien ?
— Ouais... ça peu être sympa, souffla le blond.
C'était bien l'une des rares fois où quelqu'un voulait le voir. Andy aimait bien Zoé. Elle était gentille et attentionnée. Elle avait un regard de biche qui faisait fondre tout le monde. Il n'y avait pas un instant, lorsqu'elle était là, où elle ne s'intéressait pas à lui. Elle faisait bien attention à l'inclure dans les conversations, pour ne pas qu'il tienne la chandelle.
— Tu veux préparer le repas avec moi ? Elle emmène l'apéro et la boisson.
— Si tu n'as pas peur de faire cramer la cuisine, plaisanta Andy.
— Je prends le risque ! Allez vient, petit garnement, ricana Samaël.
— Tu sais que je n'ai que trois ans de moins que toi ? On dirait un grand-père !
— Tu es plus jeune, tu me dois le respect, avorton !
Sam partit dans un grand rire avant de sortir des aliments du sac. C'était jour de fête aujourd'hui, apparemment. Il sortit une pâte brisée ainsi que du lait, du fromage et un mélange de choux fleurs et brocolis. Andy saliva mentalement en voyant le schéma qu'aurait le repas. Une quiche. Même si les légumes n'étaient pas ses préférés, lorsque Sam la faisait, il se régalait à chaque fois.
Il se mit donc à faire l'appareil a quiche, en suivant la recette que le métis lui avait mis sous le nez. Son colocataire n'avait jamais besoin de recettes, car tout était dans sa tête, mais vu qu'il ne savait pas faire cuire un œuf sans le cramer, ils préféraient qu'il suive quelque chose d'écrit. Sur la feuille, l'écriture penchée de Sam courait sur les lignes.
— Au fait, tu passes noël où, cette année ? demanda subitement Sam.
Andy faillit dépasser le trait de mesure pour le lait.
— Je ne sais pas... je n'ai pas très envie de rentrer cette fois. Peut-être tout seul.
— On fait un noël entre amis, tu voudrais te joindre à nous ?
— Ce n'est pas en famille, normalement ? répliqua Andy, concentré.
— Si, mais mes parents vont dans les îles, alors que ceux de Zoé sont je ne sais trop où. Elle n'a pas envie d'y aller. Après, je sais que Liam est seul, lui aussi. On s'est donc dit qu'on pourrait faire un petit quelque chose ensemble. Tu ne les connais pas vraiment, mais pourquoi pas ? Je ne veux pas que tu sois seul un jour de fête, tenta Sam.
— Pourquoi ? Je ne vais pas me pendre ce jour-là ! rigola le blond.
— Je sais, argua immédiatement Sam. Mais je trouve ça triste.
— D'accord ! Je vais sérieusement y réfléchir ! Je te le promets ! dit Andy.
Le sourire qui envahi le visage de Sam fut immense. Encore plus que lorsqu'il était entré dans l'appartement. Andy trouvait cet engouement plutôt curieux. Ils ne se connaissaient pas plus que ça, depuis deux mois et demi, mais il avait presque l'impression que Sam mettait un point d'honneur à ce qu'il ne se sente pas seul. Réalisant cela, il versa son mélange dans la pâte brisée déjà misa dans le moule par Sam.
— Je peux aller me doucher, ou tu as encore besoin de moi ? demanda Andy.
— Vas-y, la table est mise et la qui est dans le four, tout est bon, merci !
Samaël se relevait de devant ledit four. Il frotta ses mains l'une contre l'autre. En passant devant la table, le blondinet se rendit effectivement compte que la table avait été mise lorsqu'il était plongé dans ses pensées. Il récupéra ses affaires de dessin de sur la table basse, mit son portable dans l'une de ses poches, et passa son sac sur son épaule. Chargé, il se fraya un chemin vers le couloir alors qu'Amadeus jouait entre ses jambes. A cause de cette manie depuis qu'il était tout petit, quelqu'un tomberait et se ferait mal.
Il prit un legging de sport, son pull le plus chaud ainsi qu'un caleçon, et partit s'enfermer dans la salle de bain. Il avait bien veillé à ce qu'Amadeus ne le suive pas, car il avait la fâcheuse manie de vouloir entrer sous la douche avec lui, bien qu'il n'aimât pas l'eau. Dans ces cas-là, il miaulait comme si on l'égorgeait, aussi longtemps qu'Andy se lavait.
Le blond se dévêtit, fourra ses vêtements dans le bas à linge sale, et passa sous l'eau chaude. Elle lui faisait du bien. Il sentait presque ses points de tension s'en aller aussi simplement qu'ils étaient venus. Le jeune homme pouvait rester sous l'arrivée d'eau pendant des heures. Cependant, les chiffres de la facture d'eau défilaient devant ses yeux. Il sortit rapidement, une fois savonné. Ses cheveux attendraient bien un jour de plus.
Devant la glace, il pouvait voir le haut de son corps jusqu'à sa taille. Il n'avait pas pris assez de temps pour que la buée enveloppe toute la petite pièce. D'habitude, il ne s'attardait jamais sur son reflet. Pourtant, ce soir, c'était différent. Il avait ce besoin irrépressible de voir que ce son corps renvoyait aux autres. Une peau pâle, des joues creuses et des cernes sous les yeux. Des tâches de rousseurs couraient le long de son nez et de ses pommettes. Le triste vestige d'une descendance dont il était le seul à avoir reçu. Il ne se plaisait pas. Il ne s'aimait pas le moins du monde. Pourtant, sa petite sœur disait qu'il était mignon.
Que voyait-elle en lui ? Il n'était qu'ombre d'une enfance à se cacher.
Que pensait-on de lui ? Un corps à la dérive, certainement.
Qui pourrait poser les yeux sur lui ? Personne, a part être fou, quelque part.
Qui pourrait s'intéresser a lui ? Le vide, le silence, l'angoisse, mais pas un humain.
Andy voulu briser ce miroir a coups de poings. Il ne le fit pas, car il devrait le repayer, et il finirait sans doute à l'hôpital, avec les doigts tordus et des bouts de verre dans les phalanges. Il se demande si vraiment, un jour, quelqu'un serait prêt à lâcher les certitudes pour lui. Il avait eu des aventures, ça oui, mais dès que ses partenaires se rendaient compte de sa complexité, il se retrouvait de nouveau seul. Certains s'en allaient, sans même laisser un mot, une excuse. Certains lui expliquaient le problème. Toi. D'autres se cachaient derrière des excuses. Encore et toujours.
Il sentait que les larmes étaient prêtes à couler. Il avait marre d'être qui il était.
— Andy ? Tu te dépêches ? Zoé vient d'arriver ! dit Sam, derrière la porte.
— Quoi ? Ouais ! Ouais... j'arrive ! s'empressa de se reprendre le blondinet.
Il souffla un bon coup, carra les épaules, même s'il avait le physique d'une brindille. Il ne devait plus avoir ces pensées, il se l'était promit. Après s'être giflé mentalement, il passa les vêtements. Le pull couvrait presque l'entièreté de ses cuisses. Il se fit une queue de cheval lâche, et sortit de la salle de bain. Le rire de Zoé résonnait déjà dans la pièce à vivre. Le gros chat noir déboula de sa chambre et usa de ses griffes pour se poser dans ses bras. Surprit par cet élan d'amour, Andy l'accueilli avec joie.
Décidément, Amadeus était un chat médical exceptionnel.
Il traversa le couloir d'une démarche rapide, pour découvrir Sam en train d'ouvrir un paquet de chips au vinaigre. Un peu plus loin, en train de sortir des bières d'un sac, Zoé riait à une blague de son copain. Lorsqu'elle se retourna et qu'elle l'aperçut, elle posa les bières et sortit quelque chose d'autre. Elle avait un air conspirateur sur le visage.
— Salut ! Devine ce que je t'ai préparé ? demanda Zoé, fière d'elle.
— Heu... hésita Andy, oubliant de lui rendre son salut.
Elle sortit une bouteille en verre, et le jeune homme fut immédiatement touché. Elle s'en souvenait donc. La bouteille renfermait un virgin mojito fait maison qu'il adorait. Zoé ne mettait jamais trop de sucre, et l'eau n'était pas trop gazeuse. Un parfait juste milieu.
— Merci beaucoup... bredouilla le blond, ne sachant pas comment réagir.
La petite brune lui adressa un grand sourire et prit trois verres dans le placard. Sam passa à côté d'elle et l'embrassa sur le sommet du crâne. Andy baissa les yeux sur son chat qui roucoulait de bonheur. Comme il commençait à être lourd, le jeune homme s'assit à l'une des chaises, lorsque Sam lui donna le feu vert. Il y avait un peu de tout sur table, des légumes en bâtonnets et des choses moins saines.
Le couple s'assit, et ils commencèrent par trinquer à cette journée fructueuse, selon les mots de la demoiselle. Andy se laissa aller à la bonne humeur de la tablée. Il avait besoin de ça, pour l'instant, alors il se laissait porter sur le rire de Zoé et les blagues de Sam.
Quelque part, dans la salle de bain, le téléphone d'Andy bipa sous un message.
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Hey vous !
Voici un nouveau chapitre !
Des avis ? :)
Merci a tous ceux qui lisent mes mots, ça me fait vraiment chaud au cœur, car vous êtes de plus en plus nombreux ! Est-ce de la magie ? xD
Bisous sur votre joue gauche,
Rheexus
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