Andy s'amusait à prendre les environs à la lueur spéciale du coucher de soleil sous tous les angles. Cette activité rythmait ses soirées depuis une dizaine de jours. La nouvelle ville dans laquelle il évoluait depuis ce court laps de temps lui offrait des surprises plus belles les unes que les autres. Sous ses pieds, les pavés glissaient un peu tandis que la rue faisait remonter l'odeur de pluie. Heureux, il marchait sans se soucier des autres. Il se faufilait entre les familles et regardait distraitement les groupes d'amis qui riaient fort. Lorsqu'il tenait un appareil photo entre les mains, il devenait un véritable artiste. Le jeune homme ne s'en rendait même pas compte, inconscient de son talent. Il vivait juste ses passions. Grace à elles, il devenait visible aux yeux des autres.

Attachés en queue de cheval anarchique, ses longs cheveux blonds balayaient son dos. A chaque nouvelle position, son corps se tendait et se détendait. Les longues jambes fines s'accroupissaient et s'arquaient. Lorsqu'il regardait dans l'œilleton, il fronçait un peu les sourcils. Parfois même, un bout de langue sortait d'entre ses lèvres tant il était concentré. Il avait toujours cette mauvaise manie, ce qui le rendait mignon, s'il croyait sa petite sœur. A travers son appareil, on ne voyait presque plus son visage fin lorsqu'il tournait le zoom afin de capturer les moindres détails, qui pour lui, étaient magnifiques.

Les gens, lorsqu'ils passaient près de lui dans les rues, faisaient bien attention de ne pas entraver sa visibilité. Personne ne souhaitait vraiment être sur un cliché d'un inconnu, avec certainement, une tête à faire s'envoler les pigeons. Pourtant, une gamine, qui semblait vouloir arracher le bras de son père, se mit précisément à l'endroit que visait Andy. Il se retrouva amusé de voir la petite tête brune dans son objectif. La gamine prenait une pose exagérée, comme celle des influenceuses qu'on voyait sur internet. Son large sourire où il manquait quelques dents s'exposait à l'objectif. Vêtue d'une robe salie sur le bas et des traces de terre sur les joues, il la trouva intéressante. Un charme enfantin.

Le blond joua alors le jeu. Il se déplaça de quelques pas, pour avoir un contre-jour amusant. Il ajusta le zoom, et appuya sur le déclencheur. Après le bruit caractéristique, l'image s'afficha sur le menu. Il fit signe à la gamine de le rejoindre. Il s'accroupit une nouvelle fois. La petite brune le rejoignit en courant pour se pencher au-dessus de l'appareil qu'il lui montrait. Elle échappa un rire et une exclamation enjouée.

- Elle te plaît ? demanda doucement Andy en agrandissant l'image.

Elle était parfaitement nette, car la gamine n'avait pas bougé d'un poil.

- Ho ça oui alors ! C'était rigolo, merci madame ! s'écria-t-elle toute heureuse.

Son père l'appela, à quelques pas de là, et elle accourra vers lui. Andy se releva et poursuivit son chemin, un sourire moqueur sur les lèvres. « Madame ». Quelle bonne blague. Devait-il écrire sur un panneau qu'il était un homme, puis se l'accrocher autour du cou ? Sur cette pensée, il poussa le petit portillon de l'un des parcs de la ville. L'étendue verte semblait l'accueillir. L'herbe était encore fraîche de la pluie et les gouttes d'eau roulaient encore sur les brins cornés vers le ciel. Il n'y avait presque personne. L'heure avoisinait les vingt-et-un, alors les parents quittaient l'aire de jeux. Certains enfants couinaient leur mécontentement tandis que d'autres étaient tellement fatigués qu'ils s'effondraient dans les bras de leurs parents. Il vit même un garçon jouer la comédie pour ne pas marcher jusqu'à chez lui. Au milieu de cette valse d'inconnus, il s'arrêta. Ces actions, si simples d'apparence, le fascinait car il ne les avait jamais vraiment eus.

Des rires. Des sourires. De la complicité.

De la solitude. Des angoisses.

Il dépassa l'aire de jeu. Son attention s'attarda sur l'un des bancs qui délimitaient les chemins. Il posa son sac à dos usé jusqu'à la corde avant de trifouiller dedans. Après en avoir sorti un nouvel objectif, il en para son appareil. Noir, moyennement gros, il pesait entre ses doigts osseux. Une fois en place, il grimpa sur les lattes de bois pour avoir un meilleur angle. De toute sa hauteur, il darda son attention sur les arbres. Ils étaient encore drapés du cadeau de Dame Nature. La couleur orangée qu'arboraient les feuillent jouaient à cache-cache avec les rayons du soleil qui déclinait. Tous les ans, il faisait les mêmes photos, mais il aimait cette simplicité que la nature lui offrait. Les fils dorés nappaient tout ce qu'il se trouvait dans leur passage. Si quelqu'un passait près d'ici, il aurait certainement pensé qu'un ange venait de tomber du ciel pour se mêler aux humains. La silhouette pâle et maigre d'Andy se découpait jusque loin sur le sol par son ombre.

Satisfait, le blond descendit précautionneusement, car il avait la fâcheuse tendance à être maladroit. Après de longues minutes à être resté dans la même position, il se détendit les épaules. Le froid de l'automne commençait à s'infiltrer sous sa veste. Même avec trois épaisseurs de vêtements, il sentait l'humidité titiller sa peau refroidie. Il décida alors le rentrer. Il n'en n'avait que pour quelques minutes, s'il pressait le pas. Cette constatation le motiva immédiatement. Balançant son sac sur ses épaules, il prit le chemin en sens inverse. Avec le vent, des mèches blondes venaient s'accrocher à son visage.

- Mais maman ! Pourquoi j'peux pas rester jouer ? C'est pas juste ! cria un enfant.

- Il se fait tard, et tu as école demain. N'insiste pas sinon nous ne reviendrons pas.

Le garçon ne bronchait plus. Ce fut à ce moment qu'Andy se rendit compte qu'un détail lui avait échappé. Au dos de l'une des structures de jeux, des graffitis ornaient le plastique bleu. Ce n'était pas grand-chose, mais dans les yeux du blond, cela prenait une autre dimension. Le même schéma se produisit. Il s'accroupit, trouva le meilleur angle pour son cliché. La petite détonation retentit et l'appareil captura l'image. La boule de feu, presque entièrement couchée, soulignait les courbes noires des dessins abstraits.

Il chercha un nouveau point de vue en se déplaçant dans une affreuse position de canard boiteux paralysé de l'une de ses pattes. Il rigola de lui-même devant le spectacle qu'il imaginait offrir aux autres. Il devait sembler bien miséreux. Mais cela l'amusait.

Il braqua son appareil vers un autre point de la structure.

Et puis, soudainement, il le vit.

Cet homme qui croisa son regard à travers l'appareil.

Cet homme dont les cheveux bruns captaient tous les reflets du soleil.

Cet homme pour lequel le cœur d'Andy battit plus fort.

Le blond crût alors à la magie. Il n'arrivait pas à croire qu'on puisse tomber amoureux au premier regard. Il s'était toujours amusé des gens qui lui assuraient que cela était possible. Il avait toujours dévié les discussions lorsque ce sujet était abordé.

Ses bras se relâchèrent. L'appareil dévoila son visage. Lui et ses grands yeux verts. Lui et ses petites tâches de rousseurs qu'on trouvait tout à fait charmantes. Lui et ces lèvres rouges qui formaient une moue boudeuse qu'on trouvait trop féminine.

Il déglutit, incertain de la marche à suivre.

Etait-ce ce qu'on appelait « tomber amoureux » ?

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Hey vous !

Voici donc le premier chapitre de Caméléon ! Qu'en pensez-vous ? Dites le moi en commentaires c'est super important, merci :)

Bisou sur votre joue gauche,
Rheexus