«Bien joué Carter, tu as bien foutu la merde.»

J'avais passé le week-end à appeler Justin. Il était injoignable. Évidemment, comment pouvais je penser qu'il veuille encore me parler après ce qu'il s'était passé ? Mes yeux et mon nez me faisaient mal, je passais mon temps à pleurer dans ma chambre. Je n'osais même pas me regarder dans la glace, je devais ressembler à un monstre, chose que j'étais. Il avait commencé à neiger à nouveau et je ne voulais même pas en profiter. Ma soeur se faisait beaucoup de soucis pour moi, c'était bien la seule. Je ne savais même pas si Nevaeh était au courant de ce qu'il s'était passé. Ma tante me disait que pleurer pour un garçon était débile et je le savais bien mais je ne pouvais pas m'en empêcher.

Il était sept heures et demi et il fallait que je me lève de ce putain de lit rempli de mouchoirs pour aller en cours. J'avais envie de vomir rien que d'y penser. Voir Savannah poser ses yeux de tueuse sur moi et me narguer devant tout le monde était bien là dernière chose que j'aimerais affronter sur cette terre. Mais bon, je n'avais pas le choix, du moins plus. J'avais mis le cambriolage de côté et mon rêve de m'envoler aux Bahamas avec. En revanche, je n'avais plus rien à perdre alors il fallait que je m'y remette. La prison, j'en avais plus rien à foutre, j'avais tout perdu.

J'arrivai au lycée, vêtue comme une merde. J'aperçus directement le couple qui se tenait la main et mon coeur ou du moins ce qu'il en restait se brisa encore un peu plus. Les larmes montèrent à mes yeux, c'était étonnant qu'il me restait encore assez d'eau dans mon corps pour pouvoir pleurer. Je détournai mes yeux et avançai jusqu'à l'intérieur du lycée.

Je me sentais perdue, on m'avait arraché mon deuxième pilier. Il ne manquerait plus qu'Ella me quitte et j'étais finie. J'entrai dans ma salle de classe et m'assis au fond. Je remarquai l'arrivée d'un nouvel élève qui me sourit. J'eus du mal à lui rendre son sourire. Peu importe, je ne voulais rencontrer plus personne.

Le cours commença quand tout le monde fut à leur place. Les professeurs avaient commencé à nous parler de plus en plus des examens finals. Comme allais-je pouvoir me concentrer dessus quand tout ne tournait pas rond chez moi ?

À midi, je me retrouvai seule pour manger. Je les vis, assis à une table ensemble. C'était dégoûtant. J'aurais du me douter que Justin n'était pas assez courageux pour affronter Savannah et ses parents et qu'il finirait comme il l'avait toujours fait, à se plier à leurs exigences. J'avais été stupide d'espérer.

- Hey Alison, ça va pas ?

Je tournai ma tête et vit Cameron. Oh non... Je ne voulais parler à personne. Je voulais qu'on me laisse tranquille.

- Ça se voit autant que ça ? lançai-je avec sarcasme.

Il s'assit en face de moi.

- C'est Justin encore ?

J'hochai la tête et une larme échappa à mon contrôle. Je ne me rendais même plus compte de ce qu'il se passait dans mes yeux.

- Eh... murmura-t-il.

Il porta une main à la mienne. C'était encore une fois très gentil de sa part mais je n'avais besoin de la pitié de personne.

- Je suis tombée pour lui comme une merde, dis-je. 
- Il a choisi Savannah ?
- Qu'est-ce que je croyais... murmurai-je ignorant ce qu'il venait de dire.
- Alison, j'aime pas te voir comme ça.
- Je suis anéantie.

Je me levai, ne voulant pas pleurer devant lui mais il se leva aussi.

- Alison, on peut parler ? demanda Justin sorti de nul part.

Je frôlai la crise cardiaque. Je le regardai confuse, je ne m'imaginais pas qu'il veuille encore m'adresser la parole.

- Euh oui, dis-je confuse en regardant Cameron.

Je m'apprêtai à suivre Justin mais Savannah arriva à son tour.

- Justin, qu'est-ce que tu fais ?
- J'ai besoin de lui parler.
- Encore ! Après tout ce qu'elle a fait ? haussa-t-elle le ton.

Savannah n'avait aucun scrupule à remuer le couteau dans la plaie, même devant tout le monde.

- Juste cinq minutes Savannah, insista-t-il.
- Elle a couché avec Cameron ! Ton meilleur ami ! lança-t-elle.

Je fermai les yeux. Le cauchemar ne faisait que commencer. Cela ne lui avait pas suffit de me voir dans cet état, elle voulait que je me sente coupable au point de ne plus vouloir vivre. Justin se retourna vers moi et Cameron. Le pire était à venir.

- On a pas couché ensemble, rétorquai-je complètement paniquée.
- Ils étaient sur le point de le faire ! rappliqua Savannah.

Je ne comprenais pas pourquoi il était allé lui dire. Je croyais que son amitié avec Justin comptait beaucoup. Il n'avait pas à le lui dire. Il n'aurait jamais dû lui dire. Justin me regarda comme s'il me suppliait de dire que Savannah mentait mais elle ne mentait pas. Je baissai les yeux, à quoi bon lutter ? Le monde ne voulait pas nous voir ensemble.

- Toi ! cria Justin avant d'attraper le col de Cameron. Toi !

Son visage avait viré au rouge et ses veines explosait un peu partout. Je détestais le voir comme ça. Je jetai un regard à Savannah qui souriait. Comment avais-je pu avoir de la sympathie pour elle ? Ce n'était qu'une fouteuse de merde !

- Alors vas-y frappe mec, dit Cameron en souriant. Vas-y, qu'est-ce que tu attends ?

Je n'arrivais pas à croire que j'étais à l'origine de toute cette scène. Tout le monde nous regardait, ne comprenant pas ce qui était entrain de se passer. Justin envoya un coup de poing à Cameron provoquant des cris sur toutes nos bouches. Je cachai mon visage, desespérée de la situation. 

- Moi au moins je me suis occupé d'elle pendant que tu étais entrain de parfaire ta petite vie de riche minable, ajouta-t-il sur le même ton.

J'otai mes mains de mon visage et vit Justin lâcher violemment Cameron qui réussit étonnement à rester droit et calme malgré le coup qu'il venait de se prendre. Justin se tourna vers moi, toute affection avait disparu de ses yeux. J'étais devenue sa pire ennemie.

- Quand je pense que j'étais à deux doigts de te dire que je te choissais à Savannah, me cracha-t-il.

Je mordis ma lèvre inférieure, essayant de ne pas pleurer. Je l'aimais plus que tout.

- Bien joué Carter, tu as bien foutu la merde, ajouta-t-il avant de partir furieusement.

Savannah comme un petit chien le suivit et je me retrouvai là debout devant tout le monde. Je regardais dans le vide complètement choquée de ce qu'il venait de se passer. J'avais laissé passer ma dernière chance d'être heureuse parce que j'avais été trop stupide à croire qu'on pouvait diriger ses sentiments. 

- Allez viens, on va à l'infirmerie, dit Cameron en prenant mon bras.

Je le suivais mais je voyais tout flou. C'était comme si je venais de me réveiller d'un cauchemar mais que la réalité était encore pire. Arrivés là bas, l'infirmière me donna de l'eau et soigna Cameron qui avait l'arcade amoché.

- Excuse moi Cameron, tout ça c'est encore de ma faute.
- T'inquiète pas, ce n'est pas la première fois que je reçois un coup pareil, dit-il en souriant.
- Je comprends pas comment tu puisses encore me parler après tout ce que j'ai engendré dans votre amitié.
- Cela devait bien arrivé tout ou tard. Au moins tu as définitivement ouvert les yeux de Justin sur sa relation avec Savannah et je peux te dire qu'à cette heure ci, il s'en mord encore les doigts de ne pas l'avoir quitté plus tôt. 
- Je ne sais pas comment je vais faire, avouai-je. Je vais sûrement quitter le lycée et peut être même l'Etat. Je ne pourrai pas supporter une journée de plus de les voir ensemble.
- Non Alison, cela voudrait dire que Savannah a gagné.
- Elle a gagné, rétorquai-je. Elle a gagné.

J'avais involontairement défié Savannah et elle avait été plus forte que moi. Maintenant je devais accepter ma défaite et disparaître.

- Si j'étais toi, je resterais. De un parce que tu ne peux pas te permettre de changer de lycée en cours d'année surtout avec les examens de fin d'année et de deux parce qu'il faut que tu montres à tout le monde que tu n'es pas la méchante dans l'histoire.
- Mais je suis fatiguée Cameron...
- Je sais mais au moins fais le pour moi. En guise de retour pour le poing que je me suis pris à ta place, il faut le dire, dit-il en riant.

Je souris.

- Merci Cameron.
- Je serai toujours là pour toi.

Nous regagnâmes nos classes respectives quand ce fut l'heure. Cela m'avait fait du bien de lui parler, il était un vrai ami et je ne regrettais pas d'avoir fait sa connaissance. Je savais que je pouvais compter sur lui quoi qu'il arrive.

Rentrée chez moi. Je pris de quoi manger et je m'enfermai dans ma chambre : ma nouvelle habitude. Je posai mon sac à coté de mon bureau et tombai sur les photos prises lors de mon anniversaire, dans le photomaton. Je m'assis sur mon lit et les regardai une par une. Je ne pus m'empêcher de verser encore une fois des larmes. Ces personnes avaient changé ma vie ou du moins j'avais changé leur vie mais pour le pire. Pourquoi avait-il fallu que je fasse ma tête de mule et aille cambrioler un soir où je n'avais rien prévu ? Si j'avais été un minimum censée, je ne serais pas aller cambrioler et je ne serais jamais tombée sur Justin. Tout cela ne serait jamais arrivé. J'avais engendré tout ça et maintenant je payais toutes mes erreurs.

Je venais d'arriver au lycée. Je me demandais comment je faisais pour trouver encore le courage de me pointer ici après ce qu'il s'était passé. Quelques personnes me jetèrent des regards. L'histoire avait sûrement circulé et tout le monde devait me prendre pour une salope.

- Alison c'est ça ?

Je ne sursautais même plus quand on m'interpellait. Ma flamme s'était éteinte. Je me retournai vers d'où venait le bruit et tombai sur le nouveau de la classe.

- Oui et tu es ? demandai-je. Excuse moi, je ne me rappelle plus de ton nom.
- Noah, Noah Beaumont.
- Noah, répetai-je en souriant.
- J'ai vu ce qu'il s'est passé hier, ça va, pas trop secoué ?
- Oh... Ça pourrait aller mieux, avouai-je.

Ce Noah m'avait l'air sympathique. Je me remise à marcher vers le bâtiment et il me suivit.

- Évidemment j'ai entendu l'histoire, tout le monde en parle et je suis avec toi, continua-t-il.
- C'est gentil mais je ne vois pas pourquoi tu me soutiendrais.
- Parce que tu sembles la plus touchée.
- Tu sais, j'ai pas besoin de la pitié des gens.
- Ce n'est pas de la pitié, crois moi.

Je ne savais pas comment je devais prendre cela. Nous continuâmes notre chemin jusqu'à la salle de classe en silence. Noah me demanda s'il pouvait s'asseoir à coté et je ne vis pas de raison pour refuser alors j'acceptai. Cinq minutes plus tard le cours commença. Je n'écoutais pas du tout le professeur, j'étais plongée dans mes pensées.

- J'ai quelque chose pour toi, dit Noah.

Je me tournai vers lui. Je remarquai qu'il avait des yeux verts très clairs qui allaient bien avec sa peau métissé. Il sortit un pochon de sa poche qui contenait sûrement du cannabis.

- Ça te fera sentir mieux.

Je ne savais pas si c'était une bonne idée. David autrefois aussi me proposait de prendre cette drogue et cela ne m'avait pas trop réussi.

- Tiens ça me fait plaisir, insista-t-il.

Je pris discrètement le pochon de sa main et le mis dans ma poche. Je le remerciai puis replongeai dans mes pensées.   

- Tu n'arrêtes pas de le regarder, c'est plus fort que toi, dit-il.
- Je l'ai dans la peau.
- Il te fixerait aussi s'il le pouvait.
- Il me déteste.
- Tu sais, il n'y a qu'un pas entre la haine et l'amour.

Je tournai mon regard vers lui étonnée de ce qu'il venait de dire.

- Je pensais pas que quelqu'un comme toi sortait des phrases de ce genre, dis-je.

Il rit.

- Je sais, je m'étonne moi même parfois.

Je lui souris.

- Tu veux venir avec moi chez des potes après ? Ça te changera les idées, proposa-t-il.

Je ne pensais pas que cela soit forcément pour me changer les idées mais je n'avais plus rien  à perdre alors pourquoi ne pas accepter ? Cela pourrait peut-être m'aider à arrêter de pleurer. 

- D'accord, acceptai-je.

...

La journée de cours terminée, j'étais dans la voiture suivant celle de Noah pour aller chez ses amis. Certains penseront que je tournais très vite la page ou que j'étais trop naïve pour partir avec le premier venu. Il était vrai que c'était complètement stupide ce que j'étais entrain de faire mais je n'avais même plus de force pour ne serait-ce réfléchir un petit peu.

Nous arrivâmes devant le lieu. C'était une modeste maison comme la mienne. Je sortis de ma voiture et Noah aussi.