邪 ARLEAN


Chaque chose en son temps.


Chaque chose en son temps, ouais.


Allez, Arli, calme-toi, c'est ce qu'il te dirait. Tu le sais. Il trouvait toujours les mots justes...


Les bonds dans mon cœur sont incessants, ma gorge serrée et mes rétines me piquent. En baissant le regard, je me rends compte que mes mains tremblent mais j'ai du mal à les contrôler.


Respire.


Journée de merde. Vraiment.

Il pleut comme si Dieu s'acharnait sur moi et faisait déferler tous les litres d'eau possible.

Pour me punir? Mais j'ai déjà beaucoup sur les épaules...

Alors, cette pluie de mes deux, qu'il se la garde!




Les pensées flottantes dans mon esprit m'empêchent d'être lucide.

Je plonge dans ma bagnole en une enjambée. Quelques secondes plus tard, je démarre le moteur, prêt à partir.

Mon cerveau, bien que menacé par cette brume oppressante, me lance un signal de raisonnement.

Prends juste deux minutes.
Avant de partir et de te noyer dans la foule.






J'ai du mal à réaliser. Tout est si flou.

J'ai passé une bonne demi heure à attendre bien sagement sur leurs foutus sièges et la seule chose que ma banquière a trouvé à me dire, c'est "vous êtes fauchés, Mr Longwood" en des termes plus jolis, bien-sûr.

Parce qu'on est éduqués, alors on s'exprime bien, verbalement!


Mais on n'est pas pas éduqués émotionnellement... parce qu'il est clair et net que la plupart en ont rien à foutre, ne ressentent pas une once de pitié quand t'es au fond du trou.
Putain de robots, ces banquiers.

Ce trou qui a créé une grande faille dans mon compte bancaire, je ...

je sais pourquoi c'est arrivé. Parce qu'ils mont fauché. En fait, je me suis fait faucher.


Le pire c'est que je ne peux rien dire.

Rien faire.



Qu'est-ce que tu racontes, Arli?


Ton putain de compte bancaire c'est même pas le plus important dans cette histoire.

Il y a bien pire...


Dans un relâchement des plus total, je pose mes avant bras sur mon volant puis y laisse tomber ma tête.

Au final, j'aurais peut-être dû garder mon argent sur moi.


Ca aurait été plus sûr ...


Quoique...


Nan, ils seraient venus jusqu'à moi de toute...


TUT TUT !

La tonitruance d'un coup de klaxon me fait sursauter. Je sens comme une pointe menacer mon coeur, me faisant trembler intérieurement.

Je suis tellement sous pression qu'un rien fait accélérer mon rythme cardiaque.


"Putain... "soupiré-je en me massant les yeux pour essayer de me calmer face à cette frayeur ridicule.


"Oh!" s'écrie un homme à la voix grave et guturale. "Quitte la place, putain!"


Je tourne la tête. Fronçant les sourcils, je comprends immédiatement la nature du problème.


Il n'a qu'a stationner ailleurs, cet abruti.


J'appuie sur le bouton pour enclencher la radio et laisse ma tête reposer sur l'appuie tête. Une petite pause ... Juste une petite pause avant de ...


TUT TUT


- OH! Putain! je m'étrangle dans un cri déchirant.


Ni une ni deux, une impulsion me pousse à sortir de ma voiture.


Mes yeux sont noyés de rage. J'ai les nerfs à vif. Je serre les poings, comme si j'écrasais quelque chose.

J'avais juste besoin de 2 secondes mais on ne veut pas me laisser tranquille.


Le fait d'être trempé ne me fait ni chaud ni froid. Tellement je me sens complètement déconnecté de la réalité due à cette rage irrépressible. Ce qui me donne un air agressif:


- T'as un problème, mon vieux?!


- Bouge ta voiture d'ici! Tu vois pas que tu gênes ducon? Je sais pas ce que tu glandes mais j'en ai rien à foutre! Moi je reprends le travail après et il y a pas d'autres places sur ce parking, tu vois bien qu'il est complet! Alors dégage !


Un homme en costume, à l'apparence soignée. Quoique... La couture de sa veste de costume affiche des détails quelque peu douteux. Un modèle à bas prix, sans doute. Ou une contrefaçon.

Pour qui il se prend, ce taré?


- C'est qui que t'appelles ducon ? je crache.


Furieux, je me poste devant son capot, le visage dégoulinant d'eau et sans doute de sueur.

Sueur de rage, sueur de stress. Sueur de peur.
Sueur d'adrénaline.

Je pose brusquement mes mains sur la carrosserie grise. Mes paumes entre en contact avec le métal froid et humide. Je le fixe fermement.


- Touche pas ma voiture, merde! scande-t-il.


L'homme sort de sa voiture en trombe, le visage déformé par la colère.

Mes muscles se raidissent, je sens une puissance dans mon estomac s'étendre et nourrir mon sentiment d'agressivité.

Il lève les bras, menaçant:


- C'est quoi ton problème, abruti?!


Il pointe son doigt sur moi et de son autre main me pousse:


- Tú dégages et c'est tout! Sinon c'est moi qui vais te faire dégager!


Je sens son doigt appuyer fortement contre ma peau, rencontrant mes os, au dessus de mes pectoraux.


Quant à son autre main, elle dégage violemment mon épaule gauche.

Je serre la mâchoire, brûlant de colère, et instinctivement je me retourne et lève le poing.

Pendant un instant, je me vois en train d'écraser son crâne contre son foutu pare-brise.
Je ressens le contact de mes poings contre son visage. Cette réjouissance.

Je sens cette réjouissance alors que je me sens dominant . Puissant.
Que je peux enfin me défouler. Libérer cette colère.
Cette colère qui m'habite depuis bien trop longtemps. Depuis que je suis né, j'ai l'impression.



Mais...
alors que mes doigts ne forment plus qu'une unité destructrice, je les ressens.

Mes bagues.

Ses bagues.

Elles enserrent mes doigts dont la pression semble prête à exploser.

La pluie ruisselle sur mon visage.

Le vent souffle, soulevant mes cheveux, les désordonnant d'autant plus.

Une légèreté semble être insufflée dans ce courant d'air qui me fouette le visage.

Et, alors, seulement à ce moment là, je me rappelle. Cette promesse...

Je regarde ma main. Mes bagues, à nouveau.


Mes épaules s'affaissent.

Cette promesse que j'ai faite... Elle est importante.

Malgré le feu qui bouillonne en moi, je décide d'éviter la catastrophe et de mettre fin à cette scène.


Une fois dans ma voiture, je pars et laisse la place en ajoutant ma touche personnelle:



- Connard! je lui jette en quittant une de mes mains du volant pour lui adresser un doigt d'honneur.


---------

19H

J'arpente les rues avec ma voiture. Ce soir, je compte bien me détendre.

Je me sens beaucoup mieux que ce matin et je suis sûr que la journée va s'améliorer d'autant plus. Je le pressens.

De plus, j'adore conduire. Ça me change les idées.


Le regard dans le flou, je freine et accélère de manière machinale. Mes mains dirigent le volant, dictées par les règles de la route. Comme un musicien suivrait sa partition.

De temps à autres, je penche la tête et examine mon environnement à travers les vitres. Bien qu'il ne pleuve plus autant qu'en début de journée, je frémis à l'idée de sortir dehors.

Le ciel gris est si maussade et contraste avec les ruelles vivantes et colorées de cette ville.

Je déteste quand il pleut. J'espère bien trouver de l'amusement ce soir.


Je pousse la pédale de frein pour m'arrêter. Observant le feu rouge dans mon pare brise parsemé de gouttelettes, je détourne le regard lorsque le bip sonore de mon téléphone m'avertit de la réception d'un message.

Je le regarderais après.



Naturellement, je lève les yeux pour reporter mon attention sur ce feu rouge. Quand...

Soudain...

Je la vois.

La reconnais.

Elle.

Assise sur un banc.

Là, juste là,

Juste sous mes yeux.

Une petite créature. Abandonnée au milieu de cette ville où déferlent voitures et personnes e continu.


Cette petite créature aux cheveux châtains, ondulés et dont l'épaisseur contraste distinctement avec l'étroitesse de ses épaules. Les mains coincées sous les cuisses, ses yeux marrons fixent intensément le sol.

Elle a l'air triste. Je sais pas pourquoi.


Tout à coup, une lumière s'illumine en moi alors que je réalise enfin ce que ma vue témoigne.

Je rêve...

Un ricanement secoue ma poitrine.

Bingo!


J'actionne mon clignotant pour informer que je tourne puis laisse glisser mon volant dans mes mains avant de stationner dans l'emplacement prévu.

Un sourire étire mes lèvres.

Une fois la vitre ouverte, je croise enfin son regard.

Alors que la fatigue se lit dans ses yeux, elle les ouvre en grand et reste bouche bée.

Comme si elle avait du mal à respirer et que ses poumons manquaient d'oxygène. Elle secoue la tête, privée d'air. Cherchant une réponse.

Puis, ses sourcils se froncent. Ses poils sont si clairs et parsemés qu'ils lui ôtent l'expression intense qu'on pourrait lire sur un visage aux sourcils prédominants.

Mais même ainsi, je perçois très bien qu'elle est ...

Perturbée.
De me voir.

Son expression m'amuse. Me fait sourire. Rire, même.

Mon esprit s'abandonne, heureux et soulagé de la tournure des choses.

Car cette fin de journée s'annonce très bien pour moi.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top