蝶 KEYLONIA
La porte est fermée à clé.
Très bien.
Oui, très bien.
Je me jette au sol et serre mes jambes contre mon torse.
Ma tête tremblotante retombe durement sur mes genoux.
La pièce est noire. Trop noire. Cette obscurité ...
Les yeux brouillés par ce fameux liquide lacrymal que j'avais trop sécrété et l'esprit torturé par la peur, c'est donc la bouche pleine de saveur amère et salée que j'observe timidement mon environnement.
Tout ce qui m'entoure n'est réellement que obscurité... Je ne distingue à peine les meubles qui peuvent la composer. Mais ce n'est pas ce ma vue peut témoigner qui me noue l'estomac.
Soudain, un bruit intense retentit. Détonnant.
Soucieux, je me pince les lèvres.
Je ne reconnais que trop bien ce son.
Mon coeur se soulève.
Mes yeux s'agrandissent.
— Non... non... non ...
Mes murmures ne sont qu'une boucle sans fin de "non" que je répète. Inlassablement. Comme si ça pouvait me sauver...
Comme une prière désespérée, criant au miracle.
Si Dieu existe, qu'il fasse quelque chose. Je vous en prie. Je vous en prie.
Les ténèbres existent eux, alors sauvez-moi d'eux, je vous en prie... Je vous en prie.
Puis,
vient le moment où mes petits murmures inutiles se transforment en un cri déchirant. Car, je me rends compte de la terreur qui m'assomme : la porte s'ouvre brusquement.
Elle claque contre le mur en un bruit fracassant. Et il entre.
Je suis con, pensé-je en sanglotant alors qu'il me saisit par le bras pour me lever avec une facilité déconcertante.
Evidemment qu'il allait enfoncer la porte, il est trop fort. Mais quel con... Maintenant il est encore plus fâché!
Ses doigts enserrent fortement mes poignets douloureux et teintés de la couleur d'un ciel bleu triste.
Je grimace. Me débats. Pleure.
J'ai l'impression que ma peau a pris l'habitude d'être torturée, je sens qu'elle épouse ses mains, formant un creux pour accueillir instinctivement ses doigts qui me brisent les os autant que l'âme. Cette sensation douloureuse ne m'a jamais quittée. Elle est omniprésente.
Comme si ma peau était préparée à recevoir à nouveau cette foudre de violence. Et qu'elle s'y était faite, façonnée par ses mains destructrices dont la douceur n'émanait jamais.
— Keylonia! rugit-il. Sale petite merde! Lève-toi, putain! Tiens-toi debout comme un homme! Fais chier! Arrête de trembler comme une femmelette! Sois un homme !
— NON! Arrête! m'époumonné-je alors que la panique manque de me faire mourir.
— La ferme! Regarde-moi!
Ses doigts aussi durs que du métal se plantent dans mes joues. Je ne peux retenir mes larmes. Je n'arrive plus à respirer.
Ses iris noir d'ébène me scrutent silencieusement et déchirent mon âme, bout par bout, jusqu'à ne plus rien laisser.
Je suis anéanti. Presque mort. Du moins, ce qui se trouvait dans les profondeurs de mon intérieur et me faisait vivre n'est plus. Je suis comme mort.
Son souffle chaud me brûle la peau autant que la signification de ses mots détruisent de manière ravageuse mon coeur, atteignant même l'infime partie de gaieté qui pouvait me rester :
— Je déteste ton visage.
Chacune de ses paroles me torture comme un coup de fouet qui ne s'arrête jamais :
— En plus de ressembler à une fille avec tes longs cils et tes longs cheveux ridicules, t'es aussi faible qu'une fillette. Putain, tu me dégoûtes. En plus, t'es gros. Tellement t'es grassouillet, t'arrives même pas à respirer. T'es répugnant. Répugnant. Ridicule. Faible. C'est tout ce que t'es. Tu m'entends, Keylonia?!
La peur me fait détourner les yeux.
Si seulement quelqu'un pouvait m'aider. Ou... s'il pouvait arrêter...
— Eh!! Regarde-moi!!
Non, je peux pas... J'peux pas, j'ai trop peur.
Il faut que je fuis.
Les pieds s'agitant dans tous les sens, je gigote et parviens à me dégager de ses mains si sévères.
Je m'éloigne aussitôt de lui. Je cours. Traverse la pièce. Je ne vois même pas où je vais. Du moment que je m'éloigne de lui.
Mais.. Aïe.
Je m'arrête, ma main se pose automatiquement sur ma poitrine.
J'ai terriblement mal au coeur. Il bat si fort.
Il est douloureux. Fatigué. Lourd. Trop blessé.
Serait-il plus blessé que mon corps parsemé d'ecchymoses florissantes tous les jours, aux formes et aux couleurs effrayantes ?
Les insultes de l'homme transpercent mes tympans et tout à coup, sa main atteint mon poignet pour l'enserrer à nouveau. L'emprisonner. Le maltraiter. Le réduire en cendre. Je n'en peux plus.
J'ai si mal.
L'homme se met à crier si fort que mon coeur que je croyais mort fait un bond dans ma poitrine et du fluide rouge commence à jaillir de ces sillons sur mes mains détériorées par sa tempête de fureur.
Cette fois, c'est moi qui me met à hurler. De peur, de tristesse mais surtout de douleur... Un cri bestial. Empli de détresse. Malmené par cet être personnifiant la violence même, je retombe brutalement sur le sol et ...
— OH!
Effrayé, je me réveille en sursaut. Mon coeur bat à mille à l'heure. Je suis en train de haleter. Les yeux à peine ouvert, j'entends une fille se manifester à côté de moi. J'ai la main droite dans ses cheveux.
— Ah putain... murmuré-je en redescendant de mon état émotionnel.
D'un geste délicat, je me laisse apprécier la douceur de sa chevelure brune. Un doux sourire effleure mes lèvres.
— Aya ... poussé-je un soupir, aussitôt soulagé grâce à sa présence.
Mais... Alors que je n'ai même pas encore vraiment la vue nette après ce réveil brutal, je reconnais un détail :
Ce n'est pas son odeur. Celle d'Aya. Aya et ses effluves envoûtantes de coco.
Troublé, j'éprouve de la déception et entreprends de me redresser sur les coudes.
L'autre fille à ma gauche décale sa tête de mon torse avec un air toujours somnolent. Tandis que celle de ma droite est réveillée, sans doute à cause de mon cri. En position assise contre le mur qui se trouve au bout de la tête du lit, elle se frotte le visage, l'esprit en train d'émerger.
Comme moi, d'ailleurs. Il me faut du temps pour émerger après ce cauchemar.
Puis, les souvenirs me réapparaissent clairement. Je dois la lucidité de ma mémoire au fait que je n'ai pas bu. Une habitude chez moi. Boire et perdre ses moyens, c'est pas mon truc.
Je vois pas à quel moment t'es classe quand t'as besoin d'alcool pour booster ta confiance. Et pourtant j'adore les soirées mais je profite très bien sans boire.
Et... Hier soir? Ah oui c'est vrai.
C'était le feu. J'ai ramené deux filles après une soirée en boîte.
Satisfait de la tournure de cette nuit, je ne peux m'empêcher de sourire.
Ouais, j'ai fini la soirée en beauté. C'était sympa.
J'enfile mon boxer pour me vêtir puis mon pantalon noir et mes baskets Nike noires dans la foulée.
— Keylonia... gromelle la fille blonde qui est aux abords de son réveil. T'as crié... Qu'est-ce qu'il s'est passé?
— Rien. C'est rien.
— C'est un cauchemar? T'es sûr que ça va? insiste-t-elle en examinant mon visage qui était complètement défait quelques minutes plus tôt. T'avais l'air inquiet. Si tu veux, tu peux me parler. Je suis pas très lucide le matin mais...
— Nan, rié-je. T'inquiète pas, c'est... Juste un réveil normal avec Keylonia.
Je secoue la tête et me racle la gorge, tentant de chasser ces souvenirs brumeux et ténébreux.
— Mais, enchaîné-je pour me divertir l'esprit, je crois pas que ce soit moi qui ai le plus crié cette nuit.
Dans un élan d'amusement, elle me balance un coussin, avec une cascade de rire.
— Arrêtez! se plaint sa copine en enfouissant sa tête dans l'oreiller. C'est quoi ce raffut? Je veux encore dormir, moi.
Avec un rire léger, et les doigts dans les cheveux, je fais quelques pas pour m'avancer vers le miroir situé derrière la porte de la pièce.
Du bout des dents, je saisis automatiquement un élastique serré autour de mon poignet puis le manipule avec mes doigts pour enlacer minutieusement ma chevelure de tresse en une queue de cheval. Je vérifie le résultat en observant mon apparence.
Soudain,
quelqu'un tambourine à la porte.
Je fronce les sourcils et pose naturellement ma main sur la clenche.
Dans mon dos, j'entends la fille blonde pousser un soupir d'appréhension :
— Oh non...
Mais trop tard, j'ai ouvert. Et de toute façon, quoiqu'il pourrait se trouver derrière cette porte, je m'en fous. Me da igual.
Rien ne me fait peur dans la vie.
Un jeune homme aux mèches brunes qui tombent en boucle sur ses tempes se tient devant moi. Ses yeux couleur bronze sont éberlués. Ils examinent la scène comme s'ils se trouvaient face à un précipice.
Rapidement, l'incompréhension laisse place à la rage :
— T'es qui toi?
N'obtenant pas de réponse de ma part, il finit par beugler d'un air agressif :
— Putain, qu'est-ce que tu faisais avec ma copine ?! Tu te fous de moi?! Putain! Je vais te faire regretter, sale connard!
A cela, je conserve un visage impassible :
— Les filles, m'exclamé en pivotant la tête vers elles tout en ignorant complètement l'autre gars, est-ce que vous avez vu mon t-shirt? Je suis quand même pas rentré sans t-shirt hier soir? dis-je en positionnant mes doigts sous mon menton d'un air pensif pour essayer de me remémorer les évènements, les yeux vers le plafond.
Les filles ne peuvent cacher à quel point elles sont décontenancées par mon attitude avec mon calme olympien et mes propos qui sortent du cadre. Bouches bées, elles se jaugent du regard, puis parcourent visuellement leurs affaires. Toutes deux secouent la tête négativement.
— Ah... soupiré-je.
Gêné, je prends toute mon aise pour me passer tranquillement la main sur l'arrière du crâne, la zone où mes cheveux couleur de jais sont rasés, comme sur les côtés.
— Ca m'embête, je perds toujours mes t-shirt. Je sais jamais où je les laisse.
Avec une grande lassitude, j'abaisse ma main et la plonge directement dans le tissu de mes poches :
— Bon, tant pis, va falloir que j'en rachète un, je finis par concéder en mimant une moue embêtée avec un front plissé et les lèvres pincées. En tout cas, si jamais vous le retrouvez, gardez-le en souvenir, les filles, je vous en fais cadeau.
L'amoureux au petit coeur blessé accuse le sens de mes paroles en reculant la tête, l'air incrédule et choqué :
— Tu te fous de moi ?! Pour qui tu te prends, connard!!!
— Allez, salut les filles! je lève une main pour m'adresser à elles et leur fais un clin d'oeil complice accompagné d'un grand sourire. C'était sympa!
Je m'avance. D'un pas.
Aussitôt, un courant d'air frais me fouette le visage. Le bras du tourtereau blessé me barre le passage. Il est coincé devant la porte et obstrue ma sortie.
— Je vais pas te laisser passer, espèce de bouffon, crache-t-il violemment. Et si tu crois que tu vas t'en tirer comme ça, tu te mets le doigt dans l'oeil! Je vais te retrouver et te donner une leçon avec mes gars...
— Oh, l'arrêté-je en baîllant d'un air ennuyé, je t'en prie. Pas une bagarre dès le matin, sérieux, il est quoi?
Je jette un coup d'oeil à ma montre dorée pour obtenir ma réponse :
— A peine 9h, Dios mío ... Tu veux pas plutôt te calmer ? lâché-je d'un ton paisible.
— Va te faire foutre! hurle-t-il avec hargne, les poings serrés, prêt à en découdre.
— J'ai tenté, rié-je comme si j'expliquais la situation à un public.
Je hausse les épaules :
— Mais bon, le gars veut de la violence.
— Ta gueule ! Je vais te ...
Soudain, il se tait. Plus aucun mot ne sort de bouche, seuls des gémissements de douleur.
La souffrance déforme ses traits. Mon coup de pied le propulse immédiatement dans le couloir en un bruit assourdissant.
Cloué au sol, il se tient le ventre, là où mon pied droit vient tout juste de le frapper brutalement.
Au même moment, je passe le seuil de la porte d'un air nonchalant.
J'entends les réactions consternées et effarées des témoins s'élever et choquer contre les murs, donnant l'impression d'un cri à l'unisson face à ce garçon qui vient de voler d'un bout à un autre.
Puis, je me rapproche de lui.
Doucement. D'une allure sereine.
Il lève les yeux vers moi. Le tremblement de ses lèvres n'a de cesse, sous le coup de ses gémissements.
Les mains toujours dans les poches de mon pantalon, je me penche au-dessus de lui pour admirer mon oeuvre :
— Ta copine est super mignonne, elle mérite pas un bouffon comme toi, je lui annonce avec une mine dégoûtée et d'une voix dure. Ah, et pour ton information, il n'y a qu'une seule personne au monde qui a le droit de me surnommer "bouffon" et que je ne frapperais jamais. Autrement, je déteste qu'on m'appelle comme ça. Tout ça pour dire que je t'aurais peut-être frappé moins fort si tu ne l'avais pas dit.
L'inquiétude fait irruption sur son visage marqué par la souffrance due à son organe affecté par ma force.
Ses pupilles sont imbibées d'angoisse. Il observe mes faits et gestes d'un air inquiet.
C'est instinctif.
Quand ton agresseur t'attaque, t'as juste qu'une envie : qu'un autre coup ne suive pas.
Alors, quand tu sais que tu ne fais pas le poids pour te défendre, tu observes désespérement ton bourreau et prie pour qu'il ne réitère pas sa violence.
Avec un regard brillant de malice, je me délecte de manière alléchante de sa peur :
— Tu auras mal toute l'après midi. Ceci dit, même quand la douleur passera, t'auras un bon p'tit bleu en souvenir de moi pendant un bon moment. Plutôt sympa, nan?
Mes genoux se plient. Je me porte à sa hauteur.
Je pose ma main sur son épaule.
Une forte secousse le fait sursauter en réaction.
Je le sens frissonner, ma paume peut sentir ses muscles, son être, son âme trembler :
— Et, si tu t'avises de vouloir t'en prendre à moi ...
Je laisse volontairement ma phrase en suspend pour faire grimper son angoisse. Il n'y a rien de pire que le silence. Ce calme avant la tempête qui t'achève. Mille scénarios effrayants intègrent ton esprit tourmenté sur ce qu'il peut se passer ensuite. Et c'est insoutenable.
Je me contente de l'observer, un air fermé et inexpressif affiché, mon humour et ma légèreté ayant totalement désertés. Puis, ma bouche près de son oreille, je lui souffle mon obscure confidence :
— Je te ferais bien pire. Ah, et moi c'est Keylonia, connard de bouffon, tâche de ne pas l'oublier.
Sans une once de pitié, j'enjambe son corps comme s'il s'agissait d'un vulgaire objet abandonné au sol que je pourrais écraser si l'envie m'en prenait.
Une fois ma tâche achevée, la satisfaction prend possession de mon visage.
Un sourire en coin se forme sur mes lèvres.
D'un air décidé, je ne me retourne pas et entame de partir tout en secouant fièrement la tête en arrière pour replacer mes longues tresses dans mon dos.
Je les sens caresser ma peau nue, cascader mon dos comme si elles étaient libres. Elles effleurent mon corps bouillonnant d'assurance.
Je me déhanche de gauche à droite, de cette manière si caractéristique que j'ai de marcher. Tel un combattant de MMA s'apprêterait à combattre, une confiance extrême nourrissant son coeur débordant d'une volonté de fer.
Je déambule alors ainsi, sous cette pluie de milles yeux outrés qui ne peuvent se détacher de ma musculature, un fil les reliant indéniablement à moi.
Como si fuera magnético. Comme s'il s'agissait de la puissance magnétique d'un aimant. Et qu'il leur était impossible de résister.
J'adore ça. Me mola. Je me mets à sourire espièglement, une chaleur de bien-être s'étendant en mon intérieur, me faisant savourer le moment.
La plupart du temps, plusieurs sentiments sont suscités à mon égard :
La jalousie voire l'admiration chez la gente masculine et le désir suivi de près par l'attirance chez les femmes.
Ainsi, aucun cœur ne reste jamais indifférent face à ma personne. Soit j'impressionne et propage de la peur soit je provoque de l'attirance.
Passer inaperçu m'est complètement inconnu avec mon mètre 90, mes muscles que j'entretiens solidement et mon style de coiffure nordique. Il m'était même venu à l'idée de me faire des tatouages pour rajouter quelque chose à mon style viking.
Mais, voilà, une fille m'en a dissuadé.
Et je l'ai écouté, lorsqu'elle m'a sorti toute sa science à propos de certains « métaux lourds » qui se stockeraient dans le foie ou je ne sais quoi et impliqueraient des problèmes de santé à la longue sur le système neuronal.
En réalité, j'ai pas tout compris, mais je la crois, elle. Je pourrais croire tout ce qu'elle me raconte, en vrai.
Je lève mon talon du sol pour le poser sur la marche de l'escalier que je viens d'atteindre. Mais... Une voix m'arrête brusquement :
— Keylonia !!
Mon corps se raidit. Et merde... Hablando del Rey de Roma... Quand on parle du loup.
— AYA ! m'exclamé-je avec joie en levant les bras au ciel comme si je lui faisais un grand accueil.
Ses jolis sourcils broussailleux couleur nuit forment une ride au milieu de son front. Je lâche un rire bête :
— Eh... T'as l'air fâchée. Qu'est-ce qu'il y a?
Je sais pertinemment de quoi elle veut me parler mais si je peux faire semblant un moment pour éviter le sujet, ça me va très bien.
— T'es sérieux? elle articule avec exaspération. Keylonia... finit-elle par me maudire.
Elle me fixe puis tourne la tête en direction du pauvre mec que j'ai allongé au sol deux minutes plus tôt.
Il est maintenant en train de gémir, la main sur le ventre, comme si quelqu'un le tapait continuellement. Un fantôme peut-être. Ou bien il est sur le point d'accoucher.
— Quoi? je rebondis aussitôt pour me défendre. Le gars-là? C'était un enfoiré, un cabronazo, toi aussi t'aurais eu envie de le bastonner! Et puis, il exagère à crier, là, quelle tapette! Je me suis retenu, crois-moi. C'est pas ma faute s'il est fragile. Et con, en plus.
— Anda! Que no me lo puedo creer! C'est pas vrai! elle s'emporte, agacée. T'aurais pu simplement le maîtriser avec une clé de bras! Rrrohh! peste ma camarade. Et qu'est-ce que t'as fait pour le provoquer ? elle se met à invectiver brutalement contre moi comme si j'étais un enfant qui devait fournir des explications.
— Ah ... euh...
Je me gratte l'arrière du crâne, comme une tentative pour m'inspirer un mensonge. Mais rien ne me vient. No se me ocurre nada, joder.
Aya est parfaitement au courant de mes aventures mais ce n'est pas agréable de parler de ça avec elle.
— Laisse tomber, elle finit par soupirer d'un air exaspéré. De toute façon, juste en étant toi tu énerverais n'importe qui. Et sinon, il est où ton t-shirt, subnormal ?
— C'était pas obligé le « subnormal » ! me plaigné-je avec amusement, de bonne humeur ce matin. Et je sais pas où est passé mon t-shirt, je pense que je l'ai laissé en boîte. Ou dans la chambre des filles ...
— Des filles? elle relève en arquant les sourcils. Ah. Oui. D'accord.
Joder. Que soy muy malo para mentir a veces. Mentir c'est pas mon fort. Surtout avec elle.
— Euh, ouais. Juste 8, 10 filles, t'inquiète, essayé-je de jouer la carte de l'humour avec un sourire pour mieux faire passer la pilule. D'habitude c'est pire.
Mais... ma cible n'étant pas naïve, ça ne prend pas. Je conserve difficilement mon sourire figé, alimenté d'embarrassement, face à son visage sérieux qui respire un air rigidement implacable.
— Trouve-toi vite un t-shirt , me sort-elle sèchement.
Mon sourire s'évanouit. Je me racle la gorge pour reprendre mon sérieux :
— Ouais, t'inquiète.
— C'est pas la première fois que t'en perds, Dios mío! T'as vraiment pas de tête !
— Que no pasa nada ! C'est pas grave, j'en rachèterais! De toute façon, même quand je le garde, c'est les filles qui me l'arrachent.
Joder, j'ai pas pu m'en empêcher... Les yeux noirs pétillant de Aya me lancent de la foudre.
Je sens qu'elle pourrait s'emporter à nouveau alors je préfère désamorcer la bombe dès maintenant. Je m'empresse d'agiter mes mains en l'air, devant mon torse, et prends un air innocent pour la calmer :
— Ok, ya, ya! Es broma ! Je rigole. Il n'y a pas de filles qui me l'arrachent. Je me l'arrache tout seul. Parce que j'aime bien m'admirer dans le miroir.
— Da igual, souffle-t-elle en levant les yeux au ciel avec lassitude face à mon flot de bêtises. Peu importe. Dépêche toi de te changer, Keylonia, on s'entraîne ce matin. Allez, on se retrouve al gimnasio. Nos vemos.
— Ouais, à la salle, à tout à l'heure, je confirme en me contentant de répéter ses propos.
Aya me fixe de ses grands yeux aux longs cils, similaires aux miens, dont les pointes toucheraient presque son arcade sourcilière.
L'intensité de l'obscurité de ses yeux est éminemment magnifique à contempler. Comme un ciel profondément sombre, mais le genre de voile obscur qui te fait sentir à l'abri, qui te protège de la lumière trop éblouissante de la réalité.
Un noir réconfortant.
Une cape contre le monde extérieur, assez opaque pour te cacher et te protéger de la surbrillance du ciel, qui est parfois difficile à supporter.
Le noir ne me fait plus peur. Pas depuis que j'ai appris grâce à Aya que parfois, l'obscurité peut être ton refuge.
Une subtile touche de nostalgie chatouille mon coeur et je me perds dans son regard. Ce regard que j'ai tant aimé.
Elle acquiesce; un petit hochement de tête de sa part puis elle me tourne le dos, laissant ses cheveux virevolter librement aux côtés de ses épaules qui ressortent massivement, éclairé par la douce lumière du matin, faisant ressortir les moindres détails de ses muscles secs et impressionnants.
J'inspire légèrement pour nourrir mes poumons de cette odeur apaisante.
Cette odeur de coco.
Une effluve aux allures réconfortantes, qui m'a accompagné, même quand l'odeur pestilentielle de la mort rôdait autour de moi.
Cherchant à éloigner cette brume de souvenirs, je pousse un soupir et me mets en mouvement.
Deja de pensar. No pienses demasiado.
Faut que j'arrête de trop penser.
Ca ne mènera nulle part.
Faut que je me reconcentre.
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Une fois le soleil couché, je ne pouvais pas faire autrement que d'aller en soirée pour terminer ma journée. J'en avais vraiment envie.
L'air emplit de bonne vibes de la pièce me donne des superbes sensations; la musique, des gens qui dégagent de la joie, de l'amusement. Mais, évidemment, tout n'est jamais complètement rose...
— Mec... Tío, dis-je en agrippant le bras du gars éméché. Tu voudrais pas plutôt danser avec un arbre? Sérieux, au point où t'en es, bourré comme t'es, tu ferais même pas la diff'! Alors, laisse la jolie dame tranquille maintenant et casse-toi. Allez, ciao, amuse-toi bien avec les arbres!
Le gars réagit à peine et marmonne tout en marchant. Je l'observe s'éloigner d'un air prudent.
Qué patético.
Son état lamentable me donne envie de vomir. Il s'est intoxiqué le corps et l'esprit à un point que ça en est minable. L'odeur qu'il dégage, l'apparence qu'il a, le peu de dignité qu'il peut lui rester ... Il incarne tout le contraire du charisme.
Mais alors que je commence à peine à détendre mes muscles, une fille m'interpelle, m'avertissant d'une bagarre en cours dans une autre pièce.
Mes yeux se posent automatiquement sur les deux assaillants lorsque j'arrive sur les lieux. Je les reconnais aussitôt :
Reorden et Arlean.
Je serre la mâchoire et m'exclame fortement en demandant ce qu'il se passe pour faire une entrée spectaculaire et ainsi attirer leur attention.
Mais, pris dans leur folie de violence électrisante, ni l'un ni l'autre ne réagit.
Une fille aux cheveux mi-longs couleur châtain obscur pigmentés de légères touches de blond terne tient dans ses mains le bras de Arlean; Ariel. Son épaisse chevelure est ramassée en une queue de cheval, laissant son visage pleinement à découvert, au teint plutôt pâle, accordé au bleu délavé de son sweat à capuche qu'elle porte avec un short en jean.
Je crois que c'est la première fois que je peux la percevoir clairement car je n'ai jamais pris le temps de l'observer. Je n'y ai jamais vu d'intérêt. Elle est si petite qu'elle me paraît insignifiante.
Son expression est marquée par la stupéfaction malgré ses sourcils pauvres en terme de capillarité. Soudain, ses mains lâchent le bras de Arlean dont les traits sont durcis par la tension.
Elle semble retenir son souffle.
Je m'interpose subitement entre les deux gars, le visage fermé. Enfin, après un moment de pression durant lequel je les dissuadais de se battre, Reorden finit par s'en aller avec quelques paroles provocatrices envers Arlean qui flottent dans l'air.
Du coin de l'oeil, j'observe Arlean, habité par la colère, s'éclipser à son tour. Il emprunte les marches pour se rendre à l'étage.
Il est poursuivi par Ariel, cette petite ombre furibonde au sweat bleu qui enchaîne les marches d'un air décidé, comme si rien ne pouvait l'arrêter.
Quelques minutes plus tard, l'ambiance électrique de cette soirée qui était vouée à un bain de violence s'est dissipée.
Au même moment, alors que je suis adossé contre un mur à discuter avec un groupe, je constate que Ariel finit par descendre les marches; ses joues de couleur rouge semblent prêtes à accueillir des larmes tant son regard paraît affecté. Puis, peu de temps après, dans les minutes qui suivent, Arlean dévalent les marches à son tour.
La colère masque son regard, lui fait froncer les sourcils, faisant naître un nuage de tension, au-dessus de sa tête, qui le poursuit à chacun de ses pas.
Un nuage gris et menaçant qui le couvre de toute possible éclaircie.
Je l'attends fermement en bas de la cage de l'escalier. Il atteint la dernière marche quand je lui lance, d'un ton calme, plongé dans l'obscurité :
— T'étais pas prêt de gagner face à lui.
Sa tête se retourne vers moi, je m'avance pour me laisser apercevoir.
Je constate que l'horreur présente en son regard est affectée de milles et une lueur de tristesse. Il a l'air d'avoir passé un mauvais moment.
Je ne sais pas ce qu'il s'est passé là haut, avec l'autre fille Ariel mais c'est comme si sa colère avait été grignotée par la tristesse.
— Quoi? réagit-il impulsivement, premièrement troublé.
— Ta posture, entamé-je une explication en soupirant.
Je me détache du mur. Je positionne mes bras croisés face à mon torse à la peau nue pour déballer la suite :
— Tu te tenais face à lui. Il t'aurait mis un coup de poing, t'aurais rien pu faire pour l'éviter; il faut se mettre de biais. Es lo de manual. C'est la base.
— Et alors? siffle-t-il avec un regard noir, brillant de méfiance. Qu'est-ce je peux en avoir à faire? T'es un pro, peut-être ?
Le sarcasme de sa voix fait trembler ses cordes vocales avec animosité.
Je demeure impassible. Sa phrase sonne absurde, bien sûr, étant donné que ma carrure musclée laisse facilement deviner que j'ai déjà l'atout de la force. Mais ce n'est même pas mon seul avantage :
— Les arts martiaux, ça me connaît. T'aurais pas gagné face à lui, je t'assure. Comme je t'ai dit, t'étais en mauvaise posture, il t'aurait mis un coup de poing, t'aurais riposté par un autre coup de poing; puis, il aurait pris le dessus parce qu'il est plus puissant et tu ne m'as l'air pas assez vif. C'est à se demander si tu t'es déjà battu dans ta vie.
Sa lèvre inférieure se décroche alors qu'il me fixe, interdit, avec des yeux outrés. Comme si les mots ne pouvaient passer le seuil de bouche car il ne savait que répondre.
— Mais je peux t'apprendre, décrété-je avec confiance.
— M'apprendre ? il s'indigne avec un visage brûlant.
— Ouais, je peux t'apprendre à te battre. Je te le répète : tu te serais fait laminer. Alors, je peux t'enseigner à te battre.
— Nan, lance-t-il aussitôt sans même réfléchir. J'ai pas ... C'est bon, j'ai pas besoin de ça. Laisse tomber.
— Sûr? remets-je en cause son jugement d'une voix paisible. T'es sûr, Arline?
Je hausse un sourcil et les mains dans les poches, je plonge mon regard dans le vert de ses yeux. J'ai l'impression de percevoir toute l'agitation présente en lui comme s'il y avait quelque chose de cassé en son intérieur. Que s'est-il passé là-haut avec cette Ariel?
Sa mâchoire se contracte :
— C'est Arlean, putain, crache-t-il avec véhémence.
— Arline, c'est ce que j'ai dit. A ta place, je refuserais pas une offre pareille, Arlineuh.
— J'ai pas besoin de toi, merde! s'emporte-t-il soudainement comme si un tourbillon le forçait à libérer ses émotions. Fous-moi la paix, putain! J'ai eu mon lot de conneries pour aujourd'hui! Putain de journée de mes deux!
— C'est toi qui vois, Arlineuh, dis-je calmement en haussant les épaules.
Arlean, furieux, tourne les talons. Et, en quittant la pièce pour s'enfoncer dans l'obscurité de la nuit, dehors, je le vois contempler le ciel, comme s'il y cherchait quelque chose.
Mes neurones se ruent vers une idée.
Serait-il en train de penser à un être perdu?
Sans doute, me raisonne ma voix intérieure.
Puis, une autre idée me vient.
S'il est en train de prier Dieu, c'est complètement inutile. Et ridicule. Il n'existe pas.
On est tout seule dans cette aventure. Tout ça ce n'est rien de plus qu'une connerie inventée par l'homme pour se rassurer mais en réalité on ne peut que se sauver par soi-même. Tout seul. A moins que... Une main te soit tendue.
Un être personnifiant l'amour, l'amitié ou bien la bonté, qui a répondu à cet appel de détresse.
Une âme qui réagit alors que tous les gens autour de toi, y compris ta famille, eux, demeurent sourds. Profondément aveugles. Enfermés dans une réalité dans laquelle la luminosité les attire, délaissant l'obscurité derrière eux, où se trouvent des âmes perdues dans les profondeurs de l'horreur. Ce labyrinthe où personne ne veut entrer. Car, il est plus beau de se prélasser au soleil, baignée par la douceur et la lumière que de se risquer à plonger dans les abysses les plus sombres, même pour y sauver quelqu'un.
A croire qu'ils n'entendaient pas ces hurlements de désespoir, criant à l'aide, dans cette obscurité cadavérique... Etaient-ils réellement sourds? N'entendaient-ils pas l'effritement douloureux qui fissurait mon coeur, jour après jour ? Ne la voyait-elle pas, ma peine? Ma douleur? Ma souffrance? Bien-sûr que si. Mais ils n'ont rien fait. Ils ont fui.
Et, dans ce genre de situations, sans cette main tendue, sans cette petite boule de feu qui réchauffe ton âme gelée et te redonne la vie,
Tu tombes.
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ET voilà pour le chapitre PDV Keylonia que j'ai trop aimé écrire et qui m'a coûté bcp de temps aussi, presque un mois XD Je sais, il était super long, bcp m'ont dit de le couper en deux, d'autres m'ont dit que non hahaha ils se reconnaîtront ;)
En tout cas, c'était pas facile d'introduire ce nouveau PDV de KEYLONIA, fallait que je monte de toute pièce sa personnalité et là, bcp de gens m'ont inspiré et ont bcp joué pour lui donner son caractère. C'est pout ça que je vais les remercier en coms mes petits love ones <33 les bessst de la terre entière <333 Du coup, j'espère trop que KEYLONIA dit Kiki pour les intimes vous plairaaaa! Sur ce, on se retrouve dans la suite, chap 24, pour découvrir ce qu'il s'est passé entre Ariel et Arlean, là haut, à l'étage, alors même que les deux en ressortent blessés.
DANS LE CHAPITRE 24 :
Arlean semble particulièrement affecté après avoir discuté avec Ari. Pour une fois, il apparaît qu'il n'en ressort pas gagnant. Qu'a -t-elle bien pu lui dire qui l'ait blessé à ce point alors qu'il s'est toujours montré insensible jusque là ? Que lui est-il arrivé?
Lui aurait-il ouvert son coeur? N'aurait-il pas su résister, cette fois ? Quelques confidences ont-elles été prononcées, ce soir-là entre ces des deux âmes brûlantes ?
Au final, les deux seuls témoins à savoir ce qu'il s'est passé à l'étage sont Ari et Arlean ...
— Pour rappel, FIN DU CHAP 23;
Ari tente de comprendre pourquoi Arlean l'a défendu et le pousse à lui donner des réponses. Furieuse, elle cherche à tout prix à lui faire face, quitte à ce qu'une dispute avec des vérités renversantes éclate! Arlean va -t-il sincèrement lui révéler les raisons qui l'ont poussé à l'aider? Ou même pourquoi il la suit depuis qu'il la connaît ?
Alors même que ses souvenirs du passé le troublent, Arlean est au bord de la crise de nerfs, ses réponses pourront-elles alors satisfaire Ariel? Ou bien, influencé par la pression, finira-t-il par s'ouvrir à Ari ?
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