☽ FLASHBACK ★
Le ciel d'un bleu clément et azur ne comportait pas même l'ombre d'un nuage.
Une journée parfaite pour se détendre, en somme.
Elle se baladait. Dans les ruelles chaleureuses. Avançait avec ses petites jambes d'enfant intrépide.
Intriguée, elle s'approcha d'une femme qui observait le spectacle de tranquillité qu'offrait l'océan.
Cette dernière était penchée par-dessus une rambarde de pierre beige.
Alors, elle lui sourit. Le plus beau sourire qu'elle avait.
Mais la femme s'en alla précipitamment.
Pourquoi est-ce qu'une femme fuirait une adorable enfant souriante?
La petite grignotait son repas, assise sur un banc. Elle aimait regarder cette statue en face de la mer.
Elle ne savait pas vraiment qui c'était, cet homme de granit, mais il avait l'air tellement confiant. Prêt à conquérir le monde.
Plus tard, sa grand-mère lui ordonna de rentrer. C'était déjà la nuit et après tout, ce n'était pas prudent de laisser une enfant toute seule dans les rues obscures.
Le jour suivant, elle battait des jambes, heureuse, assise sur le même banc.
Elle n'avait pas de sandwich, cette fois. Non, en fait, elle n'avait pas faim aujourd'hui. Ca arrivait souvent à des petits enfants de son âge.
Elle s'amusait à sautiller de case en case. C'était une marelle faite de peinture sur de la pierre.
Ses lèvres chantonnaient un petit air. Elle s'amusait bien.
Soudain, alors qu'elle se retournait pour faire un nouveau saut, elle se tut.
Il y avait un autre enfant.
— Pourquoi elle a des vêtements troués, Maman? Elle est maigre et elle fait peur. Je peux quand même jouer avec elle?
— Non! Surtout pas!
La mère, affolée, tira le bras de son fils.
— Ne t'approche surtout pas d'elle! L'autre fois, elle a volé le sandwich de ton cousin. Pourquoi est-ce qu'ils laissent des gamins si piteux dans la rue? Ca devient dangereux pour nos propres enfants.
La petite fille ne ressentait pas de honte. Le soir-même, elle avait hâte de rentrer chez sa grand-mère. Elle avait un lieu où dormir et il y faisait bon vivre.
— Regarde!
Un petit aux yeux brillants étendaient ses bras vers elle.
— Elle est jolie ta nouvelle poupée, confirma la petite en réceptionnant l'objet.
— Oui!!! La plus belle! Comme toi!
De sa main droite, la petite lui caressa la tête et l'accompagna jusqu'à son lit. Elle aimait bien son rôle de grande soeur.
— Allez, il faut que tu dormes sinon grand-mère va pas être contente. Bonne nuit, mon p'tit frère!
— Tu me lis une histoire?
— Non, j'ai la flemme! se plaignit la petite en s'étalant sur son matelas.
— Bon, d'accord, tant pis, marmonna son petit frère en remuant sous sa couette pour commencer à trouver le sommeil.
La fatigue lui tomba dessus d'un coup et elle se retrouva plongée dans un profond sommeil.
Soudain, elle entrouvrit les paupières, réveillée en pleine nuit. Elle saisit son oreiller pour enfouir sa tête dedans dans un soupir paisible.
Son frère, à côté, faisait beaucoup de bruit.
Ce n'était pas de sa faute. Il avait tellement faim que son ventre laissait échapper des grondements en continu.
Moi aussi je crève de faim, se dit la petite en caressant son ventre où les hanches ressortaient comme des bosses effrayantes.
La petite le savait. Elle n'arriverait pas à se rendormir. Alors, elle se leva du vieux matelas et repoussa la couette qui empestait l'humidité.
Elle posa sa main sur la poignée de la porte verte et la tourna tout doucement.
Ce n'était pas fermé. Parfois, grand-mère oubliait. Quelle chance.
Elle parcourut le couloir sur la pointe des pieds. Soucieuse, elle se pinçait les lèvres et priait pour ne pas faire le moindre bruit.
Soudain, sa cheville craqua alors qu'elle passait près de la chambre de mamie et elle jura que son coeur explosa.
Elle continua tout de même, haletante. Ses mains ouvrirent plusieurs placards et elle trouva son bonheur: des biscuits. Ils étaient secs mais peu importe, ce serait largement suffisant pour nourrir son frère ce soir. Il y en a une quinzaine. Elle, n'en mangerait que 2 ou 3.
Et puis, mamie les avait mis dans le fond du placard, elle les avait sans doute oubliés donc elle ne remarquera pas leur absence.
Elle recula, heureuse d'avoir trouvé ce qu'il lui fallait et comme toujours, mamie n'y saura rien et tout se passera bien. Il fallait qu'elle retourne dans le garage. Mais alors que ses petits pieds enchaînaient minutieusement les pas, un miaulement retentit.
Elle se figea. Il fallait que ce chat se taise. Elle n'était pas là pour lui donner à manger, elle ne mangeait rien, elle-même.
Et puis, ce chat était rondouillet, la petite jurerait qu'il avait plus de gras que elle et son frère réunis.
Ca aurait pu être une belle journée. Mais à force de miauler, grand-mère finit par se lever et la petite n'avait pas eu le temps d'atteindre la porte pour sortir. La vieille dame lui chopa le bras pour récupérer ses biscuits et furieuse de voir qu'elle était en train de la voler en pleine nuit, elle la gifla et la renvoya dans le garage.
— Allez vous en d'ici toi et ton sale petit frère!
— Non! S'il vous plaît! On a nulle part d'autre où aller! Si vous voulez, je travaillerais deux fois plus dur pour me faire pardonner, je ferais votre vaisselle, ménage, absolument tout! Mais, je vous en prie, ce soir, mon ptit frère meurt de faim!
— Je n'hébergerais certainement pas des voleurs sous mon toit! Dégagez!
Son petit frère tremblait, il ne comprenait rien. Est-ce qu'il lui en voulait parce qu'à cause d'elle ils se retrouvaient à la rue? Si seulement, elle avait su être plus discrète.
La vieille était si menaçante physiquement que la petite prit ses jambes à son cou avec son frère qui récupéra juste à temps sa "poupée" qui n'était rien de plus qu'un chiffon sur lequel il avait vaguement dessiné un visage au feutre. La dame allait les frapper, c'est sûr.
Elle vérifia même que les enfants s'étaient bien éloignés de la maison, un bâton à la main.
La petite s'écroula par terre. Ils avaient couru pendant une dizaine de minutes.
Elle prit la tête de son petit frère qu'elle serra contre sa poitrine.
Quand elle vivait encore dans une maison, une vraie, elle se souvenait avoir entendu sa maman dire que son petit frère était un prématuré.
Elle ne savait pas vraiment ce que ça voulait dire mais elle avait toujours eu la sensation que c'était une particularité qui le rendait faible alors elle avait fait de son devoir de le protéger.
Et voilà qu'aujourd'hui, ils étaient à la rue.
Retour à la case départ.
Elle avait fait semblant tout ce temps. Elle avait imaginé qu'elle était heureuse avec son petit frère et qu'ils avaient une grand-mère. Qu'ils menaient une vie normale.
Et la petite n'avait plus que de l'amour à offrir à son frère.
Combien de nuits pouvaient-ils encore tenir comme ça?
Elle craignait, qu'un jour, elle se réveillerait aux côtés de son petit frère qui se serait endormi pour toujours.
Comment pouvait-elle améliorer la situation? Ils étaient pauvres, maigres à glacer le sang, empestaient tellement fort qu'on croirait que leurs corps étaient en train de se putréfier.
Le problème, c'est que tout le monde les fuyait.
Mais, un jour, l'urgence était plus grande que jamais.
Son petit frère avait un front qui perlait de sueur, il était gravement malade.
La petite était gelée de terreur. Elle s'agitait dans toute la rue. Elle n'avait plus peur de se faire frapper lorsqu'on la rejetait. Il fallait qu'elle trouve quelqu'un. Coûte que coûte. Ou son petit frère y passerait.
Un jour, elle trouva un homme. Elle le connaissait. Dans sa vie d'avant. Peut-être que ce lien était assez fort parce que lorsqu'elle lui présenta son petit frère souffrant, il l'emmena directement chez le médecin.
Pendant que son frère était chez le médecin, la petite attendait avec l'homme. Il avait un visage compatissant.
Peiné, ses yeux observaient le corps pitoyable de la petite; un t-shirt rose troué qui dégageait une odeur nauséabonde, un jean tacheté de crasse, des baskets qui laissaient ses orteils ressortir au bout, une peau abîmée, sale, maculée d'ecchymoses et de sang tantôt frais et tantôt séché.
Et puis, surtout, son visage affichait un portrait terrifiant: une énorme tache rouge vif couvrait toute la partie droite, s'étalait de son front jusqu'à sa joue.
Les lèvres de l'homme se mirent à trembler. Des frissons parcoururent son échine.
Si cette petite affichait une apparence si désastreuse, les gens auraient dû avoir pitié.
Lui, il la ressentait, cette pitié. Mais n'était-il pas plutôt animé par cette forte culpabilité qui le rongeait doucement? Car, il savait qu'il y était pour quelque chose dans ce qui était arrivé à ces enfants. Il se souvenait de ce qu'il avait fait.
Et maintenant, il se posait une tonne de questions;
Est-ce que les deux petits allaient survivre?
Et si oui, allaient-ils pouvoir se reconstruire malgré toutes leurs galères?
Trouveront-ils un équilibre, un sens à la vie, une famille aimante?
Pourront-ils grandir heureux?
Il ne le savait pas.
Seul l'avenir apportera des réponses.
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- > A QUI CE FLASHBACK APPARTIENT-IL ????
- Et puis, quel est le lien avec l'histoire présente d'Ariel ?
- En quoi ça pourrait impacter le présent ?
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