cellule n°006 - convocation

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     Le duo, dont la pensée première se résumait à un futur succès assuré dans les rues sombres des quartiers trafiquants, traînait les pieds, mains dans les poches, le long d'un petit chemin entre les frêles immeubles en état déplorable. Celui à la tête d'ange indiqua tout à coup à son camarade de s'asseoir sur le pavé sale du trottoir, après avoir exécuté des vas-et-viens du regard entre sa droite et sa gauche.

La ruelle semblait morte, et BaekHyun allait en profiter pour laisser découvrir à son tout nouvel ami le plaisir enivrant de leurs projets.

Il attrapa à l'aide ses doigts maigres le sachet qu'il triturait dans son pull en quasi-lambeaux depuis leur sortie du centre scolaire. Ce dernier contenait une sorte de bloc blanchâtre, découpé en grossiers morceaux. Tandis que le plus petit nettoyait la vue du plastique avec précaution, ChanYeol regardait, une grande curiosité remplissait ses iris. BaekHyun sourit malicieusement face à l'expression de son partenaire, puis après avoir proprement présenté le mystérieux sac plastifié aux yeux du curieux, il ajouta dans le creux de sa paume gauche un briquet, ainsi qu'un étrange tuyau sombre. ChanYeol paraissait de plus en plus désemparé devant tous ces éléments lui étant complètement inconnus.

« Tiens, ChanYeol. Goûte un peu au paradis. »

Le garçon concerné fut perplexe face à la phrase directe de son ami, elle sonnait comme interdite. BaekHyun avait beau insister, sourire toujours plus grandement pour le mettre en confiance, le grand adolescent ne cillait pas des moindres. Il n'aimait pas ce sentiment, de s'apprêter à faire quelque chose de mal, très mal. Sa conscience lui avait imposé un frein à la vue de cette pochette si suspicieuse.
Les deux complices se fixèrent alors, engagés dans un défi du regard, qui dura, ô combien des minutes.
BaekHyun réfléchit calmement à la manière dont il allait faire déguster l'un de ses desserts favoris à son nouvel acolyte.

« ChanYeol, tu as peur ? finit-t-il par demander en brisant le silence, de la même voix sûre et claire. »

Aucune réponse. Le garçon aux grandes oreilles gardait la même position recroquevillée sur la petite marche, ses grands yeux n'osaient détourner le regard imperturbable de son interlocuteur.

« Tu ne me crois pas ? Tu penses à une farce ? »

Rien ne changea après l'énonciation de la question de BaekHyun.
Oui, ChanYeol avait peur. Il avait peur de sombrer quelque part, dans un lieu inconnu et inquiétant, cependant, BaekHyun semblait être le majordome qui lui souriait chaleureusement et l'attendait aux grilles de ce pays dont il n'avait jamais entendu auparavant, et cette présence le rassurait malgré tout. ChanYeol voulait bien accepter la main que BaekHyun lui tendait, mais il avait peur de ne jamais pouvoir retourner en arrière.

Mais après tout, jusqu'ici, le grand garçon n'avait jamais eu ce sentiment de désir profond, celui qui donnait à quiconque l'irrésistible envie de goûter au fruit défendu.
C'est alors que ChanYeol, tremblant de tout son corps, se décida à montrer sa paume ouverte à un BaekHyun plus que réjoui. Ce dernier s'apprêtait tout juste à lui offrir ce fragment de bonheur éphémère, mais il s'abstint finalement à la dernière seconde, laissant son partenaire littéralement surpris.
Le gamin assis entra d'une vitesse incroyable en fureur face à BaekHyun.

« Tu m'usurpes, c'est ça ? Tu joues avec moi, j'en suis sûr ! Laisse-moi goûter ça, je veux aller dans ce paradis que tu me décris si parfait chaque jour ! »

BaekHyun attendit simplement que son ami reprenne son souffle, après l'avoir traité de tous noms. Son impassibilité était incroyable aux yeux de tous. Il connaissait bien ce contexte, apercevoir le médicament divin devant soi, et le désirer à s'en énerver, en devenir dépendant rien qu'au premier regard.

« Ne crois jamais à ça, ChanYeol. Nous ne sommes plus qu'un, désormais. Et dès maintenant, je ne pourrais pas nous trahir, comprends-tu ? Alors laisse-moi juste te montrer. »

Le plus sage des deux adolescents caressa la joue encore rougie par la colère de l'autre dans un but de consolation, puis faufila délicatement ses doigts à l'intérieur du sachet si désiré par son ami. Il plaça avec précaution quelques miettes du pain de sucre interdit dans la sorte de cigarette électronique, et enclencha la flamme de son briquet, ses lèvres laissant progressivement découvrir ses canines blanches, entretenues par une salive ardente.
Sa bouche s'ouvrit ensuite lentement, ses yeux humides manquèrent à plusieurs reprises de se fermer sous le bonheur qu'allait procurer la solution. Il inspira, et tout sembla se couper autour de lui, le bruit des routes bondées se dissipa tel un brouillard épais. ChanYeol eût cette même impression.

Seule la respiration de BaekHyun résonnait dans l'allée. Sa respiration reflétait déjà le bien-être et l'aisance qui dominait le garçon. L'autre observait, comme amoureux, ses yeux ne lâchèrent aucunement les lèvres de son ami, désormais noyé dans la paix intérieure totale, le mental engourdi. Il était parfaitement stimulé, laissait échapper de profonds soupirs de temps à autre, mêlés à des bouffées de brume grisâtre.
BaekHyun était bien, trop bien.

Bercé dans son hamac de fumée, il s'approcha de ChanYeol, jusqu'en effleurer presque ses lèvres gercées par ce début d'automne. Il lui sourit, les yeux rêveurs et quasiment absents, retira le fin tuyau sombre de ses lèvres enivrées, et força doucement l'antre de la bouche de son partenaire pour y coincer la sorte de cigarette.

« Deux petites secondes, mon amour, murmura-t-il avec difficulté, avant de plonger de nouveau son index et son pouce dans le petit sachet. »

Tandis que son complice plaçait pour la seconde fois quelques miettes de la solution dans la fine branche, le cœur du plus grand ne faisait qu'accélérer ses pulsions, l'excitation se dévoilait au fil des gestes habiles de BaekHyun.

Et enfin, il goûta au fruit des marchés noirs, ce qu'il vendra très sûrement pour bien des années à venir. ChanYeol sourit d'aise, puis ferma les yeux, et laissa son ami se faufiler sous son manteau, en respirant la même émanation que lui.

ENVY. +bbh; pcy. [2]

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La portière gauche arrière de la voiture placée au milieu du cortège s'ouvrit. Je ne pus rester immobile un moment de plus, et me tournai en direction des cellules sèchement.
Non, je ne voulais pas y croire, je ne comprenais également pas. Qu'est-ce qu'ils faisaient là ? Leur venue qui se voulait bien exceptionnelle, m'en donnait la chair de poule. Je ne cessai de me forcer à songer qu'ils ne s'étaient sûrement pas déplacés pour nous, après tout, le centre prisonnier était si imposant qu'ils pouvaient très bien se rendre au trente-douzième étage pour des raisons diverses, mais mon instinct venait tout juste de pointer le bout de son nez, et me chuchotait à l'oreille que la présence des représentants du quartier de justice était dédiée à notre onzième palier.
Je me rendis compte de mon absence sur Terre et secouait la tête. Neuf paires d'yeux clignotaient en ma direction, telle l'image d'une grotte sombre grouillant de chauve-souris aux yeux dévisageants.

« Un problème ? tenta YiXing, du bout du couloir. »

Je déglutis lentement, et ouvrit à peine la bouche pour répondre négativement, quand à la surprise de tout le monde, quelqu'un frappa lentement à la porte. Ma respiration cessa de fonctionner durant de longues secondes. Pourquoi mon cœur battait-il si vite ? Pourquoi la peur prenait possession de mon être ? Les prisonniers débutèrent un va-et-vient continu entre la porte blindée et moi-même, tous perplexes.
La poignée métallique s'enfonça alors, ma poitrine tremblait presque, secousses dues aux martèlements violents qu'exécutait mon organe. Le temps écoulé durant l'ouverture de la porte me parut une éternité.

J'aperçus alors une silhouette familière. Mes sourcils se froncèrent, je n'arrivai pas à reconnaître complètement la personne qui venait de pénétrer à l'autre extrémité du couloir, et qui avait engagé un pas ferme en ma direction. Finalement, c'est aux souffles d'exaspération ainsi qu'aux phrases ennuyées des condamnés, que je finis par analyser Yi Fan, me regardant fixement sortir de l'ombre — à vrai dire, je fus également déçue —. Sa démarche se faisait excentrique au fil des pas, quelque chose clochait. Mon ami possédait un air qui avait pour objectif une sorte d'invitation à une soirée tamisée et romantique à en régurgiter son repas, ou je ne sais quelles idioties, ce qui me mit légèrement mal à l'aise. Apparemment, je n'étais pas la seule à trouver sa façon de se déplacer ridicule.

« Regardez Yi Fan, on dirait qu'il a abandonné sa carrière de gardien déchu pour se lancer dans le mannequinat, commença JongIn.
— J'pense plutôt qu'il se prépare à lécher les bottes de la présidente, avec cette attitude de fragile, constata JunMyeon.
— Il me fait penser à BaekHyun quand il sort des douches avec sa serviette autour de la taille, dit KyungSoo.
— Je me demande qui est le moins respecté entre Yi Fan et BaekHyun, demanda YiXing.
— Ferme-là, c'est déjà une ignoble insulte d'utiliser mon prénom et « Yi Fan » dans la même phrase, pesta BaekHyun. »

Yi Fan fit mine de ne rien entendre, mais sa bouche ne pouvait s'empêcher de tiquer à l'entente des critiques désarçonnantes des garçons. Il finit sa marche imaginée sensuelle en s'appuyant de manière à peu près aguicheuse au pilier à proximité de la cellule de MinSeok, son regard toujours scotché au mien.

« Tu veux que je te tienne le clap pour démarrer la scène romantique de ton drama, Yi Fan ? demanda ironiquement MinSeok. »

Yi Fan feignit en soufflant discrètement la provocation de MinSeok, sous les rires à gorge déployée des huit autres.
Mon partenaire fit craquer son cou à deux reprises avant d'engager la conversation.

« Iseul, je suis désolé, débuta-t-il d'une voix grave. »

Je me retenais de rire au maximum. J'attendais avec impatience la suite de cette fameuse excuse dont je ne trouvais aucunement l'origine.

« J'ai merdé depuis qu'on s'est revus, tous les deux. Je sais pas ce qu'il m'est arrivé, depuis cet instant, où je t'ai vu apparaître dans ce même couloir, j'ai perdu les moyens, je suis devenu fou. »

Son attitude était largement digne d'un acteur. Il se décolla maladroitement de la colonne, et vint prendre ma main. Je fis un mouvement de recul.

« Qu'est-ce que tu fais, Yi Fan ? riai-je.
— Je suis sérieux, Iseul ! cria-t-il presque, les sourcils inclinés, toujours plus sérieux, Pardonne-moi.
— Te pardonner ? T'as rien fait, ducon.
— Bien sûr que si ! J'ai mal agi avec toi, je t'ai blessée.
— T'as plutôt blessé le garçon derrière toi, répondis-je en montrant d'un geste du menton MinSeok qui souriait faiblement à l'évocation indirecte de cet épisode. »

Yi Fan regarda nerveusement MinSeok, mais revint à son sujet qui avait l'air de lui tenir particulièrement à cœur. J'avais l'impression d'écouter un prétexte bidon pour dialoguer ensuite. Il réduisit grandement la distance entre nous en me poussant presque sur la surface de mon bureau.

« Hé ! Du calme, l'asperge flétrie ! D'où tu la touches comme ça ? râla JongIn, en fureur face à l'action.
— Alors viens sauver ta chérie, imbécile, ricana Yi Fan, en répondant enfin aux pics des prisonniers. »

JongIn, se trouvant dans une position totalement compromettante, c'est-à-dire enfermé dans sa cellule à quadruple tours, baissa la tête. Yi Fan revint à moi, le masque de chien battu replacé sur le visage, et continua son sketch, du moins, il voulut, car on frappa une seconde fois à la porte.

Les hommes de justice ne tardèrent pas à rentrer poliment. Leur venue remit les idées en place à mon coéquipier, sûrement devenu fou il y a quelques instants, ce dernier se releva en position halte de l'armée.

Vêtus d'un blanc immaculé, illuminants la pièce rien qu'à leurs tenues officielles, ils se dirigèrent tous vers moi. Les prisonniers les dévisagèrent de la manière la moins discrète possible, certains en laisseraient presque un filment argenté émaner de leur bouche.

Le plus avancé des cinq s'inclina légèrement, puis me remit un papier aussi propre que leurs uniformes, que j'attrapai avec la plus grande précaution.

« Bien à vous, de la part de la présidente, mentionnèrent-ils en chœur. »

Leur départ fut aussi spontané et efficace que leur arrivée. En deux temps, trois mouvements, les voilà déjà volatilisés dans l'ascenseur bancal principal, laissant derrière eux un doux parfum masculin ainsi qu'un silence perplexe.

Tous fixaient la lettre électronique bouclée d'un sceau aux couleurs du pays. J'enclenchai doucement l'ouverture à l'aide de mon empreinte digitale, puis accédai au texte, tracé par un des derniers modèles de machine à écrire.

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La présidente Choi NaYoung a l'honneur de vous convoquer au département de justice, le lundi 2 novembre 2195 à 10 heures, dix minutes dans le tribunal n°3401, étage 34. Les personnes suivantes sont également concernées : Kim MinSeok, cas judiciaire n°039063 ;
Do KyungSoo, cas judiciaire n°041208 ;
Park ChanYeol, cas judiciaire n°066053 ;
Byun BaekHyun, cas judiciaire n°066054 ;
Kim JongDae, cas judiciaire n°062119 ;
Ooh SeHun, cas judiciaire n°071194 ;
Kim JongIn, cas judiciaire n°071478 ; Zhang YiXing, cas judiciaire n°077316 ;
Kim JunMyeon, cas judiciaire n°082725 ;
Wu Yi Fan, gardien de prison.
La présence de chacun de ces individus sera obligatoire.
Nous comptons sur vous, Jung Iseul,
Le département de justice.

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