#2
— Mais... Pourquoi t'as pas appelé les flics ?
Ses iris gris se détachèrent du dégradé jaune et rouge que formait son cocktail au fond de son verre pour se poser sur le visage confus de Colyn, assise face à lui, un bras appuyé contre le dossier de son siège.
— Il avait un flingue !
— Oui, d'accord, mais tu ne l'as pas fait non plus une fois qu'il était parti ! Tu ne l'as même pas raconté à ton patron !
— Je peux me passer de quinze dollars...
Colyn lui adressa un regard las avant de reporter son regard sur les lions de mer étendus au soleil sur les quais, imperturbables, même sous les flashs des touristes. Ce n'était pas la question de ses quinze dollars. Il le savait très bien, mais elle avait bien compris, après ces quelques mois passés à ses côtés, qu'il était inutile d'insister lorsqu'il s'entêtait à éviter un sujet. Difficile à croire, pourtant, qu'il s'était contenté de fermer la boutique comme à son habitude et était simplement rentré chez lui.
C'était pourtant bel et bien ce qui s'était passé. À quelques détails près, bien sûr, qu'il avait soigneusement évité d'évoquer.
Il n'avait pas réussi à fermer l'œil de la nuit. Pas parce qu'il était « hautement traumatisé » comme le suggérait Colyn, non, malgré les battements de son cœur qui ne parvenait pas à cesser de bondir contre ses côtes même dans le calme et l'obscurité de sa chambre. Il s'était tourné et retourné dans son lit, et même relevé pour faire des étirements vers quatre heures du matin, croisant et recroisant son propre reflet dans le miroir accroché à côté de son armoire. Il avait l'air d'un fou, avec ses profondes cernes et ses yeux écarquillés, à s'agiter tout seul ainsi, mais il avait fini par se rendre à l'évidence. Il devait le faire. C'était l'occasion rêvée.
Assis en tailleur sur son lit, son ordinateur reposant devant lui, il avait souri en posant les yeux sur la barre clignotante de sa page blanche. Puis, il avait commencé à taper. Il avait commencé à tout raconter. Le moindre détail. Le canon rivé sur son front. Son jean troué. Le coffre caché à ses pieds. Le foulard sur son nez, le cache-œil en travers de son visage, les mèches blondes sous la capuche, le tressautement amusé de sa voix. Le plateau qui tombe au sol. Les douze dollars du tiroir caisse.
Faut croire que j'aime bien être un p'tit con.
Le tintement de la cloche.
Puis il avait cliqué sur « publier » et avait immédiatement fermé son ordinateur. Il s'était levé, avait enfilé un tee-shirt qui traînait sur son siège de bureau, et était sorti de chez lui sous le regard brumeux et confus de son colocataire, Joey, à peine levé pour partir travailler. Dès que l'air frais du matin lui avait fouetté les joues, dès que le brouillard habituel de San Francisco étouffant le sommet des gratte-ciels était apparu devant ses yeux, il s'était mis à dévaler la rue pentue au pas de course. Il croisa quelques joggeurs qui lui firent un signe de la main en guise de salut, mais il accéléra, encore et encore, escaladant les escaliers liant les rues les unes aux autres sans même réaliser à quel point ses poumons le faisaient souffrir.
Ce ne fut qu'une fois au sommet de la colline, là où seul un grillage fin le séparait d'une chute de plusieurs dizaines de mètres, là où un creux entre deux maisons le laissait enfin voir, à l'horizon, le pont liant les villes de San Francisco et d'Oakland, qu'il consentit à cesser de courir comme un dératé au point d'attirer sur lui le regard curieux des rares passants matinaux. Là, une main accrochée aux mailles du grillage, Samuel tira son smartphone de sa poche et regarda le compteur de son blog.
Lorsque le chiffre s'afficha sur l'écran, accompagné d'une vertigineuse liste de notifications, un large sourire découvrit les dents du jeune homme, malgré la respiration haletante qui s'échappait de ses lèvres en se matérialisant en une fine buée blanche. Son instinct était correct.
Les habitants de cette ville et leur petite vie bien rangée avait un appétit insatiable pour toutes les histoires qu'ils espéraient ne jamais avoir à vivre. Publier des moqueries et les anecdotes ridicules que ses clients lui partageaient en toute confiance, ça avait fait son temps. Maintenant, il lui fallait quelque chose de plus accrocheur. Quelque chose qui fasse frissonner son public. Quelque chose qui transforme « H0ax », ce californien à la langue bien pendue, en la personnalité la plus suivie de la côte ouest des États-Unis.
Et tant pis pour le canard et le poussin qui l'attendaient à New-York. San Francisco, au fond, était le décor parfait pour le développement de sa célébrité virtuelle. Il lui suffisait de transformer ce gamin qui lui avait volé douze dollars en un véritable monstre venu troubler la tranquillité de la Baie. La curiosité morbide de ces gens si rangés ferait le reste.
Mais pour ça, il lui fallait retrouver ce p'tit con. Et quel meilleur lieu qu'Oakland, la ville où s'exilait tous les pauvres, les camés et les parias de San Francisco, pour commencer ses recherches ?
***
— T'as lu le dernier post de H0ax ?
L'homme se pencha au-dessus de la rangée de lavabos, les yeux rivés sur son reflet dans le large miroir accroché au mur, et passa lentement la main dans ses cheveux gras pour les coller contre son crâne. Derrière lui, son collègue, vêtu du même gilet rayé portant un badge d'employé à la poitrine, haussa les épaules, coincé entre deux parois séparant les urinoirs.
— T'y crois, toi ? Un braquage, quand même...
— Tu crois que c'est du flan ?
— J'en sais rien. On sait même pas qui c'est, ce type. C'est quand même une sacrée coïncidence que ça tombe précisément sur le coin de la gueule du mec qui tient le blog le plus populaire de la Baie...
— Non mais, mec, c'est San Francisco. Y'a des tarés à tous les coins de rue ! Des braquages, y'en a tout le temps. H0ax, il a un moyen d'en parler, et pas les autres, c'est tout.
Son collègue ouvrit la bouche pour répliquer, mais sa voix s'éteignit dans sa gorge lorsque la porte des toilettes s'ouvrit d'un coup sec et que d'épaisses semelles noires se mirent à frapper le carrelage humide. Les bottes en cuir, alourdies par des clous enserrant les chevilles, quittaient le sol à chaque pas en se balançant brièvement en l'air, comme si leur propriétaire faisait des pas trop grands pour la portée de ses jambes. Sous le regard confus des deux hommes, sa main écrasa le porte-savon jusqu'à ce que la paume soit remplie d'une dose généreuse de liquide odorant, puis la seconde ouvrit le robinet du lavabo le plus proche.
Enfin, le jeune homme se pencha brusquement en avant, plongeant la tête sous l'eau froide, et se mit à frotter vigoureusement ses cheveux blonds, faisant naître entre ses doigts une mousse blanche qui lui coula sur le visage avant de se répandre dans le lavabo, escortée par les yeux écarquillés des deux travailleurs abasourdis. Après quelques secondes, il redressa le dos, laissant son visage pâle apparaître dans le miroir, surmonté d'une masse de cheveux mouillés emmêlés et des restes de savon glissant sur sa mâchoire. Un cache-œil recouvrant son œil droit, il n'y eu que le gauche qui se posa sur le reflet des deux hommes dans son dos, bêtement plantés à quelques pas de lui, la bouche ouverte. Sans même prendre la peine de se retourner vers eux, le jeune homme blond leur adressa un large sourire creusant de profondes fossettes sur ses joues, à l'instant précis où une seconde silhouette apparut brusquement dans l'encadrement de la porte.
— Encore toi !, hurla-t-il à pleins poumons dès que ses petits yeux noirs se posèrent sur les cheveux en bataille du garçon.
Traversant les toilettes en quelques enjambées, l'une de ses énormes mains se referma brutalement sur la capuche noire de son pull et le tira sans ménagement vers la porte, arrachant une plainte mêlant surprise et indignation à son prisonnier avant qu'il ne se retrouve traîné au sol, les pieds en l'air, disparaissant des toilettes en laissant les deux témoins de la scène échanger un regard interdit.
— Tu vas pas me faire ce coup-là toutes les semaines, mon couillon !, continua de s'égosiller l'homme en refermant sa poigne sur ses bras maigres pour le forcer à se remettre sur pieds. Je t'ai déjà dit que les toilettes sont réservées aux employés !
— Mais j'ai de l'argent ! J'peux payer !
Avant même d'avoir le temps de prononcer le dernier mot, son menton heurta le trottoir de plein fouet, éjecté hors du bâtiment par le vigile.
— Ah ! Et tu l'as volé à qui, ton argent ? J'en veux pas, moi.
Le jeune homme se redressa péniblement, adressant un regard menaçant au petit couple de passants qui s'étaient arrêtés pour observer curieusement la scène. Derrière lui, l'homme imposant secoua la tête.
— La prochaine fois que je te vois, j'appelle les flics. Allez, rentre chez ta maman, soupira-t-il avant de refermer la porte vitrée derrière lui.
***
Samuel avait faussé compagnie à Colyn dès que le soleil avait disparu à l'horizon, malgré ses incessantes demandes de l'accompagner passer la nuit dans les clubs de Castro. Derrière le volant de sa voiture, il avait agité la main par la fenêtre en guise d'adieu tout en prenant la direction de la maison qu'il partageait avec Joey, puis avait attendu de sortir du champ de vision de la jeune femme pour bifurquer sur la grand rue. Le panneau vert, portant l'inscription « Oakland », accompagné d'une flèche blanche, ne lui avait jamais paru si attrayant.
Il s'engagea sur le pont reliant les deux villes, encerclé par une eau calme d'un bleu profond, uniquement troublée par les quelques ferrys qui la traversaient en laissant une traînée d'écume sur leur passage. En réalité, il n'avait jamais vraiment mis les pieds à Oakland depuis son arrivée en Californie. Tout ce qu'il connaissait de cette ville, il l'avait vu à travers l'écran de sa télévision. Des maisons aux façades lisses, des tas de fils électriques sautant de poteau en poteau, des vétérans infirmes gisants dans les caniveaux, des familles forcées de quitter San Francisco et ses loyers ridiculement hauts, des gangs défiant les forces de l'ordre... Rien de bien reluisant, en somme. Mais H0ax, lui, en savait plus. Il avait reçu des tas de commentaires à ce sujet.
« San Francisco est une ville de hipsters hypocrites qui ne survivraient pas une journée sans leur smoothie épinard-mangue-coco. Oakland, c'est la vraie vie, pas la Silicon Valley et toutes vos conneries. Si t'en as marre de devoir jouer au pète-cul souriant et sympa toute la journée, c'est à Oakland qu'il faut venir. »
H0ax avait vigoureusement approuvé. Samuel, en revanche, était bel et bien un hipster bien heureux de boire son matcha latte tous les matins, mais ça, xxHands0omeGreg69 n'avait pas besoin de le savoir.
Il espérait juste mettre rapidement la main sur ce petit crétin et...
... à vrai dire, il ne savait pas bien ce qu'il ferait une fois qu'il le reverrait. Attendre caché dans sa voiture, son smartphone en main, pour le filmer pendant qu'il faisait... des trucs de criminel ? Non. On reconnaîtrait forcément les quartiers d'Oakland. Il lui fallait l'attirer à San Francisco. Le pousser à venir semer la pagaille chez les hipsters. Ça leur ferait friser la barbe, tiens. Et H0ax n'aurait plus qu'à devenir le héro qui avait averti tout le monde de l'arrivée de ce petit monstre avant même que la police s'en mêle, tandis que Samuel continuait sa petite vie tranquille et posée.
Ce plan-là lui plaisait bien.
***
— Z'avez pas une p'tite pièce ?
L'homme agita mollement sa boîte de conserve vide sous le nez des passants, sans parvenir à attirer leur attention sur lui. Une grimace agacée découvrit les quelques dents penchées qui lui restaient, puis il laissa son bras retomber sur ses jambes étendues sur les pavés du trottoir en jetant un coup d'œil au fond de sa boîte. Il n'avait même plus de porridge, maintenant. Il n'avait pas vraiment peur d'avoir faim – quelqu'un, dans l'un des squats, quelque part sous un pont ou une autoroute, lui donnerait bien quelque chose pour passer la nuit sans avoir le ventre vide à défaut de l'avoir plein. Mais il aimait vraiment le porridge.
De l'autre côté de la rue, une Mercedes bleue était garée sur le bas-côté depuis près de dix minutes. Dix minutes, et le type assis derrière le volant n'avait toujours pas l'air décidé à quitter la sécurité que lui offrait sa vitre teintée. Avec une voiture pareille, c'était facile de deviner qu'il n'était pas du coin, mais cette méfiance trahissait encore plus sa méconnaissance d'Oakland. Personne n'attendait, caché au coin de la rue, qu'il pose un pied hors de sa bagnole pour le planter et s'enfuir dans un nuage de fumée. L'homme claqua sa langue contre son palais en secouant la tête, les yeux rivés sur la voiture. Pauvre petit gars. Il se sentait un peu triste pour ces gens qui avaient peur de tout ce qu'ils ne connaissaient pas. En tout cas, il ne les enviait pas.
Une femme passa devant lui, ignorant la boîte de conserve vide qu'il agita dans sa direction. Lorsqu'il reporta son attention sur la voiture, il eut tout juste le temps de voir la portière conducteur se claquer derrière un jeune homme. Vingt-cinq, peut-être vingt-six ans, à tout casser ; tout en verrouillant sa voiture, il passa une main dans ses cheveux noirs et lisses pour les repousser en arrière, une paire de lunettes de soleil sur le nez. Il avait la peau pâle, mais recouverte d'un léger bronzage trahissant de longues heures à se prélasser sur les quais ou la plage. La chemise au col relâché qu'il portait était juste assez serrée pour qu'il soit assuré que ses muscles apparaissent bien aux yeux de tous, savamment glissée dans le pantalon remontant sur ses hanches afin que ses pans ne viennent pas gâcher la vue de ceux marchant derrière lui. Avec le temps qu'il avait passé à observer les gens depuis qu'il vivait sur les trottoirs, ce genre de procédés lui sautaient aux yeux.
Le visage fermé, il jeta un regard nerveux d'un côté de la rue, puis de l'autre, avant de traverser droit dans sa direction. Ça, en revanche, c'était bien plus rare.
— Z'avez une p'tite pièce pour un ancien combattant ?, demanda-t-il dès que l'homme posa un pied sur le trottoir.
— Un combattant de quelle guerre ?
Mmh. C'était pour ça qu'il n'aimait pas bien mendier auprès des petits bourges. Ils posaient un peu trop de questions, lorsqu'ils daignaient poser les yeux sur lui.
— La dernière.
— Celle qui n'est pas finie ?
Une grimace sur les lèvres, il baissa le nez vers la boîte métallique entre ses doigts, puis la leva devant l'homme et l'agita mollement. Celui-ci se contenta de passer une nouvelle fois sa main dans ses cheveux, les traits tirés. C'était peut-être une technique d'autodéfense pour les gens comme lui.
— Je cherche quelqu'un.
— Comme nous tous.
— Non. C'est... un jeune homme, d'à peu près cette taille-là, précisa-t-il en levant sa main à hauteur de son nez. Il a un cache-œil sur le côté droit de son visage, et il a un style... punk. Démodé.
Il y eut un silence, durant lequel la grimace du sans-abri se figea sur ses traits. Ses yeux sombres, un peu jaunes, quittèrent brièvement les verres sombres des lunettes de Samuel pour s'attacher à un point invisible, quelque part au niveau de son épaule, mais il rebaissa finalement le nez vers sa boîte vide en grommelant.
— Et pourquoi tu crois que je le connais, ton gars ?
— Je...
— Tu crois qu'il est à la rue, et que tous les rats se connaissent, c'est ça ?
— ... Non, je...
Avant qu'il n'ait le temps de formuler la moindre phrase, l'homme leva à nouveau son bras dans sa direction et agita mollement sa boîte de conserve.
— J'le connais pas, ton borgne démodé. J'te conseille de rentrer vite chez toi, chéri, juste après m'avoir filé une p'tite pièce.
Samuel rouvrit la bouche, mais consentit à la refermer sans qu'un son ne quitte à nouveau sa gorge. Les yeux rivés sur la boîte en métal qui s'agitait sous ses yeux, il laissa échapper un long soupir résigné et tira son porte-feuille de la poche arrière de son jean, fourra quelques billets dans la conserve, et tourna les talons. L'homme rebaissa le nez vers les quelques dollars dans sa main tandis qu'une portière claquait de l'autre côté de la rue. Eh bien. Double ration de porridge ce soir.
***
Une faible lueur orangée éclaira brièvement le bas de son visage, puis s'éteignit lorsqu'il secoua la main. Il jeta l'allumette à moitié brûlée par-dessus le rebord du pont, disparaissant dans l'eau noire, presque invisible dans la nuit si ce n'était pour les quelques morceaux de lumière se reflétant à la surface. Il expira une bouffée de fumée grise, accompagnée d'un grognement de soulagement, puis posa ses coudes contre le métal froid de la balustrade en se plongeant dans la contemplation des lumières de San Francisco, dessinant la côte de la plage dans l'obscurité.
— T'as mangé, aujourd'hui ?
Un bruit de pas irrégulier, derrière lui, suivit la voix rauque et familière qui prononça ses mots.
— Un peu. Ça va.
— Tu veux du porridge ? J'en ai pris quatre boîtes.
Le garçon se contenta de lever vaguement la main tenant sa cigarette en guise de refus. Un bref sourire étira un coin de ses lèvres, puis il retourna la tête vers les lueurs de la ville tandis que l'homme prenait place à ses côtés. Dans leur dos, quelques bribes de conversation étouffée leur parvenaient, quelques ricanements, tandis que quelques hommes et femmes sans âge se couchaient sur des vêtements et carton aplatis.
— T'as l'air de bien l'aimer, cette ville. T'es toujours en train de la regarder.
— Elle est bizarre, je trouve. J'ai l'impression d'être dans un film des années 70 quand je marche dans les rues.
— Tu devrais pas y retourner.
L'unique œil bleu du garçon lui apparut soudainement lorsqu'il tourna la tête vers lui, son seul sourcil visible froncé sous la capuche noire recouvrant ses cheveux blonds.
— Y'a... Y'a un type qui te cherche.
— Un type ?
L'homme acquiesça gravement, pinçant ses lèvres abîmées.
— J'ai dit que j'te connaissais pas, mais je suis sûr et certain qu'il parlait de toi.
Le jeune homme détacha ses coudes du rebord froid du pont, tirant sur sa cigarette en retournant brièvement la tête vers San Francisco.
— De quoi il avait l'air, ce type ?
— D'un grand con. On dirait qu'il sort tout droit d'une pub de parfum.
Un bref rictus découvrit une canine du garçon, creusant la fossette sur sa joue. Oh. Alors, comme ça, le vendeur de donuts si courageux voulait retrouver sa trace ? Laissant son mégot chuter à ses pieds, il posa sa semelle dessus et l'écrasa d'un mouvement lent, bien plus longtemps que nécessaire, comme hypnotisé par la rotation de son propre pied.
— Tu sais, ce mec, j'me suis demandé si c'était pas un flic sous couverture. Une très mauvaise couverture, j'dis pas, mais...
— C'est pas un flic... c'est encore pire que ça.
Sur ce, il tourna les talons et, relevant sa capuche jusqu'à la moitié de son crâne, découvrant les cheveux blonds emmêlés qui retombaient sur ses tempes, il s'élança d'un pas vif sur le pont, s'éloignant du squat en mordant sa lèvre gercée pour retenir un sourire. Un éclat de voix, dans son dos, parvint quelques instants à s'imposer parmi les pensées qui germaient déjà dans son esprit.
— Mais... Qu'est-ce que tu vas faire ?
Sans cesser d'avancer, il tourna sur ses talons, ouvrant grand les bras comme s'il s'apprêtait à faire une révérence.
— J'ai rencard avec un grand con !
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