Welcome to Fabulous Las Vegas [VC]
« Welcome to Fabulous Las Vegas »
Arnaud croisa le célèbre panneau dessiné par Betty Willis et érigé en mille neuf cent cinquante-neuf. Il connaissait bien la ville pour l'avoir fréquentée pendant plusieurs mois en compagnie des Helter Skelters. Il connaissait le strip comme sa poche. L'immigré français pouvait réciter par cœur l'enchaînement des casinos du sud au nord mieux qu'un névadain de souche.
Le Mandalay Bay et ses fenêtres dorées ouvrait le bal suivi de près par le Luxor et sa pyramide. Puis le Roller Coaster du New-York New-York faisait son numéro sous le regard de l'immense affiche de David Copperfield couvrant le MGM Grand.
Un air de cancan soufflait alors dans les cheveux des spectateurs avec le Paris, sa montgolfière et sa mini tour Eiffel. Les fontaines musicales du Bellagio offraient le tableau suivant. Enfin, le Caesar Palace et son théâtre gigantesque rayonnait en guise de bouquet final. On pouvait alors finir la soirée en profitant de la dolce vita procurée par les glaces italiennes, les canaux et les gondoles du Venesian. Ou, si l'on préférait, en se plongeant dans les caraïbes et les spectacles de pirates du Treasure Island.
Le bal était fini. On remontait alors dans le temps au fil de la poursuite du Las Vegas Boulevard vers le nord. Finis les hôtels modernes, gigantesques et luxueux, après le Circus-Circus déjà vieillissant, le spectacle n'était plus le même. Les Weeding Chapels et leurs sosies d'Elvis remplaçaient les immeubles de cinquante étages.
Le français continua encore en direction du nord vers sa destination. A partir de son intersection avec le Las Vegas Boulevard, Fremont Street avait la particularité d'être recouverte, sur plus de quatre cents mètres, par un écran géant où étaient projetés des shows visuels et musicaux. Cette attraction, nommée "Freemont Street Experience" fut la seule solution trouvée en deux mille quatre pour redonner vie au quartier et ramener les joueurs dans les Golden Nuggets ou autres Pioneers. Il faut dire que l'opération était plutôt bien réussie. Les touristes s'immobilisaient complètement comme figés, pétrifiés, au début de chaque animation, les yeux tournés vers le ciel numérique en chantant tous ensemble avec entrain les standards de la culture nord-américaine.
Le geek touchait à son but. Les Helter Skelter squattaient l'ancien Plaza Hôtel tombant en ruine juste à l'extrémité nord-ouest de l'attraction.
Il gara la Fastback à un block du bâtiment. Le grand hôtel avait perdu sa superbe d'antan. L'ancienne enseigne lumineuse disloquée ne fonctionnait plus. La majeure partie des milliers d'ampoules ornant l'auvent du bâtiment étaient éclatées. Les jardinières en béton de part et d'autre de l'entrée ne produisaient plus que des brindilles séchées.
Arnaud frappa à la porte barricadée de planches de bois obstruant toute possibilité de voir à l'intérieur du lobby. Il se souvenait du code. Il fallait frapper trois coups rapides suivis de deux coups longs.
Il exécuta la partition en s'attachant à tapper assez fort pour être entendu. Un sbire d'un mètre quatre-vingt-dix, barbu, devant peser cent vingt kilos ouvrit doucement la porte.
Le futur marié put apercevoir le signe caractéristique des Helter Skelters sur le tee shirt du molosse. Il s'agissait d'une représentation stylisée du manège anglais du même nom, surmonté du sigle Anarchie.
- Oui, c'est qui ? dit le garde d'une voix aussi grave que celle de Barry White au réveil avant son breakfast...
- Bonjour c'est De Gaulle, je viens voir Kennedy
- Je ne connais pas de De Gaulle.
- Kennedy le connaît, allez lui demander ! répliqua Arnaud conscient de la nature surréaliste de leur échange.
C'est alors qu'il vit passer une silhouette malingre derrière le molosse.
- Arnaud ! Tu es arrivé enfin ! Zeus, tu peux le laisser entrer, c'est un ami...
Le colosse chauve s'exécuta sans toutefois relâcher son air suspicieux envers cet étranger à la communauté.
Kennedy s'approcha et pris un De Gaulle infiniment plus grand que lui dans ses bras.
- Cela fait combien de temps mon général ? demanda-t-il en souriant
- Presque deux ans je crois. Comment va ton dos Fitz ?
Ils rirent de bon cœur.
- Allez, arrêtons avec ces surnoms à la noix et viens boire quelque chose, tu vas me raconter ce qui te ramène chez nous.
Ils passèrent le lobby décrépi et entrèrent dans une salle immense qui n'avait plus de Restaurant que le nom. Elle était remplie de centaines de baies formant ensemble un immense serveur digne des plus grosses installations gouvernementales.
- Toujours aussi impressionnant... commenta Arnaud. J'ai l'impression que vous l'avez encore renforcé.
- Depuis deux ans, oui c'est sûr ! Nous l'avons fait évoluer pour rester dans la course.
- Comment faites-vous pour avoir le budget nécessaire, payer l'électricité et bénéficier de la bande passante internet... Et comment passez-vous sous les radars des Feds ?
- Cela fait beaucoup de questions Arnaud, tu n'as pas changé... Tu fais toujours preuve d'une curiosité sans borne, répondit Kennedy montrant bien qu'il ne voulait pas divulguer tous les détails à cet ancien ami disparu.
Arnaud compris le message et ne posa pas plus de questions. Kennedy proposa au français de s'asseoir non loin du pupitre central de l'installation et s'éloigna pour ramener deux bières. Il n'avait pas changé. Le Hacker à la renommée internationale, engagé dans une lutte contre le totalitarisme de certains gouvernements même occidentaux, devait mesurer un mètre cinquante-neuf et peser une soixantaine de kilos tout mouillé.
- Bonjour Arnaud, tu vas bien ?
Le futur marié sursauta à la perception de cette voix connue. Il tourna la tête pour découvrir le visage d'une grande blonde aux yeux bleu clair. C'était Thatcher. En se levant maladroitement de sa chaise, il bredouilla :
- Oh Salut ! Quelle belle surprise ! Comment tu vas ?
- On fait aller. Toujours aussi séduisants les français à ce que je vois...
Arnaud ne put retenir un sourire flatté.
- Tu es toujours aussi superbe !
De Gaulle et Thacher s'étaient aimés intensément lorsque le grand échalas appartenait encore aux Helter Skelter il y a deux ans. Puis Arnaud voulut quitter le groupe pour cause de divergence de vue. Leur action devenait trop radicale à son goût. Il supplia Thatcher de venir avec lui mais elle resta fidèle à la cause. Par dépit, elle s'était rapprochée de Kennedy précipitant encore un peu plus le départ du français. Mais de la revoir ainsi, bronzée, les cheveux rassemblés en chignon et vêtue d'une robe fleurie légère et courte... il revécu en un clin d'œil tous les bons souvenirs partagés. Mais il fut extirpé de sa nostalgie par le claquement de la bière qui venait de se poser sur la table à côté de lui.
- Je vois que vous avez refait connaissance ? gronda Kennedy toujours jaloux de leur liaison passée. Raconte-nous comment on peut t'aider Arnaud...
* * *
Non loin de là, dans la carlingue du Boeing American Airlines se posant sur la piste de l'aéroport international McCarran, Mendes déchiquetait encore son siège de stress. Une fois rendus aux tapis roulant du "bagage claim" les trois compères restaient silencieux quelque peu fatigués par le décalage horaire. Même si Stan encaissait toujours mieux le jet lag dans ce sens, la sortie nocturne de la veille avec Mendes avait laissé des traces.
- C'est là que l'on voit que l'on vieillit. Avant j'aurais pu faire une nuit blanche sans aucune fatigue le lendemain, et là je rentre d'une petite sortie à deux heures du matin et je suis une épave pendant deux jours, bougonna-t-il.
- Tu vas tenir le coup ? lui répondit Isabelle en lui passant une main délicate dans le dos.
Stan fut surpris par ce geste affectif. Un certain rapprochement s'était opéré dans l'avion au fil des discussions et des blagues habituelles avec la belle française. Mais cette caresse délicate le concrétisait. Il fut gêné car il ne recherchait pas cela, ou en tout cas, pas encore. Il n'avait pas complètement fait le deuil de Cécile.
Mendes, lui, était occupé à regarder tous les hologrammes projetant les noms des voyageurs sur chacune des valises déversées sur le tapis roulant.
Son sang ne fit qu'un tour lorsqu'il vit une humanoïde, « Cyber Drag Queen » venue tenter sa chance dans les cabarets, s'approcher de sa valise en carton. Il bouscula tout le monde pour l'attraper avant la pauvre danseuse qui, perchée sur ses talons de quinze centimètres, fut déséquilibrée et tomba à terre.
Une fois le graal en main, il revint à la raison et, toujours gentleman, aida le robot à se relever en s'excusant.
- Désolé Wonder Woman, mais tu ferais mieux de faire réviser tes capteurs car c'était ma valise.
Pendant ce temps, Stan envoya un message sur le téléphone prépayé d'Arnaud :
" Nous sommes à l'aéroport, je te fais signe en arrivant sous la voie lactée numérique "
Il leva le bras pour héler un taxi qui s'arrêta devant la petite troupe et leurs bagages. Une fois tous installés, il lui ordonna :
- Au Bellagio s'il vous plaît chauffeur !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top