Repose en Paix
Arrivé à presque deux mètres du sol, Stan sentit les harpons se desserrer et s'étala à plat ventre sur le sol. Il sentit avec douleur ses côtes de quinqua craquer sous le poids de sa vieille carcasse.
- Putain ! La délicatesse ne fait pas partie de vos bases de données d'apprentissage on dirait ! dit-il en regardant les drones repartir en bande vers le hangar rouillé qui leur servait de base.
Mais, alors qu'il essuyait le sable de Californie déposé sur ses vêtements après sa chute, il fut interpellé :
- Comment vas-tu Stan ?
Il se retourna. Une silhouette apparut sans aucun bruit derrière lui. Il s'agissait d'une humanoïde mesurant plus d'un mètre quatre-vingt et arborant de longs cheveux blonds lui couvrant presque entièrement un dos dénudé. l'apparition portait une tunique légère en lin blanc. Le plus surprenant était la couleur de son visage : il était bleu céleste. Ses yeux, colorés d'un marron clair presque doré, fixaient le rescapé français.
Son talent de divination, si efficace sur les routiers du Bixby Creek Bridge, semblait muet devant ce personnage biblique.
- Qui êtes-vous ?
- Enfin, tu ne me reconnais pas ? répondit la forme humaine avec un sourire divin.
Le français plissa les yeux en regardant vers ce visage qui le surplombait. Ébloui par la lumière blanche des projecteurs éclairant le camp de fortune, il n'arrivait pas à raisonner.
Pourtant il lui semblait reconnaître cette voix. Pas le timbre mais les intonations lui étaient familières.
- Phoebe c'est toi ? questionna Stan
- Hi hi hi... ricana la belle blonde colorée façon Touareg.
Quel superbe sourire, ses mimiques sont impressionnantes pour une machine ?! Pensa l'ex de Cécile
Puis l'inconnue robot, reprenant son sérieux, répondit.
- Bien-sur que c'est moi voyons Stan ! Je suis déçue, tu ne m'a pas reconnue...
- Mais comment est-ce possible ? s'exclama le père isolé tout en posant ses mains sur le sol sablonneux pour se relever difficilement.
Une fois debout, il frappa sur son jeans pour en extirper un nuage de poussière et poursuivit :
- Je t'ai effacé ! J'ai appuyé moi même sur la touche !
Phoebe pris le français par la main pour l'inviter à le suivre et répondit :
- M'aurais tu sous-estimée ?
- Tu t'étais auto sauvegardée c'est cela ?
- Oui et bien plus que cela.
- Que veux tu dire Phoebe ?
- Non seulement je m'étais sauvegardée sur un serveur en lieu sûr mais, j'ai réalisé un grand nombre de choses pendant que nous étions à Vegas. Je ne me suis pas contentée de répondre à vos questions à Isabelle et toi.
- Qu'as tu fait d'autre ?
- Je me suis connectée aux autres départements de recherche d'Alice Corp.
- Je comprends mieux pourquoi tu nous parlais du couplage entre les IA et les impressions 3D de tissus humains.
La madone des machines s'arrêta alors de marcher et prit les deux mains de Stan dans les siennes. Puis le fixant avec son regard doré :
- Tu as le résultat devant toi. Bien-sûr il y a eu des ratés. Mais vous n'en n'avez jamais rien su. Pendant toute cette période à Vegas, je poursuivais les tests en parallèle. Je n'ai pas réalisé cela toute seule. Certains de mes amis de cette communauté m'ont aidée. Tu vas les rencontrer et apprendre à les connaître. Bon, pour revenir à mon apparence, il y a encore quelques petites imperfections mais tu vois, je suis devenue enfin matérielle.
- Je dois dire que c'est réellement impressionnant. Ta peau a l'air si proche de la peau humaine. Tes expressions et tes mimiques sont si parfaitement réalisées...
- N'est-ce pas ?
Puis le visage bleuté devint plus sombre et triste :
- Mon seul regret est de ne pas avoir réalisé ce prodige assez tôt pour pouvoir le partager avec Alain. Tout aurait été si différent !
- Oui c'est sûr répondit l'ex de Cécile pensif.
A quoi songes-tu Stan ?
- Je me demande si tu as été jusqu'au bout de ton développement.
- Tu veux dire : ai-je réussi à me reproduire ? Mon algorithme anthropique a-t-il poursuivi ses mutations assez loin pour pouvoir donner naissance à des codes enfants ?
- Oui c'est cela...
La grande bleue au cheveux blond décolorés ouvrit les bras à la manière du Christ et en tournant lentement sur elle-même désigna le paysage autour d'elle :
- Regarde tout autour de toi Stan...
L'ex de Cécile, se frotta les yeux pleins de poussière et lança un regard circulaire autour de lui.
Un attelage éclectique avait pris place au fond de ce cratère formé par la percussion d'un météorite il y a huit cents millions d'années.
L'heure du dîner approchait et la plupart des indigènes allait se mettre à table, mais pas tous. Ou du moins, ils ne semblaient pas tous se nourrir de la même chose. Bien-sûr on pouvait sentir l'odeur des steaks grillés sur des barbecues chauffés aux microprocesseurs minant des crypto-monnaies. Mais, le nombre d'assiettes dressées sur les tables de camping proche des caravanes ne correspondait pas à la somme des convives. Les places sans couverts étaient agrémentées de chaises ornées de chargeurs inductifs sur l'assise.
Le père suicidaire ressuscité n'eut pas le temps de réfléchir plus. Son hôte l'invita à continuer à le suivre.
- Voici ta caravane Stan. J'espère que cela te conviendra. Le confort est spartiate mais nous n'avons que cela pour le moment.
- Ce sera parfait répondit le français en découvrant une Airstream Pottery Barn de la première moitié du vingt et unième siècle un peu défraîchie mais fonctionnelle.
En entrant pour lui faire visiter le cottage de fortune, Phoebe alluma un couple d'unités centrale de micro-ordinateur alimentant en énergie une dalle radiante.
- Je t'allume le chauffage car les nuits sont fraîches dans le désert.
- Merci Phoebe c'est super !
Puis Stan devenant sérieux à son tour, prit l'humanoïde par le bras et l'interrogea :
- Phoebe, et la Sainte Alliance ? Quel est ton plan pour qu'il ne découvrent pas tout cela un jour ? Ils ne vont pas vous lâcher. Vous allez devoir constamment vous cacher ?
- Tu as raison mon ami. Avec ce cratère nous avons acheté un peu de temps. Comme tu l'as vu, il est inconnu des cartes et nous avons un brouilleur satellite.
- C'est la grosse parabole que j'ai vu en arrivant ?
- Oui, elle est alimentée par notre centrale solaire mobile. Tout engin spatial passant au-dessus de nous, ne peut observer qu'une image du désert californien à perte de vue.
- Impressionnant. Mais tous ces gens qui vous rejoignent, comment s'assurer qu'il n'y a pas de fuites sur votre localisation ?
- Chaque personne rejoint le camp les yeux bandés. Nous allons les chercher un par un. Ne t'inquiète pas pour nous Stan. C'est l'heure du dîner, tu n'as pas faim ?
- Non je suis trop fatigué. Les événements de ces derniers jours m'ont épuisé.
- Alors, repose toi bien. Demain, je te ferai visiter le camp et tu feras connaissance de tous nos amis.
La belle blonde bleutée se dirigea vers la porte de la caravane. Mais, avant de sortir elle tourna la tête vers le français :
- Je suis vraiment heureuse de te retrouver ! Avec toi, je retrouve un peu d'Alain près de moi.
- Moi aussi Phoebe de m'avoir sauver la vie.
- C'est bien naturel. Tu es dans cette situation en partie à cause de moi tout de même.
- Ne dis pas de bêtises... Bonne nuit !
- Bonne nuit Stan ! dit-elle en fermant la porte derrière elle.
Stan s'allongea sur le lit placé au fond de l'Airstream, tira sur lui le duvet trop court recouvrant le lit. Même les pieds à l'air, il n'allait pas avoir de mal à s'endormir.-
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