Patates à l'eau [New Version]
Le petit immeuble de deux étages, en plein centre de Santa Clara, était assez cossu. Rien à voir avec la maison qu'habitait en temps normal Arnaud à Scottsdale. Un petit jardinet aux palmiers très hauts typiquement californiens bordait l'entrée. On pouvait sentir le fumet de la pelouse du soir fraîchement arrosée.
- Bonsoir Stan, vas-y... entre je t'en prie.
Le cocu brisé prit le grand échalas blond dans les bras et lui fit une bise plus prononcée que d'habitude. Arnaud senti à ce geste que Stan était fragile.
- Tu dois être épuisé, assieds-toi. Tiens, dans le fauteuil ici.
En entrant dans le petit duplex, Stan sentit tout de suite qu'il n'arrivait pas dans le taudis habituel d'Arnaud.
- Comment fais-tu ? dit il reprenant son air taquin habituel
- Que veux-tu dire Stan ?
- Bah oui, comment fais-tu ?
Arnaud qui connaissait parfaitement son ami, anticipait la blague qui allait suivre sans savoir laquelle. Il répondit d'un air faussement crédule :
- Comment je fais quoi...Stan ?
- Comment fais-tu pour vivre dans un endroit sans matériel informatique partout, sans vaisselle de trois jours dans l'évier et sans cette odeur formée d'un mélange de renfermé et de sueur typiquement masculine ?
- Je ne vois pas du tout ce que tu veux dire...Cela sent très bon à Scottsdale. J'achète du désodorisant de très haute qualité.
- Oui, le moins cher à deux dollars le litre chez Costco, je me souviens. Ah cela me fait vraiment plaisir pour toi que tu vives avec une femme maintenant !
Arnaud savait bien que Stan aimait taquiner les gens sans méchanceté. Il ne répondit pas. Il ne dissimula même pas un petit sourire en coin, heureux de revoir son pote !
- Stan, alors raconte-moi. Qu'est ce qu'il se passe ?
Le mari éconduit ne sachant pas s'il devait commencer par le pc qu'il avait dans le sac ou ses déboires conjugaux, répondit :
- Je te l'ai dit, Cécile me trompe, elle me quitte. Elle dit ne pas avoir été heureuse pendant douze ans. Tout est de ma faute. Je n'ai le droit de rien dire. Je dois signer les papiers du divorce qu'elle a déjà préparés, partir vite de la maison, et surtout : « ce serait bien que je reste ami avec elle ! »
- Elle n'avait pas l'air malheureuse pendant ces douze ans ! Je te l'ai déjà dit. Tu es sûr qu'elle te trompe ?
- En tout cas, elle a trouvé un expert en botanique pour passer ses après-midi...
Forcément, le geek ne pouvait pas comprendre l'allusion et Stan
poursuivit donc :
- Elle me l'a dit elle-même. Elle a rencontré un autre homme. Je suis tombé par hasard sur eux cet après-midi. Ils ne m'ont pas vu, mais j'ai la plaque de la voiture du « Don Juan »... Il est chauve en plus !
- Du « Don Juan chauve » ?
- Oui il est chauve ! Mais que peut-elle bien lui trouver ?
- Il doit bien avoir des atouts cachés...répondit Arnaud
- Arrête, ce n'est pas drôle.
- Oui excuse-moi Stan. Je la retire celle-là.
- Tu as accès à tous tes "outils" ici ? continua Stan en montrant du regard le pc portable qui était sur la petite table du salon.
- Oui j'ai accès à mon serveur de Scottsdale si c'est ta question.
- Oui... Pourra-t-on regarder ce que l'on trouve sur la plaque ensemble ? Mais après que tu m'aies fait à manger ! Je n'ai rien avalé depuis dix jours.
- Tant mieux Stan, je t'ai mijoté un festin comme à chaque fois que tu viens dîner chez moi ! répondit Arnaud d'un air malicieux.
- J'attends de voir avec impatience s'il y a du changement aussi de ce côté-là...répliqua Stan avec un petit sourire en coin encore pour taquiner son ami.
Stan continua :
- Alors avec la miss, cela se passe comment ?
Arnaud qui effectivement avait une femme dans sa vie depuis peu, répondit :
- Super ! C'est encore mieux qu'au début.
- Bravo ! C'est bien, faites tout pour le préserver ! Tu as de la chance d'être tombé sur elle.... dit le futur double divorcé comme il aimait déjà s'appeler.
- Demain nous fêtons notre première année. Je vais lui préparer un petit dîner !
- Que vas-tu lui faire à manger ? Tes légendaires patates à l'eau ?
- Stan, tu sais très bien que je suis super doué en cuisine. Je vais lui faire un filet mignon à la moutarde façon Robuchon.
- Eh bien, elle doit vraiment te faire des trucs de dingue pour que tu te lances à faire la cuisine... Surtout quand on connaît le prix de la viande ici aux US depuis toutes les taxes sur l'eau et le nombre de litres qu'il faut pour élever une vache.
- Stan arrête ces blagues qui me font passer pour un pingre... je ne gâche pas, c'est tout !
- Si on ajoute le vin, tu vas en avoir au moins pour une centaine de dollars... Là c'est sûr, tu es amoureux, ça se voit.
- Et j'ai fait un dessert en plus... un brownie sur lequel j'ajouterai un soupçon de glace à la vanille.
- Voyez-vous ça ! Un "soupçon de glace à la vanille » répéta Stan en prenant un air snob surjoué avant de poursuivre : Tu peux pas dire une boule de glace comme tout le monde Dans mes souvenirs, elle est de la haute société californienne n'est-ce pas ?
- Ses parents habitent Pacific Heights et son père est Général à la base navale.
- Bon ok, je vais commencer à me renseigner pour trouver un restaurant.
- Un restaurant ? répondit Arnaud qui n'avait pas anticipé la blague pour une fois.
- Oui pour ton mariage, car là c'est sûr c'est pour la vie ! Et il le sait le général que sa fille va se marier avec l'un des plus célèbres hackers après Kevin Mitnick ?
Le futur marié lui sourit d'un air presque super superstitieux en y ajoutant un croisement de doigts.
- C'est tout ce que l'on peut espérer, dit-il avant d'ajouter : Kevin Mitnick était un hors la loi, je ne fais jamais rien de répréhensible.
- Justement, j'ai un truc à te montrer... dit Stan en prenant soudain un air plus grave.
Sans attendre la réponse de son compère qui faisait cuire une purée et des steaks hachés restés dans son frigo trop longtemps, il alla chercher le pc dans son sac.
- Qu'est-ce que c'est ? dit la star des hackers, vraiment inquiet cette fois-ci.
- C'est l'ordinateur d'Alain.
- Oh là là... Mais que veux-tu faire avec ça ? Que lui est-il arrivé au fait ? S'il est décédé comme tu me l'as dit au téléphone, tu n'as pas le droit d'avoir cet ordinateur !
- Je te demande juste de me permettre d'y avoir accès. Il suffit de pirater son mot de passe, un jeu d'enfant pour toi.
Voyant que son ami ne semblait pas prêt à coopérer, le co-créateur d'Humanity continua :
- On l'a retrouvé presque nu dans un étang chez Alice Corp. Un flic est sur l'affaire mais il s'y connait en informatique autant que ma tante artiste peintre. Il ne saura pas où et comment aller chercher car Alain gardait tout au format numérique. En plus, Connelly m'a presque menacé dans son bureau tout à l'heure. Il y a quelque chose de louche !
- Connelly t'a menacé ! Tu vois... raison de plus pour ne pas mettre le doigt là-dedans !
- On doit bien cela à Alain toi et moi. C'est grâce à lui que l'on vit ici sans soucis d'argent grâce à Taxi Robot.
Ce dernier argument sembla faire mouche dans l'esprit du grand blond comme un ballon qui éclate dans un stand de tir à la fête foraine de Santa Monica Pier.
- Ok, donne-le moi. Mais, je cracke juste le code d'accès... c'est tout !
Arnaud prit le laptop, le posa à côté du sien sur la petite table en verre du salon. Il alla chercher dans sa mallette : un chargeur, deux disques durs internes trois pouces et demi, leur station d'accueil externe et ses lunettes.
- Tiens, tu as besoin de lunettes toi aussi maintenant, ça me rassure ! dit malicieusement Stan heureux d'avoir réussi à convaincre son pote.
- Ne la ramène pas trop hein !... Sinon j'arrête.
- Ok, désolé. Je vais surveiller les patates à l'eau et les écraser pour la purée. Hum, elles ont l'air délicieuses !... dit Stan sentant bien que son ami était énervé, qu'il ne fallait plus le déconcentrer et que toute blague sur le menu aurait été malvenue.
Pendant quelques minutes, les doigts fins du geek quadragénaire virevoltèrent sur les claviers comme ceux d'un prodige chinois sur les touches d'un piano.
Puis, en se levant du canapé, il dit :
- On dîne ! Entre-temps, mon bout de code va chercher le mot de passe. On verra tout à l'heure...
Pendant que les deux amis se mettaient joyeusement à table, dehors, un voisin intrigué à son balcon, regardait fixement les palmiers du jardin de l'immeuble. Il entendait des bruits d'abeilles sans pouvoir comprendre d'où ils venaient. Deux drones, comme celui qui avait suivi Stan jusqu'à chez lui, étaient postés devant la fenêtre des deux compères qui ne se doutaient de rien. L'un d'eux était équipé d'une caméra infrarouge et transmit ce message :
Détection de deux images thermiques humaines. L'une d'elle est l'individu poursuivi : Stan Martin. L'autre peut être identifiée sous le nom de : Arnaud Bourgeois...
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