Merveille Russe et Bouquet de Gui


- Ne vous inquiétez pas Monsieur Connelly répondit Azraël. Vous n'allez presque rien sentir. Il s'agit d'un petit bijou de technologie utilisé fréquemment par le FSB. Ces russes sont vraiment les meilleurs pour ce genre de petits dispositifs. Par chance, on en trouve parfois en contrebande dans votre pays.

Connelly pris de convulsions, commença à soupirer de stress.

- Arrêtez ça ! Je peux vous donner tout l'argent que vous désirez. Je peux vous rendre riche pour plusieurs générations !

- Ne m'insultez pas Monsieur, s'il vous plaît ! répondit calmement le moine.

Puis, poursuivant la description du labeur de l'insecte cybernétique :

- Cette petite merveille, après avoir pénétré par votre narine comme il vient de le faire, s'infiltrera dans votre système sanguin jusqu'à votre muscle cardiaque. Puis arrivé à destination, il s'autodétruira pour provoquer un éclatement de l'aorte appelé aussi dissection aortique. C'est une maladie rare qu'avait déjà votre papa, vous devez le savoir. Vous allez ressentir une vive douleur qui ne va durer que quelques secondes. Puis, la mort cérébrale sera très rapide. La police conclura à un fléau héréditaire accéléré dans votre cas par le stress de l'idée de finir vos jours en prison.

Le magnat de la high-tech, animé toute sa vie par un esprit combatif, une positivité à toute épreuve et une culture de l'échec typiquement américaine, commençait à lâcher prise. Vaincre la cruauté narcissique de son père, le milieu sanguinaire des affaires, l'exclusion sociale liée à sa non binarité lui avait été presque facile. Il était armé pour depuis la naissance. Mais là, l'addition était trop corsée. Dans un dernier élan insurrectionnel, il gronda :

- Même si vous n'étiez pas venu ce soir, cette nuit aurait été la dernière pour moi. Plus rien ne me retient finalement en ce monde.

Azraël fronça ses gros sourcils noirs en laissant apparaître ses pattes d'oies de quinqua de manière interrogative.

- Mourir par la main d'un homme ayant un charme comme le vôtre est une bénédiction...

Devant le visage presque enfantin du grand brun, submergé par l'étonnement de cette révélation, l'irlandais rit en s'étouffant presque dans son sang.

- Vous me faites rire au moins, dit-il en grimaçant de douleur avant de poursuivre.

Oui, j'aurais sans doute mis fin à mes jours ce soir, mais de manière plus solitaire et très noire ; un saut par la fenêtre ou une boîte de médicaments allaient conclure l'affaire. J'ai tout raté vous savez ?... Quel est votre prénom déjà ? Azraël c'est cela ?

- Oui... répondit le gorille italien

- L'ange de la mort dans certaines traditions hébraïques. Vous étiez prédestiné depuis la naissance on dirait.

- Ce n'est pas mon véritable prénom, l'église me l'a donné lorsque j'avais quinze ans.

- C'est jeune pour commencer à tuer. Vous n'avez jamais songé à arrêter ?

- Si vous saviez... j'y pense tous les jours répondit l'italien le regard soudain grave.

- Vous auriez dû y penser plus fort ce matin avant de venir répliqua Connelly en souriant tout en suffoquant de plus belle.

- Ne perdez pas votre temps à parler de moi. La plupart de ceux que j'assassine en profitent pour prier. Si ce n'est pas votre truc, essayez de penser à vos proches un à l'un de vos meilleurs souvenirs de votre vie sur terre...

- Je n'ai jamais rien fait comme les autres. C'est si ennuyeux. Et penser à qui ? A ma mère folle que je n'ai presque pas connue, à mon père despotique incapable de m'aimer ? A Alice corp., l'oeuvre de ma vie qui court à la faillite ? A ma vie sentimentale qui est un désert parsemé de quelques soldats, marins ou humanoïdes de passage ?

Du jamais vu dans cette immense baraque, des larmes commençaient à naître sur les joues du CEO solitaire.

- Vous ne voulez pas, faire un peu comme eux et venir visiter ma vallée de la mort ? Il me manque un moine à ma collection.

- Monsieur Connelly, s'il vous plaît... répondit Azraël l'air presque compatissant.

Le demi-frère de Mallet n'eut pas le temps de répondre. Un dernier soubresaut le terrassa en le libérant pour l'éternité.

L'assassin professionnel, méthodique et organisé, reprit son verre d'eau, sortit de sa poche un mouchoir pour effacer chacune de ses traces tout en prenant le temps d'effacer tous les enregistrements effectués par la centrale de surveillance connectée de la maison du milliardaire.

Puis, avant de prendre congé, il regarda une dernière fois le corps du CEO refroidi au mille pattes.

- Monseigneur ? dit l'italien après avoir appelé son maître sous forme d'hologramme bleuté.

- C'est fait... La mission est terminée.

- Bravo mon fidèle Azraël, je savais que le Seigneur pouvait compter sur toi.

- Merci Cardinal.

- Il nous reste tout de même à poursuivre la mission et retrouver cette Phoebe.

- Monseigneur ? Puis-je me permettre ?

- Oui vas y, tu as besoin de quelque chose ?

- Je suis fatigué Maître.

- Comment cela ?

- Tous ces visages, ces voix et ces regards... Sans savoir à qui pouvoir en parler.. On pense toujours que cela va passer mais, ils restent en moi comme de vieilles plaies qui s'infectent petit à petit.

L'ecclésiaste bleuté ne répondit pas. Alors que l'IA de l'hologramme entreprit un traveling avant pour montrer l'image du moine en très gros plan, il continua à écouter.

- Savez-vous que ce soir, j'ai ôté ma cent cinquantième vie à ce monde ! En trente ans, je n'ai jamais rien fait d'autre de ma vie. A quoi bon ? Le monde n'a pas changé pour cela. Cela n'a donc aucun sens...

- Ne dis donc pas de bêtises ! Je peux comprendre tes doutes. Mais, lorsque ton heure viendra et que tu rencontreras enfin le seigneur, tu n'auras que des certitudes.

Le gros bras en Balenciaga, regarda sa main et serra fort le poing comme si cela aller lui permettre d'exacerber la force qu'il lui fallait pour prononcer sa prochaine réplique :

- Non, je suis désolé Monseigneur mais je veux arrêter. Je veux connaître autre chose ; une autre vie. J'ai toujours rêvé de finir mes jours dans un petit pavillon de banlieue à faire mon jardin ; me promener seul avec mon chien et aller à l'église le dimanche comme le commun des mortels ; donner les étrennes au facteur et accrocher son calendrier avec une photo de chats au-dessus de ma cheminée ; aller faire les courses et remplir des sacs en papier avec des Corn Flakes ; acheter un barbecue et faire griller des steaks avant de mettre le Superbowl à la télé ; passer mon temps à astiquer une vieille Mustang dans mon garage pour la sortir les jours de beau temps.
Voilà ! C'est la vie dont j'ai envie maintenant. L'église me doit bien cela après tout le service rendu !

L'ange démissionnaire se leva ensuite visiblement soulagé de ce qu'il venait d'avouer à son supérieur.

- Mais nous avons encore besoin de toi Azraël !

- Trouver quelqu'un d'autre vous sera très facile.

- La force de recrutement des catholiques n'est plus ce qu'elle était, tu le sais très bien.

- Vous nous remplacerez par des droïdes. Il n'auront pas d'état d'âmes eux ! C'est d'ailleurs votre stratégie d'après ce que j'ai pu entendre.

- La technologie n'est pas encore au point, Paolo !

Sur ces derniers mots de l'homme à la chasuble rouge, les larmes apparurent instantanément sur les joues du grand brun au cilice.

- Ne faites pas cela Seigneur ! Ne m'appelez pas par mon vrai prénom !

- Tu sais, j'ai très bien connu ta maman.

- Non, je ne savais pas. Mais, sauf votre respect Monseigneur, quel est le rapport ?

- Jeune prêtre, j'officiais dans ton village. Ma foi n'était pas encore aussi affirmée que maintenant. C'est le cas pour la plupart des jeunes débutants. Ta maman venait à la messe tous les dimanches. C'était une bonne chrétienne.

- Une bonne chrétienne qui n'a pas voulu m'élever et qui m'a mis chez les jésuites dès qu'elle a pu.

- Ce n'était pas facile pour elle tu sais...T'élever comme cela sans l'aide d'un père.

- Mais vous dites n'importe quoi ! Mon père, Enzo, était à la maison avec elle ! Même s'il est vrai qu'il n'a jamais joué son rôle et m'a battu constamment...

- Il y avait sans doute une raison à cela...répliqua l'hologramme projeté lui aussi soudainement en gros plan.

- Comment ça ?

- Un soir, ta maman est passée seule à l'église. Elle devait avoir à peu près dix-huit ans. Elle était si belle, fraîche comme une rose venant d'éclore sous la rosée.

- Où voulez-vous en venir ?

- J'en avais à peine vingt. Ce soir là, elle apportait des bouquets de gui confectionnés avec sa maman pour les rameaux. Nous nous connaissions depuis le plus jeune âge. Il était tard, nous étions seuls. nous avions envie de découvrir et mordre la vie à pleine dent. Et, ce qui devait arriver... Arriva...

- Je ne comprends pas !

- Enzo n'a jamais été ton papa. Paolo... Tu es mon fils !

L'ange de la mort fut littéralement électrisé par cette révélation. Il se rassit dans le sofa, le teint presque aussi blanc que l'irlandais resté en face de lui.

- Je ne vous crois pas ! Ce n'est pas logique ! Pourquoi ne pas m'avoir protégé chez les jésuites ? Et pourquoi me recruter dans notre organisation ensuite et faire de moi un assassin ?

- Je n'étais pas là quand tu as subi les assauts de ce pervers. On m'a appelé quand tu l'as massacré. Ils voulaient que tu ailles en prison pour le reste de tes jours. J'ai imploré mes supérieurs pour te laisser une chance. Ils ne m'ont pas laissé le choix. C'était la Sainte Alliance ou rien. Le côté positif était que j'allais pouvoir te garder auprès de moi.

- Éviter une prison pour une autre, Merci ! Pourquoi ma mère ne m'en a jamais rien dit ?

- Elle a voulu te préserver ! Si elle parlait, on allait t'arrêter et te condamner.

- Pff... Tout cela pour protéger surtout votre carrière ! Pourquoi me dire tout cela maintenant ?

- J'ai besoin de toi une dernière fois mon fils. Il faut trouver ce Stan Martin et cette Phoebe. Ce sera ta dernière mission, je te le promets.

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