Lettre à Cécile [New Version]


La soirée se déroula malheureusement de manière identique à celles des derniers jours. Cécile était là physiquement mais absente mentalement.

L'ambiance était glauque dans cette maison à la déco bizarrement européenne pour le quartier. Les bruits de couverts raisonnaient à travers le grand salon au carrelage foncé et froid. Une fois les filles couchées dans leurs chambres surpeuplées de peluches, Cécile emprunta rapidement le grand escalier moquetté pour filer dans la chambre dès le repas terminé.

La nuit de Stan fut agitée. Plusieurs fois réveillé par le plaisir désespéré de sentir la chaleur du corps de Cécile proche de lui, il dormit par épisodes. Il songea à tous les moments où elle avait dû attendre en vain qu'il monte le soir la rejoindre dans ce grand lit froid ; tous ces moments perdus où il avait le bonheur à portée de main, où il aurait pu la toucher et lui faire l'amour, où elle n'attendait que cela. Maintenant, c'était à lui de guetter le moindre rapprochement sans espoir.

La vie sait toujours nous rattraper et nous réserver une bonne leçon, pensa-t-il sans se donner la permission d'aller jusqu'à évoquer l'exercice d'une intelligence supérieure

S'il pouvait remonter le temps. Il avait maintenant l'envie de lui consacrer sa vie, de lui rendre au moins les douze ans où elle avait été malheureuse selon ses dires. Mais ce sentiment le minait. Il se reprochait d'avoir déjà détruit une famille en quittant tout pour Cécile, une seconde allait maintenant imploser à nouveau par sa faute.

Douze ans auparavant, il s'était marié avec Agnès. Il l'avait rencontrée dans une soirée costumée d'un ami commun alors qu'ils n'étaient encore qu'étudiants. Elle était fraîche, jeune, souriante et ouverte. Mais il n'avait pas été séduit tout de suite. Mais parmi tous ces jeunes costumés et maqués, elle l'avait abordé. Une fille s'était intéressée à lui ! Il n'avait pas l'habitude, loin de là. Timide, avec une confiance limitée en son sex-appeal comme beaucoup de jeunes geeks, aborder les filles n'était pas exercice aisé.

Hey Mec, tu as vingt-quatre ans maintenant ! Il va tout de même falloir écrire le chapitre « vie sexuelle » de l'ouvrage de ton existence. La théorie a du bon, mais il semble que la pratique ait un certain succès chez tes congénères. Ce serait dommage de l'essayer à la cinq-centième page du livre lorsque tu banderas mou, se dit-il à cet instant.

Il prit alors son courage à deux mains et aborda cette fille qui lui avait juste lancé une petite remarque sur le chapeau de son déguisement de vampire. Ce fût l'un des premiers choix fondateurs de son existence. Le genre de décision prise en une seconde devant un miroir jonché de vomis d'une salle de bain et qui change complètement le reste de notre vie. Il sortit, fonça, rapide comme un trotteur de Vincennes, affublé des mêmes œillères pour ne pas trouver prétexte à changer d'avis et demanda à Agnès si elle voulait sortir prendre l'air. Elle accepta et, comme le faisaient habituellement les jeunes de sa génération, sans rien se dire, ils flirtèrent dans ce jardin de l'ouest parisien. Ce fût le début de sa première histoire d'amour.

Il fut heureux avec Agnès. Il ne pouvait pas dire le contraire. Ils eurent deux beaux enfants. Une fille et un garçon : le choix du roi comme leur disaient les grand-mères. Puis la force de l'habitude, le quotidien, les soucis, Agnès devenue plus mère que femme, il se détacha de plus en plus de cette famille qu'il avait aidé à construire. Il alla voir sur internet. Cette plaie pour les couples pensait-il sans jamais vouloir atténuer sa faute ni sa faiblesse impardonnable. Et, il rencontra Cécile.

Il était tombé sous son charme dès la première photo qu'elle lui avait envoyées. Ils pensaient tout de suite que tout allait s'arrêter lorsqu'ils allaient se rencontrer pour la première fois. Ils en plaisantaient d'ailleurs tous les deux pendant leurs échanges.

Après l'envoi des photos, ils disaient mutuellement :

" ... Tu verras tout va s'arrêter lorsque tu vas entendre le son de ma voix...".

Et après le premier appel :

" ... De toute façon tu vas tout arrêter après m'avoir vu.. ".

Mais à leur grande surprise, les étapes se succédaient sans remise en cause de leurs échanges.

Ils s'étaient embrassés lors de leur première rencontre après avoir échangé des messages et des appels pendant plus d'un mois. C'est lui qui avait forcé le baiser. Juste avant, dans la voiture où il allait dire au revoir à Cécile. A cet instant précis, il repensa au miroir de la villa de Meudon. Alors bien sûr, il n'était plus question de débuter le chapitre érotique déjà bien entamé du livre de sa vie, mais allait-il provoquer ce baiser comme il l'avait fait avec Agnès lors de la soirée costumée ?

Et bien oui... Il le fit.

Depuis ce premier baiser, les rendez-vous s'étaient enchaînés, leurs caresses aussi, mais ils n'avaient pas encore couché ensemble trois semaines plus tard. Ce n'est pas que Stan n'en n'avait pas envie. Il ne savait pas pourquoi mais, il n'était pas pressé d'aller plus loin. C'est Cécile qui un jour l'entraîna chez elle. Elle l'attira dans sa chambre. Il se souvenait d'avoir entendu son souffle court lorsqu'ils se retrouvèrent nus dans les bras l'un de l'autre. Il fût surpris par la surexcitation de la jeune femme même avant qu'il ne la touche. Cela ne l'avait rendu que plus amoureux encore.

Il se souvenait de l'avoir allongée délicatement sur le lit, de sa bouche téléguidée doucement le long de ses cuisses et de ses lèvres effleurant l'épiderme frissonnante jusqu'au creux du dos. Puis, souvenir se poursuivait par l'image floue d'un cunnilingus quelque peu hésitant et aidé d'un index tremblant de tract.

Enfin, les convenances submergées par le désir, elle lui avait demandé très vite de venir sur elle pour la prendre. Ses gémissements furent intenses mais discrets. Elle pris jouissance rapidement et lui peu de temps nsuite. Ils recommencèrent une fois. Puis, il se séparèrent souriants. Cette étape-là aussi avaient été franchie et ils étaient bien partis.

Stan ne put, à cet instant, s'empêcher de penser que la première fois entre l'amant et cette même femme avait dû se dérouler de manière identique.

Lors de l'une de ses nombreuses phases de réveil, il se prit à vouloir écrire une sorte de lettre ou de poésie à Cécile. Il l'avait expulsé en dix minutes pas plus comme un le vomis d'un repas alcoolisé mal digéré. Une sorte de déjection littéraire ou une espèce d'éjaculation douloureuse après une journée complète à faire souffrir son périnée sur une selle de vélo de course.

« ...

Cécile ! Cécile !

Je ne sais plus où je suis.

Je suis paumé, perdu...

Je me tape la tête contre les murs comme un animal désorienté.

Je ne sais plus ce que je fais... J'accumule les conneries et je te perds un peu plus à chaque fois !

Je ne réfléchis plus, je ne pense plus, je ne travaille plus. Je me traîne. Je pleure des dizaines de fois par jour, pour un rien, pour une photo de nous, de toi, d'un enfant.

Je n'ai plus gout à rien, je n'éprouve plus aucun plaisir, je ne souris plus, je ne dors plus, je ne parle plus... je ne me nourris plus !

Ne crois pas que je cherche à te nuire car je ne suis plus capable de rien.

Cécile, ma belle Cécile !

De jour en jour plus séduisante,

tu te fais belle pour lui comme tu ne le faisais plus depuis longtemps pour moi.

Tu prends soin de toi pour lui plaire et te regarder me crève le cœur.

Tu es rayonnante de bonheur. Tu es solaire et je me consume à rester auprès de toi.

Tu deviens incandescente et, moi, je me ternis de plus en plus.

Cécile, cruelle Cécile,

Je te vois t'éloigner un peu plus chaque jour et tu pars avec mes tripes. Tu m'as vidé comme un vulgaire animal.

Tu m'as enlevé le dernier soupçon de confiance en moi qu'il me restait.

Je ne supporte plus de te voir discuter et sourire avec les autres comme si de rien n'était alors que je suis en train de disparaitre lentement, inexorablement à côté de toi.

Je suis une ombre qui erre dans tes pas. Je n'ai plus aucune fierté.

Cécile, amoureuse Cécile,

Tu l'aimes, tu lui pardonnes tout, tu es sous son emprise. Tu es shootée à son héroïne.

Rappelle-toi, tu as vécu la même chose avec moi.

Mais, l'amour t'a fait tout oublier. Tu me reproches tout, même ce qui n'a jamais existé.

Cécile, aveugle Cécile,

Comment pourrais-tu à nouveau t'intéresser à moi, je ne suis qu'une ombre, une loque humaine. Je t'ai tant aimé et je n'ai pas su te le montrer.

J'ai tant envie de réparer. Je m'en veux tellement. Je sais que cela pourrait fonctionner.

J'ai tout quitté pour toi et je ne regrette rien.

mais tu ne me laisses aucune chance... et tu me tues.

Cécile, adieu Cécile,

Je ne peux plus rester comme cela à tes côtés. Je n'aurais jamais pensé dire cela, mais je te laisse te renfermer avec un autre.

Tu me libères, je sors de cette prison où tu m'avais cloitré.

Et, je me connais, après en avoir franchi le seuil, je n'y reviendrai plus jamais.

Tu renaîtras peut-être dans mon esprit mais jamais sous la même forme. Peut-être arrivera-t-on à devenir amis. Mais en tout cas, je fais le serment ici que mon destin ne sera plus jamais lié au tien.

... »

Le cocu, après avoir écrit ces quelques phrases, retourna dans la chambre et s'endormit à nouveau.

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