Le Louvre [New Version]
- Rue du Ranelagh par Paris Centre pour mon ami, s'il vous plait.
- Touristes hawaïens ? dit en français le chauffeur de taxi avec un petit sourire en regardant la chemise jaune de Mendes.
- California ! répondit le lieutenant qui en avait déjà assez des mimiques du VTC à la limousine électrique noire.
Ils s'emmanchèrent sur l'A1 vers la porte de la Chapelle. Par la fenêtre de la porte arrière, Mendes écarquillait les yeux comme un enfant voyant pour la première fois le Père-Noël. Il scrutait les bords de l'autoroute à l'affût des premiers quartiers parisiens. A son grand étonnement, il ne voyait jusqu'à présent que les amas de détritus et de bouteilles en plastiques remplies de la pisse des chauffeurs poids lourds indélicats.
Enfin ils entrèrent dans la capitale des gaules. Alors qu'ils traversaient la goutte d'or et Barbès, Stan dit au Chicanos :
- On est loin des cartes postales que votre mère collectionne non ?
- Vous m'avez fait entrer dans Paris par les endroits les plus glamours à ce que je vois !
- Ne vous inquiétez pas, les clous du spectacle vont arriver, répondit Stan en souriant.
Après avoir traversé le Sentier où le Lieutenant ne vit pas vraiment d'évolution dans le niveau social des indigènes, vu de sa fenêtre en tout cas, ils arrivèrent devant le centre Pompidou.
- C'est le musée d'arts moderne de Paris, se crut obligé de préciser Stan.
- Ça pour de l'art moderne, c'est de l'art moderne... rigola Mendes.
- Il a été construit sous l'impulsion d'un président français du début des années soixante-dix : Georges Pompidou. Sa construction avait fait scandale à l'époque.
- Tu m'étonnes, dit le Californien qui n'en croyait pas ses yeux. On a connu la même polémique avec l'extension du SFMOMA. Mais ce n'était rien à côté de...ça !
Puis soudainement, les yeux du touriste habillé en surfeur s'illuminèrent.
- C'est la rue de Rivoli cela non ?
- Oui ! Bravo lieutenant !
- J'ai reconnu les arcades, ma mère m'en a rabattu les oreilles pendant toute mon enfance. On arrive au Louvre c'est cela ?
- Oui vous avez raison Mendes. Chauffeur pouvez-vous faire une petite pause place du Carrousel à côté de la pyramide ?
- Bien Monsieur !
La berline noire stoppa en double file à l'intérieur de l'enceinte du grand Louvre. La place, presque déserte et silencieuse, résonnait des bruits de la circulation animant les rues adjacentes. Des colonies de pigeons s'envolaient et se posaient de-ci de-là sur les pavés au gré du déplacement des passants. Seuls quelques touristes japonais matinaux se dirigeaient vers l'accueil du musée encore fermé.
Le Chicanos à la chemise jaune descendit doucement de la voiture comme s'il voulait que ce moment dure une éternité. Pendant ces quelques dixièmes de seconde, il repensa à sa « mama ». Elle qui avait tant fait pour lui, il aurait voulu l'avoir à ses côtés et lui offrir son rêve. Une fois à l'extérieur de la voiture, il entassa autant d'images que possible dans sa vieille tête. Le fils prodigue espérait tout garder en détails pour pouvoir lui retranscrire à son retour. S'il n'était pas capable de lui offrir ce moment, il fallait au moins qu'elle puisse le vivre à travers lui.
Il sortit son smartphone toujours aromatisé au Tacos et prit quelques photos de piètre qualité.
Cette image du quinqua, représentant de l'ordre, habillé en touriste, la larme à l'œil, redevenu un enfant de dix ans devant la pyramide de verre, toucha Stan.
- Votre mère a un téléphone plus récent que le vôtre j'imagine ?
Le mexicain fut étonné par cette question décalée par rapport à ce moment de quasi-recueillement. Tout en continuant de prendre ses clichés aromatisés, il répondit machinalement :
- Elle vient de s'en acheter un justement, elle ne sait pas s'en servir mais, cela fait bien devant ses copines.
Stan regarda sa montre, il était vingt-trois heures trente en Californie.
- Donnez-moi son numéro.
Au diable les téléphones prépayés et ceux qui doivent nous poursuivre, pensa Stan trop heureux de la surprise qu'il allait faire à son acolyte.
Il sortit son dernier modèle de chez Alice Corp et appela Rosa sans vraiment le dire à Mendes trop concentré de toute manière à prendre ses photos.
- Allo ? Allo ? ... Je ne comprends rien à ces trucs modernes. C'est ici que je dois parler ?
La communication étant établie, Stan tint le téléphone face à Mendes. Un hologramme du buste de la mère d'André-Pierre avait surgi au-dessus du terminal.
- C'est toi mon fils ? Je te vois ! Il me voit là ? Vous êtes sûr ? dit la vieille ex-femme de ménage faisant face à une image en 3D de Mendes venant d'apparaitre sur sa table de salon.
- Mama ? C'est toi ?
- Bah oui qui veux-tu que cela soit ? Vous m'appelez sur mon numéro, cela ne peut pas être la sainte vierge ! De toute manière, la vierge est déjà couchée, elle...Tu as vu quelle heure il est ici ?
Mendes regarda Stan avec un grand sourire et prit le téléphone en le faisant tourner pour offrir à sa mère une vue panoramique.
- Regarde Mama ! C'est le Louvre !
Bien que fatiguée, la vieille femme était émerveillée par le spectacle. Elle n'en croyait pas ses yeux et mis quelques secondes à répondre.
- Oh là là ! Qu'est-ce que c'est beau... J'ai l'impression d'y être ! Et de te voir là-bas, cela me paraît irréel et féérique. Quel beau cadeau, merci mon fils !
Stan ne voyait plus de Mendes qu'une tache jaune qui se déplaçait rapidement au loin. Le lieutenant courait partout en montrant tous les recoins de la grande place à sa mère. Le chauffeur de taxi regardait la scène amusé et enthousiasmé par les Euros s'accumulant sur son compteur au fil plus de l'éternisation de la course.
- Bon Mama... Il faut que je te laisse car on a du boulot, dit Mendes essoufflé en revenant vers la voiture.
- Oui je comprends, encore merci mon fils. Rappelle-moi sous la tour Eiffel, n'oublie-pas.
- Je vais essayer, mais je ne peux rien te promettre. Bon, je coupe d'accord ?
- Oui je t'embrasse fort mon fils et dis encore merci à ton collègue !
- Je lui dirai, dit le basané en jaune en regardant le futur divorcé d'un air reconnaissant.
- Bon comment je fais pour couper ? J'appuie ici ?
- A qui tu parles Mama ?
- Hein ? Tu es toujours là André-Pierre ?
- Oui à qui tu parles ?
- Ah, c'est à Monsieur Flores, c'est grâce à lui que j'ai pu décrocher.
- Le voisin est chez toi à minuit ?
- Euhh... Oui, tu sais j'ai ce problème de télé qui s'allume la nuit. Je lui ai demandé s'il pouvait la réparer et vu qu'il était tard, je lui ai proposé de rester dîner.
Le vieux Flores apparut alors lui aussi en hologramme devant Mendes. Il leva la main pour effectuer un salut timide digne d'un ado venant chercher pour la première fois une copine chez ses parents.
- Bonjour Monsieur, bredouilla doucement Flores avant de se sentir obligé de poursuivre : je n'ai malheureusement trouvé aucun dysfonctionnement à la télé, c'est incompréhensible.
Stan montra sa montre au Lieutenant lui signifiant qu'ils allaient être en retard pour leur rendez-vous avec la sœur de Mallet.
- Ok ne faites pas trop de bêtises tous les deux, dit malicieusement Mendes tout en faisant un signe d'acquiescement à Stan
- Ne t'inquiète pas... répondit Rosa en voyant amusée le voisin presque tomber de sa chaise de gêne à côté d'elle.
- Je raccroche Mama !
Stan reprit le téléphone de la main du flic et ne put s'empêcher :
- On y va ....André-Pierre ?
- Ah ça y est ! Il fallait bien que vous le découvriez un jour de toute manière ! Je vous passe de vos sarcasmes !
- André-Pierre, André-Pierre, comme le joueur de foot ?
- Ça suffit ! gronda le kid de Broadway d'un air faussement sévère.
Ils remontent en voiture et le taxi redémarra.
- Merci pour ce petit arrêt chauffeur, mon ami « André-Pierre » a délicieusement apprécié, fit Stan d'un air snob volontairement exagéré.
- Je ne savais pas qu' « André-Pierre » était un prénom Californien répondit le taxi souriant en se prêtant au jeu.
- Tais-toi et roule le Men in Black ! répondit le Chicanos réellement énervé cette fois-ci.
Le chauffeur, remis à sa place, eut un petit sursaut faisant ressortir un bruit mécanique. Alors qu'ils ne s'étaient aperçus de rien, les deux compères comprirent à cet instant que leur taxi était un humanoïde de dernière génération.
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