Dia de los Muertos [New Version]
- Non mais vous êtes sérieux ? Je ne vais pas mettre ça ! gronda Arnaud.
- Si si, ça être très beau costume classique pour le Dia de Los Muertos ! dit la vieille couturière mexicaine dans un anglais approximatif.
- Vous n'allez pas faire l'élégant maintenant ! Quand on voit comment vous étiez attifé hier soir et ce matin.
- Mendes a raison Arnaud ! dit Stan avant de surenchérir : ne fais pas ta précieuse !
- Il est tranquille lui ! Il a un smoking noir avec juste un squelette blanc imprimé dessus. Avec son haut de forme et son masque de tête de mort, il est classe !
- Calaveras... On ne dit pas tête de mort, on dit Calaveras chez nous, dit Mendes.
- Ok, mais moi en tout cas, j'ai une combinaison intégrale en lycra si proche du corps que, nu on n'en verrait pas plus... continua Arnaud. Et, ils auraient pu choisir une autre couleur que le rose pour le squelette imprimé dessus. Et la cagoule... Elle fait plus sadomaso que parade mexicaine non ?
- No, no... el costume esta perfecto !
- Ouais, t'as raison... Perfecto, perfecto... Super, merci Conchita... grommela le futur ridicule un tantinet énervé.
- Vous voyez ? Ma cousine est la meilleure couturière mexicaine de downtown. Alors, si elle dit que c'est le meilleur costume pour vous, c'est le meilleur ! surenchérit le lieutenant avec tout de même un petit sourire en coin.
La soirée s'était terminée tard la veille. Les trois compères de circonstances avaient discuté un peu et bu beaucoup. Finalement le courant était passé entre eux. Même si chacun était finalement resté un peu sur la réserve pour ce qui était de sa vie privée, ils avaient surtout discuté de l'affaire Mallet.
Stan et Arnaud avaient mis à jour Mendes sur ce qu'ils avaient vu sur le pc, sur l'entrevue avec Connelly et sur les drones espions. Mendes lui, était resté plus évasif, secret de la fonction et de l'enquête oblige.
Il leur avait tout de même parlé du petit mot retrouvé dans la poche d'Alain.
Ce mot d'amour avait beaucoup étonné Stan. Il avait dit au lieutenant qu'il ne connaissait pas de liaison à Alain.
Mais, vus leurs vécus à tous les trois, les nouveaux acolytes savaient pertinemment que l'on ne connaît jamais vraiment les personnes qui nous entourent ; que le conjoint le plus aimant a toujours sa part de mystère et son jardin secret. Alors un collègue...
C'est au bout de la troisième ou quatrième tournée de bières qu'ils abordèrent le sujet de la clé numérique à aller chercher.
Stan ne savait pas si cela venait des bières, de l'heure avancée ou de son manque d'intérêt pour les nouvelles technologies, mais il sentait bien que Mendes n'avait rien compris à la nécessité d'obtenir cette clé.
Il en avait eu la confirmation lorsqu'il vit le flic faire des ronds de fumées avec sa bouche, planant les yeux mi-clos, en écoutant Arnaud lui décortiquer la théorie de Wissner-Gross sur l'IA entropique. Les neurones de l'expert en criminologie et en gogo danseuses n'avaient pas été développés pour intégrer cette théorie selon laquelle il suffirait de demander au logiciel de toujours chercher à maximiser ses possibilités, à accroître son entropie pour voir émerger un comportement "intelligent".
Mais Mendes était de bonne composition et avait l'air de faire confiance aux deux amis pour l'aider à creuser cette piste. En même temps, il n'en n'avait pas d'autre.
Il fallait donc aller chercher ce code à l'endroit même où allait se célébrer le "Dia de los Muertos".
Le lieutenant se crut obligé de leur faire un petit rappel culturel :
- Alors écoutez-moi, dit-il avec un ton ressemblant à celui du professeur Corbiniou de Desproges qui aurait trop bu.
Le « Jour des morts » est une institution chez nous. Il est célébré dans tout le Mexique, en particulier dans les régions du centre et du sud, et ailleurs par des personnes d'origine mexicaine. Les familles, les amis, se rassemblent pour prier, se souvenir des proches décédés et soutenir ainsi leur cheminement spirituel.
Sentant qu'il avait réussi à accaparer l'attention des deux autres malgré les grammes d'alcool, il poursuivit avec, phénomène rare chez lui, fougue et illumination :
- Dans la culture mexicaine, la mort est considérée comme une partie naturelle du cycle humain. Les Mexicains ne voient pas « El Dia de Los Muertos » comme un jour de tristesse mais comme une fête parce que leurs proches se réveillent et célèbrent avec eux.
Puis poursuivant encore son envolée lyrique le regard levé vers les mouches colées au vieux ventilateur tournant au plafond :
- Cette fête s'observe aussi dans le sud-ouest des Etats-Unis parmi la communauté hispanique. Une immense parade a lieu à San-Francisco dans cette fameuse vingt-deuxième rue.
Enfin, venant d'avoir ce qui allait être certainement sa dernière idée avant de s'écrouler de fatigue il poursuivit :
- Le meilleur moyen d'aller chercher ce truc demain, c'est de participer à la parade !....
- Mais, où va-t-on trouver des costumes ? dit Arnaud qui gardait un peu plus de lucidité que les deux autres.
- On va aller voir ma cousine, c'est sa spécialité ! bredouilla Mendes.
Peu après l'échafaudage de ce plan de bataille minimaliste mais efficace d'après eux, ils s'étaient effondrés et avaient passé la nuit ensemble ; enfin, Stan dans le canapé la tête sur l'épaule d'Arnaud et Mendes, un petit filet de bave à la bouche sur le fauteuil en face.
- Bon ça y est ? Vous êtes prêtes les cocottes ? Dit Mendes qui avait envie d'en découdre.
- Tu sais ce qu'elle te dit la "cocotte" gronda à voix basse Arnaud.
- Oui allez, on y va ! dit Stan avec entrain en n'oubliant pas de remercier chaleureusement la cousine de Mendes pour son aide.
Ils débouchèrent alors dans la vingt-deuxième rue. Une atmosphère très particulière y régnait. On aurait dit un carnaval de Rio mortuaire mélangé avec un barbecue géant.
Il y avait des milliers de personnes toutes déguisées. Des spectateurs, des participants... la rue était noire de monde sur toute sa longueur.
Il se dégageait une atmosphère chaleureuse et festive. Le port des masques abolissait les barrières sociales. On sentait l'empathie générale de ces gens qui avaient juste envie de faire la fête pour célébrer leurs chers disparus.
Le cortège se composait d'une succession de chars entrecoupée de créatures animées géantes représentant pour la plupart des squelettes.
Le regard des trois compères fut d'abord attiré par la première créature qui ouvrait la procession. De taille immense, la carcasse humaine portait sur la Calaveras un chapeau haut de forme noir avec un ruban épais de roses rouges à sa base. Dans ces grosses fleurs, de longues plumes d'oiseaux tropicaux étaient plantées accroissant encore la taille monumentale de l'ensemble. Le squelette tétait avec de grosses lèvres un énorme cigare qu'il fumait à la manière d'Al Pacino dans Scarface. Ses bras se balançaient au rythme de la marche de la parade et des percussions qui résonnaient dans toute la rue.
En fixant cette Calaveras géante, votre regard était forcément attiré ensuite par les balcons ornés de milliers de fleurs et remplis d'hommes et de femmes tous déguisés et masqués eux aussi.
Mendes donna le top départ en faisant signe de la tête aux deux geeks agents secrets. Ils se glissèrent alors parmi la foule et s'immergèrent dans ce flot fraternel.
Lui, il allait les suivre de loin pour couvrir leurs arrières. C'était le plan. Ils ne savaient pas qui les surveillait et quelles étaient ses intentions et devaient donc se méfier.
Tout en défilant, Stan observait Arnaud. A travers leurs masques de têtes de mort occultant complètement leurs visages, leurs regards restaient tout de même complices. Le danger de l'instant leur faisait partager un moment intense de fraternité.
- Tu te laisses prendre par l'ambiance on dirait ! Je t'avais toujours dit que c'était génial cette parade ! cria Stan à son ami dont la marche commençait à se faire chaloupée au rythme des groupes de percussions bordant la rue tout au long de l'itinéraire.
Arnaud regarda Stan et amplifia temporairement ses déhanchés pour lui montrer qu'il était d'accord et qu'il profitait pleinement de l'ambiance.
Voyant le grand geek se trémousser, une femme qui passait à proximité le prit par la main et entama avec lui une danse de salon improvisée en souriant. Après quelques tours sur eux-mêmes, elle souleva légèrement le masque d'Arnaud pour l'embrasser sur la bouche. Il n'en croyait pas ses yeux !
- Attention Arnaud, n'oublie pas tout de même ton futur mariage ! s'écria Stan en éclatant de rire.
Mendes quant à lui, était assez loin d'eux maintenant. Il s'était trouvé un poste d'observation en haut d'une estrade. Il les distinguait à travers les fumées engendrées par les divers stands de grillades épicées jonchant la rue de part et d'autre de la parade. Seules les têtes des structures géantes émergeaient au-dessus de cette brume blanche, ce qui renforçait encore leur caractère presque divin.
Mais qu'est-ce que tu fais toi ? se dit soudainement Mendes en s'adressant virtuellement à un gros balaise qu'il voyait de loin se rapprocher de ses deux protégés.
Puis continuant d'observer :
Toi amigo, tu as décroché le déguisement de "chef Calaveras" pensa le chicanos en détaillant au loin du regard la coiffe du type ornée de plusieurs dizaines de plumes à la manière des chefs sioux mais avec le masque de tête de mort en plus.
- Mais arrête ! cria impuissant le lieutenant à la Beetle du haut de sa scène improvisée effrayant par la même occasion le petit groupe de squelette qui l'avaient rejoint sur l'estrade.
Au loin, il venait de voir le chef des morts hispaniques s'approcher rapidement de Stan, puis s'abattre sur lui par derrière en les faisant tomber tous les deux au sol.
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