California One
L'hidalgo quinqua puceau venait à peine de finir sa phrase que Stan traversa la salle du Dining en courant. Il renversa l'humanoïde et sa cafetière. Le jus de chaussette se déversa sur un chauffeur routier serbe qui s'empressa de d'arracher la tête du robot. Le français n'en vit rien, bien qu'ayant failli trébucher en renversant quelques chaises, il courait déjà sur le parking vers sa monture cent pour cent électrique.
Azraël le regarda de loin essayant de débrancher tant bien que mal sa bagnole sans bouger.
- Et merde ! gronda Stan en s'emmêlant avec les câbles de recharge sans s'apercevoir qu'il venait de laisser tomber son téléphone prépayé.
Batterie à trois quart pleine, je ne vais pas pouvoir aller jusqu'au bout comme cela ! pensa-t-il en appuyant sur le bouton start de la vieille berline blanche.
Puis il quitta le parking en soulevant un nuage de poussière toujours sous le regard du grand brun, resté attablé dans le petit restaurant où une bagarre générale avait pris place.
N'étant pas un adepte des jeux en société, l'ange de la mort, slaloma entre les directs, le morsures et les crochets gauche pour aller prendre l'air.
Il appréciait lui aussi cette brise chaude de milieu d'après-midi d'automne. Tout en marchand vers la borne électrique, il se souvint de des paroles de Connelly.
Une bande de quadra en pleine dystopie que cela soit sur leur vie ou sur l'époque que nous sommes en train de vivre. Ils n'ont plus rien à perdre ni à gagner, c'est bien cela le problème.
Malgré un cerveau bien trop essoré à la machine catholique de la Sainte-Alliance, ces paroles lui parlaient sans trop réaliser pourquoi. Finalement, là était le point commun entre : Stan, Alain, Isabelle, Cécile, Mendes, Thatcher et ce moine ! De pauvres diables, conscients d'avoir dépassé la moitié de leur existence, qui essayaient de faire de leur mieux pour croire encore au futur. Assez vieux pour ne plus avoir grand chose à perdre et encore suffisamment jeunes d'esprit pour espérer découvrir autre chose.
En voilà une bonne raison pour se laisser entraîner dans cette aventure qui fût drôle au début et dramatique sur la fin ; une sorte de colonie de vacances en Europe qui bascule dans un mélange de mélo pathétique et de conspiration biblique.
Tiens... Qu'est ce que c'est que cela ? se dit l'ange de la mort en ramassant le téléphone de Stan heureusement écrasé par les roues de la berline.
Il scruta le vieil appareil et en conclut qu'il était hors service. Déçu, il le lança au loin dans un troupeau de Tumbleweeds propulsés au même instant par une légère rafale de vent de Santa Ana.
Le moine trucideur moderne se dirigea alors vers son hybride de location. L'homme à la Balenciaga ouvrit la trappe de la Camry avec son smartphone et mit à son tour son véhicule en charge. Puis lentement d'un pas calme il se glissa à l'intérieur. Il regarda sa montre. Cinquante minute avant de se mettre en chasse. Azrael enleva sa veste, ses richelieux en cuir noir, ferma les yeux, il avait largement le temps de faire une sieste.
***
Quatre cent treize miles pour San Francisco et l'indicateur d'autonomie de cette vieille chignole me donne quatre cent trente miles. Cela peut peut-être le faire mais je ne dois pas dépasser les soixante miles par heure, sinon je n'arriverai pas au bout... Espérons qu'une heure d'avance sur le brutos en costume suffiront, pensa Stan
Cela faisait maintenant deux heures et quarante cinq minutes que conduisait le français
La faible vitesse exaltait encore davantage l'allure interminable des longues lignes droites de ce désert californien.
Le cocu en fuite avait tout son temps pour observer les forêts de boîtes aux lettres parsemées de droite et de gauche. Sans risquer l'accident, il avait même le loisir de laisser diverger son regard au loin pour apercevoir les groupes de caravanes et de mobil homes raccordés à ces boîtes aux lettres.
Tu parles d'une course-poursuite. On est loin des gros cubes "gasolinés" et des dérapages spectaculaires de Fast and Furious ou de Bullitt... Drôle d'époque ! Ricana-t-il toujours fidèle à son second degré en toute circonstance
Au fil des kilomètres, il ressentait une fatigue sournoise. Le genre d'épuisement qui ne frappe pas à la porte d'entrée. Vous voyez : celui qui préfère passer par derrière et vous chuchoter à l'oreille que fermer vos paupières pendant quelques secondes est sans risque. L'enclenchement de l'autopilot et l'aveuglement du crépuscule en face de lui n'arrangeait pas les choses.
Il finit par s'endormir lui aussi.
***
Azraël lui aussi s'était remis en route. Après son petit temps de repos salutaire, il reprit la route une heure après le français comme prévu dans le contrat.
Ce qu'il n'avait pas précisé à Stan par contre, c'est qu'il avait mandaté un micro insecte cybernétique. La bestiole s'était accrochée à la poignée extérieure de la porte conducteur de la vieille électrique. Pourvu d'une balise GPS et d'une caméra miniaturisées, il transmettait toutes les infos nécessaires pour ne pas perdre le français. Cerise sur le gâteau, il pouvait dialoguer avec le système de gestion des batteries de la vieille Edisson.
Azraël recevait donc sur son smartphone la position exacte de Stan, son niveau d'autonomie et pouvait même contrôler qu'il conduisait toujours le véhicule.
Avec sa Camry Hybride, il n'était pas non plus limité par la vitesse.
C'est assez futé je dois dire de passer la California One pour essayer de limiter la consommation, mais cela ne va pas suffire. Tu n'es plus qu'à deux kilomètres devant. Ce n'est plus qu'une question de minutes, pensa l'envoyé de la Sainte Alliance.
Malgré tout, le tueur professionnel n'arrivait pas à se détacher de l'image attachante du français se débattant avant avec sa prise électrique. Il repensait aussi sans cesse à l'histoire de ce couple français détruit par la routine et l'expérience d'un patron peu scrupuleux. Il ne l'envisageait toujours pas comme une menace pour son église catholique.
Notre institution a perduré pendant des millénaires face aux guerres et aux conspirations étatiques. Un ingénieur dépressif à lui seul peut-il être réellement une menace ? songea-t-il tout en conduisant les yeux rivés sur le soleil couchant au-dessus de l'océan.
Puis, il revit Stan sortir fébrilement une photo de ses deux petites filles. Sous le poids de l'émotion, d'une main tremblante et la larme à l'œil, il avait eu du mal à extirper le petit cliché d'un vieux porte carte en cuir râpé. Tout en expliquant au rital que celui-ci lui avait été offert par Cécile à leur premier anniversaire de rencontre, il lui montra les deux petites blondinettes d'un air fier et attentionné.
Azraël l'avait observé, à la fois jaloux et attendrit. Il ne pouvait s'empêcher d'éprouver de la sympathie pour cet anti héros.
C'est alors que la vue d'une vieille Edisson deux ou trois lacets devant lui le fit sortir de ses pensées. Il repris ses esprit et appuya fort sur la pédale de droite de sa machine pour combler le faible écart qui le séparait encore du français.
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