Be Kind Rewind


Autonomie critique, veuillez recharger au plus vite dans le centre Edisson le plus proche...

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Une voix stridente réveilla Stan en sursaut. Il ne savait pas où l'auto-pilot l'avait mené. Il ne reconnaissait pas les paysages de l'Interstate Cinq Nord qui était pour lui l'itinéraire le plus court vers San-Francisco.


Mais qu'est-ce qui s'est passé ? Où suis-je ? On dirait... Mais oui ! C'est la California One !


Tout en tapotant partout sur l'énorme panneau central de l'Edisson, il comprit :


Et merde ! Il a fallu que je tombe sur le seul Helter Skelter aimant faire du tourisme !


Il découvrit que le système de guidage autonome était réglé pour privilégier le critère : tourisme.

Il se prit la tête à deux mains en cherchant comment il allait pouvoir se sortir de cette situation. Malheureusement, il se rendit vite compte qu'il n'y avait pas de solution. Il allait rester à court d'énergie sur le bord de la route avant d'arriver à sa destination finale. Il ne lui restait plus que deux kilomètres et demi d'autonomie. Comble de malchance, il reconnut rapidement la silhouette de voiture de son poursuivant quelques centaines de mètres derrière lui. Si ce paysage ne lui faisait pas entrevoir une funeste fin, il aurait pu se délecter du spectacle de la silhouette de cette voiture claire contrastant avec l'ocre de la falaise irradiée par les rayons du soleil couchant.

Soudain, les voyants, l'éclairage intérieur et le moteur électrique s'éteignirent sur la véhicule au design daté et déjà désuet. Le français trouva juste le temps de la garer sur un large bas placé là pour offrir un point de vue imprenable sur l'océan tout en permettant de déposer son véhicule pour marcher jusqu'au Bixby Creek Bridge.

Il ouvrit la porte et descendit à toute hâte. Mais pour aller où ? Pensait-il vraiment pouvoir échapper au mafioso catholique à pieds dans cette campagne inhospitalière ?

Il apercevait déjà un Condor de Californie planant au loin à l'abrupt des falaises. Il avait plus de chance de finir en festin pour charognards que de rallier la chaleur amicale toute relative du SFPD de Mendes.

Au loin, Azraël vit l'Edisson se garer dans un nuage de poussière sous les huées de quelques touristes venus admirer le crépuscule automnal.

Bizarrement, il n'avait pas envie de se presser pour rattraper le français. Il le regarda courir au loin tout en se garant lentement à côté de la vieille berline vidée de son énergie.

Machinalement, il récupéra l'insecte mécanique fourbu mais toujours accroché à la poignée conducteur puis se dirigea sur les traces de l'ex. de Cécile.

Sa décision était prise. Il allait le gracier. Il ne voulait plus de mort, plus de visages terrassés par la peur pour encombrer son esprit à jamais. Las du Cardinal et de ses ordres macabres. Vivent la petite chaumière de banlieue et sa future Mustang dans le garage !

Il allait lui dire à ce Stan ! Qu'il ne s'inquiète pas. Il avait juste envie d'aller boire une bonne bière entre potes avec lui maintenant. Ils allaient deviser sur leurs vies si différentes et si proches à la foi devant un bon match de NFL ! Il sortit alors de sa voiture pour suivre le français sur le pont.

Et voilà donc notre Stan sur ce vieux pont de plusieurs centaines d'années, modernisé et connecté par le plan Biden de deux mille vingt et un...


- Reculez, reculez, dernière sommation !


La voix de synthèse éreintée, le poussant à s'écarter du bord, résonnait dans le vacarme des véhicules frôlant l'ingénieur terrassé par les événements de ces derniers jours. Il s'offrit alors effectivement le dernier petit plaisir de décoder la vie des gens à l'intérieur de ces voitures. Une ultime petite gâterie nourrissant son désir de second degré mais, une sucrerie au goût amer, une pâtisserie dont on ne profite pas complètement. Une sorte d'encas pris à la cafétéria de l'hôpital lorsque le médecin vient de vous annoncer un cancer.


- Stan ! Stan, attendez ! Criait le moine en costume noir handicapé par les traces de morsures récentes de cilice qui l'empêchaient de courrir.


Mince il est déjà là ! pensa Stan.


Ne voyant plus d'échappatoire, il vérifia que son histoire était bien sauvegardée sur le cloud. En bon ingénieur, Il avait entretenu un journal quotidien depuis le début de cette aventure. Tout y était. De la mort de son ami Alain à l'effacement de Phoebe en passant par la rencontre avec Mendes ou la mort de Thatcher et Arnaud, il avait tout consigné. Une sorte d'évangile racontant la vie, la résurrection et la mort de Phoebe selon saint Stan. Un nouveau testament des machines. Mis en public sur le cloud, quelqu'un allait bien tomber dessus. Ou peut-être que son récit allait rester sur les rayons virtuels des bibliothèques numériques. En tout cas, qu'elle change le monde ou non, c'était son histoire.

Il regarda une dernière fois la petite photo de ses filles et se mit à pleurer à la vue des sourires des deux petites blondinettes. Cela lui brisait le cœur mais, elles allaient pouvoir grandir sans lui, il ne se faisait pas de soucis. Telle qu'il la connaissait, leur mère allait veiller sur elles de manière exemplaire. Parties en France, elle aurait eu beau jeu de le dénigrer à sa guise de toute manière. Elle leur aurait répété quotidiennement que le non retour de leur père en Europe était bien la preuve de son manque d'amour pour ses filles. Mort, au moins, l'argumentaire, bien que possible, allait être plus difficile.


- Stan arrêtez ! Ne soyez pas idiot ! s'époumonait Azraël en débouchant sur le pont tout en vociférant contre un touriste flex genre qui le bouscula.


En voyant l'ange noir se rapprocher rapidement, le français enjamba le bastingage métallique et rouillé.


- Stan venez ! Je ne vous veux plus aucun mal ! hurlait Azraël.


Dans le vacarme de la circulation, l'ex de Cécile ne distinguait pas ce que lui criait l'homme à la Balenciaga.

Bien que pétrifié de peur par la vue du vide devant lui, il ne pouvait se résoudre à se laisser à la merci de son assaillant. Qui sait ce qu'il lui avait réservé. Il avait certainement en tête de le torturer pour lui arracher tous les détails sur Phoebe. La souffrance allait être sans doute pire qu'un vol plané de plusieurs centaines de mètres bref et efficace.


- Tout cela n'est plus pour moi ! Ma vie n'est plus celle-là. Vous êtes mon unique chance de rédemption. Ne faites pas l'imbécile ! s'essoufflait le bras désarmé de la Sainte Alliance.


Stan, regarda une dernière fois le Condor de Californie planant au-dessus de cette scène pathétique, serra de toutes ses forces la photo de ses filles dans sa main droite et... sauta loin devant lui les bras en croix.

En le voyant disparaître, Azraël épuisé, les larmes aux yeux, tomba à genoux parmi les touristes, les deux mains jointes, le regard dirigé vers le ciel comme s'il implorait son seigneur de réaliser un miracle pour sauver celui qui aurait pu l'aider à changer sa vie.

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