Artist's Palette




Le vieux casino à l'abandon paraissait vide sans les surprises quotidiennes de Mendes.

Stan fit une pause, les dialogues avec Phobe étaient intéressants techniquement mais cela l'épuisait ou du moins, il n'était pas concentré.

Il avait juste besoin d'être seul. Même si le dénouement de l'intrigue et la culpabilité de Connelly lui paraissaient trop simpliste, il n'avait pas la volonté de creuser plus l'enigme pour l'instant. Il voulait laisser aller son spleen et prendre du recul sur tout cela.

- Arnaud, tu pourrais me prêter ta super Mustang jusqu'à ce soir ?

- Oui bien-sûr Arnaud mais, ne revient pas trop tard tout de même car je vais rentrer à Scottsdale.

Bon débarras, pensa Kennedy

- Tu vas rentrer chez toi ? répliqua Thatcher qui avait tout entendu ?

- Oui je dois arroser mes plantes et tondre le jardin, répondit malicieusement l'ex Helter-Skelter.

- Ne l'écoute pas Thatcher, ton ex n'a jamais su s'occuper d'une fleur à part, peut-être, un plant de haschich. Et, son jardin n'est fait que de sable, de joshua trees et de cactus. Sa maison donne directement sur le désert d'Arizona !

- Sur le désert, cool ! répondit la grande blonde aux yeux vert d'eau en regardant Arnaud en souriant.

- Tout va bien Stan ? S'inquiéta Isabelle.

- Oui tout va bien merci. Je te laisse Phoebe pour toi toute seule cet après-midi, j'ai besoin d'un peu de repos.

- Fais attention à toi, lui répondit-elle.

Stan prit son téléphone prépayé, les clés de la Fastback, regarda dans la ruelle derrière le Casino. Aucune personne suspecte, il sortit.

Il prit plein Ouest avec pour seul objectif de sortir de la ville et trouver un endroit isolé dans le désert. Le gros V8 ronronnait comme dans ses souvenirs. Il se disait qu'il devrait peut-être acheter une de ces vieilles bagnoles comme son ami. Maintenant qu'il était célibataire, cela allait lui ramener potentiellement des "gonzesses".

Tu parles... De la quinqua débridée mais compliquée, donc... Des problèmes.  C'est tout ce que cela te rapporterait, pensa-t-il

Puis quelques Miles plus loin, il s'arrêta dans un Carl's Jr. pour prendre un Iced Coffee. Il en raffolait.

Il le posa dans le porte gobelet de la Mustang et repris la route. En voyant un panneau indiquant "Death Valley cinquante Miles" il se dit : et pourquoi pas...

Ils avaient tant aimé ce parc avec Cécile.

Mais pourquoi aimes-tu te faire souffrir comme cela ? pensa-t-il.

Il avait sans doute besoin d'un moment comme celui-là pour fermer un cercle lui aussi.

Arrivé à Death Valley, il voulait avoir des nouvelles de ses filles. Il s'installa sur un rocher, le soleil était juste assez chaud pour contrer la brise un peu fraiche de cette fin d'après-midi d'automne. Toujours avec son gobelet rempli de café au lait glacé, Stan composa le numéro de Cécile.

- Allo,

- Oui mon Amour ? C'est moi.

- Pourquoi insistes-tu à m'appeler "mon amour" comme cela Stan ?

Stan ne répondit pour ne pas risquer d'envenimer le dialogue.

- Comment vont les filles ?

- Elles vont bien, on va partir un petit peu, deux ou trois jours, pendant ces vacances scolaires. Tu te souviens que tes filles vont à l'école tous les matins et qu'il y a des vacances scolaires ?

- Oh arrête s'il te plait. Bien-sûr que je le sais. Je crève d'envie de revenir les retrouver mais je ne peux pas.

- Tu as toujours eu une bonne excuse Stan.

- J'ai un truc important à terminer ici...
Es-tu heureuse Cécile ?

- Pourquoi me demandes-tu cela Stan. Cela ne te regarde pas, je ne te répondrai pas.

- Je crois que je m'aperçois de mon auto centrage maintenant.

- Ah bon ? Whaou, un miracle. Dieu est revenu sur terre ! Stan Martin a eu une révélation. Tu as vu la Vierge ou quoi ?

Si tu savais... pensa-t-il

- Je suis sérieux Cécile, tu peux me laisser te dire ce que je veux t'exprimer. Ce n'est déjà pas facile.

- Vas y, mais cela ne changera rien.

- Tu sais où je suis actuellement.

- Non et je m'en contre fout...

- Je suis sur un banc face au désert.

- J'espère que tu as pris une casquette, lui répondit Cécile d'un ton cassant.

Imperturbable, elle poursuivit :

- Et tu sais où je suis moi ? Je suis devant ma machine à laver à faire des lessives pour que tes filles n'aillent pas "cul nu" à l'école.

Stan ne lâcha pas :

- Tu te souviens quand nous sommes allés pour la première fois à Death Valley tous les deux ?

- Oui je me souviens. C'était il y a bien longtemps.

- Nous étions comme deux gamins devant les couleurs d'Artist's Palette. C'était en automne comme aujourd'hui. Ta robe blanche légère flottait au vent et laissait deviner la peau douce et bronzée de tes jambes. J'y suis en ce moment même, au même endroit qu'il y a quinze ans. La lumière est la même que ce jour-là !

- Oui je me souviens, c'était vraiment un super moment. Mais, c'est le passé Stan, répondit la brune adultérine d'un ton tout de même plus tendre.

Stan le sentit et s'engouffra dans ce qui aurait pu être une mini brèche de deux centimètres ouverte dans iceberg grand comme le Nevada tout entier.

- Nous nous étions allongés sur la chaleur de ce même rocher et nous avions fermé les yeux face au ciel. Nous avions parlé de nos projets de vie sans percevoir que la nuit tombait. Je donnerais tout pour revivre cet instant d'éternité avec toi.

Tout cela pourrait revenir, tu sais, Cécile. Un électrochoc s'est produit en moi. Des crises naissent toujours un monde meilleur, l'humanité est faite ainsi. Tu as bien fait de me dire tout cela mais, laisse une chance à notre histoire... S'il te plait, murmura-t-il au bord des larmes au téléphone.

Il n'eut que pour seule réponse :

- Tu viens dîner Chérie ? Les filles attendent ...

Il fut transpercé en plein vol comme un vieux canard anglais se prenant la chevrotine de George VI pendant ses célèbres parties de chasse royale. Le nain chauve s'était réellement installé chez lui. Il devait regarder sa télé en se grattant les couilles sur son canapé.

- C'est trop tard. Je dois y aller Stan, dit Cécile avant de raccrocher.

- Embrasse les petites pour moi !...

La communication se termina ainsi. Il n'eut même pas la possibilité de parler à ses filles une dernière fois.

En larmes, il reprit la Mustang et rentra par Artist's Drive. Il appuya à fond sur la pédale d'accélérateur provoquant un nuage de poussière derrière lui. Il descendit dans le profond canyon creusé dans les Black Mountains. Le cocu romantique jeta un dernier coup d'œil aux rouges fer, bleus tuf et violets manganèse, puis se dirigea vers la sortie de Death Valley. En passant par Zabriskie point, il ne prit même pas deux minutes pour revoir Dante's View et bifurqua sur la 190 vers Death Valley Junction.

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