American Airlines


- On prend ma Mustang ? Elle est garée à côté proposa Arnaud.

- Oui parfait, on aura l'air de parfaits touristes comme ça, ironisa Thatcher.

- Pourquoi le Bellagio Mendes ? interrogea Stan en montant à l'arrière de la Fastback.

- J'adore tellement cette salle de jeux avec ses bouquets de fleurs multicolores et immenses ! répondit le lieutenant avec un phrasé démonstratif à la Dali.

- C'est vrai que nous n'avons pas votre sensibilité artistique répondit Arnaud en souriant dans le rétroviseur.

- Vous adorez le chocolat Lenvin Mendes ? surenchérit Stan en voyant le mexicain se frisant la moustache entre le pouce et l'index en référence à la pub des années mille neuf cent soixante dix.

En descendant une nouvelle fois le strip, ils furent vite rattrapés par deux Hummer limousines blanches. Les vitres teintées ne laissaient rien deviner de ce qu'il se déroulait à l'intérieur.

- Sûrement une fête privée itinérante en limousine autonome. C'est courant ici maintenant, éclaira Thatcher.

Devant le Bellagio, le spectacle aquatique musical battait son plein. Ils eurent juste le temps d'apercevoir les jets d'eau colorés évoluer au rythme du boléro de Ravel lorsque Stan indiqua :

- Le parking est à droite Arnaud.

Le "Guest Parking" était à l'image de l'hôtel gigantesque. La salle de poker était au moins à dix minutes de marche à l'autre bout du complexe. Pour y arriver, il fallait longer la piscine. Mendes ne put s'empêcher d'y jeter un petit coup d'œil coquin. Les fontaines circulaires, placées au centre des bassins, servaient de douches à bimbos venues profiter des rayons de soleil matinaux de Vegas encore féroces en octobre.

Stan ne put s'empêcher de taquiner le mexicain :

- Vous êtes sûr de ne pas préférer la piscine à la salle de poker Mendes ? Il semble que la portée artistique du lieu ne vous laisse pas indifférent.

- Mais, qu'insinuez-vous ? Je me disais qu'une baignade aurait pu nous détendre et nous rendre plus performants au poker.

Les mines perplexes de ses coéquipiers l'obligèrent à argumenter :

- Quoi ? C'est vrai ! Vous ne me croyez pas ?

- Oui, pas de problème Mendes. Nous avons compris, ne vous cassez pas la tête, répondit Thatcher amusée de suivre les français dans leur opération habituelle de mise en boîte.

La belle blonde aux yeux vert d'eau savourait elle aussi ce premier moment de liberté depuis très longtemps. Cela lui faisait un bien fou de se sentir à l'écart du joug de Kennedy. Mais, elle restait sous son emprise psychologique, elle le savait. Paradoxalement, elle l'aimait. Elle avait besoin de sensations extrêmes dans ses relations amoureuses. Elle se serait bien passée des écarts violents ou sexuels de Kennedy évidemment, mais elle aurait été malheureuse dans une relation "à la papa". Alors elle acceptait les gifles ou les soirées où il la partageait avec d'autres hommes ou d'autres femmes. Elle n'y prenait presque jamais plaisir mais, elle se sentait vivante, avec lui et... importante pour lui. Mais ce jour-là, le coït subit dans les toilettes l'avait fait tomber bien bas après l'image idyllique d'Arnaud et son futur mariage. Elle aurait tellement aimé que Kennedy la demande en mariage. Dans ces gogues puantes, elle s'était sentie souillée pour la première fois. Elle ne savait pas ce qu'elle allait faire, partir ou rester, mais en tout cas, elle avait besoin de cette soirée en totale liberté pour oublier.

La salle de jeux était immense avec des néons, des écrans géants et des hologrammes partout. Les joueurs buvaient des cocktails moléculaires facilement reconnaissables à leur couleur fluo et à la fumée s'échappant des verres. On ne voyait pas de porte de sortie ni la moindre fenêtre donnant sur l'extérieur et encore moins d'horloge. Tout était fait pour que les joueurs soient complètement déconnectés du monde. Une fois dans cette salle, il fallait qu'ils y restent le plus longtemps possible et puissent y dépenser leurs économies, voire pire, leur paie sans interruption.

- Vous avez vu ce que j'ai vu ?

- Oui cette fois-ci on a vu Mendes ! » rétorquèrent les trois autres.

Une serveuse déguisée en vampire venait de les frôler. Halloween n'était pas si loin et le casino continuait à organiser ses soirées « Vampire's secret ». Toutes les serveuses maquillées en vampirella portaient un mini short noir sur des bas résilles, des bottes montantes jusqu'aux genoux, des petites cornes de diable et un bustier pigeonnant.

- Il en fallait moins que cela à Mendes pour être complètement désorienté. Il ne savait plus où donner de l'œil. Il lançait des clins d'œil à la cantonade. Les serveuses, espérant lui vendre une boisson, et surtout empocher le pourboire qui l'accompagnait, lui répondaient malicieusement. Le mexicain était en chaleur, il dut dé-serrer son nœud de cravate abeille pour ne pas faire une syncope.

- "Poker Room", c'est là-bas sur la gauche, indiqua Thatcher.


Ils traversèrent la marée de machines à sous. Les clients comme des automates introduisaient pièces après pièces dans les bandits manchots. Au loin, on entendit des cris de joie. Quelqu'un venait de gagner et attirait tous les regards envieux.

Arnaud, toujours prêt à se trémousser comme lors de la parade "del Dia de los Muertos", offrait discrètement son corps au rythme du titre de Bruno Mars 24K Magic joué en musique d'ambiance.


Ils passèrent ensuite à côté d'une maquette de voiture de Nascar grandeur nature. C'était celle du fils de Kyle Busch toute décorée aux couleurs de son sponsor, les M&Ms.

Stan connaissait bien cette voiture. La première fois qu'ils étaient allés à New-York en amoureux avec Cécile, ils avaient vu la même. Il se souvenait de la chemise aux couleurs de cette écurie que lui avait offerte la blonde, alors amoureuse, au M&M's world sur Time Square. Mais tout cela était loin. Stan voulait oublier son ex, profiter du moment et s'amuser !


A force de regarder les serveuses, Mendes bouscula une septuagénaire. Sans le bras sauveur de sa machine à sous, elle aurait été éjectée de son tabouret de bar comme percutée par une poussée de Sébastien Chabal.

- Excuse me ! lui dit-il dans un anglais teinté d'un fort accent mexicain qui fit rire la petite bande.

- Oh ça va !..., dit le lieutenant un peu énervé par les railleries sympathiques de ses acolytes.

Ils entrèrent enfin dans la salle de poker. L'ambiance n'était pas du tout la même que dans la précédente. Il n'y avait plus un bruit. Une forte odeur de poussière prise dans une moquette US de dix ans d'âge remplissait la grande pièce. Au centre se trouvait une quinzaine de tables de jeu standards, ovales et vertes avec dix emplacements chacune.

Mendes était moins déçu de voir que chaque table était menée par une superbe « croupionne » comme il aimait appeler les croupières. Quelle fût sa déception en s'apercevant qu'ils s'agissait d'humanoïde là-aussi.

Les amis faisaient, d'un seul coup, moins les fanfarons. Aucun d'eux n'osait approcher le premier. Des écrans au plafond indiquaient le niveau des mises pour chaque table. Cela eut l'effet de les refroidir encore plus. L'écart des mises entre les tables allait de un Dollar à mille fois plus.

- Stan n'avait pas eu le temps de commencer à réfléchir au choix de la table, le lieutenant s'était automatiquement dirigé vers la table la moins chère.

- Mendes ! Lâchez-vous un peu ! Pas à un Dollar tout de même ! » dit Arnaud

Il fut tout de suite suivi par Stan :

- C'est vrai ça André-Pierre, lâchez-vous un peu !

- Enwy piéwy ? fit avec son accent américain Thatcher surprise bien-sûr par ce prénom qu'elle ne connaissait même pas.

Le Chicanos abeille répondit par un petit sourire en coin et ils optèrent pour une table à cinq Dollars avec quatre places libres.


Les joueurs ne ressemblaient pas aux « caricatures » habituelles des films de la Metro Goldwyn Mayer.
Il n'y avait pas de Cow-Boys avec des Stetson et des santiags. Ni même de mafioso avec le Borsalino et le cigare avec une blonde prostituée sur les genoux.

On pouvait y voir beaucoup de casquettes. Et énormément de lunettes de soleil. Du coup, Stan qui avait prévu le coup, sortit tout de suite ses Ray Ban achetées elles aussi avec Cécile.

Je suis sûr que tout sur moi me rappelle Cécile... J'en ai assez ! Il faut que je change tout, même mes slips...

Mais ils n'étaient pas seuls. En face d'eux six américains déjà chauds. Ou plutôt, 5 américains et une américaine. Une belle blonde aux yeux bleus comme les aimait Stan... Et Mendes aussi bien-sûr.
D'ailleurs il prit directement la place à côté d'elle.

- Hello, pretty girl ! tenta-t-il dans un anglais toujours aussi teinté de pinacolada et de burritos.

- To many french and mexican people tonight ... it sucks ! dit la superbe fille en direction de la croupière.

Les quatre amis éclatèrent de rire en voyant la tête du lieutenant.

Cependant la belle blonde dans son jean serré et haut Channel n'avait pas l'air de rester indifférente au charme francophone. Elle jeta un regard appuyé à Stan. Alors que les filles ne le regardaient jamais habituellement, depuis qu'il avait perdu du poids, il était étonné de voir quelques femmes porter un regard différent sur lui.

Cela fait deux en deux jours... Isabelle puis cette superbe blonde. Finalement, cela peut être assez sympa le célibat... , pensa-t-il redevenu enfin positif sur son avenir sentimental.


Le reste de la table était constitué de trois jeunes à l'allure de geeks qui avaient l'air plus habitués à jouer sur internet qu'au Casino.

Si je me fais ratiboiser par ces jeunes cons, je m'habille en noir pendant trois mois, pensa l'homme déguisé en abeille d'amérique centrale en les dévisageant.


A leur gauche, un homme avec une chemise à carreaux, les mains calleuses, les ongles noirs et un jeans marron aspergé de terre avait le regard fixé sur Thatcher.

Sans doute un gars de la campagne des alentours qui vient jouer un peu et se faire une pute, pensa Stan.


Le dernier était un retraité septuagénaire avec des lunettes rondes et les cheveux blanc. Sa femme devait être restée aux machines à sous. Stan remarqua surtout son badge accroché sur sa poitrine : « Vote Trump 2016 ».

Stan adorait définitivement ces américains. Ils étaient si décomplexés. La vie était tellement rendue plus simple. Qui pourrait imaginer un français se baladant sur les Champs Élysées avec un badge « Je vote Juppé » ?

La croupière commença à distribuer les jeux. Pour limiter les tricheries, les cartes en carton avaient été remplacées par des images numériques apparaissant sur un petit écran devant chaque joueur. Un écran positionné au centre de la table faisait apparaître les cinq cartes communes à tous les joueurs.

- Vous êtes "Big Blind" monsieur. Merci de positionner vos jetons, dit la croupionne numérique en direction du cocu à la découverte de son pouvoir d'attraction.


Le français baissa les yeux pour regarder discrètement le petit écran positionné entre ses mains.

American Airlines... La partie commence bien ! pensa Stan en voyant les deux as dans son jeu.

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