A la mémoire de Teresa
La porte s'ouvrît et deux chiens robots pénétrèrent dans la petite salle d'interrogatoire.
- Que plus personne ne bouge !
Les deux quadrupèdes, la tête ornée de deux caméras stéréoscopiques, possédaient un canon de vingt deux millimètres en guise de bouche. En vrai chien de chasse, ils s'étaient postés à l'arrêt et visaient tous les deux Mendes.
- Ne nous énervons pas ! Cria Mendes en s'éloignant délicatement de Gonzales pissant encore le sang.
En regardant de plus prêt les deux bestioles, il apercu « Designed by Alice Corp. In California » gravé sur leur dos.
Il ricana :
- On est en famille à ce que je vois !
Mais il fut interrompu.
- Que se passe-t-il Lieutenant ?
- Ah vous tombez bien Geronimo ! Alors tout le monde débarque comme cela sans raison pendant que le suspect allait me dévoiler ce que j'étais venu chercher !
- Le système de surveillance a détecté une violence trop importante. L'alarme s'est donc déclenchée.
- Tu m'étonnes ! grommela l'ex chef de gang en s'épongeant grâce à un kleenex tendu par une chariot infirmier autonome entré lui aussi dans la pièce.
- Ok, j'y suis allé peut-être un peu brutalement mais, à cet âge-là, cela saigne à la moindre petite éraflure vous savez !
- Si vous continuez, je vais devoir mettre fin à votre venue lieutenant. Et dans tous les cas, je suis obligé de notifier cela dans mon rapport quotidien.
- Merci sergent Oklahoma, écrivez ce que vous voulez. Je ne suis plus à un rapport près sur mon compte de toute façon.
- C'est Omaha, mon nom.
- Omaha, Oklahoma ce n'est pas loin de toute manière.
- Juste quatre cent cinquante miles...gronda l'indien avant de ressortir de la salle.
- Et merci de dire à votre clébard de droite de baisser la tête et à l'autre d'arrêter de regarder mes parties intimes.
Toute la petite clique cybernétique ne tarda pas à suivre le chef sioux et la porte se referma laissant à nouveau Mendes seul avec Gonzales.
- Bon, nous en étions où ?
- A mon éclatement de nez... Connard !
- Tu veux que je recommence le chauve ?
Le mafieux gronda mais ne répondit pas.
- Je t'annonçais que le gars que tu as égorgé comme un porc sur un tas d'ordures était mon père.
- Juan Mendes était un amis.
- C'est le sort que tu réserves à tous tes amis ? Les prétendants ne doivent pas se bousculer au portillon.
- Si tu m'interromps tout le temps, on ne va pas y arriver.
Entre haine, frustration et pitié, Mendes ne savait pas choisir.
Comme tout enfant, il aurait dû ressentir de la haine pour l'assassin de son père. Il était aussi frustré de le rencontrer trop tard. Le regard du vieillard assis devant lui, sucrant les fraises le nez en sang, faisait naître en lui une compassion qu'il aurait aimé étouffer sous le poids de toutes ces années passées à le rechercher.
- Alors vas-y... accouche !
- J'ai connu ton père à l'âge de 6 ans. Nous habitions déjà Broadway tous les deux. Tes grands-parents étaient des gens biens. Mes parents eux, avaient déjà sombré du mauvais côté. Ils étaient très occupés. Nous jouions au foot dans la rue et ta grand mère m'invitait parfois chez elle pour le gouter avec ton père.
- Où veux tu en venir ?
- Ma mère me traitait comme un moins que rien et mon père brillait par son absence. Puis en grandissant, tu sais comment cela se passe dans ces quartiers. Il n'y a pas de demi-mesure. Tu ne peux pas rester entre les deux. Mon père s'est fait zigouiller avant la quarantaine et ma mère m'a mis au charbon dès mes quatorze ans. Au début, elle me confiait des missions simples : je devais racketter les vieux boutiquiers du quartier qui ne voulaient pas payer la Dîme au gang.
Et mon père la dedans ?
- J'y arrive !
- Bah mets le GPS et prends un raccourci s'il te plait...
- Après l'avoir perdu de vue pendant des années, j'ai revu ton père vers l'âge de trente ans. Je gérais mon petit business à partir de la salle d'un bar sur Broadway qu'il s'était mis à fréquenter régulièrement. Très régulièrement même, il y passait ses journées.
- Ca je le sais bien...
- Je me suis toujours demandé comment, avec des parents aussi présents pour lui, il avait pu en arriver là. Je lui en voulais, il ne savait pas la chance qu'il avait. Il était en train de tout gâcher.
- Non ! Sans blague ?...répondit Mendes d'un air narquois
- Je ne savais pas qu'il avait un enfant. Avec mon "fond de commerce" à gérer, ton père n'était pas le centre de mes pensées. Jusqu'au jour où...
Le mafieux s'interrompit quelques secondes et regarda le flic dans les yeux.
- Tu pourrais leur demander de me ramener une de ces danseuses humanoïdes dans ma cellule ce soir ?
- Hein ! Quoi ? répondit le lieutenant désarçonné par la demande soudaine du taulard.
- Oui, c'est nouveau il paraît. Le gars de la cellule voisine en a eu une hier pour bonne conduite. Cela a été mis en place suite à une directive du mninistère pour limiter le taux de suicide dans les prison à ce qu'on dit.
- Jamais entendu parler de cela, répondit André-Pierre dédaignant la requête de Gonzales.
- Ah bon ! Il m'a dit que la ressemblance avec les humains avait été particulièrement bien soignée au niveau de la bouche. D'ailleurs mon voisin me disait qu'il venait de se faire faire une fellation du tonnerre !
Gonzales tout ragaillardi par la pensée d'une potentielle gâterie offerte le soir même dans sa cellule se fit clouer le bec par Mendes :
- Écoute connard, je n'en sais rien. Et de toute manière, si ces putes à malfrats robotisées existaient, j'aurais scié les dents de l'une d'elle pour qu'elle t'arrache les couilles en te faisant une superbe pipe ensanglantée.
Le prisonnier frissonna à l'idée de ce qui aurait pu lui arrivé, fit une grimace de douleur et répondit :
- Tu n'es pas drôle Lieutenant...
Puis, sentant qu'il ne fallait pas négocier outre mesure avec le kid de broadway, il poursuivit donc son histoire.
- Je me suis intéressé à ton père lorsqu'un de mes gars l'a vu par hasard discuter avec le FBI.
- Une amie bien renseignée m'a informé que mon père devint indic pour le FBI en effet.
- Ah oui ? Elle doit être vraiment bien informée ta copine car cette information ne doit exister que dans les transcriptions de mes témoignages de l'époque.
- Oui, elle a le bras long... Enfin si elle en avait.
- Elle n'a pas de bras ?
- Laisse tomber et continue ! Sinon je demande au maton de te prévoir la version sodomite du robot pute des prisons pour ce soir.
Gonzales, frissonna à nouveau et continua :
- Une fois qu'il fût découvert par mes gars, tout ami d'enfant qu'il était, je ne pouvais pas ne rien faire ; il en allait de ma réputation. Et, tu sais qu'un voyou sans réputation n'est rien.
- Tu l'as donc égorgé un soir comme un vulgaire animal sur un tas d'ordures...
- (Je peux juste te dire que ton père, malgré son problème avec l'alcool, était quelqu'un de bien. Lorsqu'il était sobre, il était toujours prêt à aider au bar ou à rendre service. Il n'a jamais rien fait de malhonnête et ce n'est pas faute de lui avoir proposé des plans foireux.
- Tu n'as pas besoin de me dire cela. T'inquiète, c'est bizarre, je n'ai même pas envie de fracasser nouveau ton blaze tuméfié sur cette table miteuse. Tu connais certainement pas cette sitation d'un écrivain français Albert Camus :
Le temps qu'il reste à vivre est plus important que toutes les années écoulées.
- Albert qui ? répondit le chef de gang avant de poursuivre :
- Tu étais venu pour que je te parle de ton père je pense, alors je le fais.
- Exagère pas non plus, tu ne veux que je te dise merci en plus ?
- En tout cas, sans ce putain de FBI qui l'a menacé de tout dire à ta mère pour qu'il les renseigne, je n'aurais jamais eu de problème avec lui. J'en ai eu des emmerdeurs je peux te le dire. Et ceux-là je les ai envoyés entre quatre planches avec plaisir.
Mendes qui en avait assez de parler au vieux se leva pour s'apprêter à prendre congés de son hôte. Cela n'arrêta pas le taulard qui poursuivit :
- Tiens par exemple, la fameuse Teresa de Broadway tu l'as connue ?
Mendes senti à nouveau son rythme cardiaque monter au rupteur :
- C'est toi qui a tué Teresa ?
- Bah oui ! Cette emmerdeuse n'arrêtait pas d'entraîner les filles vers la révolte. Elle ne rapportait plus rien en plus ! Donc un jour je lui ai fracassé de nouveau sa mâchoire déjà mal en point. Tu ne peux imaginer le plaisir que cela m'a fait.
Gonzales pouvait s'en tirer après avoir estourbi son père mais, pas Teresa, pas sa marraine de Broadway. Mendes, ne se souciant plus trop des écrits de Camus, se déchaîna contre lui. Il le saisit par le col de sa main gauche tout en lui fracassant le visage de son poing droit. Il le frappa, re-frappa encore et encore. Le bruit des impacts et la vue du visage transformé en steak sanguinolent le dégoutaient, mais, dans son esprit, l'image la plus forte à cet instant était celle du visage de Teresa.
Le taulard gémissait de douleur et appelait au secours. Mendez fut très rapidement stoppé par les deux chiens de garde bioniques entrés à nouveau dans la salle d'interrogatoire. L'un d'eux disposait d'un Taser intégré et électrocuta le kid de Broadway.
- Laissez-moi le finir !... Teresa, ils ne me laissent pas le finir ! cria-t-il pris de convulsions électriques sur le sol.
Le vieux dont le visage ne ressemblait plus à rien fut allongé sur un chariot autonome direction l'infirmerie de la Men's Central Jail.
Mendes fut attrapé par les épaules par deux mastodontes bien humains cette fois-ci et éconduit vers la porte de la prison comme un malpropre. Il eut juste le temps d'entendre le dernier des mohicans lui préciser que son rapport allait être salé et de voir une humanoïde en bas résilles s'essuyer sa bouche pulpeuse en sortant d'une cellule.
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