Jour 5: Comme la fourrure d'un Boursouf
Mot de l'organisatrice: Bonsoir, voici l'OS de FelicityLovegood01, n'oubliez pas de mentionner l'auteur lorsque vous commentez ;-)
Mot de l'autrice: à la fin.
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Devant le miroir de son dortoir, alors que tous ses camarades de Poufsouffle l'avaient déjà déserté, Murphy ajustait les accessoires de son costume d'un air hésitant. Pourtant parfaitement placée, sa tenue mettait le jeune homme mal à l'aise, se sentant simplement ridicule dans ces vêtements qui lui semblaient inadéquats. Sa longue veste noire, sa cravate jaune mal nouée et sa chemise blanche n'avaient cependant rien d'inhabituels pour un bal, mais il lui semblait toujours que ces tenues guindées avaient sur lui un effet dérisoire, comme s'il les avait volées à quelqu'un d'autre.
Poussant un soupir, l'adolescent se détacha de la glace et quitta la chambre pour se glisser discrètement dans la salle commune. Observant les élèves de sa maison d'un air distrait, il traversa la pièce confortable et chaleureuse en se faufilant entre les robes et les costumes, les tailleurs et les combinaisons qui formaient une explosion agréable de couleurs, un véritable feu d'artifice d'enthousiasme et de joie. Même s'il n'aimait pas particulièrement les soirées dans lesquelles les invités se pressaient les uns contre les autres, le bal de Noël annuel de Poudlard possédait dans son cœur une place privilégiée. Il s'agissait toujours d'un moment d'allégresse et de détente, un événement d'euphorie et de magie. Un petit nuage sur lequel s'enfoncer le temps d'une soirée.
Gagnant enfin le couloir, Murphy s'étonna d'y découvrir une silhouette familière, élancée et fière, faire les cent pas sur les pavés de pierre. Dans sa tenue d'un vert éclatant, Ryan ressemblait à un oiseau se pavanant au milieu d'une forêt terne : impertinent et coquet, suffisant et fanfaron. Un vrai paon occupé à faire la roue. Une pointe d'admiration le tirailla en constatant que le costume de son meilleur ami, aussi exubérant soit-il, accentuait son élégance, alors que le sien sublimait avec éloquence sa gêne grandissante.
-Tu n'es pas allé chercher Elizabeth ? interrogea Murphy pour étouffer sa contrariété naissante.
L'élève de Serpentard, saisi, redressa la tête et observa son ami de ses yeux bleus, surpris de ne pas l'avoir entendu arriver. Lui adressant un sourire en coin qui chassa instantanément son étonnement, il répondit :
-Non, elle maintient qu'elle n'a « pas besoin d'être accompagnée d'un homme, ou d'ailleurs de qui que ce soit, pour trouver le chemin jusqu'à la Grande Salle ». Elle a raison, bien sûr. Mais j'aurais été fier, moi, d'être avec elle jusque-là... chuchota-t-il, presque malgré lui.
-Ce n'est pas si grave, lui assura son ami avec douceur. Tu danseras toute la soirée avec elle, de toute façon.
-Oui, enfin, presque, précisa Ryan. Viens par ici que je rectifie ton nœud de cravate, lui somma-t-il avec un geste de la main.
Baissant le regard sur l'accessoire en question, l'adolescent regarda d'un air dépité le tissu jaune onduler de manière anormale et désordonnée sur sa chemise. Résigné, il s'approcha de son ami, qui activa ses doigts de manière experte et précise sur la cravate pour la nouer avec assurance.
-Je n'en reviens pas qu'après cinq années entières ici, tu n'arrives toujours pas faire un nœud de cravate correct, s'indigna Ryan.
-Je n'en reviens pas qu'après cinq années entières ici, tu t'étonnes toujours de mon manque d'intérêt total pour la mode, rétorqua Murphy en levant les yeux au ciel.
Son meilleur ami lui scandait ce refrain tous les ans, mais il savait pertinemment qu'en réalité, il était bien trop fier de rajuster sa cravate en se donnant par la même occasion une raison pour se pavaner. Préférant cependant dissimuler cette satisfaction derrière un nuage d'incompréhension révoltée, il persistait à l'accabler de faux reproches et d'un ébahissement feint. Comme si l'élève de Poufsouffle ne voyait pas parfaitement clair dans son jeu.
-Alors, on y va ? se réjouit Ryan en tapotant les épaules de l'adolescent une fois la cravate adéquatement nouée. Je suis sûr que tout le monde n'attend que nous pour commencer la fête.
-Oui, bien sûr, admit ironiquement Murphy en secouant doucement la tête d'un air désabusé. Ils n'ont que ça à faire.
Présentant machinalement son bras à son ami, l'élève de Serpentard attendit que ce dernier l'attrape pour parcourir le couloir d'une démarche assurée et provocatrice. Sans jamais le présenter de cette manière, Ryan rejetait fermement les codes normalisés établis par des personnes mortes depuis des siècles et qui n'avaient aucune idée des convenances modernes. Il était l'unique élève de sa maison sans descendance sorcière à parcourir actuellement les murs de Poudlard. Il afficherait distinctement ses origines moldues. La masse était encore surprise d'observer deux personnes du même genre danser ensemble ? Il les forcerait à admettre que leur vision de l'amour était trop étriquée.
La vérité était que le jeune homme adorait le monde de la sorcellerie ; mais il aurait aimé découvrir des valeurs différentes de celles qu'il avait connues pendant son enfance. Il ignorait lequel de ses deux parents l'avait élevé de manière à ne jamais se satisfaire de l'injustice ambiante ; les deux, certainement. Si son père était posé et raisonné, il possédait cependant une volonté de fer, ainsi qu'une capacité à se remettre en question qui échappait entièrement à l'adolescent. Quant à sa mère... Une vive émotion lui enserra la gorge au souvenir de cette personne souriante et tempétueuse qui animait le foyer de rires et de fougueux propos. Inspirant une lente bouffée d'air, l'étau de mélancolie se relâcha peu à peu lorsqu'il songea qu'elle serait inéluctablement fière de lui.
Extirpé de ses pensées par l'agitation de son meilleur ami, l'élève de Serpentard fronça les sourcils, profitant de cette excuse pour chasser le chagrin qui s'était emparé de lui, et lui intima fermement :
-Mais arrête de gesticuler comme ça, Murph', enfin... !
-C'est à cause de la cravate, elle est bien trop serrée, expliqua l'intéressé.
-Elle est nouée à la perfection, le contredit le jeune homme avec un sourire entendu. Avec élégance et talent.
Alors que Murphy levait les yeux au ciel, les deux adolescents aperçurent une foule amassée devant les portes de la Grande Salle, fermées jusqu'à l'heure d'ouverture du bal. S'adossant avec une nonchalance entièrement calculée contre le mur de pierre froide, Ryan croisa les bras et scruta les élèves du regard à la recherche de sa petite amie. Sans même quitter son ami des yeux, l'élève de Poufsouffle décela l'instant précis où il la trouva enfin. Les yeux bleus du jeune homme s'immobilisèrent alors que ses iris étincelaient de ravissement et d'admiration, un état d'ébahissement qui le caractérisait à chaque fois qu'il apercevait Elizabeth. Entre extase et éblouissement. Envoûtement et étourdissement.
Lorsque les muscles de la mâchoire de Ryan se détendirent, Murphy planta son coude dans les côtes de son meilleur ami pour le rappeler à l'ordre :
-Ferme la bouche, Ryan, tu as l'air d'un poisson hors de l'eau.
-C'est complètement faux, protesta-t-il avec mauvaise foi.
-J'essaie juste de t'aider, moi, se défendit l'élève de Poufsouffle.
Les rejoignant de sa démarche souple et déterminée, la jeune fille s'amusait déjà à contempler les deux amis en pleine argumentation futile. Dans sa longue robe argentée qui soulignait le teint foncé de sa peau, l'élève de Serdaigle semblait étinceler comme l'astre nocturne sur la toile sombre du ciel. Ses cheveux, coulant en une natte sur son épaule, mêlaient des rubans assortis à sa tenue, tels des rais de lueur lunaire capturés en de délicates étoffes. Murphy était forcé d'admettre qu'il comprenait pourquoi les jambes de son meilleur ami étaient soudainement devenues flageolantes : Elizabeth paraissait tout simplement époustouflante. Une étoile illuminant les ténèbres. Une note impétueuse résonnant dans le néant.
-Vous vous chamaillez déjà comme un vieux couple, tous les deux ? les interpela-t-elle en arrivant à leur hauteur.
-A-t-on seulement déjà arrêté ? interrogea Ryan en saisissant son menton entre ses doigts, la mine songeuse.
Avant qu'une réponse ne puisse succéder à cette question, les hautes portes de la Grande Salle s'ouvrirent lentement pour annoncer le début du bal de Noël. Se laissant emporter par le flot humain qui se pressait pour se glisser dans l'encadrement, les trois amis voguèrent vers la pièce déjà inondée de monde. Entièrement décorée pour l'occasion, la salle regorgeait d'éclat et d'ornements aussi festifs qu'hivernaux, entre les guirlandes et les couronnes de végétation suspendues entre chaque fenêtre, les bouquets de houx s'étalant en éventail contre les murs et les étoiles lumineuses surgissant aléatoirement avant de disparaître en une pluie d'étincelles dorées.
Les tables avaient été poussées contre les murs pour offrir un buffet d'apéritifs et de cocktails non-alcoolisés, une sculpture de glace représentant un phénix présidait l'espace, et plusieurs sapins gigantesques avaient été installés et décorés d'étoiles et de boules scintillantes aux couleurs claires. L'illusion des flocons de neige chutant du plafond, fascinante et poétique, enchantait chaque personne franchissant les portes, apportant un sourire sur leur visage, et sublimait la pièce avec la délicatesse d'une brise et la malice d'un lutin de Cornouaille.
Ses yeux noisette emplis d'étoiles, Murphy songea qu'il devrait être habitué à la splendeur déployée chaque année pour l'occasion et à la magie, au-delà de la sorcellerie, que provoquait cette ambiance glacée et chaleureuse. Hivernale et familiale. Un véritable cocon de brillance et de convivialité. Pourtant, le ravissement qu'il ressentait à chaque Noël, loin de s'amenuiser, semblait au contraire croître au fil du temps, comme s'il avait conscience d'être plus proche de la fin que du début de sa scolarité et qu'il ne pourrait plus beaucoup participer à ces festivités.
-C'est toujours aussi impressionnant, souffla-t-il du bout des lèvres.
-Mais pas autant que moi, suggéra Ryan avec vantardise, brisant l'émotion silencieuse que son meilleur ami traversait.
Avec une moue désabusée, ce dernier se demanda si l'élève de Serpentard avait seulement conscience d'avoir désamorcé une crise de nostalgie avant même qu'elle ait eu le temps de prendre forme ; et il estima instinctivement qu'il en était hautement capable. S'armant d'une façade de désinvolture qui l'entourait constamment comme une aura, Ryan était en réalité bien plus perméable aux émotions de ses proches qu'il n'aimait le laisser paraître. Tout le monde ne parvenait pas à voir cette facette de sa personnalité, pourtant, Murphy la considérait comme la plus évidente, celle qui lui avait sauté aux yeux dès leur rencontre dans le Poudlard Express. Peut-être était-ce la raison pour laquelle leur relation avait toujours été si simple et naturelle, l'explication à la manière dont leur amitié avait si facilement coulé vers des liens fraternels qui ne nécessitaient aucunement de partager le même sang.
Alors que les membres de l'orchestre accordaient leurs instruments, vérifiant la justesse des notes émises par leurs cordes et la solidité de leurs archets, l'élève de Serpentard se pencha vers sa petite amie et, d'un air faussement téméraire qui laissait percevoir son incertitude, il lui chuchota :
-Lizzie, me permets-tu d'offrir cette première danse à mon meilleur ami ?
-Si tu mettais fin à cette tradition que vous avez développée depuis notre première année à Poudlard à cause de moi, Ryan, je romprais sur le champ, déclara l'intéressée sur un ton impitoyable.
Confus et admiratif, le jeune homme esquissa une moue oscillant entre la satisfaction et l'affront, mais décida finalement de se tourner vers l'élève de Poufsouffle en affichant un sourire confiant, comme s'il ne venait pas d'être réprimandé par la franchise et l'inébranlabilité d'Elizabeth. Dans une courbette théâtrale, il tendit la main d'un geste aussi solliciteur qu'assuré et déclara avec présomption :
-Mon cher Murphy, m'accorderais-tu l'honneur de cette première danse ?
-Pas besoin de sortir les violons et toute la panoplie, soupira le jeune homme en glissant ses doigts dans ceux de son ami. Évidemment que je te l'accorde.
Avec suffisance, l'élève de Serpentard se redressa et guida Murphy jusqu'à la piste de danse, encore pratiquement vide. Tous les ans, la soirée semblait stagner parce qu'aucun adolescent ne paraissait enclin à s'aventurer en premier sur l'espace dédié aux rythmiques virevoltes. Depuis sa première année à Poudlard, Ryan avait décidé que, si tout le monde s'efforçait de l'ignorer par crainte, lui allait la dompter avec panache et provocation. L'évidence s'était imposée à lui d'inviter son ami, celui qu'il avait rencontré dans le train et à qui il s'était attaché aussi efficacement qu'une vigne s'enroulant autour de son tuteur ; fermement et rapidement. Inextricablement et naturellement. Indissociablement.
-On va encore se ridiculiser, prévint Murphy en déposant sa main sur la taille de Ryan.
-Pas du tout, tout le monde va être ébloui par mes talents de danseur, Murph', objecta l'intéressé avec virulence.
-Depuis quand tu sais danser, toi ? l'accusa le jeune homme.
Chaque année, le même rituel s'était imposé de lui-même au bal de Noël : Ryan, sa haute silhouette fièrement redressée, entraînant Murphy, la tête rentrée dans les épaules, sur la piste de danse désertée et sous le regard des élèves et des professeurs de Poudlard. Aucun des deux jeunes hommes n'était pourtant particulièrement doué pour cet exercice ; Murphy aurait même plutôt admis qu'ils étaient singulièrement mauvais. Si ce simple constat aurait suffi à empêcher ce dernier à monter sur l'espace dédié, rien n'aurait pu contraindre son meilleur ami à se pavaner.
-J'ai ça dans le sang, bien évidemment, exposa l'élève de Serpentard en redressant le menton. Je suis l'élégance même, ne l'oublie pas.
-L'élégance qui m'a écrasé les pieds pendant cinq minutes, au bal dernier, rappela son ami avec lassitude.
-N'importe quoi ! s'indigna-t-il, vexé. En plus, j'ai fait d'énormes progrès depuis, ajouta-t-il, piqué au vif.
-L'âge te rend de plus en plus de mauvaise foi, Ryan, constata son interlocuteur avec langueur.
-C'est toi qui es plus aigri en vieillissant, rétorqua ce dernier.
Alors que l'élève de Poufsouffle ouvrait la bouche pour répondre, les premières notes de musique s'élevèrent dans la Grande Salle, résonnant entre les murs pour flirter avec la neige factice qui pirouettait avec légèreté dans le plafond. La mélodie, douce et envoûtante, flottait dans l'air comme une brume bienveillante et ondulait entre les élèves et les professeurs pour répandre sa magie, telle une rivière indomptée et espiègle. Insouciante et affectueuse. Enchantée.
Lorsque Ryan le guida dans un semblant de valse, le jeune homme nota qu'il n'avait pas menti : il s'était nettement amélioré depuis le bal dernier. Cependant certain qu'il ne l'avait pas fait pour sublimer leur danse traditionnelle mais bien pour impressionner Elizabeth, Murphy décida de ne pas souligner ce constat avec insistance. Son partenaire, scrutant les réactions de son ami, avait malgré tout remarqué son étonnement, auquel il répondit par un sourire vantard que l'adolescent traduisait aisément par « je te l'avais dit ».
-Au fait, lança finalement l'élève de Serpentard après plusieurs minutes de lentes pirouettes, je me disais que pour notre petite fête de Noël post-bal, je pourrais assez facilement me procurer du Whisky Pur Feu, et...
-Non, Ryan, le coupa immédiatement Murphy. Pas de Whisky Pur Feu.
-Quoi ? Mais Murph', pourquoi ? se mortifia-t-il.
-Tu es déjà ivre avec deux verres de Bièraubeurre ! lui rappela sévèrement son ami. Il est absolument hors de question que je m'occupe de toi après une seule gorgée de Whisky Pur Feu.
-C'est entièrement faux, je tiens très bien l'alcool ! protesta Ryan avec virulence.
-Si par « tenir l'alcool », tu entends « rire de manière incontrôlable pendant dix minutes à une phrase des plus banales et même pas drôle », alors oui, tu as raison, acquiesça ironiquement l'adolescent. Tu tiens incroyablement bien l'alcool.
Poussant un soupir théâtral sans pour autant le contredire, le jeune homme tourna la tête avec dédain et mépris. Plissant ses yeux bleus tout en les fixant sur un point précis de la salle, il entraîna Murphy dans une volte faussement maîtrisée et lâcha, les lèvres pincées :
-Il y a Malik qui te regarde d'un drôle d'air, je n'aime pas ça.
Tentant de suivre le regard de son meilleur ami, l'élève de Poufsouffle renonça cependant rapidement lorsqu'un tournis désagréable s'empara de sa tête. Décidé à se concentrer sur le mouvement de ses pieds, il réussit à déclarer :
-Malik est sympa, tu te fais sûrement des idées.
-Je suis sûr de ce que j'avance, Murph', le contredit-il. Il te regarde bizarrement. Tu imagines s'il est en train de monter un plan machiavélique et qu'il se dit qu'il te ferait facilement porter le chapeau ?
-Arrête un peu ta paranoïa, souffla l'intéressé avec lassitude. Tu vas vraiment trop loin.
-Ce n'est pas de la paranoïa, mais un sens acéré et entraîné de l'observation, le corrigea Ryan, un sourire en coin flottant sur ses lèvres.
-Dans ce cas, monsieur l'observateur acéré et entraîné, tu dois avoir remarqué que la première danse est finie, et que ta petite amie va commencer à s'impatienter, rétorqua son ami.
-Bien sûr que j'avais remarqué, prétendit-il en endossant une assurance crédible.
-Dans ce cas, file, lui intima Murphy.
-Je suis tellement demandé, s'amusa l'élève de Serpentard en se séparant de son partenaire de danse. J'espère que tu m'excuseras de cette sortie bâclée, ajouta-t-il en s'inclinant légèrement.
Refusant de l'encourager dans son jeu, l'adolescent se contenta de quitter la piste de danse en direction des tables pullulant de nourriture. Lorsqu'une gêne lui brûla la nuque, il se retourna vivement pour lancer un regard circulaire, mais ne constata aucun comportement sortant de l'ordinaire. Génial, Ryan a réussi à me polluer l'esprit avec ses idées paranoïaques, songea-t-il en grimaçant légèrement. S'adossant aux côtés du buffet, il repéra ce dernier dans la marée de couples virevoltants qui s'était à présent formée, et ne put réprimer un sourire. Inconscient de ce qu'il se passait autour de lui, l'élève de Serpentard n'avait d'yeux que pour Elizabeth qui, plus douée pour cacher sa tendresse et son admiration, était pourtant tout aussi absorbée par son cavalier.
Ensemble, ils formaient une évidence, une authenticité flagrante. Ils étaient le soleil et la lune, diamétralement opposés et pourtant si semblables, brillant indépendamment de l'autre tout en cherchant constamment sa lumière pour s'en nourrir. Après avoir passé des années à se cacher l'un de l'autre, ils s'étaient enfin réunis pour offrir cette danse de deux astres, emplie de force et de brillance, ce fox-trot éclatant et tendre. Une valse de félicité et d'amour. Je vais fondre, si je reste là à les observer, pensa Murphy en se détachant de la pierre froide. Et me liquéfier si je reste au milieu de tous ces gens, aussi. Il est temps que je sorte. D'un pas léger et hésitant, il slaloma entre les convives statiques et se dirigea lentement vers la sortie.
Se glissant hors de la Grande Salle, Murphy quitta avec un brin de soulagement la foule des couples tournoyants sur la piste de danse. L'ambiance romantique et douce des bals de Noël de Poudlard ne plombait jamais son moral, mais il devait avouer que, maintenant que Ryan avait lui-même une cavalière avec qui passer la soirée, il craignait de ressentir un malaise à l'idée de les déranger. Aussi, il avait décidé de rejoindre sa salle commune et de peaufiner leur habituelle prolongation de fête. Les camarades de Poufsouffle du jeune homme étaient bien trop accoutumés à voir son meilleur ami avec lui pour s'offusquer de la présence d'un élève de Serpentard dans leur espace dédié – et trop conscient du fait que, même s'il était dénoncé, Ryan continuerait de s'y inviter.
En descendant les escaliers, l'adolescent dénoua sa cravate et déboutonna le col de sa chemise qui commençaient à le déranger par leur caractère trop guindé. Enfin libéré de leur enserrement exacerbé, il ne rêvait plus que de son pyjama chaud et confortable, de l'âtre crépitant et d'une tasse de chocolat chaud fumant. Et des chaussettes douces et épaisses, aussi, songea-t-il en franchissant la dernière marche menant au sous-sol. Lorsqu'il ôta sa cravate d'un geste sec pour l'extirper des pans de son col, sa main heurta un obstacle qui n'aurait pas dû se situer dans son chemin.
-Aïe ! s'exclama ladite résistance inattendue.
-Pardon, s'excusa immédiatement Murphy en se tournant vers la source de la voix.
L'élève de Poufsouffle fronça les sourcils en découvrant un jeune homme n'appartenant pas à sa maison. Ses minuscules boucles noires se dérobaient au joug du produit ayant pour objectif de maintenir ses cheveux en place alors que la teinte dorée de sa peau semblait intensifiée par son costume couleur bordeaux. Ses yeux sombres regardaient avec tendresse et soulagement celui qui venait pourtant de le frapper par inadvertance.
-Malik ? Qu'est-ce que tu fais ici ? demanda l'adolescent en reconnaissant l'élève de Gryffondor.
-Eh bien, je... je me baladais, répondit-il en frottant nerveusement ses doigts dans sa nuque.
-Dans le sous-sol alors que le bal bat encore son plein ? insista Murphy d'un air dubitatif.
-C'est bien ce que tu faisais, non ? se défendit le jeune homme.
-Je rejoignais ma salle commune, je ne me promenais pas au hasard, précisa-t-il.
-Bon, peut-être que je cherchais quelque chose, dans ce cas, décréta-t-il avec un haussement d'épaules pour retrouver un peu de contenance.
-Tu as perdu quelque chose ? s'inquiéta Murphy, soucieux d'apporter son aide.
-Pas vraiment, c'est que... hésita Malik en braquant son regard vers le plafond d'un air tout sauf naturel. Ah, tiens, regarde, du gui... ! remarqua-t-il, une fausse surprise enrobant sa voix.
Dirigeant ses iris noisette dans la même direction, l'élève de Poufsouffle détailla les feuilles d'un vert profond ornées abondamment de baies blanches, brillant comme des lucioles dans l'éclairage tamisé du couloir. Une ride se creusa sur le front du jeune homme alors qu'il songeait avec perplexité être certain de ne pas avoir aperçu la gerbe végétale en se rendant dans la Grande Salle. Ryan l'aurait remarqué, lui aussi, et se serait lancé dans un laïus théâtral pour exprimer son incompréhension face à cette tradition démodée.
Noyé dans ses réflexions, Murphy ne perçut pas le jeune homme s'approcher considérablement de lui. Les lèvres de Malik lui effleurèrent la joue avec la légèreté d'une plume voletant dans le vent et la délicatesse d'un papillon se déposant sur un pétale de fleur. Doux comme une caresse et fugace comme la brise, le contact s'estompa aussitôt entamé. Tendre et éphémère, aérien et fragile. Pourtant, lorsque l'élève de Poufsouffle, embarrassé, reporta son regard sur son camarade, l'esquisse de ce baiser s'était ancrée dans sa peau telle une empreinte indélébile et vibrante d'inattendu. Un sceau picotant d'espoir et d'imprévisibilité. Une marque qui s'embrasa instantanément pour consumer son cœur.
-Je ne vais pas laisser une tradition te forcer à m'offrir un baiser, lui expliqua l'adolescent, sa timide hésitation soudainement oubliée. Je compte bien mériter ça par moi-même un jour.
Lui offrant un sourire aussi réservé qu'authentique, Malik tourna les talons et gravit les marches pour rejoindre le rez-de-chaussée en sautillant, vif et enjoué comme un chat attendant son bol de lait. Trop absorbé par sa contemplation du jeune homme grimpant les escaliers, il ne remarqua pas celui qui les dévalait avec empressement et fureur dans un chatoiement pourtant parfaitement notable de couleurs vertes. Se ruant vers son meilleur ami pour saisir celui-ci par les épaules, Ryan s'écria avec fougue :
-Attends, il t'a forcé à l'embrasser, l'autre Gryffondor, là ? Non, mais il va voir, lui ! s'énerva-t-il en sortant sa baguette.
-Arrête, Ryan, le somma Murphy, réalisant finalement la colère de l'adolescent. Il ne m'a forcé à rien du tout, il ne m'a pas... embrassé.
Pas vraiment, ajouta-t-il pour lui-même en esquissant un mince sourire. Secouant légèrement la tête en remarquant que son meilleur ami le dévisageait, l'élève de Poufsouffle déposa sa main sur celle de Ryan, tenant toujours sa baguette au bois finement sculpté de feuilles de lierre.
-Range ça, lui intima Murphy. Tu n'en as pas besoin.
-Mouais, consentit-il à contrecœur. Je peux toujours le provoquer en duel si tu changes d'avis, ajouta-t-il en la glissant pourtant dans sa poche.
-Si Murphy te dit que tout va bien, c'est que tout va bien, intervint Elizabeth en descendant les marches avec grâce et impertinence. C'est un grand garçon, il sait décider lui-même s'il y a un problème ou non, le rabroua-t-elle.
-Mais Lizzie, je voulais juste... tenta de se défendre l'intéressé.
-Oui, je sais, tu voulais juste protéger ton meilleur ami, compléta-t-elle sèchement. Mais il est plus raisonnable que toi, alors il sait ce qu'il dit.
-Pff, je ne protège personne, moi, rétorqua-t-il en redressant le menton avec arrogance.
-Ryan, l'interpela-t-elle avec la puissance d'une voile claquant dans le vent.
-Oui, bon... capitula-t-il en ébauchant une moue contrariée.
-Allez, viens, mon beau cavalier, lui souffla-t-elle en l'entraînant dans le couloir. Allons attendre Murphy dans la salle commune.
-Tu trouves que je suis beau ? se rengorgea subitement Ryan. Le vert fait ressortir mes yeux, c'est ça ?
Alors que l'élève de Poufsouffle les observa s'éloigner dans le couloir, l'adolescente tourna la tête vers lui et lui adressa un clin d'œil convivial et entendu. Le couple que Ryan formait avec Elizabeth avait bien évidemment permis à ce premier de tisser des liens étroits avec sa petite amie, mais grâce à cette relation avait également éclos une nouvelle amitié. Murphy avait trouvé en la jeune fille une alliée loyale et une incorrigible associée pour remettre les idées de Ryan en place. Une complice fidèle pour lui rappeler de garder les pieds sur terre.
Coulant un regard vers les escaliers, le jeune homme songea à Malik et à cette esquisse d'affection, ce croquis de baiser qu'il lui avait offert ; comme un cadeau de Noël, une magie qui lui était propre... un espoir. Lorsque ses joues s'embrasèrent, il constata que Ryan avait entièrement tort, avec ses histoires d'étincelles de Scroutt à pétard. Ce qu'il éprouvait en cet instant, c'était à la fois réconfortant et doux, lumineux et chaleureux. Débordant de promesses et d'optimisme. Aussi tendre qu'une tisane à la cannelle et aussi convivial qu'un chocolat chaud partagé entre amis... exactement comme la fourrure d'un Boursouf.
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Mot de l'autrice: Tout d'abord, j'aimerais remercier l'organisatrice du calendrier, de faire ce travail une année de plus malgré le travail que ça représente. Merci de m'avoir, une fois de plus, incitée à y participer ; ce genre de projet m'inquiète toujours, j'ai toujours peur d'être à côté de la plaque, et je ne me lancerais pas sans une petite pichenette. Alors, merci énormément pour tout ça <3
Ensuite, merci à vous d'avoir lu ! J'espère de tout cœur que vous aurez apprécié, que vous aurez pu être aux côtés de Ryan et Murphy pendant ces quelques paragraphes. Enfin, j'espère tout simplement que vous aurez passé un agréable moment en leur compagnie. Et encore merci à tous, et à toi, ocepjhp !
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