Elle se rappelait de son sourire enjôleur, quand il la portait comme une princesse jusqu'à leur lit, avant de l'y déposer et de la dévorer des yeux.

Elle se rappelait de ses yeux, pétillants de joie, de bonheur, d'amour, de malice, brillants comme des étoiles dans le noir de la nuit.

Elle se rappelait de ses dernières paroles. «Je vais chercher le pain, mon amour. A tout de suite!». Du chaste baiser qui avait suivi, et du claquement de la porte. Du bruit de l'ascenseur.

Elle se rappelait de la sirène de pompier, qui l'avait conduite à la fenêtre. De sa tristesse en voyant qu'il y avait eu un accident. De son horreur en se rendant compte que c'était lui.

Elle se rappelait d'avoir ouvert la porte, en larmes, de ne pas l'avoir fermée. D'avoir descendu les escaliers en courant, d'avoir continué sa course, aveuglée par les larmes.

Elle se rappelait de la scène dans les moindres détails. De l'odeur du sang qui l'avait prise à la gorge. De la voiture arrêtée, et de son corps sur le sol. De la couleur rouge qui avait teinté ses vêtements, et qui commençait à se rependre autour de lui, formant une flaque écarlate.

Elle se rappelait de leurs larmes, entremêlées sur le visage de son petit ami. Elle se souvenait de s'être jetée à genoux auprès de lui, de l'avoir entouré de ses bras.

Elle se rappelait d'avoir scellé leurs lèvres, tous deux sachant que tout espoir était vain. De la main du pompier sur son épaule qui l'avait doucement écartée de son corps, à présent mort, avec quelques mots prononcés avec douceur. Elle ne les avait pas entendus, elle avait compris.

Elle se rappelait du hurlement qui avait déchiré la nuit, de ses joues trempées de larmes, d'avoir pleuré jusqu'à s'écrouler de fatigue, au beau milieu de la route.

Elle se rappelait de sa nuit, peuplée de cauchemars où elle revivait la même scène, encore et encore. De son réveil, quand elle avait cru pendant quelques minutes que ce n'était qu'un rêve, avant de ne pas le trouver et de se rendre compte que tout était vrai.

Elle se rappelait du pompier qui l'avait veillée, qui l'avait portée dans son lit, qui était resté à ses côtés toute la nuit, qui avait tenté, en vain, de la consoler au matin.

Elle se rappelait de son désespoir poignant, de sa gorge nouée au point de n'avoir pu esquisser un seul bruit. De ses sanglots permanents durant toute la semaine qui avait suivi. Des souvenirs qui étaient venus la hanter à chaque seconde de sa vie, la brisant chaque fois un peu plus.

Elle se rappelait des durs mois qui avaient suivi, durant lesquels elle avait tenté de se reconstruire. Elle avait finalement réussi, difficilement, très lentement. Et elle avait fini par arrêter de se voiler la face, même si ça lui arrachait le coeur à chaque fois qu'elle y pensait. Oui, il était mort. Oui, elle ne le reverra jamais.