P R O L O G U E|

« La guerre n'est pas une aventure. La guerre est une maladie. », Antoine de Saint-Exupéry.

Il était une fois un pays ravagé par la guerre. Un pays, où les hommes dépérissaient les uns après les autres dans des combats sans sens et sans fin et où les femmes tentaient de continuer à faire fonctionner la vie. Jours et nuits, le bruit des fusils tenait les habitants en alerte et les soldats au combat. Le ciel semblait avoir disparu dans un éternel brouillard de fumée. Des villes et des villages entiers avaient été rasés de la carte : seul des débris de maisons, quelques traces de souvenir perdus et passés y perduraient. Dans un tunnel creusé dans la terre, un jeune homme regardait la lune.

Sirius n'était pas encore âgé. Vingt ans, avec des yeux ténébreux et voilés par l'horreur. Il s'était rendu dans le bain de sang volontairement, attiré par les histoires illusoires qu'on lui avait racontées dans sa jeunesse. Un matin, on lui avait donné un uniforme et un fusil et on l'avait envoyé sur le front.

Sirius s'était vite rendu compte que les histoires de guerre n'étaient que ça : des histoires. La vérité était bien plus dure et il maudissait durant chaque seconde de son existence le jour où il s'était rendu à la mairie de sa petite ville avec enthousiasme et le moment où il avait quitté la grande résidence familiale. Le jeune homme n'était pas habitué à la dureté de la vie, pas à la faim, pas au froid et encore moins à la douleur. Il était le fils d'un duc, après tout. Toute sa vie n'avait été que débauche et rire, soirées, alcools et plaisirs charnels.

Maintenant, Sirius essayait seulement de survivre.

A chaque bruit d'explosion, il sentait son cœur manquer un battement. A chaque hurlement de douleur, il s'imaginait le sien à la place du soldat agonisant. Il en venait même des fois à prier : à hurler des mots silencieux vers le ciel, implorant les divinités en lesquelles il avait perdu fois de faire cesser le carnage.

Ses amis avaient perdu la vie et ses nouveaux camarades lui lançaient souvent des regards dédaigneux, de sorte qu'il était seul, la plupart du temps. Seul et silencieux, perdant lentement une partie de lui-même, comme si un morceau de son âme explosait à chaque fois qu'une bombe tombait du ciel comme une étoile perdue. De temps en temps, quand la lune brillait au ciel et que les autres soldats dormaient dans leurs lits pouilleux, il sortait un petit médaillon de sa poche et essuyait la poussière qui s'était amassée sur la surface dorée. En lettres minuscules, son nom était gravé avec sa date de naissance.

Le jeune homme les murmurait à voix haute, comme pour ne pas les oublier et se souvenir du son de sa voix. Pour se remémorer qui il était. Sa mère lui envoyait encore des lettres lorsque la guerre venait de commencer : cependant, elle avait fini par dépérir lorsqu'une épidémie avait frappé la population, n'épargnant ni femmes, ni enfants. Le père de Sirius n'avait pas le temps d'écrire à son fils.

Une larme glacée roulait de temps en temps sur sa joue sale.

Un jour, un camarade s'était assis à côté de lui, sur un des bancs dans la baraque. Il s'appelait Valentin et n'était pas plus âgé que Sirius lui-même. Il était le seul que ce dernier considérait réellement comme un ami. La flamme de la bougie sur la table en face tremblait et Sirius avait fronçait les sourcils lorsque Valentin avait sorti une feuille de sa poche et lui avait donné.

« Qu'est-ce que c'est ? », avait demandé le jeune homme, sa voix si peu utilisée, rauque et douloureuse. Valentin avait un tourné la tête vers lui. Ses yeux gris étaient humides et un sourire tremblant avait déformé son visage poussiéreux.

« C'est une lettre pour ma sœur. », avait-il murmuré, « Demain, je pars d'ici. On m'envoie en premières lignes. » Sa respiration devenait erratique et chaque mot qui sortait de sa bouche résonnait sombrement contre les murs terreux. « Je-Je ne vais pas survivre. C'est impossible. Personne ne revient de là. Je tiendrais peut-être une semaine, peut-être même deux s'il ne fait pas trop froid et que les soldats de l'autre côté de la ligne décident d'être calme. C'est pour ça que-que je veux que tu lui envoies cette lettre. Et que tu continues à lui écrire. Elle ne doit pas savoir où je suis. Elle ne doit pas savoir si je meurs. Elle... Cassiopée a trop souffert et je suis tout ce qu'il lui reste. » Valentin avait regardé Sirius droit dans les yeux. « Je t'en prie. »

Sa voix n'avait été qu'un souffle désespéré et Sirius avait été seulement capable d'hocher la tête. Ses doigts s'étaient resserrés autour du morceau de papier. Valentin n'avait rien dit de plus. Il s'était levé brusquement et avait hoché la tête, la mine vide, les yeux sombres. Au matin, il était parti. Alors que le soleil s'était levé, Sirius avait sorti la lettre de la poche et avait commencé à la lire. Elle n'était pas longue, ni détaillée : seulement les mots étaient d'une tendresse si douloureuse que le jeune homme sentait son cœur se briser à chaque lettre.

Ma chère Cassiopée : ma chère et tendre et adorable petite Cassiopée,

Ne t'inquiète pas pour moi. Je vais bien. Du moins aussi bien que l'on peut aller lorsqu'il me faut m'endormir au son des coups de feu, des cris et des bombes. Mais penser à toi me redonnes espoir. Ton image me donne du courage. Je veux que cette guerre se finisse, pour que nous puissions enfin être réunis à nouveau, toi et moi, dans la maison à la mer. Pour que tu cesses de te morfondre et que tu puisses manger à ta faim.

Je sais que tu ne me parles jamais de tes problèmes et que tu essaies de me faire ressentir tout le bonheur dont tu es capable lorsque tu m'écris : mais Cassiopée, les nouvelles vont vite, même au front. Je sais que des épidémies terrassent le pays, que le manque de vivre coûte la vie à femmes et enfants, que la plupart des maisons ont été détruites. C'est pour toi que je m'inquiète, ma sœur. Je ne veux pas revenir de la guerre pour te voir partie à ton tour. Je ne le supporterais pas.

Te souviens-tu de ce jour d'août où nous regardions ensembles la mer dansé ? Une mouette avait volé dans le ciel et tes yeux n'avaient cessé d'observer l'étrange oiseau. Je t'avais demandé pourquoi et tu m'avais souri. Tu m'avais dit que ton plus grand rêve était d'être libre comme elle. De survoler comme bon te semble la terre. Tes joues avaient été rougies et je t'avais traité d'idiote. Les hommes ne peuvent pas se transformer en oiseau, je t'avais dit. Mais maintenant que je suis, entre la crasse et la violence, je regrette mes mots. Oh crois-moi, être cette mouette, cet être si pur et libre, est mon vœu le plus cher – et le plus irréalisable.

Je t'en prie, prends soin de toi, Cassiopée.

Attends-moi et je t'attendrai.

Je t'embrasse,

Ton frère,

Valentin

Trois jours plus tard exactement, Valentin avait perdu sa vie et Sirius s'était à nouveau assis dans sa baraque. Il avait laissé tomber sa tête entre ses mains, ignorant la tristesse. Il avait tenté d'imaginer la sœur du soldat tombé. Il l'imaginait de taille moyenne, avec des traits similaires à Valentin. Les mêmes yeux gris aux longs cils noirs, une bouche qui semblait constamment faire la moue, une peau laiteuse, des boucles noires cascadant le long de sa silhouette. Lentement, Sirius avait sorti des feuilles et le petit pot d'encre avec sa plume. A chaque minute de temps libre, il s'était entraîné à imiter l'écriture de Valentin.

Un matin, il avait envoyé une première lettre à Cassiopée.

Elle avait répondu quelques semaines plus tard, ses mots d'une tendresse incroyable.

Et Sirius lui avait écrit à nouveau. Encore et encore, jusqu'à ce que les mots de Valentin deviennent les siens et que les mots tendres de la jeune femme deviennent sa seule lumière dans un combat sordide et sans fin. Son seul remède contre la solitude dévorante qui écrasait sa vie en lambeau. Il s'était accroché au mot de la jeune femme inconnu nuit et jour jusqu'à ce qu'un beau jour, le général était arrivé, alors que le jeune homme était penché sur une nouvelle lettre.

« C'est fini, les gars. », avait-il grogné. Ils avaient tous relevé la tête, leurs yeux sans vie et leurs joues crasseuses et amaigries. « C'est fini. La guerre est terminée. »

Le monde avait semblé s'arrêter à cet instant. Pas un son, pas une seule explosion n'avait déchiré le silence, lorsque chaque soldat tentait de comprendre ce que les mots du général signifiaient. Personne n'avait la force de crier de bonheur, personne n'y croyait réellement. Mais des sourires étaient apparus sur quelques visages fatigués et les yeux avaient été illuminés faiblement d'une lumière de soulagement.

Quelques jours plus tard, les soldats pouvaient rentrer chez eux et Sirius s'était mis en marche comme tous les autres. Il avait été le seul à sentir son cœur se refroidir à l'idée de quitter les combats.

Quitter la guerre signifiait aussi quitter Cassiopée.

La jeune femme allait finalement apprendre la mort de son frère et il n'aurait plus droit un jour de plus à ses mots affectueux qui ne lui étaient en réalité pas destinés. Sirius retournerait chez lui, retrouvant son père froid et sa maison immaculée et pleine de richesses qui le dégoûtaient.

Sirius était arrivé en ville puis à la campagne paisible.

La lune brillait au-dessus de sa tête et il s'était rappelé du soir fatidique où Valentin s'était assis à côté de lui. Sirius avait souri tristement. Il portait les lettres de Cassiopée contre son cœur, les mots proprement tracés à l'encre par une jeune femme inconnue lui réchauffant l'âme, tétanisée d'affronter un quotidien qui avait été le sien mais qui ne l'était plus. Il avait fini par arriver chez lui, affrontant la large porte métallique en face de lui. Il avait hésité un instant, puis il avait toqué. Quelques instants à peine plus tard, le majordome avait ouvert. Une lueur de surprise avait traversé ses pupilles ennuyées.

« Monsieur. »

Ils étaient rentrés dans le large manoir et Sirius s'était senti minuscule et sale dans son uniforme tâché, ses chaussures crasseuses, avec sa barbe trop longue et ses cheveux mal peignés. Le majordome l'avait amené jusqu'au bureau de son père, ignorant la requête de Sirius lui demandant s'il pouvait se laver avant de voir son géniteur.

Le père de Sirius n'avait pas changé. Le duc était grands, fins, soigné, avec des yeux froids et des habits trop chers. Un sourire dédaigneux avait caressé ses lèvres, à peine visible sous sa moustache grisonnante.

« Mon fils : quel surprise de te revoir. »

Sirius avait serré les dents, retenant sa colère montante. Dans un geste ironique, il avait effectué une révérence.

« Mon père. Je suis tout aussi surpris que vous. N'aillant pas eut de vos nouvelles, j'avais bien peur que vous aviez vous aussi succombé à la maladie de Mère. »

« Paix à son âme. », avait grommelé le duc avant de regarder Sirius de bas en haut. « Je ne me souvenais pas de toi avec un visage aussi sale et des habits aussi mal entretenus. Ce n'est pas la tenue d'un duc, fils, et je suis étonné que tu aies le courage de venir me voir dans un état pareil. » L'homme avait levé un sourcil et un peu le menton, l'arrogance irradiant de sa posture. Sirius s'était forcé à inspirer le plus calmement possible, à rassembler le plus de dignité dont il était capable et à redresser son dos pour regarder son père droit dans les yeux.

« Je vous prie de m'excuser, Père. Pendant des années, je n'étais pas duc, j'étais soldat. Le front n'était pas un manoir et les tranchées n'avaient pas de salle d'eau. Afin de ne pas vous offenser un instant de plus, je vais, maintenant que vous savez que je suis de retour, me rendre dans mes appartements et me rendre plus présentable. »

Sans un mot de plus, il s'était retourné, prêt à sortir du bureau détestable. Son père l'avait retenu.

« Un instant, fils. Comme on m'avait informé de ton retour, j'ai tenu à organise un bal de bienvenue en ton honneur ce soir. Pour une fois dans ta vie, Sirius, je te demanderais donc de ressembler à un duc et de te comporter comme un duc. Pas d'escapades comme tu te les permettaient avant la guerre, pas d'alcool. Et ne commence pas à nouveau de bagarre comme un gamin de la rue. » Son père s'était lentement levé de sa chaise, croisant les bras derrière son dos. « J'espère que cette guerre aura servi à calmer ce tempérament détestable que tu possèdes. »

Un élan de rage avait fait trembler les mains de Sirius mais il n'avait rien dit. Avait calmement hoché la tête et était sorti du bureau. Le majordome l'avait attendu et ensemble, ils s'étaient rendus dans les appartements du jeune homme.

« Monsieur a besoin d'aide ? », avait demandé calmement le majordome. « Dois-je appeler un servant ? »

Sirius avait secoué la tête et était entré dans sa chambre en claquant la porte derrière lui. Il avait ensuite inspiré profondément, laissant retomber sa tête contre la porte en bois derrière lui, serrant les poings. Son père était l'être le plus détestable dont il avait connaissance et pour la première fois, il s'était demandé si cet homme était réellement son géniteur. Sirius avait juré intérieurement et s'était éloigné de la porte. Ses yeux étaient tombés sur les vases délicats et d'un accès de rage, il les avait balayés au sol. Sans un regard en arrière, il était allé dans la salle de bain, s'était lavé, rasé, habillé, empochant les lettres de Cassiopée. L'homme qui le regardait ensuite dans le miroir était un homme qu'il ne reconnaissait pas. Ce n'était plus le Sirius d'avant la guerre : il y avait les cicatrices, le regard trop dur, le corps un peu trop maigre. Ce n'était plus le soldat à l'apparence sauvage.

Devant lui, il avait vu un jeune homme aux yeux trop vieux pour son visage trop jeunes, aux habits trop élégants pour ses gestes trop brutes. Un sourire amer avait caressé ses lèvres et il avait passé une main presque désespéré dans ses cheveux bruns. Sirius avait l'impression de jouer le premier rôle dans une énorme face sur laquelle il n'avait aucune influence.

Il avait calmement attendu le soir, jusqu'à entendre les premiers invités arriver dans la cours. Ils étaient bruyants, ils parlaient trop. Sirius avait grogné et avait fini par sortir de sa chambre pour aller les accueillir. Un faux-sourire accroché sur son visage, il fit révérence après révérence, baisemain après baisemain, dit futilités après futilités, jusqu'à ce que la tête avait commencé à lui tourner et que le manoir avait était rempli de duc, duchesse, comte, comtesse, baron et baronne, tous vêtus d'or et de luxe. Sirius s'était ensuite réfugié dans un coin de la salle de bal, observant la scène de loin en essayant d'éviter les nobles venant vers lui.

C'était finalement son père qui l'avait rejoint. Vêtu d'or et de blanc, il avait eu un air réprobateur sur son visage aristocratique.

« Fils, je t'ai demandé de te comporter comme un duc : mais je vois que tu n'as pas l'air de m'avoir compris, caché dans un coin comme une débutante avant son premier bal. »

Sirius avait juré silencieusement tandis qu'il avait senti l'attention de plusieurs invités tomber sur lui.

« Je suis navré, Père. Je reviens de la guerre : je n'ai plus l'habitude des mondanités. » Il s'était empêché d'en dire plus – qu'il était fatigué, qu'il n'avait pas voulu d'un bal ridicule. Le visage de son père était devenu un masque de colère calme.

« Ce n'est pas une raison pour un comportement pareil. Tu me déçois, fils. » Sans un mot, le duc s'était retourné et s'était éloigné. Sirius avait entendu des rires de femmes raisonner derrière leur éventail et des murmures indiscrets fuser. La rage était remontée et sur un coup de tête, il s'était redressé. Si son père était déjà déçu, autant lui donner une bonne raison pour sa déception. Il s'était approché d'un servant et avait attrapé une flûte de champagne qu'il avait avalé d'un coup sec avant d'en boire trois autres. Un rire sombre lui avait échappé et il avait demandé aux musiciens de commencer à jouer.

La masse d'invités avait alors les regards fixaient sur lui. Sirius avait relevé son menton avant de faire une révérence ridiculement excessive.

« Mesdames, Messieurs ! Le bal est ouvert – y aurait-il une dame qui me ferait l'honneur de danser à mes côtés ? »

Quelques femmes avaient rougi et le jeune homme avait attendu quelques secondes. Finalement, une femme de son âge s'était approchée de lui. Belle, blonde et élégante, elle avait pris sa main tendue, sourire aux lèvres écarlates. Ils avaient commencé à danser et la masse avait suivi. Finalement, essoufflés, Sirius et la jeune femme dont il avait déjà oublié le prénom, le nom et le titre, s'était réfugiés à l'obscurité du jardin. Elle avait poussé un rire libéré et sans réfléchir, à l'ombre des saules et à la lumière de la lune, Sirius avait pressé ses lèvres sur les siennes. Un soupire surpris avait échappée à la jeune femme avant qu'elle ne lui réponde, enroulant ses doigts fins et délicats autour de sa nuque.

« C'est si excitant ! », avait-elle murmuré entre deux baisers, s'écartant ensuite un peu de lui. Elle l'observa avec des yeux dans lesquels nageait le désir. « Monsieur le Duc, quel manque de retenu. »

Sirius avait ri doucement, traçant le visage de la jeune femme de ses doigts abîmés par le combat. L'alcool lui avait fait un peu tourner la tête et il avait ignoré les pensées amer qui tournaient dans sa tête, avait essayé de ressentir du désir pour l'être tout de blanc et d'or devant lui. Il s'était penché en avant, ses doigts descendant le long de la gorge frêle de la femme.

Brusquement, il y avait eu un bruit derrière eux et leurs deux corps s'étaient figés. La jeune femme avait levé de grands yeux clairs vers lui, un tremblement d'excitation la parcourant.

« Bon dieu ! », avait-elle soufflé, « Si quelqu'un nous voit ainsi ! »

Sirius avait pâli. Il savait exactement ce qu'il arriverait si quelqu'un les voyait ainsi – la réputation de la jeune femme aurait été ruiné et la sienne autant qu'en lambeau qu'auparavant. Et si la malchance le poursuivait, il serait contraint d'épouser la femme en face de lui. Sans réfléchir, il s'était écarté d'elle d'un bond.

Le bruit d'était intensifié et Sirius s'était retourné vers sa source. Plus les bruits de pas s'approchait, moins ils sonnaient humains. Un frisson avait traversé son corps.

Tout d'un coup, une bête était sortie de derrière les arbres. La jeune femme avait hurlé, pâlissant brusquement. Elle avait chancelé et la bête avait grogné, s'approchant encore plus. Sirius s'était placé devant la jeune femme, se redressant de toute sa hauteur, les yeux fixés sur l'animal. La bête avait été énorme, monstrueuse, un étrange loup gigantesque aux crocs jaunes luisant et avec de grands yeux clairs.

« Ne t'approches pas. », avait grogné Sirius. La jeune femme s'était cramponnée à son bras, tremblante.

« Par tous les saints ! Je n'ai jamais vu une chose pareille ! », avait-elle murmuré. Sirius avait seulement hoché la tête. La bête s'était arrêtée un instant. Un calme tendu régnait entre elle et Sirius. Le jeune homme essayait de bouger le moins de plus, pour ne pas alarmer l'animal par des gestes brusques. Un tremblement avait parcouru le large corps de la bête et subitement, sans même que Sirius n'eut le temps de réagir, elle s'était ruée sur lui. La jeune femme derrière lui avait hurlé et fait un bond en arrière. Sans qu'il n'ait eut de même faire un pas de côté, la bête avait violemment planté ses canine puissantes dans sa nuque. Une douleur atroce traversa le corps du jeune homme qui s'était écroulé au sol dans un hurlement de souffrance, persuadé qu'il ne pouvait pas survivre une chose pareille.

La bête avait fini par le relâcher et le reste de son corps avait basculé sur l'herbe humide du grand jardin. L'animal avait rejeté sa tête en arrière après l'avoir regardé et avait poussé un long hurlement dirigé vers la lune, glaçant le sang de Sirius.

Elle avait ensuite simplement disparu en courant, se faufilant à travers les nombreux arbres et les ténèbres. Sirius était resté allongé au sol, son sang formant doucement une auréole autour de sa tête. Des servants, aillant entendu ses cris, avaient fini par accourir : et l'avaient trouvé avec la jeune femme, toujours inconsciente. Le cou de Sirius semblait être en sang, son corps en feu. Chaque membre semblait brûler de l'intérieur et sa nuque lui avait littéralement semblé être en flamme tandis qu'il avait brusquement été secoué par des spasmes et des sanglots torturés, son visage peint de boue, de sang et de larmes. On l'avait amené à l'intérieur : son père avait appelé un médecin. Sirius avait alors perdu conscience. Un bandage avait été enroulé autour de la morsure et le corps de Sirius avait été déshabillé et nettoyé.

Des jours durant, il fut incapable de bouger, la fièvre et la douleur l'empêchant de rester éveiller durant plus de quelques minutes.

Lorsque la fièvre avait fini par baisser et que son état semblait s'améliorer, Sirius sentait quelque chose en lui changer.

Il restait sur le dos, ses yeux fixant d'un air vide le plafond peint de sa chambre. Une présence était à l'arrière de sa tête, comme une voix violente et silencieuse. Des petits changements dans son être devenaient de plus en plus présents, de plus en plus étouffants.

L'envie de manger de la viande. L'image obsédante de sang frais. L'envie de se débarrasser d'habits trop encombrants. Le désir de courir en liberté. Le désir de chasser. Sirius avait été persuadé de devenir fou. D'avoir si longtemps été traité comme une bête qu'il avait l'impression d'en devenir une.

Une nuit, la pleine lune s'était levée au ciel et un tremblement de plus en plus fort avait secoué le corps du jeune homme. Le tremblement était devenu craquement et douleur : Sirius s'était retrouvé courbé sur le lit, incapable de comprendre ce qui lui arrivait, incapable d'arrêter la transformation monstrueuse de son corps fatigué. Ses hurlements terrifiés avaient faits trembler les murs.

« Pitié ! », avait-il crié, des larmes de détresse et d'horreur roulant sur ses joues, « Pitié ! »

Personne n'avait entendu ses implorations et Sirius avait fini par se retrouver dans un corps qui n'était pas le sien, guidé par des instincts qui n'étaient pas humains.

Le jeune homme avait fui.

Disparaissant dans la forêt, ses habits déchirés par la transformation pendant le long de son corps déformé, les lettres toujours dans sa poche, laissant derrière lui une vie qui n'était depuis bien trop longtemps plus la sienne.

Quelque part dans une ville, accoudée au balcon métallique d'une maison close, Cassiopée tressait ses longs cheveux et priait pour le retour de son frère en regardant les étoiles.

Bonjour, bonsoir les cocos!

Bienvenue dans cette réécriture un peu spéciale. Avant tout: lisez en écoutant la musique de Joep Beving. Ce pianiste est exceptionnel. La musique correspond exactement à l'atmosphère de l'histoire.

Préparez-vous à quelque chose de sombre et de triste mais tout ça emballé dans de la douceur et de l'amour.

Excusez aussi ce prologue encore un peu brouillon et trop court pour tout ce qu'il y arrive: seulement voilà, là, l'histoire ne fait que commencer - et pour ceux qui ne voient aucun lien avec Raiponce pour l'instant : c'est normal. Mais ça vient au prochain chapitre.

Des bisous ♥

Blondie


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