Chapitre 19 - partie 1
"Aha", rief sie höhnisch, "du willst die Frau Liebste holen, aber der schöne Vogel sitzt nicht mehr im Nest und singt nicht mehr, die Katze hat ihn geholt und wird dir auch noch die Augen auskratzen Für dich ist Rapunzel verloren, du wirst sie nie wieder erblicken!"
— Aha ! ricana-t-elle tu viens chercher ta bien-aimée, mais le bel oiseau n'est plus au nid et ne chante plus, le chat l'a emporté et il va de plus t'arracher les yeux. Raiponce est perdue pour toi, tu ne la reverras plus jamais ! – Les Frères Grimm, Raiponce
Sirius resta un moment au sol. Incapable de bouger. La respiration haletante, les paumes moites et tremblantes pressés contre ses yeux aveugles. Il devait partir, devait réagir. L'aveuglement n'était que temporaire, Madame Christophe avait dû mélanger des produits en tous genres pour obtenir une mixture qui brûlait un instant. Le jeune homme frotta ses yeux à nouveau. Sa respiration devint un peu plus erratique. Derrière ses paupières closes défilés d'autres images, d'autres moments, où il avait vu des hommes perdre leur vue de force. Des yeux transpercés, des cris de douleurs, des expressions de terreur. Sirius tenta désespérément de se calmer.
Impossible.
Ses genoux plantés au sol se mirent à trembler à leur tour. Il posa ses mains par terre et, se forçant à inspirer profondément, se poussa sur ses jambes. Le jeune homme chancela, le manque de vue déséquilibrant son corps en panique. Un grognement échappa à ses lèvres. Il ne savait pas dans quelle direction se diriger : s'il savait ce qu'il y avait à droite et à gauche de l'Innocent, il n'était pas certain où était sa droite et où était sa gauche. Sirius resta sans bouger un instant de plus avant de se forcer à avancer. Un petit pas après l'autre bras tendu, doigts tâtonnants. Il espérait ne pas croiser quelqu'un qu'il connaissait : espérer ne pas finir dans un mur, ne pas glisser sur une branche ou un caillou. Avec précaution, Sirius avançait un pied après l'autre en tâtonnant le pavé avant d'appuyer son pied à terre. Brusquement, la main du jeune homme toucha le mur d'une maison et un sentiment de soulagement fit accélérer son cœur.
S'il ne voulait pas croiser une de ses connaissances, des habitations et boutiques signifiaient cependant qu'il allait pouvoir demander de l'aide. Sirius suivit le mur de la maison jusqu'à ce que la sensation ne change et qu'il eut la certitude d'être devant une porte. Il n'y avait pas un son dans la rue et une odeur désagréable de saleté et d'urine flottait dans les airs. Sirius avait dû tourner dans une des rues les plus pauvres cernant la maison close. Il hésita un instant avant de se ressaisir et, sans réfléchir, toqua à la porte.
Pas de réponse.
Sirius inspira profondément et frappa encore une fois à la porte, son cœur palpitant à nouveau de nervosité. Un bruit de pas sourd résonna, lourd et lent suivit du bruit de cliquettement que faisaient les griffes d'un chien sur un sol en bois. Dans sa tête, le jeune homme tenta de préparer ses mots, ce qu'il allait dire et demander. Son cœur accéléra un peu plus, jusqu'à résonner violemment contre ses tempes. Il essuya ses mains moites contre son pantalon. Dans sa tête, pour la première fois depuis qu'il avait été avec Cassiopée, les mots étaient à nouveau mélangés, inatteignable sur le bout de sa langue. Des bribes de phrases s'étaient mises à danser les unes avec les autres, se mêlant aux grognements inlassables de la bête nerveuse. Le bruit des pas se rapprocha et brusquement la porte s'ouvrit.
Sirius ne savait même pas s'il avait devant lui une femme ou un homme, une personne adulte ou âgée. Il tenta désespérément de se servir de ses autres sens – aux odeurs de déchets et d'urine s'était seulement mêlé l'odeur lourde et désagréable de sueur et de poussière. Sirius déglutit. La personne devant lui tapa impatiemment ses doigts sur la porte ouverte, juste à côté de son oreille et le jeune homme manqua bondir en arrière de surprise.
« Oui ? », demanda une voix rauque et morne, définitivement masculine. Le chien jappa à ses pieds et Sirius ne put s'empêcher un mouvement de recul.
« Je... Je... J'ai besoin d'aide. », commença-t-il, la voix hésitante, la respiration saccadée. « J'ai... Je suis aveugle et j'ai besoin d'aide pour retrouver mon chemin. »
L'homme devant lui était silencieux. Les mains de Sirius devinrent moites à nouveau et il tenta fébrilement de savoir ce qui pouvait bien se passer devant lui – l'homme avait-il levé les yeux au ciel ? Faisait-il un signe à quelqu'un derrière lui ? Avait-il le sourire malicieux d'un homme prêt à profiter de la faiblesse d'un autre sur son visage ?
Depuis la guerre, Sirius n'avait pas ressenti une angoisse aussi intense.
Pendant les combats, au moins, malgré la peur, malgré l'horreur, il pouvait voir clairement et dans toute sa dimension cauchemardesque ce qu'il affrontait. Il savait si l'homme qui lui regardait droit dans les yeux aller lui tirer dessus ou lui tendre une main.
L'homme en face de lui pouvait lui tirer dessus sans même que Sirius n'ait senti un pistolet dans sa main. Ses jambes se mirent inconsciemment à trembler et il se força malgré tout à rassembler toute sa dignité pour se tenir droit et immobile, sûr de lui.
Le silence perdura quelques minutes de plus : l'homme sembla brusquement reculer d'un pas et ferma la porte au nez de Sirius. Le jeune homme resta immobile un instant, abasourdi. La panique préalable fit place à de la colère et il fut pris de l'envie d'enfoncer la porte et secouer l'homme qui avait refusé de l'aide à un homme aveugle. Chancelant un peu, Sirius recula d'un pas, juste assez pour se rendre compte que quelqu'un était derrière lui.
« Tiens, tiens, un aveugle donc ? », dit une voix grave remplie de malice.
« On va l'aider à trouver son chemin, n'est-ce pas ? », répondit une autre et avant même que Sirius n'ait le temps de réagir, deux pairs de main l'avait attrapé. Son corps fut violemment tiré en arrière. Il ouvrit la bouche mais sans qu'il ne puisse même émettre le moindre son, un des deux hommes lui donna un coup dans la tête. Sa tête se mit à tourner avec force. Poussant un grognement de douleur, il tenta faiblement de se défendre, donnant des coups à l'aveugle.
Un autre coup toucha sa tête qui bascula en arrière.
Sirius jura.
Lorsque le troisième coup le toucha, le jeune homme perdit connaissance.
***
Il ne savait pas où il était.
Il ne savait pas quelle heure il était, s'il faisait jour ou nuit.
La seule chose dont Sirius eut conscience en ouvrant les yeux, fut qu'il était allongé sur le sol, qu'il avait froid et avait l'impression que sa tête et son corps n'était qu'une énorme masse de douleur. Il tenta de bouger et un bruit de douleur échappa à ses lèvres. Il arrivait à peine à ouvrir ses yeux aveugles, enflés et brûlant.
Sirius en avait presque envie de pleurer.
Au bout de quelques minutes, le jeune homme parvint à se mettre à genoux au sol. Il tâtonna autour de lui. Il n'était plus sur les pavés de la route sur laquelle Madame Christophe l'avait jeté. Pendant un instant, Sirius eut l'horrible idée que les deux brutes qui l'avait assommé l'avaient enfermé quelque part, une cave ou un tunnel dont lui-même ne trouverait jamais la sortie et où personne ne le trouverait jamais.
Car personne ne le chercherait.
Sirius déglutit. Lorsqu'il sentit une légère brise dans ses cheveux, le battement de son cœur paniqué se calma. Il ne sentait pas de murs autour de lui et le sol, même s'il était dur, semblait terreux de sorte que Sirius eut la certitude d'être à l'extérieur. Il avança lentement à quatre pattes. Sa main toucha une surface lisse. Ses doigts suivirent la forme de la chose jusqu'à ce que le jeune homme se rende compte qu'il se trouvait devant des marches. Où était-il ? Il n'était certainement plus dans la ruelle sale et malodorante. Il inspira profondément pour calmer ses sentiments. Se remit encore une fois sur pied.
Sirius tenta de gravir la première marche mais, incapable de voir exactement où se trouvait les suivantes, il chancela et avant qu'il ne puisse se rattraper, trébucha en arrière et s'étala au sol.
« Merde ! », jura-t-il en grognant, sa passant une main en colère sur les yeux et essuyant la larme de rage qui en avait coulé sans qu'il ne puisse l'empêcher. Ravalant sa fierté, ignorant la douleur mordante de ses membres, le jeune homme se força à quatre pattes à nouveau et gravit les marches unes à unes, jusqu'à arriver au sommet. Tendant les mains, il s'aida du mur pour se lever avant de chercher la porte de ses doigts.
Cette dernière semblait immense, en bois massif et à double battant. Sirius fronça les sourcils. Mais où était-il bien arrivé et comment ? Ses doigts touchèrent un objet métallique accroché à la porte et, s'en saisissant, le jeune homme cogna contre l'entrée imposante. A peine quelques secondes plus tard, la porte s'ouvrit, manquant faire retomber Sirius.
« Bonjour-», commença-t-il avant d'être immédiatement interrompu par une respiration bruyante.
« Bon dieu, Monsieur le duc ! »
Sirius se figea.
Immédiatement, il reconnut la voix du majordome de la maison de son père.
Les odeurs et bruits autour de lui devinrent subitement plus clairs : l'odeur des fleurs du jardin, le bruissement de la brise dans les arbres, le hennissement lointain des chevaux – Sirius était retourné, sans le savoir, à la maison du duc. Il eut envie de perdre conscience à nouveau.
« Monsieur le duc, c'est incroyable ! Nous vous croyions mort, votre père était hors de lui ! Oh ciel, oh ciel ! Il faut immédiatement le prévenir – oh mais vous n'avez pas l'air bien Monsieur. Rentrez, nous allons immédiatement vous occuper de vous. Oh c'est tout simplement incroyable. »
Une main pris le bras de Sirius et le tira à l'intérieur. Il se laissa faire, ne réagissant pas lorsque le majordome appela d'autres servants, lorsqu'on le fit entrer dans une pièce aux odeurs suaves, lorsqu'on couvrit son corps d'une lourde veste. Sirius était figé. Les hommes qui l'avaient attaqué n'avait pas pu savoir qu'il habitait ici, ni qu'il était un duc : personne dans ce village le connaissait. Il ferma ses yeux un instant, se demandant ce qu'il était advenu aux deux hommes qui l'avait attaqué. Si la bête les avait attaqués en retour, il ne devait rester d'eux qu'un tas d'os.
Un bruit de pas résonna contre les murs et quelques instants plus tard, la voix du duc fit sursauter Sirius.
« Où étais-tu ? » Froid. Brutal. Sirius se redressa de toute sa hauteur. Il refusait de se laisser intimider par son père.
« Loin. », répondit-il sur le même ton que ce dernier, à nouveau l'aristocrate glaciale qu'il avait cherché à être un jour. Le duc se rapprocha.
« Regarde-moi ! », ordonna-t-il. Imperceptiblement, Sirius déglutit. Il savait qu'il ne pourrait pas regarder son père : il ne voyait pas où ce dernier se trouvait. Connaissant le duc, le jeune homme savait aussi pertinemment que ne pas regarder serait considéré de l'impertinence. Il baissa délibérément la tête.
Quelques instants plus tard, il sentit son père agripper ses cheveux et lui relever la tête avec force.
« Je t'ai dit de me regarder. », grogna-t-il. Sirius se força à inspirer profondément avant de lever ses yeux aveugles, espérant regarder au bon endroit. Le duc se figea. La main dans les cheveux de son fils devient moins violente et il sembla se racler la gorge.
« Qu'est-il arrivé à tes yeux ? », demanda-t-il et pour la première fois de sa vie, la voix de son père semblait surprise. Sirius serra les poings.
« Un accident. »
« Est-ce pour ça que ton visage est aussi enflé et bleu ? » La surprise avait à nouveau disparut du ton du duc, qui était redevenu glacial. « Je ne suis pas étonné. Tu as toujours été un bagarreur bon à rien. »
Sirius serra ses poings plus forts.
Il haïssait son père. Le haïssait plus que tout et aurait bien voulu mettre ses poings serrés dans son visage à lui, lui prouver à quel point il était réellement bagarreur. Mais le jeune homme refusait de donner raison à cet aristocrate au cœur de glace dont il portait les gênes en lui. Ses ongles s'enfoncèrent lentement dans la paume de main.
Son père lâcha subitement ses cheveux et Sirius tomba au sol, arrivant à peine à se rattraper et atterrissant à genoux. Le duc soupira et sembla réfléchir.
« Tu es dans un état misérable. Je ne sais pas où tu es allé te fourrer pendant tout ce temps mais tu ressembles encore moins à un aristocrate qu'auparavant. » Il soupira à nouveau, plus bruyamment encore. « Il va falloir remédier le plus rapidement possible à cela, du moins en apparence, en commençant par te marier. Un duc héros de guerre, les vieilles filles ne raffolent que de ça. En plus tu as de la chance, Sirius, j'ai invité une comtesse que tu connais bien demain soir. Ce sera l'occasion de discuter avec elle – son mari est mort avant la guerre et elle ne s'est jamais remariée. Malgré ton apparence, un peu de poudre et des nouveaux habits devraient te donner une apparence convenable. Tu sais ce que j'attends de toi et je refuse que tu me fasses honte. »
Le cœur de Sirius accéléra nerveusement. Sans se relever, il regarda droit à l'endroit où il était persuadé que se trouvé son père.
« Je refuse-»
« Tu n'as pas le choix. »
Sans attendre une réponse, le duc sortit à grand pas de la salle, laissant son fils agenouillé au sol. Un majordome rentra et aida Sirius à se redresser avec difficulté. Aucune trace de la honte que ressentait le jeune homme devant son incapacité à se relever tout seul n'était visible sur son visage stoïque.
« Monsieur, si vous voulez bien me suivre, je vais vous emmener dans vos appartements. »
Silencieusement, Sirius suivit le serviteur, tentant de mettre de l'ordre dans ses pensées et de calmer sa colère. Un mauvais pressentiment avait commencé à lui glacer le dos lorsqu'il avait entendu son père parler d'une comtesse qu'il connaissait bien. Certainement, il ne pouvait pas parler de la comtesse du village : il était impossible que son père ait entendu parler de sa liaison avec elle. Le jeune homme serra les dents. Qui qu'elle soit, il ne ferait aucun effort pour la courtiser. Ses pensées se tournèrent à nouveau vers Cassiopée et la colère refit place à la panique. Où était-elle ? Comment allait-elle ? L'idée qu'elle soit seule quelque part dans son état lui brisait le cœur. L'idée qu'elle puisse mourir lui retournait l'estomac et lui donnait envie de mourir à son tour.
Il entendit un bruit de porte et le majordome le fit entrer dans une chambre.
« Voilà Monsieur, nous y sommes. »
Sirius hocha la tête. Il y avait dans la chambre la même odeur qu'il y avait eu avant qu'il ne parte. Il entendit le majordome sortir silencieusement et tâtonna jusqu'à son lit. Il s'installa sur le matelas épais et se passa une main sur les yeux. Lorsque le majordome toqua à nouveau pour demander si le jeune homme avait besoin de quelque chose, Sirius répondit que non. Il avait seulement besoin d'être seul. Il se releva du lit et se guida le long des meubles jusqu'à son balcon. Il sortit. L'air sentait le lilas, quelque part un oiseau chantait. Le soleil devait encore illuminer le ciel car ses rayons caressèrent son visage amoché. Sirius leva son visage vers le ciel et ferma les yeux.
Il aurait aimé venir ici avec Cassiopée, dans d'autres conditions. S'il n'y avait pas eu son père, il l'aurait libéré et emmené ici directement. Malgré la froideur de son propriétaire, la demeure du duc était un chef d'œuvre architectural, un petit château de conte de fée dont la mère de Sirius avait choisi les fleurs cultivées tout autour. Les jardins aromatiques embaumés les airs, le petit moulin à eau et le ruisseau à l'arrière remplissait les airs de leur mélodie paisible. Une larme roula à nouveau sur la joue de Sirius. Il ne savait même pas où il pouvait commencer à chercher : ne savait même pas si la jeune femme était encore en vie.
Il avait promis à Valentin de prendre soin d'elle.
Il avait promis à Cassiopée qu'il la libérerait.
Il s'était à lui-même promis qu'il l'épouserait et réaliserait tous ces vœux que la vie ne lui avait même pas donné la chance de réaliser.
Une deuxième larme roula sur sa joue. Silencieusement, Sirius l'essuya. Il espéra que Cassiopée n'était pas loin où du moins qu'elle fut à l'extérieur, sous le même soleil que lui et que même très loin, même malade et le cœur brisé, il puisse partager quelque chose avec elle.
Sirius se laissa glisser au sol et ne bougea plus. Il resta assis sur son balcon tout l'après-midi : il refusa le repas que lui proposèrent les serviteurs. Il resta sur le balcon lorsque le soleil se coucha et il était encore là lorsque la lune s'éleva dans le ciel. Car ici, avec les étoiles, il avait la certitude que Cassiopée était là : car quelque part parmi les milliers d'étoiles, sa constellation illuminait la nuit.
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