Quand tu t'échappes
La déréalisation, ça peut te dévorer l'esprit alors que ton ventre a faim de l'autre. Alors même que tu l'embrasseras – petits baisers de plus en plus bas – tu perdras pied avec tes actions. Toujours plus bas, les bisous, et toi toujours plus loin de tes mains qui caressent une peau douce. Et puis finit par arriver le moment où tu es double : la personne qui mordille un cou et celle qui subit, spectatrice dans ses propres orbites. Une caresse sur ta jambe, c'est un signal que tu ignores, et quand l'instant d'après une langue chatouille ta gorge, tu réintègres ton corps. Et puis tu en ressors aussitôt alors que l'angoisse monte : que fais-tu ? Que fais-tu là ? Qu'arrive-t-il à ta vie ? Tu ne comprends plus rien.
Le lendemain, vient le doute. Voulais-tu faire tout ça ? Voulais-tu qu'on te fasse toutes ces caresses et ces baisers et ces morsures ? Tu ne peux soutenir la nudité de l'autre. Alors tu essaies de te remémorer ce que tu ressentais, et là, ça te frappe. Ce n'était pas toi. Ces souvenirs, ils viennent d'ailleurs. Toi, tu n'aurais jamais caressé ce corps. Et tu doutes encore plus fort, mais cette fois de ton existence. Tu as beau en être sûr, tu ne peux t'empêcher d'hésiter. Et ça te gâche tout. Tu ne sais plus si tu as voulu, tu ne sais plus si tes souvenirs sont les tiens, ou ceux d'un film, ou d'un livre, ou d'un fantasme, ou d'un rêve. Et là, alors qu'hier tu étais si heureuse, tu commences à te sentir mal. La déréalisation, ça te dépossède.
Jusqu'à ce qu'enfin, tu puisses te réapproprier ta vie, et que tu te remémores à quel point c'était bon. Le poids du doute et des erreurs s'efface et ne reste que le sublime. Et tu te sens bien.
*****
Et puis, plusieurs mois après, quand toutes les émotions se sont dissipées, quand tu y vois clair, tu te rends compte que tu as dû te forcer, que tu n'as pas su t'écouter, que tu es parti trop loin, même si tu voulais bien t'engager. Tu n'as pas su te respecter. Mais tu as appris.
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