Je trie mes archives, c'est comme
Décider du contenu de ma mémoire
« Je n'ai pas besoin de me rappeler de ça »
Ai-je dit en jetant mon sujet du bac d'anglais

Dans la poubelle pleine
Un tas de souvenirs qui disparaîtront
À tout jamais
Des bouts de ma vie
Perdus

Finalement, je suis matérialiste
Les objets ont une importance
Ils sont des morceaux, des extensions de
Moi
Des fragments de mémoire cristallisés
Des symboles, des phares pour chasser l'oubli
Les détruire, c'est me détruire un peu

Tous ces objets, une fois jetés
Ne reviendront jamais
Mes souvenirs de reviendront jamais
Je dois trier ma vie
Décider de ce qui a de l'importance
Décider de ce qui n'en a pas
Et c'est terrifiant
Angst

Et puis, dans mon bazar
J'ai des reliques
Quelques objets rattachés à aucun souvenir
Mais à un temps
Celui d'avant
D'avant la fissure béante

Une petite voiture
Deux livres
Un stabilo (que j'ai utilisé, oh la désacralisation !)

Pourquoi conserver ces trésors
Alors même que leur existence appelle la blessure ?
Ils sont un lien
Vers ces années dont je ne me souviens presque pas
Mais que je chérie

Divorce

Quelques mots griffonnés évoquent un moment où mes parents
S'aimaient
J'ai besoin de savoir que ce temps a existé
Mais ce souvenir rouvre la plaie
Que chaque fois je crois refermée
J'aimerais me rappeler
Mais il n'y a que l'abysse
Et le présent brisé

Et pourtant
« Je n'ai pas besoin de me rappeler de ça »
Ce qui compte, c'est l'émotion
J'aurais aimé tout brûler
Un grand feu de passé trop insignifiant ou trop lourd
Pour continuer à exister