Chapitre 47 : Requiert tout ton courage
" Je crois que je vais vomir, articule Riley en plaçant sa main devant sa bouche, alors que ces yeux se voilent de larmes.
- Évite, je n'ai vraiment pas envie de devoir payer le nettoyage du cuir du taxi."
Une longue inspiration, une longue expiration. Une après l'autre, tout naturellement. Mes narines s'écartent et se rétractent au fur et à mesure que nous avançons dans le trafic d'une matinée bondée. Nous redescendons du nord de l'île de Manhattan et traverser Midtown a pris un temps fou. Ce retard conséquent ne rend l'ambiance sur la banquette arrière que plus délétère qu'elle ne l'était en partant. Je n'ai quasiment pas dormi de la nuit et malgré le maquillage, je sens un poids invisible s'écraser sur mes épaules. Pourtant il est encore tôt ce matin et le temps est magnifique, ce premier septembre s'annonce radieux pour la plupart des new-yorkais.
Mon téléphone vibre doucement et j'y lis un SMS sur l'écran. Il s'agit d'un message de Luke et je déglutis difficilement avant de secouer la tête de gauche à droite. Ce n'est pas le moment d'avoir des états d'âme, ni aujourd'hui, ni demain.
« Beaucoup de rapaces sur les marches, faites attention à vous. RDV dans le hall. Entrez sans vous attarder.»
Cette information ne me réjouit pas la moindre seconde. Le but d'être parti si tôt était d'éviter toute esclandre. J'hésite à en informer ma passagère qui semble sombrer de plus en plus dans l'angoisse. Non, ce n'est pas une bonne idée, ne lui rajoutons pas une couche en plus. La seule bonne nouvelle semble être que les journalistes sont occupés par Caleb et que cela peut les distraire pendant de longues minutes. Nous ne sommes plus qu'à quelques rues de notre destination et plus nous avançons, plus j'ai l'impression qu'elle s'asphyxie.
À ma droite, je jette un coup d'œil à la star de la journée. Elle aussi a une mine à faire peur. De vilaines poches sous ses yeux sont vaguement cachées par de l'anti-cernes qui marque déjà ses petites ridules. Sur ses ongles qui dansent au rythme de la radio, il y a un vernis rose pâle qui commence à s'écailler aux extrémités. Je décèle qu'elle s'est rongée un ongle ou deux avant de me rejoindre dans la voiture. Enfin, ses cheveux sont lissés sur le devant parfaitement mais l'arrière moins. Ses yeux naviguent sans discontinuer tout autour d'elle, sans être impressionnée. En même temps, elle a vécu dans cette ville quelque temps, il n'y a plus rien d'étonnant. Ce regard ressemble plus à de la nostalgie d'une époque où se cacher devait paraître plus simple je suppose. Ce n'est pas moi qui lui fera la leçon, je suis dans un état similaire au sien, sauf que je n'ai pas à parler devant toute une assemblée en craignant pour ma vie aujourd'hui. J'attrape sa main la plus proche de la sienne puis essaie d'esquisser un sourire qui sonne faux:
" Tout va bien se passer. Tu peux me croire. Et puis qu'est-ce qui pourrait bien tourner de travers ?"
Feignant d'être confiante, je tourne mon regard vers Riley qui me dévisage en silence. Je préfère ne pas lui faire remarquer qu'effectivement, tout ne pourrait pas se dérouler de A à Z mais parfois, il est bon de dire un petit mensonge ou deux. C'est pour la bonne cause.
" Pourquoi j'ai cette impression tenace dans le fond de mon ventre qui me dit tout l'inverse alors ? Son front se plisse alors qu'elle glisse sa tête dans le fond de sa main libre.
- C'est le stress qui parle. Je prends une grande inspiration, essayant de lui donner du courage. Quoiqu'il advienne aujourd'hui, ton calvaire va prendre fin. Tu vas dire ta vérité et on va l'entendre, personne ne pourra te faire taire... Enfin, si on te demande de raccourcir ton discours parce qu'il dure trois heures, là peut-être, il faudra s'arrêter..."
La jeune femme qui se tient à côté de moi se déride un instant à ma remarque. J'aimerais vraiment avoir le pouvoir de lui retirer cette masse sombre qui s'est logée dans le creux de son ventre, d'apaiser ses peurs en un claquement de doigts. Le taxi jaune s'arrête encore brusquement qui nous fait toutes les deux sursauter et je grogne dans ma barbe. Si nous avions pris le métro, nous aurions mis moins de temps et moins attiré l'attention. Nous serions arrivées plus tôt, il y aurait eu moins de monde sur les marches du tribunal, la transition aurait été plus simple pour Riley.
Il reste plus qu'un tournant et nous y sommes. Cordell fuit mon regard et examine comment se présage le monde extérieur.
" Je crois bien que le monde va s'effondrer sur moi ou que je vais faire un malaise, fait-elle, pâle comme un linge. Peut-être même les deux !
- Ne dis pas ça ! Je remonte ma poigne sur son épaule et la secoue légèrement. On va bientôt monter les marches, il va y avoir un peu de monde.
- Je te jure Elie que ça ne va pas le faire du tout ! On va me griller tout de suite et je ne suis pas prête pour ça. Imagine je tombe comme une pierre sur les marches ? On peut oublier la discrétion..."
Je garde le silence, incertaine de ce que je peux bien lui répondre. Il faudrait un moyen de la faire disparaître dans le paysage... Depuis ma place, les rues s'agitent sans discontinuer et les passants avancent soit tête haute, soit le nez rivé sur leurs téléphones. Ils marchent rapidement, de manière affirmée et malgré tout, personne ne les regarde vraiment. Ils traversent la ville comme des fantômes. Putain, j'ai une idée !
" Tu sais quoi ? Et si nous étions des fantômes ?
- La perspective de redevenir un fantôme ne me ravie pas particulièrement justement Elie, rejete-elle en croisant les bras.
- Effectivement, mauvais choix de mots. Je me mords la joue, réfléchissant à toute allure. Laisse-moi t'exposer mon plan de manière moins morbide... Lorsqu'on sortira de ce taxi, imagine toi que tu es... Sur un red carpet mais que ton but est d'éviter tous les flashs ! En voilà une bonne idée tiens. Couvrir ton visage risque attirer l'attention, mais par contre prétendre que nous sommes deux employées du tribunal, des greffières amies ou je-sais-quoi, qui n'ont rien à voir avec les Barnes, cela serait le meilleur moyen de ne pas se faire remarquer. Qui s'intéresserait à des personnes lambdas quand on attend le scoop du siècle ? Surtout si on est en train d'interviewer quelqu'un de très médiatisé pour détourner l'attention. Ce serait comme devenir invisible.
- Ce quelqu'un ne pourrait être que Caleb, je suppose."
J'esquisse un sourire en coin en dégainant mon téléphone. Je compose le numéro de Luke sans attendre.
" Peut-être que l'on peut faire plus fort que juste Caleb justement ? Qu'est-ce que tu penses d'une petite réunion fraternelle ? Devant la Terre entière ?"
Riley comprend alors où je veux en venir et son visage s'éclaire tandis qu'elle se penche vers moi, intéressée:
" Depuis quand es-tu amie avec Meghan Barnes ?
- Oh, depuis hier je suppose. J'ai nettoyé ses lentilles si on peut dire ça comme ça, Riley lève un sourcil, interloquée. Il est peut-être temps d'officialiser le tandem pour frapper un grand coup...
- C'en est presque diabolique.
- Ça tombe bien, c'est mon deuxième prénom ! Le téléphone répond enfin. Oui, Luke, passe moi Caleb s'il n'est pas loin, je dois lui demander une faveur. Ah et si Meghan est là aussi, dis lui que ça la concerne."
Quelques courts appels et de longues minutes d'attente, le plan en place, notre voiture arrive au coin de la rue.
" Tu te sens prête ?
- Pas du tout mais c'est pas faute de m'être préparée."
Elle lâche un petit rire qui me réchauffe le cœur, tandis que je paie le chauffeur. Nous positionnons nos doigts sur nos poignées respectives mais je l'arrête d'un geste:
" Attends Riley! Je pose ma main sur son bras pour l'arrêter dans son geste. Je voulais juste te dire un truc, requiert tout ton courage, tu rentres dans l'œil de la tornade. Mais tu n'es plus seule, ne l'oublie pas. Jamais."
———
" Putain Liv', elle est partie où, demandé-je, à cran ? Elle est à la barre dans moins de dix minutes !
- Parce que tu crois que j'ai plus d'éléments que toi peut-être ? Son visage est fermé, d'une fureur sourde.
- Parce que c'est vrai que ce n'est pas ta meilleure amie d'enfance, non ?"
Olivia pousse un grognement agacé puis traverse le couloir, tout droit vers les toilettes des femmes.
" Il n'y a qu'une solution et si ce n'est pas la bonne, on est dans un sacré merdier, fait-elle en poussant la lourde porte. Riley ? Tu es là ?"
On entend un silence assourdissant puis un reniflement distinctif. Puis le bruit d'un rouleau de papier toilette qui s'étire.
" Riley, sors de là, c'est bientôt à toi de passer à la barre, dis-je, sans détour, les bras croisés. Qu'est-ce que je t'ai dit tout à l'heure avant de sortir de la voiture ?"
Autre reniflement.
" Tu sais quoi Elie, je l'emmerde le courage, j'aurais dû rester chez moi et attendre que cela se passe. Sa voix est pleine de trémolos. Ou alors j'aurais pu faire un témoignage enregistré qui serait passé à la cour et je ne serais même pas venue ! Pourquoi personne ne m'a proposé ça ?
- Parce que te faire venir est la solution la plus percutante pour le jury, avance Olivia avec une voix anormalement douce avant que je ne puisse en placer une. Et puis, de quel chez-toi tu parles ? Sa voix ronfle soudainement d'une colère que je ne lui connais pas. Celui que JE loue comme une location de vacances sous un faux nom ? Non mais franchement Riley, il est temps que tu reprennes ce que l'on a retiré de force, déclare Olivia. Tu crois que ça m'amuse peut-être de devoir jouer au chat et à la souris pour pas que tu te prennes une balle ? Sors de ces chiottes, merde enfin ! Agis comme une adulte !"
Le silence qui remplace le bruit tonitruant de la voix d'Olivia n'en est que plus assourdissant. Je n'ai jamais vu Liv' aussi énervée, aussi à bout qu'à cet instant précis. La première partie de la journée s'est mal passée. Le camp de l'accusé s'est montré particulièrement convaincant et ses témoins aussi ce qui n'a fait plongé notre équipe que dans une morosité épaisse. Le point d'orgue étant Riley qui s'exfiltre toute seule de la salle sans prévenir personne.
L'air s'est alourdi autour de nous tandis que nous entendons le grincement de la porte. Riley fait un pas hors de la cabine, fuyant nos regards. Elle se fixe dans le miroir en s'accrochant à la céramique de la vasque. Son visage est pâle, presque maladif alors que ses yeux sont rougis. Olivia amorce un pas vers elle mais je la retiens. Cordell renifle bruyamment.
" Vous savez ce que j'aurais aimé dire à Liam la dernière fois que je l'ai vu ? Ne sortons pas ce soir. Reste chez moi encore un peu. Elle ferme les yeux, ailleurs. Blottis l'un contre l'autre dans le studio, on aurait passé la soirée immergé dans un univers à part. Il n'y aurait pas eu de famille, pas eu de travail, de questions à se poser, juste nous et une émission pourrie du câble. On aurait mangé les restes des nouilles sautées de la veille en se tâchant avec la sauce. J'aurais eu la nausée, il m'aurait dit que j'avais mangé trop vite et que je ne devais m'en prendre qu'à moi-même. J'aurais répliqué par une blague salace. Il aurait ri... Elle ouvre les yeux, son rictus disparaissant. Il aurait ri si fort que même s'il avait plu des météorites, je ne les aurais même pas entendues. Car avec lui, le monde semblait disparaître et il ne restait que nous deux, le câble et les quatre murs décrépis de ma chambre. Elle prend une grande inspiration en se dévisageant dans le miroir. J'aimerais lui avoir dit que la vie ne consiste pas uniquement à réfléchir à son prochain point de chute, que fuir n'est pas la meilleure solution et qu'importe ce qu'il fuyait, cela l'aurait rattrapé. Que les non-dits sont plus puissants que les phrases mises bout à bout. Que je regrette tant de ne pas avoir réussi à me mettre dans ses chaussures quand il m'expliquait pourquoi il voulait faire disparaître ce qu'il avait toujours connu. Qu'aujourd'hui, j'ai l'impression d'avoir moi aussi couru à tous poumons pour éviter la confrontation. Que je suis terrifiée de me retrouver face à l'homme à l'origine de tous mes maux, de toutes mes peines. Que j'aimerais encore sentir la pulsation de son cœur battre au firmament dans mes bras plutôt que de voir mes souvenirs se tâcher de carmin à chaque fois que je ferme les paupières. Elle soupire en écrasant une larme salée de sa joue. Mais surtout que même si je retiens tout le bon, comme tout le mal, l'avoir aimé a été la meilleure chose qui puisse m'arriver. Jamais au monde, je ne voudrais oublier ça."
Doucement, je laisse Olivia me dépasser et enlacer tendrement son amie qui s'agrippe à elle comme si sa vie en dépendait. Un frisson me parcourt l'échine. Dans un murmure presque inaudible, je l'entends ajouter, entre deux sanglots:
" J'aurais juste aimé que ça dure plus longtemps... Toute la vie peut-être..."
Tour à tour, l'émotion qui habite Riley se transmet et je me retrouve à retenir mes larmes. Je ne peux imaginer perdre l'amour de ma vie, que l'on me l'arrache sans ciller. Le temps est trop précieux pour le perdre.
" Il va falloir y aller les filles, fais-je en consultant mon téléphone, il est temps de rendre justice."
Olivia et Riley nettoient les traces de mascara de leurs visages puis cette dernière, contre toute attente, prend l'initiative et sort en première. La tête haute, elle revêt un visage qui pourrait faire oublier sa tristesse. Elle n'est pas là pour perdre son temps.
Voilà une gladiatrice qui rentre dans l'arène. Ni plus ni moins.
———
La cour est silencieuse face à la silhouette frêle de Riley. Je ne peux m'empêcher de les regarder, non plus avec mépris, mais avec tristesse. La même tristesse que mon amie porte en elle, et seule depuis des années. C'est un sentiment bien étrange. Pas que je sois forcément encline à ces tourments. Après tout, je n'ai jamais rien vécu d'horrible. À part la mort d'un chien ou d'un poisson peut-être. Beaucoup de moment seule face à l'univers pendant un temps surement. Mais paradoxalement j'ai toujours imaginé la tristesse avec beaucoup de précision. Comme une musique mélancolique qui flotte au-dessous de nous lorsque rien ne va plus. Quelque chose qui est toujours là, et qui, comme la colère, attend le moindre moment de faiblesse pour surgir. J'ai juste vu ces ravages quelques fois sur le visages de connaissances, ou de Allen certains soirs. Celle de Riley est bien réelle, mais comme usée par le temps. Comme une plaie mal soignée qui, même après des années, reste toujours douloureuse. Au plus profond de moi-même j'espère que tout le monde ici voit comme moi. J'espère que le chagrin de Riley Cordell sera capable de faire ressortir les sentiments de chacun d'entre eux. Même celui de cette ordure de Barnes, où qu'elle se soit cachée.
L'avocat de Caleb tourne dans l'oratoire comme un lion en cage cherchant ses mots. Pour la première fois, depuis le début de ce qui est pour nous une résolution suprême, je peux remarquer son désarroi face aux yeux brillants de la personne qui s'avance avec lenteur à la barre. C'est à se demander ce que l'aura de Riley fait ressortir comme démon auprès du vieil homme jadis si confiant. Notre amie a juré sur les textes sacrés avant de prendre place sur le siège à côté de la tribune du juge. J'observe la partie adverse tendue comme un arc, attendant presque sa chute inéluctable.
" Mademoiselle Cordell, puis-je vous demander en préambule de toutes choses, quelles étaient la nature de vos relations avec Liam Barnes, fils de Andrew Barnes?
- J'étais sa compagne, souffle calmement Riley en se serrant les mains.
- Vous attestez donc avoir entretenu une relation amoureuse auprès du fils aîné Barnes pendant un temps ?
- Cinq mois pour être précise, elle acquiesce.
- Et Liam vous avait-il informé de son rang, ou de ces contraintes familiales, si je puis m'exprimer ainsi ?
- Non, il n'en avait pas fait mention. Liam a toujours été très secret sur sa vie d'avant. Je ne m'en suis pas inquiété à l'époque en supposant un passif compliqué. J'espérais qu'il m'en parlerait le jour où il serait prêt.
- Vous l'aimiez ? "
Le silence perdure dans la salle, alors que les yeux de Riley s'emplissent de larmes. Ces derniers sont fixés dans le vide, observant peut-être un fantôme parmi nous. Celui de Liam c'est certain.
" Je l'aime, oui."
Monsieur Moore hoche la tête en s'éclaircissant la gorge puis s'avance un peu plus vers le parloir :
" Mademoiselle Cordell, attestez vous avoir vu le meurtre de votre compagnon, Liam Barnes, le 4 juillet 2015 ?
- Je l'atteste, dit-elle en reniflant malgré elle. Sans faire attention, une larme coule sur sa joue, mais elle l'efface rapidement comme refusant de pleurer. Et elle a raison. La partie adverse ne l'a pas encore interrogée."
- Et pouvez vous nous décrire avec le plus de précision possible, le soir du présumé meurtre ?
- Nous avions prévu d'aller à la fête de Phoebe Michaels. Il était environ vingt-deux heures ; j'étais en retard ; et j'ai longé une rue bordée, elle était bordée d'un parc et de petits pavillons. Je me rappelle qu'entre ces maisons, il y avait une petite ouverture par laquelle je pouvais me faufiler pour aller plus vite. En arrivant au niveau de notre point de rendez-vous habituel, je me rappelle avoir entendu plusieurs voix masculines que je ne connaissais pas.
- Cela aurait pu être des jeunes venus eux aussi se détendre, argumente maître Moore.
- C'est ce que j'ai pensé aussi, malgré le fait qu'en cinq mois de rendez-vous nous n'avions jamais vu personnes aux alentours. C'est pour cela que je me suis tout de même approché... Mais il ne s'agissait pas de jeunes. Liam était entouré de plusieurs hommes qui me faisaient dos. Dès qu'il m'a vu, j'ai compris qu'il me suppliait silencieusement de fuir, elle renifle, comme si la scène se rejouait devant ces yeux, je ne sais pas pourquoi je suis restée inerte. Le plus vieux, hurlait sur lui comme un diable. Liam est sorti de mon champ de vision un moment. Il hurlait des insultes, en disant que Liam était la honte de la famille, et qu'il lui avait fait perdre des millions. Je... Je ne me rappelle pas précisément ces dires madame la juge je suis désolée.
- Prenez votre temps mademoiselle Cordell, dit la juge. Mais j'aurais besoin de dires plus concrets. Il s'agit du mobile de ce présumé meurtre, comprenez vous bien l'enjeu de vos allégations ?
- Il ne s'arrêtait pas de crier, et j'étais toujours incapable de bouger... Liam avait découvert que son père détournait des fonds, et avant de partir il avait versé tous les bénéfices de ces placements dans des dons d'aides. C'est vrai qu'il m'avait toujours sous entendu avoir fait un mauvais coup à ses parents pour mériter d'être seul comme il l'était.
- Et qu'avez-vous fait, demande l'avocat de Caleb ?
- J'ai voulu appeler la police, je ne savais pas qui appeler d'autres, elle bafouille, mais lorsque j'ai détaché le regard de Liam un coup de feu a détonné. Je... Elle expire difficilement, je n'ai pas pu me retenir de crier. Les hommes de mains de ce que j'avais compris être le père de Liam se sont approchés vers moi menaçants, après cela j'ai couru sans plus m'arrêter pendant ce qui m'a semblé être des heures.
- Et vous allez nous faire croire que vous avez réussi à semer des hommes de mains à vous toute seule ? Lance l'avocat de Andrew en cherchant la faille à son témoignage.
- Loin de là, j'ai vite été rattrapé par l'un d'entre eux. Je voyais encore au moins les autres s'activer autour du corps de mon Liam. Son regard était noir mais il ne m'a pas attaqué, non, il m'a demandé mon prénom, je lui ai menti. Et après cela il m'a dit de fuir le plus loin possible d'ici, parce que le patron n'arrêtait jamais de me chercher tant qu'il n'aurait pas mon cadavre sous les yeux. Le silence tombe puis au bout d'un moment Riley reprend au bout d'un moment : cette nuit là je suis rentré chez moi, paniquée en me nettoyant rapidement les jambes de la terre du bois dans lequel j'avais fini. Le soir même je faisais ma valise, et vers midi un car pour le Kent m'attendait. Ce n'est que plus tard que j'ai découvert que c'était Andrew Barnes qui m'avait menacé, par une photo de lui en première page d'un magazine. Je ne connaissais pas le nom de famille de Liam à l'époque et puis ça n'avait pas vraiment d'importance. Un homme influent... Je n'ai pas arrêté de fuir depuis. "
De ma place, je vois la juge hocher la tête avec gravité alors que des murmures d'élèves des rang des jurés choisis pour aider à rendre le verdict. L'information est lâchée. Je me tourne inconsciemment pour croiser le regard de Luke, qui hausse les épaules pour revenir vers le spectacle incohérent en face de nous. Chacun réagit différemment. Partagé.
" Je n'ai pas d'autres questions pour l'instant, déclare monsieur Moore."
Maître Moore s'éloigne de la barre, le visage étrangement fermé.
" Il laisse le champ libre pour pouvoir protéger Riley si Phelps va trop loin je crois, me déclare mon coéquipier à l'oreille le plus bas possible.
- Mais ... Il a le droit de faire ça ?
- Je suis journaliste, pas avocat Cobb, marmonne Luke.
- C'est vrai que pour être avocat il faut avoir de la classe, je réplique malgré moi toujours à demi-mot."
Luke me toise avant de pousser un soupir et revenir à l'action principale. J'en fais de même.
Phelps d'ailleurs, s'avance à son tour face à la grande assemblée où tout se joue en ce moment même. Son regard est aussi incertain que Moore l'était au début de son interrogatoire ; la partie adverse prépare son contre-interrogatoire. Peut-être lui aussi doute-il de la vérité ; ou peut-être finalement que cela n'a pas d'importance. A contrario du métier de journalistes, les avocats n'ont pas besoin de se préoccuper de la vérité ; leur travail est de sauver leurs clients quoi qu'il puisse se passer. Le droit n'est pas la justice, et la loi n'est pas juste. Pourtant la loi c'est la loi.
" Mademoiselle Cordell, Pourquoi après 2 ans, vous ressentez ce besoin si soudain de nous faire part de votre histoire ? Demande Phelps désabusé.
- J'ai vu Olivia dans les journaux auprès de Caleb Barnes. Ce dernier avait été une de mes anciennes aventures lors d'une soirée. Je n'avais pas eu de nouvelles de ma meilleure amie depuis ce soir de juillet 2015. Alors sans savoir pourquoi j'ai pris le risque de la contacter... Riley regarde son amie avec un sourire triste : j'aurai dû savoir qu'elle lisait en moi comme dans un livre ouvert. Et que la vérité finirait par être révélée.
- Mademoiselle Cordell, comment avez-vous rencontré Liam Barnes ? Continue l'avocat. J'entends dans quelles circonstances précises avez vous fait la rencontre de Liam
- C'était devant une pizzeria en mai 2014. J'avais toujours eu le talent pour flirter à droite et à gauche, alors quand un garçon mignon que vous ne connaissez pas se présente dans votre quartier, le jeu est forcément intéressant.
- Vous décrivez cela comme une aventure sans conséquences, affirme Phelps.
- Parce que je ne vais pas vous mentir, initialement c'était le cas. Je ne lui avait même pas donné mon vrai prénom. Mais Liam a retourné le jeu contre moi avec une habileté presque dérisoire.
- Précisez.
- Il a joué le jeu, patient, et attendu que je me révèle jusqu'à attaquer à son tour. Je suis tombée amoureuse de lui, doucement, comme lorsqu'on tombe dans le sommeil. D'un amour vrai, et extrêmement sincère. À défaut d'être visible, mais j'étais trop pudique vis à vis de mes sentiments pour les exposer donc cela m'allait très bien.
- Personne n'était au courant ? Quelle coïncidence !
- J'ai parlé à Olivia Lawford de ce garçon la veille de mon départ en lui disant que cette fois-ci était différente... Elle articule en s'avançant un peu plus dans son siège : je n'ai jamais eu le talent de révéler aux autres mes sentiments. Avec une enfance comme la mienne monsieur, on apprend à préserver ces faiblesses des autres, même de ces amis.
- Vous osez affirmer ne pas savoir qui était votre compagnon, ni même sa place dans la société ? Phelps ricane, et d'un coup d'un seul mon cœur se serre en croyant que tout est perdu. Il faut soit être complètement aveugle, soit inconsciente ! Oh bon sang... On a perdu ça y est ...
- Toute la société a pourtant été assez aveugle pour croire que Andrew Barnes dans toutes ces manipulations, dont le meurtre de son propre fils. Je ne crois pas avoir été plus aveugle que n'importe qui d'autre ici, rétorque finalement Riley en observant la foule avec un regard furieux."
Je suis suspendue à ses lèvres. Son regard n'est plus triste. Non, la musique mélancolique qui pesait au-dessus d'elle est animée cette fois par la haine et le besoin viscéral de vérité. Tout cela fut si soudain. Je ne pense même pas que Moore aura à intervenir après cela. Riley n'a soudainement plus peur.
Et je vois pour la première fois apparaître l'espoir de la liberté à travers son regard. La liberté de vivre enfin sa vie.
-+-
Note des autrices:
La fin de la duologie des boissons chaudes arrive bientôt à son terme et nous souhaitons vous remercier pour être toujours là depuis au plus loin 2016. Il nous reste deux chapitres et un épilogue à vous partager afin de clore cette histoire ! C'est fou pour nous de voir la fin se profiler aussi rapidement ! Bref, en espérant que le dénouement vous plaira, nous nous reverrons très rapidement pour la suite ;).
Fanny & Clara
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