Chapitre 30 : Et puis tout explosa

Mes pas piétinent rapidement la moquette du couloir de l'hôtel tandis que Luke tente d'insérer la carte magnétique dans la poignée de ma chambre. Nous nous dévorons les lèvres, le menton, le cou, complètement déchaînés contre la porte. Il met un temps fou à rentrer la carte ce qui a le don de m'exaspérer. Je le pousse en arrière, prenant la clef de ses mains. Il est essoufflé, ses cheveux tombent en mèches désordonnés sur son front, ses joues rougies par l'excitation grandissante.

   " Quelle difficulté de faire entrer la clef dans la serrure ! Je m'exclame en ouvrant la porte, victorieuse. J'ose espérer que tu n'as pas ce genre de compétences piteuses en sport de chambre.

   - Tu risques d'être surprise... Il me pousse dans la chambre, refermant la porte derrière lui d'un coup de pied après avoir accroché le petit "ne pas déranger".

   - Montre-moi, que je puisse donner un avis judicieux..."

On abandonne nos chaussures respectives pour finir l'un contre l'autre face au lit. La tension n'est plus pressée, nous avons mutuellement ralenti nos mouvement de manière à en apprécier chaque gestes. S'en est presque douloureux tellement c'est lent. Nos bassins se collent, alors que les mains brûlantes de Luke passent sous le tissus de mon tee-shirt. J'en frissonne déjà de plaisir. Mais ne le voyant rien faire de plus que m'embrasser pendant quelques secondes, je finis par prendre les devants en tirant son haut et le mien. Sa peau est enfin contre la mienne.

Je laisse glisser le bout de mes ongles le long de ses côtes, caressant les sillons creux entre ses os. Il n'a rien d'un Apollon grec comme dans les films, il n'a pas d'abdominaux ciselés dans du marbre mais il respire une confiance qui me rend complètement folle. Je lui attrape les épaules et le fait tourner sur lui même pour le pousser délicatement sur le matelas. Ses lèvres voyagent le long de mon corps dans une lenteur lancinante. Nos deux corps sont brûlants de désir et de plaisir, la chair de poule le recouvrant lors qu'il atteint le haut de mes cuisses.

La sueur froide due à l'excitation commence à descendre le long de mes reins. Nos souffles sont en cœur, nous sommes en accord parfait, jouant la même partition sans aucune erreur. Chaque mouvement de bassin, chaque caresse, chaque baiser, tout semble s'imbriquer sans efforts. Il s'adapte à mon rythme et je m'adapte à une vitesse impressionnante au sien. Luke pousse le vice de la lenteur en me basculant à sa place, m'aidait à retirer mon jeans puis le sien en douceur. Je pourrais me jeter sur chacune parcelle de sa peau lorsqu'il vient s'installer juste au dessus de mes hanches.
Nous sommes désormais bien loin du monde réel.

———

Le lendemain, dans la matinée

Un bruit de sonnerie de téléphone vient perturber mon sommeil réparateur. J'entends la petite mélodie débile menacer la tranquillité de ma nuit et cela me mettrait de mauvaise humeur si je n'avais pas passé une nuit et une soirée aussi riches en émotion. La nuit fut courte. Extrêmement courte. Et ce fut merveilleux. Au-delà de toutes mes attentes. Surprenant et agréable. Après quelques séances de plaisir intense, nous avons passé un bout de la nuit à parler de tout et de rien, riant aux expériences de l'un et l'autre et racontant des bouts de vies plus ou moins intéressants chacun. Le sexe a eu le son de nous délier la langue, autant de manière littérale que figurée.

J'ouvre un œil en regardant le mur. La couette blanche couvre doucement mon corps et le son du téléphone est en boucle. Normalement, mon téléphone est sur ma table de chevet mais dans le feu de l'action d'hier, il ne s'y trouve pas, à mon grand malheur. Je tourne ma tête vers Monsieur qui dort profondément sur le ventre, ses bras enlaçant son oreiller. Il doit avoir un sommeil lourd. Je dois me résoudre à me lever pour trouver la source du son et l'éteindre pour retourner à mon sommeil bien mérité. Je m'assois au bord du matelas en frottant mon visage pour me réveiller. Mon crâne est sur le point d'exploser lorsque je pose un premier pas au sol. Je manque d'avoir un vertige en commençant à marcher dans la chambre qui jouit d'une vague pénombre, le rideau étant presque fermé. Un peignoir traîne sur une chaise que j'enfile à la hâte sur ma peau nue.

Je retrouve rapidement mon téléphone qui gît au sol, étant à moitié sorti de mon sac besace qui traîne dans l'entrée de la chambre. Mes yeux voient trouble et je n'arrive pas à voir clairement qui m'appelle. Pour ne pas déranger Luke, je me rends dans la salle de bain que je ferme derrière moi puis décroche alors que je m'assois sur la cuvette des toilettes, complètement à morphe.

   " Élie Cobb à l'appareil, j'écoute ? Ma voix est rocailleuse comme si j'avais hurlé toute la nuit.

   - Putain Élie, ça fait des heures que j'essaie de t'avoir au téléphone ! Mes yeux s'écarquillent lorsque je reconnais la voix d'Allen qui semble profondément irrité. Je commençais à m'inquiéter !

   - Arrête de crier Allen, la migraine qui commence à pointer le bout de son nez s'amplifie brusquement, j'ai vraiment mal au crâne et t'entendre gueuler n'aide pas... "

Je tiens à garder un ton calme même si je suis complètement terrifiée. J'ai l'impression d'Allen est capable de sentir que je l'ai trompé depuis l'autre bout des États-Unis. Il est capable de reconnaître les symptômes d'une nuit de débauche chez moi en un clin d'œil. Le mal de crâne, le réveil en décalé, la voix rauque entre autres. Un long silence s'installe entre nous.

   " Élie, j'ai un mauvais pressentiment.

   - Lequel ? demandé-je, espérant sauver les meubles.

   - Ne me prend pas pour un abruti, je te connais depuis des années et les rares fois où tu as des migraines sont quand tu vas être en début de cycle et l'autre quand nous avons passé une nuit sportive ensemble. Il pousse un profond soupir qui me glace le sang. Tu les as eu la semaine dernière donc il ne reste plus que la seconde option Élie. Je déglutis. Est-ce que tu m'a trompée ? La tension me transperce à travers le combiné. Et surtout ne viens pas me raconter des mensonges !"

Le ton de sa voix ajoutée à la pression exercée me fait sortir hors de mes gongs en une fraction de seconde. Décidément j'en viens à penser que même s'il essayait de me parler d'une broutille je réagirais de la même manière. Je sais qu'il a raison mais je ne suis pas d'humeur pour engager une bataille au téléphone, à l'autre bout du pays. Après tant de temps avec lui, même si une petite partie de moi pête un plomb, j'aimerais quand même avoir l'occasion de terminer les choses correctement avec lui. Je ne veux pas avoir cette conversation sans le voir.

   " Arrête ton cinéma Allen, tu ne t'ai pas imaginé que je puisse avoir la migraine par rapport à autre chose comme un excès de climatisation ou autre ? Non, parce que tu cherches toujours à trouver les pires raisons qui font que je puisse m'éloigner de toi ! Je n'arrive même pas à croire que tu en sois arrivé là, ça me dépasse ! J'en ai ras le bol, sans déconner, d'être en permanence pointer du doigt. Remets-toi en question déjà, et ensuite arrête de te faire des films à chaque fois que quelque chose ne te va pas !"

Ma voix se brise tandis que l'émotion s'échappe de mon corps. Je retiens un hoquet et écrase une larme sur mes joues. Je suis en train de lui mentir délibérément en lui faisant porter la faute. Je me sens soudainement sale, non pas de ce que j'ai fais, mais de la manière dont je m'échappe de mes responsabilitées pour quelques jours encore. À l'autre bout du combiné, Allen n'est pas capable de voir le visage de la culpabilité qui est peint sur moi. Et c'est tant mieux. Il ne prend plus la parole, pensif. Je reprends, me calmant:

   " Allen, je... Je renifle bruyamment. Je crois qu'il faut qu'on ait une discussion lorsque je rentrerais à la maison. On ne peut pas rester dans cette situation, à toujours se faire des reproches constamment... Je ne peux plus supporter et je pense que toi aussi.

   - Je suis du même avis Élie. Nous avons un problème. Il semble se résoudre à la possibilité que la prochaine fois que l'on se verra, ce sera la fin. On en reparlera en tête à tête. Essaie de soigner ce mal de crâne... Je... Il semble hésitant. Je t'aime, bye..."

Je suis incapable de lui répondre un je t'aime que je ne ressens pas. Il raccroche lorsqu'il comprend que je ne peux pas dire un mot.

Assise, je prends conscience que j'ai été à deux doigts de me faire larguer. Lorsque je regarde l'écran de mon portable m'indiquer le nom de la conversation s'éteindre lentement, comme la flamme de notre relation. À l'intérieur, je suis divisée. D'un côté, j'ai envie de vomir car je sais que j'ai fais quelque chose de mal mais d'un autre, je n'ai jamais été aussi soulagée d'avoir enfin mis des mots sur notre relation en bout de piste. Je me laisse glisser bruyamment le long du mur lorsque je tente de me relever, la tête cachée dans mes genoux. Mes jambes tressaillent sans discontinuer et des longues larmes coulent. Je ne pensais pas que je pourrais être aussi affectée alors que j'envisageais déjà cette issue depuis quelques temps. Un hoquet me compresse la gorge tandis que j'attrape un morceau du rouleau de papier toilettes pour m'éponger les joues. J'entends des bruits de pas dans la chambre et un bruit contre la porte:

   " Élie, tout va bien ? J'ai entendu du bruit, je peux rentrer ? Luke paraît réellement inquiet et cela me broie le cœur."

Un hoquet me rattrape avant que je ne puisse lui dire quelque chose. Il entre dans la salle de bain, les sourcils froncés. Luke me dévisage alors que je suis dans un piteux état. Il ferme la porte puis s'installe à mes côtés, prenant au vol la boîte de mouchoirs qui traîne à côté du lavabo.

   " Qu'est-ce qui se passe ?"

Je prends mon téléphone dans la main pour le lui indiquer en le secouant. Il comprend sans que je n'ai à lui dire un mot.

   " Oh, je... D'accord... Il baisse la tête en regardant dans le vide, pressant la main doucement dans la sienne, ce qui me provoque un choc électrique. Il fallait que cela arrive un jour malheureusement... Comment a-t-il appris ?

   - Il n'a rien appris du tout. Je lui ai menti en lui faisant porter la chapeau. Je renifle bruyamment en tirant un mouchoir. Sans vaciller. Je suis terrifiée, comment je vais gérer la situation là-bas ? Qu'est-ce que vont dire mes parents, les amis que j'ai en commun avec Allen ? Je me sens vraiment au fond du gouffre... Je me mouche, lâchant la main de mon compagnon de fortune. On n'aurait jamais dû faire ça hier, plus rien ne sera comme avant... Je ne vais plus jamais pouvoir me regarder en face."

Nous restons silencieux, tous les deux le regard dans le vide. Là encore, je peux sentir l'attraction inévitable de nos deux corps assis par terre. Je tourne la tête vers Luke qui, de profil, a fermé les yeux, la tête relevée vers le plafond. Il pousse un soupir.

   " Je n'ai aucun regret Élie, je te promets qu'il y aura aucune ambiguïté, lorsque nous sommes au travail, nous sommes au travail, rien de plus. Si ton futur ex a un peu de jugeote, il ne dira à personne que je suis celui qui a brisé son couple quand il l'apprendra. S'il l'apprend un jour... Il sera sans aucun doute blessé mais je suis sûr qu'il t'aimera encore un peu pour ne vouloir que ton bonheur. Son ton est ferme même si je sens qu'il essaie de se convaincre autant qu'il ne le fait pour moi. Quand à cette nuit... C'était une parenthèse plus qu'agréable, que je n'hésiterais pas à renouveler si j'en avais la chance. Il me regarde d'un œil puis esquisse un sourire. Tu es libre de faire ce que tu veux maintenant Élie, tu n'as plus à te poser de questions morales... Et le seul conseil que je peux te donner, même en vue de ma situation, c'est de vivre pour toi. Ton bonheur est le plus important, tout le reste, les autres, la famille, ce n'est qu'un détail. Si ce sont des gens sincères, ils comprendront.  "

Il tapote doucement ma cuisse à peine recouverte par mon peignoir. Ses doigts sont gelés et je frissonne à son contact. Sa poitrine se soulève doucement et je pose ma tête sur son épaule, épuisée physiquement et moralement. Luke paraît surpris de mon geste de prime abord puis je le sens s'apaiser et poser sa tête sur la mienne. Une minuscule larme coule tandis que je lui pose la question qui me serre le coeur depuis que j'ai raccroché :

   " Et qu'est-ce qu'on fait maintenant ?

   - Si c'est ce que tu veux, New York sera notre parenthèse, faisons en sorte que nous en gardons de bons souvenirs avant de revenir à la réalité..."

Je retire ma tête de son épaule alors qu'il se tourne vers moi. Ses mains froides encadrent mon visage brûlant et il dépose un baiser charnel sur la commissure de mes lèvres. Je le lui rends, le coeur pris entre ce que je pense espérer et ce que je suis sûre de ne plus vouloir. De nombreuses questions nous heurtent, c'est comme une promesse impossible. Je ne veux plus vivre cet emprisonnement douloureux une nouvelle fois, ses accusations à répétition... C'est soudain trop. Mais les douces promesses silencieuses de Luke, ses baisers et le souvenir de cette nuit l'un contre l'autre, ne semblent pas pour autant laisser place à ce que je pensais vouloir.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top