Chapitre 17 : Petite histoire de famille
Quand j'étais petite, ma sœur et moi formions une équipe. Une équipe épique ayant pour seul et unique but de faire un maximum de bêtises possibles. Une équipe formidable bien que peut-être un peu malsaine. Allison était le cerveau, elle formulait les coups dans ma chambre, me montrait les ustensiles et autres objets utiles pour mettre le bazar un peu près partout où nous allions puis m'expliquait par étape comment nous allions procéder.
Premièrement, il fallait réussir à distraire les parents, ça s'était relativement simple, pour permettre à l'autre de créer l'embrouille. Généralement, c'était elle qui s'en chargeait, elle était et est toujours très forte pour ça.
Deuxièmement, il fallait que la seconde, lorsqu'elle avait fini l'installation, vienne les rejoindre. La surprise était souvent d'ordre matériel mais rien de très dangereux.
Troisièmement, il fallait laisser le temps faire son œuvre. Ma sœur disparaissait à un moment propice et revenait, barbouillée par exemple, simulant une expression pitoyable et triste. C'est là que le plan était à son point culminant et que nos parents se rendaient compte du désastre.
Et enfin, quatrièmement, je me retrouvais accusé, comme étant arrivée la dernière, et je portais le chapeau parce que je n'étais qu'un pion finalement. J'appliquais sans réfléchir, sans me rendre compte de ce que je faisais. Alli en sortait très très généralement blanche comme neige et à chaque fois je me suis dite la même chose:
" Je me suis faite encore avoir."
Allison est une très bonne manipulatrice bien qu'ayant toujours ressenti des remords envers moi, très douée pour feindre et vous menez exactement là où elle veut que vous alliez. Mais malgré tout, elle me prodiguait des conseils pour affronter le monde et se faire une place, ça et les glaces pour se faire pardonner aussi. Comme je crois vous en avoir parlé précédemment, j'ai une immense admiration pour cette femme ainsi que pour tout ce qu'elle représente. Elle est ce genre d'élément moteur qui permet de faire un peu ce qu'elle veut. Ou dans mon cas permettre de tromper mon interlocuteur.
Je le jure, j'ai bien essayé d'appliquer les règles, me répéter que cela ne pouvait que me protéger mais comment tenir sa langue quand l'homme qui me fait face devrait être celui à qui je confie tous -non, pas tous à y réfléchir- mes secrets. Je dois réussir à être le cerveau car il n'est plus question de bêtises dans un salon ou dans une cuisine, il est question de la pérennité d'un article, une femme que je ne connais ni d'Adam ni d'Ève.
Cependant, Luke, et ce qu'il représente, agit plus comme un parasite. Je ne cesse de ressentir ces lèvres sur les miennes et malgré l'importance de notre conversation sous ce parapluie, sur ce ponton, je ne peux m'empêcher de vouloir y goûter une seconde fois. Jusqu'à ce que le visage de Allen resurgisse pour la millième fois de nulle part, et que la culpabilité m'accable encore plus. Je m'aperçois enfin du paysage autour de moi, les gouttes de pluies créent des milliers de cercles autour de nous, troublant peu à peu notre reflet sur l'eau. Je sens les planches grincer sous mon poids alors que je change de jambe d'appui une nouvelle fois.
Malgré tout, quelque chose me traverse l'esprit. Des picotements me parcourent et Luke me dévisage agité, je dois être restée muette un long moment pour qu'il réagisse ainsi. Ce temps sur ce ponton semble s'étirer à l'infini, c'est à la fois agréable et gênant.
" Luke, est-ce que tu as un frère ? Demandé-je au bout d'un moment, le surprenant au passage.
- Pas que je sache non. Juste ma demie-sœur. Fait-il, contrarié. Quel est le rapport avec ce dont on parle ?
- Cela vient, attends. Les rouages de mon cerveau se lancent et je me retrouve à associer mon passif avec celui de Liam. S'il te plaît, mets toi à la place du fils Barnes, le présumé mort. Luke arque un sourcil et j'amorce une sortie du ponton. Imaginons que tu te retrouves à la place de l'aîné et que tu sois en charge naturellement de la succession à une immense entreprise, que l'on est entraîné pendant des années pour être compétitif mais qu'au moment venu, tu trouves quelque chose de bizarre, voir d'inquiétant.
- Comme un énorme trou financier ? Sa main fait un geste fugace avant de repartir dans sa poche.
- Exactement, que ferais-tu en premier lieu ?
- Eh bien, je chercherais pour découvrir ce que cela cache. Il réfléchit, se passant les doigts sur le menton. Puis j'en parlerais à une personne de confiance et avec de l'expérience. Comme mon père par exemple.
- En effet, en découvrant tout, tu te trouves à devoir faire face à une situation qui te dépasse, tu cherches alors quelqu'un auquel t'appuyer, qui puisse t'aider hors cette personne n'est pas vraiment d'accord avec ce que tu penses et feras tout pour t'arrêter.
- Oui, je vois et donc ?
- Pour illustrer la situation, je te demande de bien écouter. Nous sommes dans un scénario de braquage. Disons que le père est le cerveau et que Liam soit l'exécutant, il hausse un sourcil. Le père l'entraîne, le forme et le formate à une certaine façon de penser, pour que Liam soit le meilleur et prospère. Je me rapproche de Luke qui essaie de comprendre, ce dernier sursaute en me découvrant aussi près de lui mais ne fait aucun commentaire. Il lui présente toutes les clefs, sauf une. Il le prépare pour le moment final et tandis que son fils s'affaire pour faire rouler la machine, il fait ses magouilles dans son coin.
- Jusque-là je te suis, déclare-t-il absorbé tandis que je m'écarte brutalement, ne supportant plus cette... cette proximité.
- Super. Je souris en poursuivant, perturbée par des flashs de notre moment si intime qui me débranchent quelques courts instants. Lorsque je regarde ses lèvres, par inadvertance évidemment, j'ai encore le goût de l'alcool qui le teintait hier. Bordel mais qu'est-ce que je fous ! Bref, en considérant que Monsieur Barnes l'avait préparé mais que la malencontreuse découverte a fait déraper le plan, tu penses qu'il n'aurait pas pu essayer de le remettre en place pour ne pas tout foirer. Pour ne pas se retrouver en prison par exemple.
- Évidemment, c'est bien la dernière chose qu'il souhaiterait, se faire prendre la main dans le sac. Grimace Luke, en frottant le menton, perplexe. Qui souhaiterait ça ?
- C'est à toi de répondre à cette question, tout ça pour dire que le père aurait bien pu écarter son fils de l'équation pour être sûr de s'en sortir les mains propres. Nous nous retrouvons à marcher ensemble sous le parapluie dans les allées du parc, presque main dans la main, très attentifs. En affirmant que Liam est disparu, pas nécessairement mort, là est toute la nuance, il pouvait dire que son enfant avait un comportement déviant depuis quelques temps et que tout ce qu'il affirmait n'était que des délires.
- Il retourne le monde contre Liam pour effacer les soupçons et donc s'en sortir sans encombres ? Il l'aurait trompé ? C'est ça ce que tu veux me dire ?"
Je m'arrête et me tourne, le plus sérieusement du monde:
" En un résumé bref ? Oui.
- Et c'était si difficile que ça de juste balancer deux phrases simples à comprendre ? Fait-il, ennuyer. Et puis ça ne me dit pas non plus quel est le rapport avec la question sur mon inexistant frère.
- Ça retirait l'effet dramatique voyons ! Lancé-je, à moitié amusée. Pour la question, je repensais aux bêtises organisées que ma sœur et moi faisions lorsque nous n'étions encore que des enfants mignonnes mais pas très innocentes. Je souris avant de reprendre la marche. Luke me talonne, soudain intéressé.
- Attends, laisse moi deviner, tu étais le sous-fifre ?
- Je n'irais pas jusque là mais ma sœur est vraiment très forte si tu veux tout savoir. Je soupire, un sourire nostalgique sur le visage. Un jour, j'ai réussi à faire l'inverse, c'est Alli qui s'est faite punir, elle n'avait pas pensé aux éléments extérieurs.
- C'est-à-dire ?
- Les petits voisins étaient plutôt bavards lorsque je le soudoyais avec des bonbons. Finis-je, ne pouvant réprimer un clin d'œil, qui le rend visiblement perplexe. Ils racontaient tout ce qu'ils voyaient tant que c'était à ma faveur. Ma sœur ne m'en a jamais voulu, c'était de bonne guerre entre nous.
- À qui le dis-tu, j'étais enfant ce genre voisin. Esquisse-t-il, tandis que nous suivons le chemin entourant l'immense Great Lawn, je reste surprise de sa taille que je pensais plus petite. C'est peut-être pour ça que raconter des histoires et les poser sur papier contre de l'argent est devenu mon métier.
- Tu n'as jamais voulu faire autre chose ? Demandé-je.
- Quand tu es enfant, tu as envie de tout faire mais sans contrainte. J'aurais pu être policier ou pompier mais je ne suis pas un excellent athlète courageux, j'aurais pu être médecin mais mes connaissances se limitent au Paracétamol et aux comprimés prescrits par mon docteur, j'aurais pu faire ce que je voulais mais finalement le journalisme s'est imposé dans ma vie au lycée, il cesse de parler un instant avant de me questionner poliment, et toi ?
- J'ai toujours cru que, dans une vie antérieure, j'étais une grande exploratrice mais dommage, je ne suis pas très rassurée de me retrouver dans la jungle, perdue avec des insectes mortels dans les environs. J'ai encore tellement de choses à raconter ! Je lève les bras ce qui retire le parapluie de nos têtes. Luke attrape le bras en fer et le tire vers nous, le faisant rapprocher de moi, une nouvelle fois, inévitablement. Mal à l'aise de nouveau, je lance une petit phrase dans le vent. Enfin, tu vois ce que je veux dire.
- Je crois oui, il faut pondre le meilleur article qui puisse vraiment révéler ce qui doit être la vérité. S'excite-il en avançant. Je crois qu'il n'a pas vu mon malaise, tant mieux pour moi. C'est pour ça que nous sommes là à New York City de toute façon non ? "
Oui, oui, c'est ça. Portland n'est pas trop mal non plus question info d'après ce qu'on m'a dit...
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