Chapitre 16 : Oublier et faire comme si de rien n'était
Je n'aurais jamais cru retrouver mon chemin alors que j'avais assez bu pour faire cette connerie. Mais oui, j'ai réussi cet exploit merveilleux - bon, avec l'aide d'une femme qui m'a ramassée misérablement, mais oublions cette partie-.
En arrivant, j'ai retrouvé Marlène les jambes repliées contre son corps fin, une tasse siglée Tahoe Lake posée sur sa peau et son plaid. Au vu de son air fatigué, j'en ai déduit qu'elle faisait probablement une insomnie et, vu son visage, le même que le mien lors de ce genre d'incidents, ce n'était clairement pas la première, mais une de ces nombreuses que l'on enchaîne sans s'en rendre compte. Sur l'instant, je crois avoir ressentie de la peine pour elle, mais je n'en suis plus sûre, le lit et l'alcool ont fait un ravage dans mes souvenirs.
Sortie de sa léthargie, elle m'a regardée, le temps de reprendre conscience de ma personne puis s'est relevée pour voir si quelqu'un me suivait. Je pense avoir vu une pointe de déception lorsqu'elle a comprit que j'étais seule.
" Luke n'est pas rentré ?"
Luke, son visage, a surgi en face de moi, la sensation, je ne me souviens de ses lèvres sur les miennes, j'ai bien tenté d'effacer à la hâte cette image et ai essayé de me reconnecter à la réalité. En vain, peut-être est-ce l'alcool? J'espère bien.
" Apparemment non. Ai-je décliné, prenant la direction des escaliers. Il n'était pas prêt à rentrer... J'ai fermé les yeux pour l'effacer de toutes mes forces, mais c'était inutile. La camomille fait des miracles pour moi dans ce genre de situation. Bonne nuit.
- Bon... Elle s'est installée dans le fond de son canapé puis a rapproché sa tasse chaude de son visage. Je vais l'attendre dans ce cas là... Bonne nuit Élie."
À partir de ce moment-là, j'ai un peu oublié comment j'ai fais pour atterrir dans le lit sans me cogner un orteil ou me prendre la commode dans la hanche. C'est peut-être ça le miracle de la soirée.
———
Les bruits de la ville ne m'ont pas empêchés de dormir, loin de là ! Lorsque j'ouvre les yeux, je tombe sur la projection au plafond de l'horloge ce qui me surprend. En plissant les yeux je comprends qu'il est 11.27 am et que je suis encore au lit, courbaturée et ayant extrêmement chaud. Mes efforts sur-humains m'ont permis de me hisser assise ce qui m'a valu un souffle saccadé. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai l'impression que mon cœur va exploser dans ma poitrine.
En redescendant la tête vers mon corps, je découvre que je suis encore à moitié habillée comme hier soir. De cette soirée, il ne me reste plus que le haut et les sous-vêtements, ma jupe ayant été délaissée dans un coin de la pièce pour ne porter qu'un espèce de short que je n'ai jamais vu. Du bout du doigt, je le caresse, intriguée. Définitivement, je n'ai jamais rien mis de tel dans ma valise.
En posant pied à terre, je pousse un petit cri pour me débloquer le dos tandis que je me lève difficilement, un mal de crâne en bonus. Je ne me souvenais pas qu'une petite cuite pouvait avoir ces effets là, merde, c'est ça de vieillir? Pauvre de moi.
Les premiers pas sont vacillants mais j'arrive à rejoindre le palier, les yeux à moitié clos, enfilant rapidement un pantalon avec mon téléphone dans la poche, qui s'allume doucement. Alors que je passe le pas de la porte, je perçois la silhouette d'une personne qui se cogne à moi, me faisant pousser un cri de surprise. Mon premier réflexe est de les plisser, essayant de discerner qui cela peut bien être. Le second est bien moins silencieux.
" Putain mais fais attention ! Je pose ma main sur mon épaule.
- Je n'ai rien fait, tu n'avais qu'à vérifier avant de sortir, c'est comme en voiture ! S'égosille Luke qui semble être bien revenu. Tu peux te pousser s'il te plaît ? Il pose sa main sur mon épaule et pousse assez fort pour me décaler. On dirait ma sœur et moi. Tu bloques le passage."
Soudainement tout me revient en mémoire, tout est revenu comme dans un film. Un horrible film, tout n'est que flashs aussi troubles que précis. Je me rappelle de l'état de légèreté dans lequel j'étais- Stop revient sur terre deux minutes !
Je grogne en croisant les bras tandis qu'il descend les marches à la vitesse de l'éclair. Ma colère est doucement mêlée à celui de la gêne. Il doit avoir oublié, ou alors c'est sa façon de se calmer et de ne pas y penser. J'espère secrètement qu'il s'agit de la seconde... Mais qu'est-ce que je raconte ! Je soupire et étire ma nuque, il faut que je passe à autre chose.
Dans la cuisine, Marlène est installée sur un tabouret de bar et pianote sur son ordinateur. Luke attrape un espèce de sandwich précieusement emballé et, le visage fermé, il l'enfonce sans faire attention dans son sac en bandoulière avant de baisser ses lunettes sur son nez. Lorsqu'il me dépasse, je l'arrête du bras.
" Luke, on peut parler ?
- Ah et parler de quoi ? Fait-il, mesquin. Non pour l'instant je n'ai pas envie d'en parler, la seule chose que je retiens c'est que tu m'as lâché presque bourré en pleine nuit dans New York, et pour aller je ne sais pas où ! Alors je crois que je n'ai rien à te dire à part que l'on se retrouve dans deux heures à Central Park. Salut. Il reprend sa route avant de se retourner et de retirer sa paire, pour que je puisse bien suivre son regard."
J'ouvre la bouche pour lui répondre, prête à déverser tout mon venin quand il rabaisse ses lunettes de soleil et claque la porte. Il ne manque pas d'air celui-là ! Je pose mes mains sur mes hanches en foudroyant la porte du regard, comme si je pouvais la réduire en cendre puis ferme les yeux en baissant la tête. On n'est qu'au début d'une longue collaboration et ça part déjà en live.
La vibration de mon téléphone dans ma poche arrière m'interpelle, je sors l'engin pour y découvrir plusieurs messages de Allen. 5 appels en absence ? Je replace le téléphone en soupirant, je ne suis pas encore prête à lui faire face. Je le vois déjà s'énerver lorsque je lui dirais. Voire pire.
Mais... Mais pourquoi je devrais lui en parler ? Cela ne voulait rien dire, c'était une erreur et ça n'arrivera plus. Et même si je lui disais, cela déclencherait une guerre. Mais en mon for intérieur, une petite voix me dit que la vérité éclate toujours.
Soudain, j'entends le bruit d'aspiration d'une boisson avec un paille et tourne la tête vers le bruit, l'air mauvais. Marlène a sa main sur son gobelet de jus et sa paille dans la bouche. Elle a les yeux ronds, l'air gêné d'avoir assistée à cette scène mais reste immobile.
" Ça va le voyeurisme ? Ça ne dérange pas ? Dis-je en colère.
- Du Luke tout craché, quoi qu'il n'a jamais fait ce genre d'esclandre à la fac... Désolé."
Elle bascule sur son écran après avoir indiqué mon déjeuner puis oublie ma présence. Résignée, j'attrape le sandwich et retourne dans ma chambre. Arrivée devant ma valise, je constate une chose. Je ne sais pas comment aller à Central Park et encore moins à quel endroit précis il faut que je me rende. Il aurait pu laisser un mémo quand même.
———
Plus tard, au Delacorte Theater, Central Park
Cela fait dix minutes que je tourne en rond et j'ai échoué à côté d'un théâtre en plein air. J'ai l'air fine avec mon petit parapluie, toute seule, mon sac replié sur ma poitrine. Il n'aurait pas pu choisir un meilleur endroit comme, je ne sais pas moi, un café par exemple ?
Venir ici n'était pas vraiment ma première idée mais Marlène m'a assurée que c'était ici qu'il me rejoindrait. C'est ce qu'il fait toujours, depuis qu'il est arrivé dans cette ville. Elle a fait un clin d'œil et m'a gentiment indiquée le parapluie avant de sortir. Et d'ailleurs, elle a ajouté ceci:
" Ah et cette fois-ci, évite de l'oublier quelque part ! A-t-elle dit, amusée."
J'ai grimacé puis j'ai marché le long du trottoir, essayant d'appeler un taxi comme j'ai pu le voir à la télé. Et bien, sachez que cela fonctionne pour les autres, mais pas pour moi. Je dois attirer des mauvaises ondes, cela ne peut être que ça de toute façon ! Bref, j'ai marché jusqu'à trouver un arrêt de métro puis, aussi incroyable que cela puisse paraître, et grâce à un plan, j'ai réussi à atterrir ici sans grande encombre. C'est une victoire.
Debout, je fais les cent pas, patientant qu'il débarque.
" Mais qu'est-ce que tu fous Cobb ? J'entends la voix essoufflée de Luke qui, protéger de son sac, fend son chemin pour me rejoindre. Je ne t'attendais pas ici !
- Si tu avais précisé notre lieu de rendez-vous au lieu de partir sans demander ton reste, peut-être que l'on n'en serait pas là ! Crisé-je.
- J'étais en retard pour un rendez-vous okay ? Je n'allais pas rester trois plombes à te faire la conversation et, au pire, tu m'envoies un message dans ce cas là ! Tu sais, c'est à ça que ça sert un téléphone.
- Oh Hoffman, ne me prend pas pour une abrutie ! Je m'éloigne, essayant de le faire partir de la protection de mon parapluie. Et puis c'est Marlène, TON amie qui m'a indiquée cet endroit donc tu la remercieras toi-même.
- N'écoute pas ce qu'elle te raconte, c'est une sorcière quand elle veut. Il plisse les yeux en regardant la structure du théâtre. Une vraie sorcière. Partons d'ici, je ne supporte pas cet endroit."
Par respect, je n'ajoute rien et le suis, il connaît mieux l'endroit que moi. Cependant, j'ai remarqué que lorsqu'il a regardé la bâtisse, il semblait blessé. Quelque chose liant Luke et Marlène s'est probablement déroulé ici.
Nous nous retrouvons sur un petit ponton à quelques pas du théâtre. Nous nous installons proche du bord et je regarde le petit lac aux tortues, espérant en croiser une. Je n'espère pas grand chose pourtant. De son côté, Luke s'aggripe au rebord et retire ses lunettes. Il s'éclaircit la voix.
" Il faut qu'on parle."
Je déglutis, ça y est, c'est maintenant, oh merde ! Qu'est-ce que je fais ? Qu'est-ce que je dis ?
" Je suis désolée, ça n'aurait jamais arrivé, on n'aurait jamais dû faire ça ! Je débite le plus vite possible pour me libérer du poids qui me compresse tandis qu'il hausse les sourcils, ignorant de la situation. Si tu savais combien j'ai réfléchis comme une malade depuis ! Oh purée, c'est du jamais vu, je n'arrête pas de me repasser les images dans ma tête, en boucle et je sais que je ne devrais pas mais tu sais, ça ne veut pas partir et-..."
Luke pose sa main sur ma bouche pour me faire taire, décontenancé. Il a le pli du front qui s'affirme, je crois bien avoir fait une boulette, comme toujours.
" C'est bon, t'as fini ? Tout le monde nous regarde. Il retire sa main de mes lèvres et reste interdit. Mais de quoi tu me parles Cobb ?
- Tu ne voulais pas parler d'hier soir ? Fais-je, réellement surprise.
- Je ne vois pas ce qu'il y a à dire de plus, c'est un chapitre clos. Il souffle. Bref, ce n'est pas l'important, je voulais te parler du travail. J'ai une nouvelle qui devrait t'intéresser, il s'arrête puis reprend penseur, enfin, je l'espère plus qu'un, il hésite, stupide baiser."
Ouch. Okay, d'accord, c'est un peu blessant. Un peu beaucoup. Et je ne suis même pas capable de dire pourquoi. Je ne veux pas savoir pourquoi.
Merde, j'avais complètement oublié la raison de ma venue à NYC, et pourtant, ce n'est pas simple de l'effacer de sa mémoire. Pour retenir mon sentiment, je le toise, attendant qu'il parle.
" Vas y, je t'écoute.
- Je suis retourné voir mon contact tout à l'heure, il semblerait que notre Andrew Barnes soit bien aux États-Unis, il serait sans doute dans une de ses baraques prestigieuses en Floride d'après ma source."
J'écarquille les yeux. Depuis le soir où son fils l'a exposé devant un parterre de membres imminents, Andrew Barnes a littéralement disparu des radars. Impossible de savoir où il est depuis six mois et, pile poil au moment où Caleb revient sous les feux des projecteurs, son père redébarque, comme si de rien n'était.
" Tu ne trouves pas que c'est étrange que l'on sache un peu près où se trouve le père Barnes, alors qu'il a les ressources pour disparaître et qu'il est recherché pour fraude, au moment où le cadet Barnes parle à la presse ?
- Moi aussi, je trouve ça bizarre, ça en fait une sacrée coïncidence, il aurait pu aller aux Bélizes ou dans je ne sais quel pays qui pourrait le protéger mais il a décidé de revenir. Pourquoi faire ?
- Je pense que si on trouve une preuve ou un témoignage accompagnant les théories sur Liam, on peut peut-être déduire la raison de son retour en ville.
- Et tu comptes trouver un témoin ou une preuve comment Cobb ? Grimace Luke, circonspect. Parce que je suis presque convaincu que de ce côté-ci, c'est pratiquement impossible.
- Je me débrouillerais. Intérieurement, je me mords la lèvre pour éviter d'en dire trop. Mon engagement m'interdit de lui en parler, et je compte bien le respecter. Tu n'es pas le seul à avoir des ressources Hoffman."
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