Chapitre 10 : [insérer première journée de travail ici]
Ma main caresse le plat du bureau en bois et un frisson me parcourt l'échine. Je vibre lentement sous la lumière blanche du plafonnier. Sur l'écran de mon téléphone, il est affiché qu'il est 6:00 a.m, je suis, à quelques exceptions près, seule dans tout l'étage. C'est presque vide, c'est calme, c'est agréable, il y a juste ce long ronronnement d'ordinateurs non éteints de la nuit qui amplifie le silence réconfortant d'un lundi à l'aube. Je souris. La journée ne peut commencer que sous de meilleures auspices. C'est surpris que le réceptionniste m'a donné l'accès à l'ascenseur. Je crois qu'il n'en a pas vu beaucoup des journalistes qui débarquent avec le sourire aux lèvres tôt un lundi matin en plein, mois de juin, sous la canicule, le pauvre. Je suis tellement excitée de connaître les réels rouages du métier et de connaître la raison de l'appel de Luke qui a littéralement tué ma soirée, l'enfoiré. Il a intérêt d'avoir une sacrée bonne raison cet abruti.
Avec une grande inspiration, je pose mon sac au sol, ne prends pas la peine d'allumer la lumière puis m'installe sur ma chaise. Ma chaise à moi, avec mon bureau à moi. Ça y est, tout commence vraiment, je suis officiellement journaliste. J'en palpite de joie.
" Tu es bien matinale Cobb, t'es tombée du lit ?"
Dans l'encadrement de mon box -oui, mon bureau est dans l'open space-, je perçois la silhouette tordue de Luke qui a les lunettes enfoncées sur le nez. Il a deux gobelet en carton dans les mains et un dossier bourré de feuilles sous le coude. Je peux sentir une odeur âcre d'ici. Il n'est pas tout frais celui-là. Une nuit à potasser peut-être?
" Toi, t'as juste une sale gueule, petit constat gratuit. Je lève la main en fermant les yeux. Tu me remercieras demain. "
J'arque un grand sourire moqueur et arrache presque le café que me tend Luke. Il glousse légèrement en attrapant le dossier de sous son bras.
" Disons que la nuit a été compliquée, tu n'as pas besoin d'en savoir plus. Il ouvre le document et le lit rapidement. Bref, il est temps que tu fasses tes preuves Miss et j'ai besoin de toi pour écrire le meilleur papier de tous les temps.
- Tu places la barre haut dès le début, tu vas me mettre la pression. En reposant mon gobelet sur le bureau, je prends le dossier et l'examine. Il s'agit du rapport que j'avais lu la dernière fois. Je vais réitérer la question, au risque de te paraître un poil chiante mais comment as-tu eu ça ?
- Je vais alors répéter que je connais quelqu'un qui me devait un service et que, encore une fois, tu n'en sauras pas plus. Fait-il, ironique. D'autres questions inutiles ?
- On ne pas va avancer si tu me l'a sort à chaque fois celle-là, je marmonne malgré moi, sans que Luke ne relève avant de poursuivre à voix haute: À part le fait que je trouve ça très louche que tu aies un lien avec un procureur délégué à l'affaire ou je ne sais qui, je crois qu'il me faut une réelle étude de tout ça pour en poser plus. Je ricane en voyant que Luke semble souffrir un mal de tête. Serait-ce une gueule de bois par hasard?
- Pire que ça, gueule de bois et conversation interminable pour tenter de me racheter auprès de mon ex... Il fuit mon regard en détournant la tête.
- Retires tes lunettes. Demandé-je platement."
Il touche une branche de ses lunettes et les enfonce plus encore sur son nez. Il fait une micro grimace lorsqu'il retire sa main. Je me lève précipitamment pour les prendre moi-même et allume la lumière, afin de mieux voir son visage dans la pénombre. Luke veut se reculer mais les panneaux de mon box le retiennent. Je me penche et pince la paire en les prenant entre mes doigts puis me retiens de pousser un soupir. Le contour de l'œil droit de ce dernier semble avoir pris une teinte rougeâtre, au moins son oeil n'est plus cerné de bleu. Mais c'est plutôt la peau rougie de sa joue qui m'interpelle. Je dépose la monture hors de prix sur mon bureau et croise les bras en m'asseyant contre lui.
" La main de ton ex a voulu caresser ton visage je suppose ?
- C'est un petit raccourci mais dans l'ensemble, c'est ça. Il soupire. Même si j'avoue n'avoir pas été très tendre question arguments.
- Ton ex a l'air d'être pourvue d'une gentillesse et d'une contenance phénoménale, dis-je ironiquement en posant ma main sur son épaule. "
Il regarde ma main et me regarde perplexe. Immédiatement, je me détache de lui et bascule une mèche derrière mon oreille en balayant l'open-space d'un coup d'œil, il y a quelques autres personnes qui sont arrivées. Nous sommes tous les deux gênés et je commence en siffloter pour combler le silence.
Il s'échappe de mon espace personnel en se décalant puis attrape sa paire au vol avant de s'éloigner à reculons. Rapidement, il me détaille et s'arrête.
" J'ai une réunion pour le nouveau numéro dans l'heure... Donc, à tout à l'heure. Il part sans demander son reste et je fixe son dos rejoindre son bureau personne, il se retourne toujours aussi troublé. Epluches-moi le dossier en détail, je te prie. J'ai peut-être loupé un détail que tu verras."
Avec tout ça, je ne sais même pas qu'est-ce qui était si important à annoncer. Bon au travail je suppose.
———
Plus tard dans la journée
Je crois avoir passer un temps infini seule dans mon box, des dizaines de dossier ininterrompus qui se sont s'entasser sur le support en bois et cette même impression de découverte bien vaine.
La lecture et la relecture de chacun de ces papiers m'ont parues si longues pour n'arriver qu'à une conclusion sans appel: les Barnes sont une famille de merde. Ils sont partout et n'y laisse que la trahison, la mort et en supplément, des sacrées liasses de billets verts. Et pire que ça, ils sont couplés par la même ambition qu'une mante religieuse, presque prête à tuer sa famille pour son propre égoïsme et sa survie. Et puis, auprès de qui Luke a-t-il bien pu obtenir ce genre de rapports?
Mon esprit est torturée par les témoignages et autres rapports d'enquêtes les concernant. Tout d'abord, celui de la mère Barnes, répondant au doux prénom de Katherine. Pire qu'une charogne, elle s'élève pour justifier les non-actes de son mari et accuser son second fils de tous les torts, toutes les trahisons. Un classique de Thriller.
Voici quelques extraits de sa "sainte" parole:
" J'ai perdu un fils il y a deux ans, aujourd'hui pour ce qu'a commis Caleb, j'ai perdu mon second."
Comment une mère peut-elle se retourner de cette façon contre son dernier fils au profil de sa raclure de mari ? Bien que ce Caleb m'insupporte, ce qui peut aussi être dû au temps que j'ai passé enfermé dans ce bureau, il ne mérite pas d'être considéré comme mort par sa mère. Cependant, cela va plus loin, elle le renie tout comme elle a mystérieusement oublié son premier fils Liam. Si cela continue, la petite Meghan sera mise au placard a son tour et il n'y aura plus grand monde à renier. En tout bien tout honneur bien sûr.
" Nous n'avons rien à nous reprocher, Caleb ne fait ça que pour se confronter à son père, il est comme un enfant n'ayant pas mesuré les étendues de ses bêtises. À croire que notre éducation ne lui ait pas profité comme à ma fille adorée. Tout ce qu'il accuse n'est que mensonges et calomnies et je n'accepte pas qu'il le fasse au nom de mon défunt Liam, paix à son âme, qui ne mérite pas une telle croisade."
Ah quelle surprise, Liam n'est plus mis aux oubliettes cette fois, je note pour moi même qu'il me faudrait éclaircir le côté "parfaite éducation". Le Père Noël m'a entendu étant donné que c'est justement la suite du rapport.
" La seule chose que mon mari pourrait se reprocher serait de ne pas avoir été très présent dans notre vie de famille."
Tu m'étonnes. Il devait être trop occupé à blanchir son argent et manger du caviar dans son jet privé. Tu t'égares, Elie tu t'égares. J'ai ma moitié de réponse sur l'éducation, même si je me demande quelle était l'ambiance lorsque papa Barnes était à la maison. Tiens quelques mots doux pour notre Sharon!
" J'aurais tout fait pour cette petite, elle avait réussi à transformer positivement mon fils, je vois qu'elle a échoué en plus de trahir sans aucun regret sa famille, son foyer d'adoption. Une honte."
Quel dommage en effet qu'elle vous aient tous roulés... Mais je note qu'il me faut des recherches sur Sharon, parce que sur tout le rapport c'est bien le seul point commun avec les dires de Caleb. Enfin ça et le fait que sa figure paternelle n'était jamais présente aux bons moments.
Alors j'ouvre une nouvelle fois le rapport des faits selon Caleb. Aux premiers abords, ce n'est une page remplie par de nombreux morceaux de marqueurs noirs. À plusieurs reprises, j'ai essayé de déchiffrer les inscriptions, en exposant le papier dans tous les sens à la lumière du soleil, puis à celle brûlante de la lampe de bureau, en posant la feuille contre l'écran du moniteur, bref, tout ce qui pouvait me paraître utile. Mais, cependant, j'ai compris que rien ne pouvait m'aider, le document a été volontairement bridé, pour cacher des informations sensibles évidemment. Tout cela me paraît bien facile que Luke ait eu accès à un dossier aussi important juste car on lui devait un service alors si, en plus, il détient un papier complètement ouvert à l'ouverture d'un document Word, cela pourrait compromettre l'enquête si cela fuyait. Et même si les documents sensibles sont mis dans un coffre fort, je ne donne pas cher de la peau de celui-ci.
Autour de moi, la salle fourmille, j'ai l'impression d'être engloutie dans la masse de journalistes qui écrivent, courent, prennent des notes et crient des instructions à leurs stagiaires. Certains sont revenus avec des dizaines de boîtes d'archives du journal pour écrire des articles plus ou moins condescendants peut-être.
Je souffle et étire mes articulations tandis que je regarde l'heure, je crois qu'il est temps que je prenne l'air, rester dans cette chaleur et ce brouhaha ambiant est contre productif. Je me lève, ramasse rapidement les papiers sensibles et les glisse dans mon sac, on ne sait jamais, des fois qu'il y ait une personne un peu trop curieuse, puis, accompagnée de celui-ci, je m'élance vers les ascenseurs.
Un peu d'air ne peut être que bénéfique.
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