Café et cigarettes
Sakura marchait vers les portes automatiques de l'hôpital. Dès qu'elle les traversa, l'odeur de la cigarette lui emplit les narines. La vingtenaire ne fut pas vraiment interpellée par ce détail. Peu importe ce qu'ils disaient, les infirmiers et les médecins consommaient beaucoup de tabac et de café. Il suffisait de porter attention au nombre de blouses médicales profitant de leurs pauses pour laisser ce filet toxique s'élever dans l'air. À vrai dire, Sakura était une des seules à ne pas fumer. Bien qu'elle enchaînait les tasses de cafés comme un assoiffé avec de l'eau. D'une certaine façon, lorsqu'elle retira la cigarette des lèvres d'Ino, elle était hypocrite.
-Depuis quand tu fumes, Ino-pig ?
La jeune adulte lui lança une oeillade en prenant une gorgée de la boisson dans sa main droite. Le goût amer du café noir lui chatouilla la gorge. Une sensation familière qui l'accompagnait depuis son début de carrière, il y a cinq ans, quand elle avait encore 15 ans.
-Depuis quelques semaines, répondit la blonde en haussant les épaules.
Ses doigts fins fouillèrent sa poche gauche de son pantalon pour en sortir un autre bâtonnet. Son amie la dévisagea en secouant la tête. Ino rit doucement.
-Ne me donne pas ce regard alors que tu es addicte à la caféine.
Ce n'était un secret pour personne que Sakura dépendait de ce breuvage pour garder toute sa tête. Il lui permettait de rester sur terre et de ne pas se perdre dans des abysses infernales lorsqu'une de ses journées devenait insupportable pour ses épaules. Et elle savait qu'Ino avait commencé à consommer suite au décès de sa mère pour la même raison comme sa propre mère aussi. La femme n'avait vraiment rien à dire à son amie, mais pourtant, la docteure en elle ne pouvait s'empêcher de la corriger. Elle soupira tandis que la blonde relâcha une bouffée de fumée.
-Toujours libre pour ce soir ? lui demanda presque excitée la chunin.
Auparavant, Ino aurait sauté sur elle pour l'entraîner de force à la soirée de cartes. Cependant, la blonde était toujours en deuil et l'énergie lui manquait. Sakura lui offrit un hochement de tête en sirotant son café. Un silence confortable plana entre les deux. Une chose qui fut interrompue par la voix légèrement urgente de Sayaka, l'infirmière en chef.
-On a besoin de vous, Dr. Haruno.
Finissant sa boisson d'un trait, elle emboîta le pas à l'infirmière adressant un mouvement de la main à Ino.
-À ce soir, grand front.
La kunoichi l'entendit à peine, submergée par les paroles de Sayaka et les bruits familiers de panique de l'hôpital.
La soirée était avancée et les manches de Black Jack s'empilaient aussi vite que les chiffres de Sakura à l'hôpital. De l'argent traînait devant les joueurs, les Konoha 12 moins Shikamaru qui observait paresseusement Sakura jouer. Couché sur le ventre sur le canapé derrière la médecin, il l'observait cogiter. Des réflexions qui ne lui servaient pas, la femme n'ayant pas la chance de son bord ce soir. Dépitée, elle balança la tête en arrière évitant de justesse celle de Shikamaru. Les orbes verdâtres se plantèrent dans les brunes amusées. Une lueur de colère brilla dans les mers vertes.
-Je te sors de ta situation pour deux paquets de cigarette, murmura le stratège.
La lueur se transforma en brasier. Un feu qui s'étouffa aussi vite qu'il était apparu dès qu'Ino lui annonça que si elle perdait encore, elle devrait une somme importante. Une somme dépassant celle de deux paquets de cigarettes.
-Vendu, le génie.
Sortant dehors à la fin de son chiffre, à l'habitude, l'odeur du tabac frappa le nez de Sakura. D'une main distraite, elle puisa la dernière goutte de café de son gobelet réutilisable. Ce n'est qu'au moment où la tasse se retrouva entre ses deux yeux, qu'elle se rappela les deux paquets qu'elle devait à Shikamaru. Soupirant, elle se dirigea vers la tabagie sur son chemin en direction de la tour de l'Hokage. Qu'est-ce qui lui avait pris d'accepter de pousser encore plus son ami dans son addiction ?
Les rayons blafards percutèrent sa vision dès qu'elle entra dans le petit magasin. Les prunelles inquisitrices de l'homme derrière le comptoir la détaillèrent. Ne s'en souciant pas, elle navigua à travers les rangées de boissons énergisantes, de bonbons et de bières pour finalement trouver le rayon des cigarettes. Plusieurs marques lui faisaient face, mais Sakura savait laquelle Shikamaru préférait. Attrapant deux boîtes, elle s'orienta vers le caissier pour payer et aller à la réunion hebdomadaire de l'Hokage. Comme pour la narguer, l'homme prit tout son temps à scanner les articles. Dès que ce fut fait, elle déposa sans ménagement l'argent en pièces de dix cents. La femme savait qu'il y avait le compte, elle voulait lui faire perdre son temps. Prenant ses achats, elle quitta le magasin sous un regard fâché.
Un café brûlant dans sa main droite, elle ouvrit de l'autre les portes derrière lesquelles se tenait le conseil. Les héritiers(ères) de tous les clans et quelques conseillers civils étaient déjà assis. Kakashi était aussi là, signe qu'elle avait beaucoup de retard. S'excusant, Sakura se fraya un chemin jusqu'à sa place. Elle s'assit à côté de Shikamaru en lui déposant les deux paquets de cigarettes sur la table. Ino leva ses sourcils à ça avant de rediriger son attention sur le monologue las du Rokudaime. Une écoute que Sakura imita.
Sakura faisait les courses sous un soleil brûlant lorsque les exclamations indignées d'une femme atteignirent ses oreilles. Suivies de répliques lasses d'une voix familière. Reconnaissant le ton de Shikamaru, elle porta ses prunelles vers l'endroit dont venaient les sons. Sous les yeux amusés de la médecin, Yoshino disputait son fils pour ne pas assez prendre d'initiatives. Selon ce que la kunoichi entendait, la matriarche rouspétait son fils de ne pas avoir fait d'avances à une femme. Le ninja dut entrapercevoir la couleur de ses cheveux particulière, car il tourna la tête vers elle. Une requête d'aide était lisible dans le regard brun. Soupirant, elle alla à son secours non sans marchander un café alcoolisé en retour.
Lors du conseil, la semaine suivante, Sakura arriva encore juste. Dans sa hâte, elle avait oublié de retirer son stéthoscope et des gants propres pendaient de la poche de sa veste blanche. Ses yeux étaient cernés et injectés de sang. Quelques mèches roses s'échappaient de sa queue de cheval. Malgré sa fatigue apparente, cet épuisement n'empêcha pas les coins de ses lèvres de se soulever lorsque le goût sucré et alcoolisé du Baileys, dans le café que lui avait apporté Shikamaru, heurta son palais. Elle jeta un regard malicieux et reconnaissant dans sa direction. Une oeillade que le garçon ne remarqua pas, mais qui laissa une douce chaleur se répandre dans le ventre de la femme. Accompagnée de cette sensation qui s'accordait drôlement bien avec la température de son breuvage, elle reporta son attention sur les propos de son ex-senseï.
-Heure du décès: 18h45, prononça neutralement Sakura.
Son ton ne laissait rien paraître bien que la culpabilité la rongeait de l'intérieur. C'était le deuxième patient qu'elle perdait depuis son début de chiffre. La médecin avait été impactée déjà durement par la mort d'une petite fille ayant perdu son combat contre le cancer. Cependant, perdre ce nourrisson avait été la cerise sur le sundae. Elle sentait les larmes lui monter aux yeux, mais elle ne pouvait pas se permettre de pleurer, pas maintenant en tout cas. Pas si étonnamment que ça, refouler ses sentiments ne fut pas une tâche si difficile, ne la laissant qu'avec une fatigue immense. Pinçant nonchalamment son nez, la femme commença à remplir les feuilles traînant sur une tablette au pied du berceau. Elle entendit lointainement les cris désespérés des parents revenant d'une courte promenade. Ses yeux se levèrent vers ces humains éplorés gravant au fer rouge cette scène dans sa mémoire. La mère saisissait cette petite enveloppe morte se raccrochant au seul morceau restant de son bébé, son âme s'étant envolée vers d'autres cieux. Le père semblait avoir eu le souffle coupé par la vision de son enfant dans un tel état, car il était effondré contre un mur, des perles d'eau roulant sur ses joues librement. À nouveau, Sakura sentit son léger équilibre entre la rupture et le calme tanguer dangereusement. Inspirant pour aspirer tout l'air qui pourrait faire bouger cette fragile balance, elle s'excusa auprès des parents en s'éclipsant. Dès que la médecin sortit de la pièce, elle put sentir la compassion irradier de Sayaka. Cette dernière s'approcha de la vingtenaire pour poser une main sur son épaule en soutien. La vieille infirmière serra sa prise en lui proposant de prendre une pause. À cette suggestion alléchante, une certaine tension la quitta. Acceptant, la médecin marcha d'un bon pas vers la sortie. Comme à chaque fois, l'odeur des clopes lui frappa le nez. Seulement cette fois, elle lui semblait insupportable, lui rappelant trop l'endroit qu'elle venait de fuir. C'est probablement à cause de cette senteur et de ce rappel qu'elle se mit à laisser s'écouler les larmes qu'elle avait retenues. Abattue, la femme s'appuya sur le mur de l'hôpital, à quelques mètres de l'entrée. La vision brouillée par le liquide lacrymal, elle glissa contre la façade pour se retrouver les genoux collés au buste. Cachée dans l'ombre, personne ne vit la détresse sur son visage. Personne ne vit le regard flou qu'elle jeta en direction des étoiles là où deux nouvelles avaient été ajoutées à cause de son incompétence. Personne ne vit la force mentale qu'elle eût pour se relever ce soir-là et retourner auprès de jeunes patients, un sourire forcé sur les lèvres. Non, personne ne vit cette fragilité qui l'avait envahie.
La seule chose qui trahit son état fut le nombre de shooters qu'elle enfila lorsqu'Ino l'invita au bar peu après la fin de son chiffre catastrophique. À son arrivée dans le bâtiment, plusieurs petits verres étaient sur la table. La blonde fut la première à l'apercevoir traverser l'ambiance tamisée. Se déplaçant pour lui laisser une place entre elle et Shikamaru, Ino fit glisser un shooter vers la médecin. Distraitement, Sakura l'arrêta avant de verser son contenu dans son gosier. Le mélange de gin, de vodka et de tequila brûla agréablement sa gorge, la divertissant de ses pensées. La concentration de tequila était trop élevée, mais sur le moment, elle s'en foutait. Cherchant à nouveau cette chaleur qui la comblait momentanément, elle se pencha pour s'emparer de trois nouveaux verres qu'elle enchaîna sans hésitation. La kunoichi eut le droit à quelques regards curieux de la part de Kiba, Ino et Tenten tandis qu'elle avalait le liquide.
-Mauvaise journée ? la questionna Ino.
La concernée huma positivement en jouant avec un verre, le regard porté au loin. Elle pouvait encore entendre le bruit aigu du moniteur cardiaque et les cris brisés des deux mères ayant perdu leurs enfants. Se focalisant sur le présent, Sakura capta de justesse le shooter que Chouji fit glisser dans sa direction par sympathie. Lui adressant un hochement de tête appréciatif, elle le descendit en écoutant le brouhaha ambiant, peu affectée par l'alcool. Tenten, Kiba et Lee semblaient pris dans une grande discussion sur les meilleurs types d'arme, Neji ne faisait qu'observer ses coéquipiers avec de l'ennui dans les yeux, Chouji mangeait des croustilles en parlant à voix basse avec Shino et Saï, Shikamaru dormait à moitié sur la table et Ino ne faisait que la regarder avec préoccupation. Les deux femmes savaient que Sakura ne consommait que lorsque le café ne suffisait plus. Dans ces moments, la médecin consommait à s'en rendre malade allant chaque fois jusqu'à la limite de ce que son foie pouvait tolérer. C'était pourquoi les prunelles bleues de son amie brillaient, inquiètes. Inquiètes de voir une tombe avec le nom de Sakura dessus. Soupirant face à cette lueur préoccupée, l'apprentie de la Godaime voulut interroger Ino sur sa vie afin de lui changer les idées. Toutefois, la blonde la devança, éloignant l'alcool de la grippe assoiffée de Sakura. Une once d'inquiétude brillait toujours dans les yeux d'Ino, bien qu'elle soit presque entièrement masquée par une autre espiègle.
-Me gâcher des cigarettes pour en payer à Shikamaru. Si je ne te connaissais pas, je serais jalouse, grand front.
À la mention de son nom, l'homme releva la tête pour apercevoir l'agitation suggestive des sourcils fins de la Yamanaka. Dépités, les deux concernés laissèrent leur crâne tomber avec bruit sur la table. Sakura laissa un grognement irrité lui échapper face à ce qu'impliquait son amie. Un rire cristallin provint de la blonde à la réaction des deux.
-Je plaisante, leur sourit-elle.
-J'espère bien, dit un peu sèchement Sakura.
-Bien que vous auriez l'air hot ensemble. Je n'imagine même pas l'intelligence de vos...
-Ok, ça suffit, Ino-pig. Je n'ai pas eu une bonne journée, ne l'empire pas, conclut la médecin en lui fourrant un shooter dans la bouche.
Amusé, Shikamaru observa son ancienne coéquipière tuer du regard Sakura en avalant, s'étouffant pratiquement. Retirant le verre d'entre ses lèvres, elle le jeta rageusement sur la médecin. L'attrapant facilement, la femme sourit faussement hautainement à l'autre. Lui envoyant un doigt d'honneur, Ino détourna la conversation sur un autre sujet.
Ce n'est qu'après avoir avalé un dizaine de shooters qu'elle sentit son regard se décaler de quelques secondes de ce que son cerveau percevait. Sa salive était devenue acide à cause de sa consommation et une fine sueur coulait sur son front due à l'alcool ainsi qu'à la température ambiante. Une douce sensation de légèreté l'envahissait. Un sentiment qui la faisait rire plus fortement que d'habitude. Un son qui attira le regard lubrique d'un homme assis à une table non loin. Ses yeux dévoraient sa taille fine. Penchée en avant pour mieux se faire entendre par Kiba, son décolleté montrait le fin tissu de sa brassière. D'où il était, le civil pouvait voir parfaitement le dessus des petits seins de la vingtenaire. La peau visible luisait légèrement et cela excita encore plus l'homme qui se leva pour l'amener dans son lit. Il aurait été fou de l'aborder en temps normal, mais tout le monde savait les effets que l'alcool avait. Un sourire conquérant aux lèvres, il se glissa entre Ino et Sakura. Trop absorbées dans leur conversation, les deux ne réalisèrent pas qu'un inconnu s'était introduit. Ce ne fut que lorsque le souffle chaud de l'homme caressa la clavicule de Sakura qu'elle en prit conscience.
-Hey, ma belle, murmura t-il d'une voix rendue suave par le désir.
Les yeux un peu vitreux, la médecin se tourna surprise vers cette présence qui envahissait sa bulle. Quand les prunelles brunes du civil se fixèrent dans les siennes, elle frissonna de dégoût. La convoitise animale qu'elle y lisait la fit avaler sa salive acide, brûlant sa gorge. Une petite partie d'elle avait peur, bien qu'elle puisse plus que se défendre. Cette lueur malsaine la fit se tasser vers la gauche pour évader aux mains avides qui se dirigeaient vers ses cuisses. Pourtant, malgré ses efforts, des doigts appuyèrent douloureusement sur sa jambe.
-Je vous demanderais de me laisser tranquille, merci.
Voyant qu'il ignorait sa demande, Sakura perdit patience. Lui souriant faussement, elle prit ses doigts pour les casser. L'hurlement de douleur qui s'ensuivit déchira les basses conversations avant que le craquement de son nez s'écrasant sur la table n'amplifia ses cris. Un silence pesant, si on excluait les geignements du civil, remplit la salle. Tous les regards étaient fixés sur Sakura même Shikamaru leva des orbes brunes fatiguées sur elle, laquelle haussa les épaules en s'expliquant.
-Il n'a pas écouté mon désir de ne pas être touchée.
À ça, l'agresseur devint le centre d'attention. Surprenant, le rire moqueur d'Ino brisa le silence, un brin hystérique.
-Tu es chanceux que Naruto soit parti en lune de miel, prévint Ino.
Il n'y avait rien de drôle. Tous le savaient, mais dans cette phrase résidait une menace. Au moindre faux pas, une petite souris informerait la figure fraternelle de Sakura de cet incident. Autant condamner l'homme si la nouvelle de ce qui était arrivé parvenait aux oreilles de Naruto. Après cette mise en garde, le groupe de Konoha 12 reprit ses discussions en n'accordant pas plus de temps à l'homme. Une ordure comme lui ne le méritait pas. Toutefois, avec satisfaction, la médecin vit quand même le civil se faire jeter dehors avec un regard dégoûté du barman. Soupirant, elle posa son menton dans sa main. Un menton que la femme tourna vers Shikamaru sentant ses yeux l'analyser. Sa tête était relevée pour mieux l'observer. Les prunelles brunes détaillaient les siennes vertes. Dans celles chocolat, une lueur éclatante de colère dissimulée flottait. La femme n'en pensa rien ayant vu ce sentiment dans ses yeux auparavant lorsque la même situation était arrivée avec Ino.
-Ça va ? lui demanda t-il.
Elle sourit à son inquiétude en acquiesçant. Un mouvement de la tête qu'il copia avant de replonger sa tête sur la table et de fermer ses paupières. Quant à Sakura, ses orbes s'attardèrent sur Shikamaru. La même chaleur que celle ressentie lors de l'incident du café Baileys l'agrippa. Une montée en température qu'elle blâma sur l'alcool.
Vers 22 heures, Ino profita du fait que Sakura soit distraite pour compter les verres s'étalant devant la femme et calculer son taux d'alcoolémie. Lorsqu'elle réalisa que son amie touchait les deux grammes d'alcool par litre de sang, elle agrippa le bras de Sakura qui semblait simplement pompette. C'était bien le problème avec la médecin, elle ne démontrait presque aucun signe d'ébriété. Un mystère dangereux que personne ne voulait vraiment résoudre. Les yeux d'Ino s'ouvrirent grands comme des soucoupes quand la réflexion qu'à chaque nouvelle consommation son amie risquait d'entrer dans un coma éthylique. Une pensée qui mit du temps à faire son chemin dans son cerveau affecté par les molécules d'éthanol. D'un mouvement peu précis, la blonde retira des mains le shooter de TGV de Sakura. La Yamanaka secoua la tête en faisant le signe deux avec ses doigts.
-Nope. Plus d'alcool pour toi, bredouilla la blonde.
Les joues rouges, la médecin se tourna vers son amie. Elle vit, bien évidemment, les deux doigts levés, mais sur le moment, la femme semblait se foutre de son bien-être, car elle prit le shooter d'Ino. Même si cette dernière avait consommé beaucoup moins, ses réflexes étaient affectés, eux, par l'alcool. Sakura le savait et elle lui sourit, victorieuse quand ses mains s'emparèrent du petit verre. Elle l'avala devant les yeux confus et concernés de son amie. Secouant la tête, la blonde pinça le Nara, le seul sobre à la table. Lee et Neji avaient déjà raccompagné Tenten il y avait une heure. La douleur réveilla Shikamaru qui grogna. Les yeux de l'homme suivirent paresseusement le signe de tête vague d'Ino. Alors que le ninja remarqua la quantité astronomique de shooters que la médecin avait avalé et le nombre qu'Ino balbutia, Sakura allait sur un autre spiritueux. Il lui prit doucement et Sakura observa le shooter s'éloigner d'elle. Contrairement à tantôt, elle céda en se levant. Après tout, Shikamaru pouvait facilement utiliser son ombre pour l'immobiliser et la télétransporter. Se mettant sur ses pieds, elle prit un instant pour que son cerveau interpréta ce que ses prunelles percevaient. Les lumières basses étaient trop brillantes, les conversations trop fortes et l'odeur de sueur environnante trop prenante. Sortie de sa bulle créée par l'alcool, Sakura se sentait écrasée dans cet environnement. Soudainement, elle avait besoin d'air. Déposant quelques billets pour payer ses boissons, la femme marcha en-dehors du bar. Shikamaru la suivit préparant une cigarette. Il n'y avait qu'un fou pour laisser quelqu'un rentrer chez lui seul aussi intoxiqué. Une chose que l'homme n'était pas.
L'air frais frappait le visage rougi de Sakura tandis que le filet de fumée de la cigarette de Shikamaru s'échappait dans ces bourrasques. Une odeur qui la renvoyait à sa journée horrible. Soupirant, elle se maudit pour s'être encore laissée aller. Combien de fois avait-elle sollicité son foie comme ça ce mois ? Cinq, six, sept fois ? Elle avait perdu le compte. Perdu le compte de toutes les fois où le café ne suffisait plus à l'empêcher de plonger dans ces abysses sans espoir. À cette réalisation, Sakura rit sèchement en se passant une main sur le visage. Comment pouvait-elle se lever le matin et sermonner ses patients sur leur consommation quand elle-même n'était pas mieux ? Comment pouvait-elle se regarder dans le miroir en sachant qu'elle n'était rien de plus qu'une enveloppe survivant sur son addiction ? S'était-elle maintenue dans l'ignorance et tout ce que voyait les gens n'étaient que ça; une médecin alcoolique et accro au café. Une copie conforme de sa mentore. Était-ce qu'avait vu la fillette sur son lit de mort ce matin-là; une femme même pas capable de s'entretenir prétendant pouvoir la sauver ? Son rire monta en hystérie la laissant pantelante. Elle était une escroquerie. Son esclaffement se tut pour être remplacé par une respiration lourde. Oui, une putain d'escroquerie et une foutue hypocrite. La voix rassurante de Shikamaru la tira de ses pensées tourbillonnantes.
-Sakura ?
Qu'il utilisât son prénom lui fit l'effet d'une douche froide. La préoccupation irradiait de lui. Qui ne le serait pas en la voyant éclater de rire pour rien ? Une vague de fatigue la frappa. Un épuisement qu'elle lui confia.
-Je suis juste fatiguée de ne pas être capable de sauver tout le monde.
Il la fixa, l'analysant. Finalement, le regard de Shikamaru se porta vers le ciel, une clope fumante à la bouche. Le stratège ne répondit rien, continuant d'avancer en silence, Sakura à quelques centimètres sur sa gauche. Ce ne fut qu'après un certain temps qu'il prit la parole.
-Je serais fatigué aussi si l'une des personnes que je ne suis pas capable de sauver est moi-même.
Ses yeux se fixèrent dans ceux de la médecin et semblèrent scanner son âme. La lourdeur des mots la percuta. Son premier réflexe en temps normal aurait été de dénier, mais avec ses pensées précédentes, elle voyait la véridicité de sa phrase.
-Tu voulais dénier, n'est-ce pas ? Parce que la plupart du temps le café te sauve et te permet d'agir comme si de rien n'était ? Jusqu'à ce que tu rechutes ?
En quelques instants, Shikamaru venait de résumer sa situation, la mettant à nue. Cela la laissa légèrement terrifiée jusqu'à ce qu'elle réalisa qu'il en était de même pour l'homme.
-Le tabac, énonça la femme.
Le Nara sourit en expirant une bouffée de fumée. Ils n'étaient que deux addicts se raccrochant au peu qu'ils leur restaient pour rester sains. Deux addicts sobres pour quelques minutes. Deux addicts qui seraient accrochés à leur drogue le lendemain. Deux addicts qui retourneraient jouer la masquerade créée par leur esprit. Deux addicts qui avaient fait de leur vie une pièce de théâtre.
Deux semaines s'étaient écoulées depuis la dernière intoxication de Sakura, deux semaines qu'elle se noyait dans le travail. La médecin enchaînait les chiffres de 18h tous les jours ne s'arrêtant que pour dormir un quatre heures. Une routine qui inquiétait les infirmiers travaillant avec elle. Bosser 126 heures par semaine était loin d'être bon pour la santé. Pourtant, Sakura ne semblait pas s'en soucier puisqu'elle continuait de travailler à ce rythme effréné. Elle voyait patient sur patient, réconfortait enfant sur enfant, écoutait famille sur famille crier la perte des leurs, réanimait bébé sur bébé, assistait vieux sur vieux dans leurs derniers instants et buvait café sur café. Ses journées n'étaient constituées que de visages flous défilant devant elle et de liquide amer lui brûlant la langue. Des jours qui étaient douloureux, mais qui la rassuraient. Ces pincements au cœur qu'elle ressentait pour chaque patient perdu étaient familiers et bien que ça semblait horrible, cette sensation la réconfortait. Une douleur qui lui maintenait la tête hors de l'eau. Cependant, elle savait que tôt ou tard, cette épée à double tranchant se retournerait contre elle. Ce fut probablement à cause de cette épée de Damoclès qui menaçait de tomber qu'elle se permit de prendre un 10h de congé. Un 10h qui se transforma en un jour, ses collègues ayant argumenté avec elle. Épuisée, elle avait cédé. Une fatigue qui la consumait jusqu'à l'os maintenant qu'elle n'avait pas pris de café depuis 15 minutes. Une exhaustion qui prendrait fin à la fin de son quart, soit dans cinq minutes. Toutefois, à la seconde où l'aiguille tiqua sur le 12, Ino apparut d'un shunshin. Le front de Sakura rencontra sa paume à cette apparition. Elle avait complètement oublié la soirée de jeux à laquelle elle avait accepté de participer distraitement il y avait une semaine.
-Grand front, tu as l'air terrible, se moqua gentiment la blonde.
La concernée lui offrit un hochement de tête en acceptant le bras que lui tendait Ino. La médecin savait qu'il n'y avait aucun moyen de convaincre son amie de la laisser manquer sa soirée. Réfrénant un bâillement, elle les téléporta chez la blonde. Le duo réapparut dans le salon où plusieurs de leurs amis se tenaient. Sakura leur adressa un vague signe de tête avant de se diriger vers le canapé à angle. Un bâillement la prit et ses yeux se fermèrent tandis qu'elle se laissa tomber sur le tissu. Ou plutôt Shikamaru. L'homme grogna sous la masse qui s'effondra sur lui. Malgré cette indication, Sakura ne se déplaça pas, trop épuisée pour.
-Bouge, femme-galère, finit par dire le matelas humain.
-Hmm, huma la femme déjà à moitié endormie.
Lentement, elle glissa son corps sur les coussins en perpendiculaires à ceux où son ami était. Couché sur le dos, Shikamaru entrouvrit les yeux pour la voir se déplacer s'attendant à ce que son torse soit libéré du poids de sa tête, mais la femme sembla s'endormir avant de ne la bouger. Appréciatif, il laissa la tête de la médecin se lever au rythme de ses respirations profondes.
Le bruit paniqué d'un moniteur cardiaque menait le chaos dans la salle. Sakura ignorait tant bien que mal ces cris si familiers provenant de la machine jusqu'à ce qu'elle ne pût plus. Peu importe combien de fois elle pressait cette poitrine pour changer le verdict énoncé par l'appareil, l'hurlement de la flatline continuait. Le doigt pressé sur une artère qui ne battait plus, Sakura annonça la sentence.
-8h12.
L'image changea dans ses songes pour passer au deuxième perdu cette semaine.
-17h49.
Les gens qu'elle avait failli défiler devant ses paupières la hantant et occupant sa bouche dans son sommeil. En synchro avec sa version passée d'elle-même, ses lèvres prononçaient ces heures fatales. Des marmonnements qui se transformèrent en paroles audibles plus les images circulaient rapidement. Des mots que Shikamaru capta. Des syllabes qui le fit porter son regard sur ce bout de femme s'étant perdue. Un égarement qui se lut dans ses yeux verdâtres s'ouvrant brusquement. Une chose qui fut camouflée par un sourire. Une mimique qui s'effaça à la lueur dans les orbes brunes. Se levant, elle soupira. Son corps était las alors qu'elle le fixait. Une myriade d'émotions se lisait dans la mer verte, un tourbillon entremêlé de vérités enfouies qui la frappaient et plus que tout, une marque cuisante d'échec transportait ces teintes d'émeraudes. La femme était toujours très expressive, mais là ça dépassait l'entendement. Shikamaru ne voyait que ça, que ses prunelles parlant plus que sa bouche. Pourtant, en un instant, Sakura sourit faussement masquant à nouveau tout ce maleström la forçant à s'épuiser pour toucher du bout des doigts le sommeil.
-Shogi ? proposa Sakura, les yeux fermés par son sourire.
Un sourire qui ressemblait drôlement à celui de Saï. Une ressemblance que Shikamaru ne remarqua que pour la première fois.
Les sourcils froncés par la concentration, Sakura triturait nerveusement une pièce dans sa main. Son esprit formait toutes les possibilités s'offrant à elle. Faisant rouler le pion mangé entre son pouce et son majeur, la femme survola de ses doigts fins la planche. L'ombre longiligne indécise semblait surfer sur les pièces, ces dernières attendant leur triste et inévitable sort. Finalement, cessant de tourmenter ces pions étourdis, son index saisit une tuile froide. Une ultime fois, son cerveau inspecta les conséquences de son choix sous tous les angles. Déposant avec délicatesse la pièce choisie, Sakura attendit le prochain mouvement de son adversaire. Quelque chose qui ne vint jamais. Les doigts de l'homme avaient à peine pu s'approcher du jeu qu'une fillette déboula, envoyant valser plusieurs minutes de réflexion dans les airs. Les deux adultes lèverent les yeux sur une paire d'orbes scintillants rouges. De petits bras encerclèrent la taille de Shikamaru tandis qu'une bouche souriante piaillait.
-Kurenaï a dit qu'elle reviendrait la chercher dans une heure, cria Kiba.
Anticipant l'inquiétude de son coéquipier, Chouji spécifia les conditions de ce gardiennage imprévu.
-Elle va bien. Kakashi l'a juste convoquée de nulle part.
Hochant la tête, il ébouriffa Miraï boudant de ne pas avoir son attention. Dès que l'enfant sentit sa main dans ses cheveux, elle leva le visage vers lui, ayant déjà pardonné le ninja. Appréciant quelques instants l'affection, énergique, elle ne fut pas longue à se remettre sur ses pieds pour courir vers un sac à dos abandonné près de la porte. Sakura observa sa démarche avec un léger sourire tout en ramassant le jeu de Shogi. Alors que la fillette essayait tant bien que mal de ramasser son sac pesant, Akamaru se porta à son secours en prenant une bretelle dans sa bouche. Reconnaissante, l'enfant le flatta en le remerciant. Suivant les indications de Miraï, le chien déposa le paquet près d'où se tenait Sakura.
-Sakura nee-chan, regarde je suis comme toi !
Un stéthoscope en plastique pendait sur le cou de l'enfant et sa main tenait un thermomètre en plastique. Lui offrant un sourire, la médecin acquiesça. Jouant le jeu, Sakura toussa faussement. Les yeux de Miraï s'ouvrirent en grand. Se penchant vers l'oreille de sa patiente, la Sarutobi lui demanda que faire.
-Écoute mes poumons en plaçant ça dans mon dos, murmura la femme en lui indiquant l'objet à son cou.
Hochant fermement la tête, Miraï plaça les deux embouts dans ses oreilles. Avec un air sérieux, elle plaça la partie ronde dans le dos de la médecin. Prenant de grandes respirations, Sakura la regarda, par la suite, prendre sa température et sa pression. Quand elle eut fini, Miraï afficha un faux air contrit.
-Désolée, Sakura nee-chan, mais il semblerait que tu sois atteinte d'un maladie de cœur.
-Ah oui ? renchérit curieuse la patiente.
Posant théâtralement une main sur son front, la fillette se pencha en arrière.
-Le syndrome du célibat, s'exclama toujours dans sa position la gamine.
Des rires provenant de la table où du poker se jouait retentirent. Un coin des lèvres de Sakura se releva à cette nouvelle maladie.
-Tu devrais ausculter Shikamaru aussi pour voir s'il est aussi contaminé, répondit doucement la femme.
À cette proposition, les perles rouges se remplirent de malice.
-Ce n'est pas un syndrome pour lui, c'est une bonne chose. Imagine sortir avec quelqu'un qui fait autant qu'une huître, s'écria faussement scandalisée Miraï.
Shikamaru fixa l'enfant, amusé. Sakura, quant à elle, rit en donnant un high five à la gamine. Les deux filles rangèrent rapidement les jouets avant de lancer la console Wii. Une technologie qui faisait ses débuts. Donnant une manette à l'enfant en prenant soin de l'attacher à son poignet, Sakura démarra le jeu de Just Dance. Pendant que la console chargeait, Miraï trottina jusqu'à la forme avachie de Shikamaru sur le divan les observant. Elle lui tendit une manette en tirant sur sa queue de cheval.
-Aller, Shikamaru nii-san.
Elle fit la moue devant son inactivité. Une mimique qu'elle savait le ferait bouger.
-Ok, Miraï, lui sourit-il.
Ils étaient rendus à leur cinquième danse quand Kurenaï entra, Kakashi sur les talons avec une pile de documents dans les mains. Oeillant la montagne de feuilles, Shikamaru soupira en adressant un coup d'oeil à Sakura.
-Celui qui perd remplit la paperasse sur la table, femme-galère, proposa le stratège.
-C'était pour toi initialement. Je n'ai rien à y gagner, le génie.
Kakashi observait la scène en souriant. Son ancienne élève sautait pour marquer des points, Miraï à ses côtés donnait son cent pour cent et Shikamaru bougeait au minimum se concentrant à argumenter avec la kunoichi. Les coiffures, d'habitude assez en ordre, des deux ninjas étaient complètement défaites.
-Un café au Baileys, négocia-t-elle finalement.
-Vendu.
Comme si ce simple mot avait libéré quelque chose chez les deux ninjas, Sakura et Shikamaru imitèrent avec perfection les silhouettes sur l'écran. On aurait pu croire que des fils de chakra les reliaient tellement leurs mouvements étaient synchronisés. Leur danse transpirait la grâce d'un shinobi. Chaque saut était silencieux, chaque balancement des bras était un acte de défiance et chaque rotation sur eux-mêmes était un rappel de leur fluidité. Miraï s'arrêta de danser pour les observer, de l'émerveillement transpirant d'elle. Kiba laissa un sifflement admiratif lui échapper.
-Je parie sur Sakura, s'exclama l'Inuzuka en avançant quelques billets.
-Pareil, enchaîna Saï.
Shino considéra les deux joueurs avant d'énoncer miser sur Shikamaru. Un choix que Chouji suivit. Les quatre hommes se tournèrent vers Ino en attente de son verdict. Elle haussa les épaules en buvant une gorgée de saké. La blonde préférait ne pas se prononcer.
Les dernières notes de la chanson retentirent, signant la fin de ce combat. Côte à côte, les deux torses se soulevaient fortement. Une fine sueur couvrait leur nuque tandis que Sakura appuya sur A. Les scores commençaient à s'afficher. Les barres se remplissaient totalement, grattant les cinq étoiles. Les dernières colonnes du nombre s'égrenaient toujours, les maintenant toujours dans l'ombre. Au moment où le chiffre les départageant menaçait d'apparaître, Miraï surexcitée fit un mouvement brusque du poignet. Sa manette rencontra malencontreusement un comptoir et le bouton A fut pressé à nouveau. Immédiatement, les scores disparurent. Pendant trois secondes, un silence plana. Silence que Sakura interrompit en éclatant de rire. Une réaction que les adultes présents imitèrent. Calmant son esclaffement pour reprendre son souffle, la médecin se moqua de son ami.
-On dirait que tu vas devoir remplir ces formulaires, le génie.
-Quelle galè..., bâilla-t-il à moitié avant d'être interrompu par Miraï qui se lançait dans ses jambes.
La fillette avait les joues rouges d'embarras et se confondait en excuses dans les genoux de l'homme. Tandis qu'il la rassurait, Sakura sentit le regard de son ami glisser sur elle. Levant les yeux pour confronter les siens, elle remarqua ses vêtements froissés et quelques mèches de cheveux s'échappant de son élastique. Le torse du Nara se soulevait régulièrement et fortement en accord avec l'air entrant entre ses lèvres entrouvertes. Ses prunelles brunes brûlaient d'une légère lueur de moquerie de leur propre sort. La même chaleur se ralluma dans le bas-ventre de Sakura, se propageant dans ses veines. Mettant cette sensation sur le compte de l'effort physique, elle adressa un petit sourire à Shikamaru. Lequel lui retourna. La chaleur grandit pour atteindre son cou. Elle blâma encore l'exercice physique en se dirigeant se servir un verre d'eau, s'enfonçant dans le déni.
Un déni qui explosa en mille morceaux lorsqu'elle se retrouva coincée à une table avec Shikamaru et une fille brune trop collante au mariage de Lee et sa femme. Les mains de l'intruse se baladaient toujours trop près de Shikamaru, prenant soin de l'effleurer à chaque fois. Ça n'avait que commencer par une sensation désagréable asséchant la bouche de Sakura à cette vue. Elle avait accusé le café, mais maintenant que l''agacement faisait tiquer un de ses sourcils, la femme se rendit à l'évidence. Depuis quand elle voulait que ce soit elle qui explorât le corps du stratège, elle ne savait pas et sur le moment, c'était le cadet de ses soucis. Sur sa droite, l'homme en question fumait paisiblement semblant penser simplement que la brune était maladroite. C'était probablement un des facteurs qui irritait le plus Sakura, mais elle continuerait de respirer par les deux narines tant que ces contacts ne dérangeaient pas le Nara. Fixant furieusement son café, elle soupira. Pour continuer à garder son sang-froid malgré ses intestins qui bouillaient, elle allait avoir besoin de quelque chose de plus fort. Se levant en s'interrogeant sur la folie qui l'avait prise de s'enticher du plus grand paresseux de Konoha. Surtout qu'il y avait, à peine, deux semaines ce n'était qu'un ami qui suscitait des sensations indéfinies. Maintenant, c'était la cause pour laquelle elle s'échapperait du mariage de Lee, où l'alcool était proscrit, pour aller se chercher une bonne vieille bouteille de vodka.
-Un paquet de cigarettes ? proposa Sakura à Shikamaru voyant les doigts de l'homme fouiller une boîte vide.
Elle avait abandonné d'essayer de le raisonner et de raisonner sa part d'elle qui criait à l'hypocrisie. Elle avait accepté qu'il ne lâcherait jamais sa mauvaise habitude et qu'elle serait toujours une hypocrite. Le Nara hocha la tête, reconnaissant.
-Tu vas chercher quoi ?
-De la vodka.
Voyant son air, elle précisa:
-J'en ai besoin.
Il l'observa, les yeux mi-clos, dormant à moitié. La brune, elle, dévisagea Sakura en s'apercevant que celle-ci obtenait plus d'attention en quelques secondes qu'elle de toute la soirée. Un regard enragé se posa sur la silhouette de la médecin, mais la femme ne le remarqua pas.
-Personne n'a besoin de quelqu'un saoul à un mariage, hissa la brune.
Sakura l'ignora pour prendre sa tasse de café et en avaler son contenu. D'un côté, l'inconnue avait raison. Lee ne méritait pas qu'elle finisse bourrée. De l'autre côté, elle était la raison pour laquelle son cerveau lui disait de boire jusqu'à ce que le coma vienne la cueillir. Haussant les épaules, elle abandonna sa mauvaise idée.
-Je vais rentrer à l'hôpital.
-Pour coma éthylique, femme-galère ?
-Tu t'es mis à l'humour, le génie ?
Il ne répondit pas, sortant un jeu portatif de Shogi d'un rouleau. L'homme la questionna du regard en se levant à son tour pour aller jouer dans un coin où les verres ne risquaient pas de se renverser à chaque occasion. Acquiesçant, Sakura entama de trouver une place assez reculée pour bien réfléchir, Shikamaru sur son flanc. L'inconnue les observa s'éloigner en se tournant vers Hinata.
-Ils sortent ensemble ? demanda-t-elle à la Hyuga.
-Sakura et Shikamaru ? Non.
-Pourquoi on aurait dit qu'elle voulait m'envoyer valser alors ?
Hinata porta son regard sur son amie en souriant doucement.
-Ça, c'est juste Sakura.
Le duo avait trouvé refuge sous les feuilles bruissantes d'un arbre. Un léger vent faisait bouger doucement les mèches de Sakura, cheveux lui caressant la nuque. Le soleil tapait dans son dos, Shikamaru fidèle à lui-même s'étant écrasé contre l'écorce de l'arbre. La partie était bien avancée. Plusieurs pions mangés profitaient de l'herbe fraîchement coupée. Pourtant, un spectateur extérieur n'aurait pu prédire le résultat de cette manche. Les deux esprits étaient trop enfoncés dans leur tourbillon de stratégie pour que quelqu'un puisse essayer de mettre un orteil dans cette mare de pensées. Se hissant en-dehors de cette mare quelques instants pour déplacer un des tuiles, Sakura détailla le visage l'opposant. Son regard n'était attiré que par la profondeur des yeux bruns, exprimant une concentration débordante. Auparavant, ce phénomène aurait provoqué une réaction physique. Maintenant, comme si son corps savait qu'elle avait enfin compris, elle ne se sentait que fascinée et curieuse. Curieuse des différentes lueurs que ce regard pouvait contenir et fascinée de l'intelligence que ces yeux exprimaient. Il releva ses prunelles en même temps qu'il éleva la voix.
-Tu devrais faire attention à ta consommation.
-Probablement, mais un shinobi ne meurt pas de ça, contra-t-elle en sortant l'argument que l'homme opposait à chaque discussion sur sa propre consommation.
À cette réplique, un amusement apparut dans les orbes de Shikamaru alors qu'il jouait un de ses pions. Tandis que Sakura analysait le plateau, un sourire se dessina lentement sur son visage. Déplaçant un carré fatal, elle lui annonça la nouvelle.
-Échec et math.
Il lui sourit en constatant l'état de la partie avant de ranger le jeu et de s'adosser au tronc, fermant les yeux. Sakura dépassa sa forme pour s'installer au creux du nœud de l'arbre en fixant les feuilles tressaillir au rythme du vent. Au milieu de son observation, elle aperçut les rayons du soleil se refléter sur un quelconque objet. Curieuse, la médecin entreprit de grimper l'arbre d'une façon experte. Les shinobis de Konoha étaient réputés pour leur compétence dans les arbres après tout. Dès qu'elle s'approcha, quelques kanjis prirent feu et elle réalisa que la surbrillance provenait de l'éclat métallique d'un papier bombe. En quatrième vitesse, la ninja sauta au pied de l'arbre. Agrippant négligemment Shikamaru, elle sauta en arrière. Un des bras de l'homme se sécurisa autour de sa taille et elle manqua une respiration. Se forçant à expirer, la médecin oeilla l'explosion qui secoua l'arbre. Un peu au loin, deux gamins se tenaient les côtes, riant. En un seul instant, le sentiment d'urgence fut remplacé par une colère sourde. Les téléportant en face des deux idiots, des vagues de chakra menaçant s'échappaient d'elle. Desserrant la prise qu'elle avait sur le chandail du stratège, elle empoigna les cols des deux débiles et les souleva de terre. Deux paires d'yeux effrayés lui rendirent son regard. La peur s'écoulait d'eux comme le courroux de Sakura.
-Ahaha, c'est tellement drôle, grinça-t-elle.
Les coupables avalèrent leur salive en commençant à trembler.
-On aurait pu être blessé, idiots, murmura dangereusement la femme en sentant une pression venir de la main de Shikamaru sur sa taille. Elle comprit le message et les laissa tomber au sol tout en se tournant vers l'homme.
-Ce ne sont que des enfants, femme-galère.
-Ils auraient pu se blesser en faisant leur connerie aussi.
Une note d'inquiétude transperça dans sa voix furieuse. La médecin en avait vu des enfants mourir à cause de la mauvaise manipulation de papier parchemin. Probablement, la plus grosse raison pourquoi la colère l'avait ainsi saisie.
-Ne recommencez pas, c'est dangereux, les mit en garde Shikamaru.
Les gamins décampèrent à la suite de cette phrase. Sans distraction, Sakura prit conscience de la main toujours posée sur le creux de ses reins. Ses hormones semblèrent se réveiller, enflammant tout son corps. Avec difficulté comme les enfants précédemment, elle déglutit. Ses yeux se fixèrent dans ceux bruns. La même chaleur qu'elle ressentait se lisait dans le regard de l'homme. Était-ce le reflet de celles de Sakura ? Son esprit ne pût plus diverger. Ses doigts s'étaient glissés dans les coutures pour la ceinture, menaçant de tirer sur le tissu. Comment en était-elle arrivée là ? Aucune idée, mais le feu qui dansait dans ses veines et dans les orbes de Shikamaru la fit l'attirer à elle. Sa respiration forte faisait soulever son torse, ses petits seins effleurant à chaque inspiration la poitrine du Nara.
-Est-ce que je peux ?
La femme répondit en tirant encore un peu sur les coutures, unissant leur bassin. Elle l'entendit manquer une respiration. La sensation de son corps contre le sien était exaltante. L'odeur de bois brûlé et de cigarette entourant l'homme l'enivrait. La façon dont la main sur sa hanche appuyait la faisait se plonger dans ses prunelles. Des prunelles qui étaient noircies par le désir. L'univers semblait s'être suspendu pour eux. Aucun des deux ne bougeait. Ils ne faisaient que savourer les contacts les unissant, s'empreignant de l'autre. Ils n'osaient que respirer tandis que le soleil baissait dans le ciel. L'air vibrait, la pressant de faire un mouvement. Ce fut pourquoi elle déposa ses lèvres sur les siennes doucement en attente d'une réponse. Une confirmation qui fit exploser ce feu qui brûlait ses entrailles depuis des semaines. D'elles-mêmes, ses mains trouvèrent leur chemin jusqu'à la queue de cheval brune. Elle défit gentiment l'élastique qui retenait les mèches ensemble. Ses doigts flottèrent dans la mer de cheveux jouant et tirant affectueusement la base de sa nuque. Il émit un bruit satisfait contre sa bouche. Le son la fit sourire tandis qu'elle se reculait légèrement pour respirer, le souffle de l'homme caressant ses lèvres. La femme posa son front contre celui de l'homme. Le goût de la cigarette se mélangeait à celui du café sur leur langue. Une saveur particulière qui collait à leur palet. Passant sa langue sur ses dents, Sakura se détacha de Shikamaru. Ses mains étaient toujours dans ses cheveux et elle s'affaira à refaire la coiffure typique des Nara. Distraitement, la médecin croisa ses yeux. Ils étaient adoucis, la faisant sourire légèrement. Lâchant l'élastique autour de la masse de cheveux, elle rompit le silence.
-Allons-y. Le repas devrait être bientôt servi.
-On échange de place, bâilla l'homme en gardant son bras autour de sa taille alors qu'ils commençaient à avancer.
Sakura l'oeilla.
-Tu savais.
-Je suis pas débile, femme-galère.
Elle pausa la tête sur son épaule en soufflant:
-Je sais.
Marchant ce soir-là, ils ne savaient pas encore ce qu'ils étaient. Pourtant, si vous demandiez au Shikamaru de trente ans qui écoutait toutes les nuits sa femme lister des morts, il vous aurait probablement répondu qu'ils n'étaient que deux addicts ayant trouvé une nouvelle drogue.
***Un nouveau one-shot, mais plus long pour essayer. Je ne suis pas très douée en romance, mais j'espère que ça vous aura tout de même plu.***
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top