Chapitre 47 - Maman

« Je comprends si tu veux y aller. Ça fait longtemps que t'as pas vu ta mère et si t'as envie de passer du temps avec elle, tu peux y aller.

-Tu vas faire quoi toi ?

-Je vais m'occuper t'en fais pas. Vas-y, tu peux encore la rattraper. »

Magda embrassa rapidement Martijn et courut sur les traces de sa mère.

Chapitre Quarante-Septième

« Maman ! Attends-moi ! »

À l'appel de sa fille, Agnès se retourna et attendit que Magdalena vienne la rejoindre. Dès qu'elle arriva, Agnès lui tendit la laisse du chien.

« Ton chien tire toujours autant sur la laisse. Ce n'est plus de mon âge. »

Magda sourit. Agnès avait toujours trouvé que Broadway tirait sur sa laisse lors des promenades, elle s'était souvent plainte de cela aux autres membres de la famille. Le seul souci, c'était qu'il semblait que Broadway ne tirait sur cette laisse que lorsqu'Agnès s'occupait de la promenade. Alors ce soir-là, Magda attrapa la poignée de la laisse et s'accrocha au bras de sa mère.

« Tu veux vraiment qu'on aille au restaurant demain ?

-Pour l'anniversaire de Camille ? Bien sûr ! Il va avoir trente ans quand même. On fera de même pour toi. On n'a pas vingt ans tous les jours non plus. D'ailleurs, pour ton cadeau, on pensait te donner une enveloppe pour l'aménagement de ton appartement et une autre surprise, ça te va ?

-Ouais, c'est une bonne idée.

-J'espère que Martijn pourra venir ce week-end-là. J'aime beaucoup ce garçon.

-Moi aussi, je l'aime beaucoup, sourit Magda. Mais pour mon anniversaire... Je ne sais pas si je serai à Pornichet.

-Pourquoi ça ?

-C'est le jour où je rentrerais de Madrid et on part deux semaines plus tard à New York avec Martijn. Donc c'est peut-être plus simple si je rentre directement à Amsterdam et que je ne reviens qu'en juillet.

-Tu veux dire qu'on ne te verra pas le jour de tes vingt ans ?

-Maman... Ne me regarde pas comme ça. On ne fêtera pas mes vingt ans. Mais si je viens en juillet, on fêtera mes vingt ans et un mois. C'est carrément plus original.

-Tu préfères peut-être passer ton anniversaire avec Martijn qu'avec tes vieux parents, non ?

-Oh... Pas plus que ça, fit Magda en tournant la tête vers l'océan pour pas que sa mère la voit rougir. Tu sais, je suis contente que vous l'acceptiez. J'avais un peu peur que vous réagissiez comme Charlie.

-Pourquoi tu pensais ça, Magda ? C'est un garçon adorable, il aurait été difficile de ne pas l'apprécier. Et pour ton frère, ne t'en fais pas. Je suis persuadée que ça finiras par lui passer. Tu verras que la prochaine fois où vous vous verrez, ça ira déjà mieux.

-Mouais... J'espère.

-Et ta recherche d'appartement, comment ça avance ?

-Alors c'est bien que tu m'en parles parce qu'on a visité un appart' qui nous a vraiment plus.

-« Nous » ?, souligna Agnès.

-Enfin moi. Martijn est juste venu faire la visite avec moi.

-Vous ne recherchez pas d'appartement ensemble ?

-Non. Il ne se sent pas prêt. Alors on va attendre encore un peu.

-Et qu'est-ce que tu voudrais toi ?

-Mais il n'est pas question de moi, là. Il est question de lui. On s'en fiche de ce que je veux. Tu sais quoi, je vais plutôt te montrer les photos que j'ai prises de l'appartement qu'on a vu.

-Montre moi, répondit Agnès en prenant le téléphone de sa fille. »

Magda se lança alors dans les explications des différentes idées qu'elle avait eu dans l'avion. Agnès se contentait d'acquiescer de la tête.

« Effectivement, il a l'air très bien. C'est quoi le souci ?

-Qu'est-ce qui te fait dire qu'il y a un souci ?

-Tu le défends beaucoup trop pour qu'il n'y ait aucun souci.

-Le loyer est peut-être un peu élevé.

-C'est drôle, ton frère m'a dit exactement la même chose pour son premier appartement à Los Angeles.

-Ah ouais ?! C'est fou, ça...

-Allez... Vas-y...

-Un peu moins de mille euros si Gregor, le père de Martijn, arrive à bien négocier. Mais avant que tu fasses une crise cardiaque, j'ai peut-être trouvé un boulot pour l'année scolaire. Comme Max quitte Amsterdam, elle abandonne aussi son poste dans l'association où elle donne des cours de français ; elle m'a dit que si je voulais, elle pouvait me recommander. Avec ça, je pourrais vous aider pour le loyer.

-Je note. Mais il faut qu'on en parle avec ton père avant.

-Ouais. Ouais, bien sûr, consentit Magdalena avec une petite mou.

-Mais dis moi Magda... C'est vraiment ce que tu veux ? Vivre à Amsterdam ?

-Oui. N'essaye pas de me faire changer d'avis maman. Je... J'ai besoin de m'éloigner. Pas de vous, hein. Mais d'ici.

-Tu n'es pas heureuse ici ? »

Magda ne répondit pas. Elle préféra porter alors toute son attention sur son chien qui tournait autour d'un buisson. Elle repensa alors à ce que lui avait dit Martijn plusieurs semaines auparavant. Il restait persuadé que Magda devait parler de son histoire avec Augustin à ses parents. Il pensait qu'ils se devaient de comprendre pourquoi leur fille partait vivre à l'autre bout de l'Europe. Magda n'avait pas voulu en entendre parler. Elle s'était énervée contre lui, ils s'étaient engueulés un peu violemment et Martijn avait fini par ne plus en parler. Mais Magda savait qu'au fond, il avait raison. Elle devait la vérité à ses parents. Elle ne sut pas pourquoi elle choisit ce moment pour parler à sa mère, pourquoi elle choisit ce petit chemin qui bordait l'océan. Peut-être était-ce le bruit des vagues qui avait toujours eu le don de la calmer et qui lui permettait de se dire qu'elle arriverait à tout raconter à sa mère. Ou peut-être était-ce le fait que Martijn l'attendait à la maison, et qu'elle savait qu'il la soutiendrait quand elle allait rentrer. Toujours est-il que Magda était soudainement décidée à parler à sa mère.

« Il m'a fait du mal, maman.

-Qui ça ?, s'alarma soudainement Agnès. Martijn ?

-Augustin.

-Comment ça ? Qu'est-ce que tu racontes comme bêtises Magda ? »

Magdalena prit une longue inspiration et commença à parler. Cette fois-ci, elle ne mentit pas, elle n'omit rien et elle ne pleura pas. Bien sûr, elle ne rentra pas dans les détails, elle savait que ce qu'elle racontait allait faire suffisamment de mal à Agnès pour ne pas en rajouter. Elle parla, parla, parla sans s'interrompre une seule fois. Magdalena ne regarda pas sa mère une seconde pendant tout son récit. À la fin, elle attendit une réaction qui mit plusieurs secondes à arriver. Des secondes qui lui parurent durer des heures.

« Pourquoi tu ne m'as pas dit ça avant Magda ?, demanda Agnès avec une voix cassée. Pourquoi tu as gardé tout ça pour toi ?

-J'en sais rien. Je... Je ne voulais pas que tu te sentes coupable ou quoi que ce soit. Je... J'avais honte aussi. Enfin, j'ai toujours honte. Je suis désolée, maman. Je suis désolée. »

Agnès s'approcha de sa fille, sa petite dernière, son bébé, pour la prendre dans ses bras. Comment avait-elle pu passer à côté de ça ? Comment avait-elle pu ne rien voir ? Pourquoi n'avait-elle pas été capable de protéger sa fille ? Magda n'avait pas pleuré ; alors Agnès avait voulu paraître aussi forte que sa fille: elle ne voulait pas pleurer devant elle.

« On va porter plainte. On va en parler à ton père et on va porter plainte.

-Non ! Non, non, non. Non, s'il te plaît maman. Je ne veux pas. Je... Je commence à aller mieux. Je ne veux pas que tu en parles à papa. Je ne veux pas que tu en parles aux garçons non plus. Je veux juste passer à autre chose.

-Magda, je ne peux pas garder tout ça pour moi. Ils ont le droit de savoir.

-Un jour, je leur dirai. Mais pas maintenant, d'accord ? Laisse-moi faire. S'il te plait... Si tu le dis à papa, il m'obligera à porter plainte et je ne veux pas. Je veux laisser ça derrière moi.

-Mais Magda... Il... Il t'a vio...

-Non ! Dis pas ça, maman. Il ne m'a pas violée d'accord ? C'était mon copain et... à ce moment-là, je l'aimais. Il ne m'a pas violée.

-Est-ce que Martijn est au courant ?

-Oui.

-Qu'est-ce qu'il t'a dit ?

-Il pensait qu'il fallait que je vous en parle. Mais c'est fini. Je ne veux plus en entendre parler. Je veux juste essayer d'oublier tout ça. Si je te l'ai raconté là, c'est juste pour que tu comprennes que je ne pars pas à cause de vous, d'accord ? Mais, là, je ne veux plus en entendre parler.

-Il faut qu'on en parle Magdalena. Est-ce que tu as été voir quelqu'un ? Tu ne peux pas tout garder pour toi. Ce n'est pas possible.

-Non, je vais bien maman. Vraiment. C'est passé. C'est comme ça, et je vis avec. Ça va.

-Magda, ça ne peut pas bien aller. Tu ne peux pas bien aller. Tu as besoin d'aide de la part de quelqu'un de compétant. Je pense que tu es la mieux placée pour comprendre cela.

-Non. Je veux juste arrêter de ressasser tout ça. Je vais bien, là. Fais moi confiance. »

Magda empêcha sa mère de lui répondre quoi que ce soit en tirant un peu sur la laisse de Broadway pour reprendre le chemin du retour.

« On rentre ? »

Agnès avait suivi sa fille en silence malgré les milliers de mots qui se pressaient dans sa tête. Elle voulait comprendre, elle voulait se rassurer, la rassurer ; mais elle connaissait Magda et quand la jeune fille avait décidé de ne plus parler d'un sujet, ce n'était pas vraiment la peine d'insister sous peine d'aller droit au conflit. Alors Agnès ne dit rien jusqu'à leur maison. À leur arrivée, Magdalena alla directement dans le salon sans un regard à sa mère.

« Martijn n'est pas là ?, demanda-t-elle en remarquant l'absence du hollandais.

-Il a reçu un coup de téléphone et il est monté. Il a dit qu'il allait redescendre après.

-Vous regardez quoi ?

-2012.

-Super. Bon, bah je vais aller me coucher moi...

-T'aimes pas ?

-Déjà vu, revu et re-revu. Vous voulez que je vous dise ? A la fin...

-Magda !

-Mais vous l'avez déjà vu aussi.

-C'est pas une raison. Si tu ne veux pas voir, va ailleurs, conseilla Baptiste.

-Je vais faire ça. A demain !

-À demain ! Bonne nuit ! »

Magda quitta le salon après avoir embrassé tout le monde et monta directement à l'étage. Ses larmes avaient commencé à couler avant même d'atteindre sa chambre. Martijn s'était retourné en entendant le bruit de la porte et il avait immédiatement remarqué les larmes qui inondaient le visage de Magda.

« Louis, je te rappelle. »

Il jeta son téléphone sur le lit après avoir raccroché et s'approcha de Magdalena. Elle ne voulait pas le regarder, il l'obligea tout de même à tourner son visage vers le sien en posant ses deux mains sur ses joues.

« Qu'est-ce qui s'est passé ? T'as parlé avec ta mère ?, devina Martijn devant le silence de la jeune femme. »

Magdalena acquiesça de la tête et se laissa tomber contre Martijn. Elle sentit ses bras se refermer autour de son corps. Martijn la tenait fort contre lui et Magda se rendit compte que c'était exactement ce dont elle avait besoin.

« Tu veux en parler ?

-Non.

-Ok.

-Je veux juste rester là.

-Ok. »

Martijn n'arrivait pas à savoir si Magda pleurait encore ou pas. Alors pour l'instant, il se contentait de la tenir dans ses bras en espérant que ça suffirait.

« J'ai besoin de me laver, finit-elle par chuchoter. Je vais aller prendre un bain.

-Tu veux être seule ?

-Oui. Je préfère. J'arrive, j'en ai pas pour longtemps.

-Prends ton temps. »

Magda finit par se détacher de Martijn. Il voyait qu'elle lui souriait pour le rassurer, mais ce n'était pas très efficace. Magdalena embrassa la joue de Martijn et parti vers la salle de bain. Martijn s'assit sur le bord du lit. Il ne savait plus quoi penser. Il savait que si Magda avait parlé à sa mère, c'était parce qu'il lui avait conseillé de le faire. Sauf qu'en la voyant rentrer dans cet état là, il n'était pas sûr d'avoir eu une idée de génie. Peut-être qu'Agnès avait mal réagi. Ou peut-être qu'Agnès ne l'avait pas crue. Peut-être qu'il aurait dû faire plus confiance à Magda et la laisser gérer cette partie sans s'en mêler. Peut-être même qu'elle allait lui en vouloir. Martijn réfléchissait à tout ça, avec un raisonnement à le rendre fou. Ce qui le sortit de ses pensées, ce fut la sonnerie de son téléphone. Ça devait être Louis. Il faut dire qu'il avait raccroché un peu brutalement.

De MAGDA <3:


J'ai oublié ma serviette...

De MARTIJN:


Je te l'apporte. Elle est où ?

De MAGDA <3:


Le tankarville à côté de la baie vitrée quand tu sors de ma chambre.


La blanche avec un liserai rose.

De MARTIJN:


J'arrive.

De MAGDA <3:


J'ai pas mon pyjama non plus...


Martijn sourit devant l'étourderie de Magdalena. Il prit le t-shirt et le short qui étaient sous son oreiller, attrapa le sweat préféré de la jeune fille sur la commode et sortit récupérer la serviette de bain. Quand il entra dans la salle de bain, il régnait une chaleur étouffante dans la pièce car Magda avait dû mettre le radiateur en marche. Il posa la serviette sur le rebord de la baignoire et, pendant que Magdalena sortait de son bain, il disposa ses habits pour la nuit sur le radiateur. Il s'apprêtait à sortir de la pièce quand Magda, qui s'était assise sur le rebord de la baignoire, le retint.

« Martijn...

-Oui ?, demanda-t-il en se tournant vers elle.

-Il ne m'a pas violée, hein ? Il ne peut pas m'avoir violée parce qu'on s'aimait, non ?

-Ça ne marche pas comme ça, Magda, murmura Martijn en allant s'asseoir à côté de la jeune fille. Que vous vous aimiez ou pas, si tu avais dit non, c'était non.

-Mais je ne lui avais pas dit non clairement et...

-Arrête de dire ça. Tant que l'autre ne dit pas oui, c'est non. Tu n'avais pas dit oui ; alors c'était non.

-Ça n'a pas pu m'arriver à moi... C'est pas possible. Ce. N'est pas. Possible.

-Ça aurait pu arriver à n'importe qui Magda.

-Ma mère veut que je porte plainte parce qu'elle pense qu'il m'a violée. Mais je ne peux pas faire ça, je ne veux pas ressasser tout ça encore et encore.

-Tu sais que tu ne seras pas toute seule si tu décides de porter plainte. Je serais là et ta famille aussi.

-C'est sa parole contre la mienne. J'aurai jamais la force de faire ça.

-Moi, je pense que si. T'es beaucoup plus forte et courageuse que tu ne le penses, Magda. Je sais que si tu décides de le faire, tu y arriveras. Mais, je pense que ce serait bien que tu parles de tout ça avec un professionnel.

-C'est ce que ma mère m'a dit aussi. Mais j'en ai pas besoin. J'en ai bien parlé avec vous, ça suffit non ?

-Non. Je pense que tu dois en parler avec quelqu'un qui a de la distance avec tout ça. Pas avec des gens qui sont impliqués. Si je prends mon exemple... J'ai envie d'aller lui casser la gueule à chaque fois que tu m'en parles ou qu'il est évoqué.

-C'est vrai ?

-Bien sûr que c'est vrai. Je suis malade de te voir dans cet état, de voir tout le mal qu'il a pu te faire. Donc oui, j'ai envie d'aller le frapper. »

Magda resta silencieuse face aux aveux de Martijn. Elle n'avait jamais imaginé que son histoire à elle puisse le toucher lui, à ce point. Ils restèrent tous les deux assis en silence sur le rebord de cette baignoire sans se regarder directement. Chacun fixait le reflet de l'autre dans le grand miroir d'en face.

« Je suis désolée de te faire du mal à toi aussi avec cette histoire.

-Ce n'est pas toi. Vraiment. Tu n'as rien à te reprocher.

-Mais c'est quand même pas facile et je comprendrais si un jour, tu préférerais partir.

-Je ne partirai pas, Magda. Je te le promets. Tant que tu voudras de moi, je serais là. »

Magda esquissa un faible sourire.

« Tu es l'une des meilleures choses qui me soit arrivée depuis très longtemps, Martijn. Et je ne t'en veux pas. Je sais que là, tu te dis que tu n'aurais pas dû me pousser à parler à ma mère ; et tu as un peu peur que je t'en veuille de m'avoir encouragée à faire ça. Mais je ne t'en veux pas. Au contraire. Tu avais raison. C'est mieux comme ça. »

Cette fois-ci, ce fut Martijn qui arbora un léger sourire. Il finit par se lever, pris le visage de Magda dans ses mains et lui embrassa le haut du crâne avant de se diriger vers la sortie de la salle de bain.

« Je vais allez chauffer ta place dans le lit.

-Marty ?

-Mmmh ?

-Je t'ai déjà dit que je te trouvais parfait ?

-Peut-être une fois ou deux, ouais, lui répondit-il en souriant. »



Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top