Chapitre 41.1 - Sortie en mer
Chapitre Quarante-Et-Unième - Partie I
Quand Martijn s'était réveillé ce matin, la première chose qu'il avait regardée, c'était si Magda était à côté de lui. Il avait tendu le bras, mais il n'y avait eu que du vide. Magda n'était pas là et son côté du lit n'était même pas défait. Il soupira de fatigue face au comportement de la Française. Il avait attendu que Magda rentre une bonne partie de la nuit. Mais il ne l'avait pas entendue, il avait fini par s'endormir sans savoir si elle était rentrée ou non.
Martijn ne savait pas bien quelle heure il était, son portable n'avait plus de batterie. Il décida de se lever et sortit de la chambre de Magda pour monter dans celle que lui avait assignée Agnès afin de prendre un sweat dans son sac. En rentrant dans la pièce, il remarqua tout de suite la couette rabattue d'un côté. Magda avait visiblement dormi dans cette chambre, et cela rassura pas mal Martijn. Au moins, elle était rentrée cette nuit. Il se pencha vers son sac qui avait été ouvert. Il cherchait son pull gris, mais il n'arrivait pas à mettre la main dessus. Pourtant, il était certain de l'avoir apporté. Tant pis, il attrapa un truc au hasard et descendit à la cuisine. Avec un peu de chance, Magda y était peut-être. Mais quand il arriva dans la pièce, il ne trouva que Primaël déjà habillé en tenue de sport, les baskets à la main.
« Salut !
-Salut.
-Magda vient tout juste de partir avec Broadway, tu peux encore la rattraper si tu veux.
-Non, ça va aller.
-D'accord... Café ?, demanda Primaël avant qu'un silence gênant ne s'installe entre les deux hommes.
-Ouais. Merci. »
Primaël servit un café à leur invité avant de retourner à côté de sa tasse. Il regarda discrètement Martijn qui semblait jouer à tourner sa cuillère dans son café, la tête reposant sur sa main. Et là, Primaël se dit que sa sœur pouvait vraiment être bête parfois. Et aussi que niveau bêtises, Charlie ne devait pas être trop loin derrière. Ce mec devant lui semblait trainer toute la misère du monde sur ses épaules alors qu'il passait ses vacances avec sa copine au bord de la mer. Il aurait dû être heureux et souriant. Mais il ne l'était pas, et selon Prim', en plus, il devait se sentir bien seul.
« Tu cours un peu ?
-Hein ?, fit Martijn en relevant brusquement la tête.
-Tu fais un peu de course ?
-Vite fait.
-Ça te dit d'aller courir avec moi. Je devais y aller avec Broadway, mais Magda m'a piqué le chien. On peut y aller ensemble, si ça te dis.
-Je ne veux pas te ralentir. Et puis, j'ai pas pris de baskets de course.
-On s'en fiche de ça. C'est quoi ta pointure ?
-Quarante-deux.
-Neuf et demi, convertit Primaël. Je crois que Baptiste fait ça aussi comme pointure. Je vais voir si y a des baskets à lui, ici. »
Prim' revient quelques minutes plus tard avec une seconde paire de chaussures dans les mains.
« Elles sont un peu vieilles, mais ça ira. Je t'attends pour que t'aies le temps de te changer. »
X+X+X+X+X
Martijn l'avait réitéré avant de partir, il courait « Vite fait », mais actuellement, Primaël pouvait l'assurer, Martijn courait vite tout court. Ils avaient emprunté le chemin côtier et couraient le long de l'océan depuis presque une heure et Martijn ne semblait pas fatigué. Bien au contraire. Primaël lui avait dit que c'était toujours tout droit alors il était parti devant et courait comme s'il n'allait jamais s'arrêter. Prim', lui, par contre, aurait bien fait une pause. Alors il accéléra le rythme sur quelques foulées pour se retrouver au niveau de Martijn et lui proposer de s'arrêter quelques minutes. Ce dernier accepta et les deux garçons allèrent s'installer au bout d'une des falaises qu'ils longeaient depuis tout à l'heure. Martijn s'assit sur un gros rocher pour profiter de la vue, alors que Primaël restait de debout à faire les cent pas pour retrouver son souffle.
« T'as vraiment cru que t'allais me ralentir ? Là, c'est moi qui ne suis pas, sourit Prim'.
-Ouais... Je suis désolé. J'ai jamais fait ça avant, mais là ça me faisait trop de bien. Ça m'a calmé.
-Je comprends. Tu sais, pour hier soir, faut pas trop en vouloir à Charlie, il veut juste la protéger. »
Martijn ne répondit pas et devant le silence du hollandais, Primaël reprit.
« Il est comme ça avec elle depuis qu'ils ont vécu ensemble en France. Quand ils sont arrivés, ça a été un drame pour Magda. Surtout que tout s'est fait très vite donc elle n'a pas vraiment eu le temps de se faire à l'idée. Charlie pour lui, c'était plus cool. Avec Charlie, c'est toujours plus cool de toute façon. Il a largué sa copine, il a fait sa valise et il a demandé à quelle heure était l'avion. J'exagère à peine. Tout ça pour dire qu'une fois arrivé ici, il s'est beaucoup occupé d'elle, il l'a consolée toutes les nuits. Il est devenu « Son Charlie » et elle est devenue « Sa p'tite Magda ». Sauf que maintenant, il n'arrive plus à se dire qu'elle a grandi, qu'elle peut faire ses propres choix et qu'elle n'a plus autant besoin de lui. »
Martijn ne réagissait absolument pas. Il gardait le regard fixé à l'horizon. Prim' n'était même pas sûr qu'il ait compris ou entendu tout ce qu'il venait de lui dire. Alors, il se planta devant Martijn et conclut:
« Tout ce qu'il veut, c'est qu'elle soit heureuse. »
Martijn releva enfin le regard vers Primaël.
« Moi aussi. Tout ce que je veux, c'est qu'elle soit heureuse. »
Primaël ne s'attendait pas à cette réponse. D'ailleurs, il ne s'attendait pas à avoir une quelconque réponse.
« Je crois que c'est ce qu'on veut tous, non ?, continua Martijn. Qu'elle soit heureuse.
-Oui. C'est ce ce qu'on veut tous, confirma Primaël en s'asseyant à côté de Martijn sur le rocher. »
Les deux garçons restèrent là en silence quelques instants avant que Primaël ne reprenne la parole:
« Je pense aussi que Charlie s'en est beaucoup voulu de ne pas l'avoir protégé de Gus. Gus c'était...
-Son ex. Je sais.
-Elle t'en a parlé ?
-Oui.
-Qu'est-ce qu'elle t'a dit ? »
Martijn savait que la famille de Magda n'était pas au courant de toute l'histoire. Il ne savait pas de quoi Prim' était au courant et il ne voulait pas trahir la confiance de Magda alors il garda le silence.
« J'imagine qu'elle t'en a plus dit qu'à nous. On sait tous qu'elle ne nous a pas tout raconté. C'est notre sœur, on la connaît. La plupart des gens ont mis ça sur le compte de son premier chagrin d'amour, mais je pense qu'il y a plus que ça. Il y a plus que ça, n'est-ce pas ? »
Martijn ne répondit toujours pas. Il se contenta de regarder Primaël en espérant que cela suffirait ; qu'avec ça, il comprendrait.
« Ok... Si toi, tu sais, et si toi, tu prends soin d'elle, ça me va. Et sache que si elle t'en a parlé, c'est qu'elle tient à toi. Alors ne t'en fais pas. Ça va aller, ok ?
-D'accord. Et je suis désolé pour hier soir. Les cris, les pleurs et tout ça. Je ne voulais pas que ça se passe comme ça.
-J'imagine bien. C'est pas grave, personne ne va t'en vouloir. On en veut plus à Charlie qu'à toi ou Magda. Et puis tu sais quoi, grâce à vous, je me suis rendu compte qu'il y a pire que s'engueuler avec sa copine. Y a s'engueuler avec sa copine en néerlandais. Ça faisait vraiment peur. »
Martijn se leva du rocher en riant.
« On rentre ?, demanda-t-il.
-On rentre, confirma Primaël.
-Je t'attends cette fois-ci ? Ou je te laisse derrière ?
-Non, mais c'est bon là. Je sais à quoi m'attendre et j'ai repris des forces. Tu vas pas comprendre ce qui t'arrive. »
Cette fois-ci, les deux garçons réussirent à se suivre pendant leur course. Ils arrivèrent derrière la maison des Valencourt plus de deux heures après leur départ. En arrivant, Martijn aperçut tout de suite la silhouette de Magda assise sur le muret de pierre qui bordait la plage, elle portait le pull qu'il avait cherché plutôt dans la matinée. Elle surveillait Broadway qui courait sur la plage ; il avait de la place: la marée était basse.
« Va la voir, lui conseilla Primaël avant d'ouvrir le haut portillon qui donnait sur le jardin de derrière. »
Martijn suivit ce conseil et alla s'asseoir à côté de Magdalena sur le muret. Elle ne dit pas un mot quand elle le vit arriver. Martijn ne savait pas quoi faire, ne savait pas quoi dire ; mais il fallait bien que l'un d'entre eux commence alors il décida de se jeter à l'eau:
« Je suis désolé.
-Moi aussi.
-C'est pas du tout ce que je voulais dire, hier soir. J'aurais jamais dû te parler ça comme ça. Je t'aime Magda et oui, ça me rend malade de ne pas savoir ce que tu ressens, mais ce que je t'ai dit à l'aéroport reste toujours vrai: je préfère que tu me le dises par toi-même. Je veux que ça ait du sens pour toi. Que ça ait autant de sens pour toi que ça en a pour moi. Et par rapport à ton plan d'avenir, je persiste à dire que je ne suis pas une bonne raison pour tout quitter de cette façon. La seule raison valable que tu dois avoir pour faire ça, c'est toi. Toi et uniquement toi. Si tu ne le fais pas pour toi, tu le regretteras un jour. Et si tu le fais pour moi, un jour ou l'autre, tu me le reprocheras. Je ne veux pas qu'on en arrive là. Après, si tu es sûre de toi, si tu crois que c'est ce qu'il y a de mieux pour toi, et si tu as une idée de quoi faire à Amsterdam, si tout ça est pleinement réfléchi ; alors bien sûr que je serais là.
-Je sais que c'est pas ce que tu voulais dire. On était en colère tous les deux, et on a tous les deux dit des choses qu'on ne pensait pas. J'ai réfléchi hier soir en promenant Broadway. J'aurais jamais dû balancer ça comme ça, mais pour moi, c'était tellement logique, que je ne voyais pas le mal. T'avais raison, j'aurais dû plus te parler de tout ça, seulement, j'étais tellement persuadée que t'allais me suivre que je ne pensais pas que c'était nécessaire. Mais c'est pas un coup de tête, Martijn. J'ai vraiment besoin de changer de vie. Complètement. Pas juste pendant un an. Je ne veux pas faire ma vie ici. Actuellement, je veux une vie à Amsterdam, avec vous tous, avec toi surtout. J'en ai beaucoup parlé avec Rika, elle m'a accompagnée à des structures d'aide pour l'orientation dans la fac et il apparaît que ce qui conviendrait, c'est l'enseignement. C'est vrai que j'y avais déjà pensé et la fille m'a donné les différentes facs que je pourrais faire pour arriver à ça, je pourrais te montrer tout ça à Amsterdam, parce que je sais pas trop quoi choisir.
-Donc c'est pas une décision prise comme ça ?
-Non. Non, vraiment pas. J'ai besoin de tout couper pour définitivement passer à autre chose. J'adore être ici, parce que j'ai ma famille et mes amis, mais j'ai aussi des souvenirs moins heureux. Je ne veux pas construire ma vie là-dessus. Alors, tu voudras bien regarder les papiers avec moi ?, demanda Magda en tournant enfin la tête vers Martijn.
-Bien sûr que je vais regarder ça avec toi. »
Le jeune couple resta encore un moment silence sur ce muret à observer Broadway qui semblait avoir trouvé quelque chose de très amusant à faire dans une flaque d'eau. Il mettait de la boue partout dans son beau pelage blanc. Magda le laissait faire: de toute façon, il devait prendre un bain cette semaine.
« T'es une belle personne, Martijn. Je ne te l'ai jamais dit, mais je trouve que tu es une belle personne et je suis fière d'être ton amoureuse ; d'être celle que tu as choisie. Tu es incroyable et je le redécouvre un peu tous les jours. Et tous les jours, je tombe encore un peu plus amoureuse de toi. Je... Je t'aime. »
Martijn n'avait pas quitté Magda des yeux pendant toute sa déclaration, et quand elle eut fini, il se mit à rire.
« Tu sais quoi ? J'ai imaginé cette scène de bonnes dizaines de fois. Mais j'avais jamais imaginé que je serais dans cet état, dit-il en tirant sur son t-shirt trempé. C'est-à-dire moi qui pue la sueur, avec des vêtements qui collent et des cheveux dégueulasses. »
Cette fois-ci, c'est Magda qui se mit à rire doucement. Elle passa ses doigts dans les cheveux de Martijn.
« T'es très beau, même quand tu rentres du sport dans cet état. Mais je t'accorde le fait que tes cheveux sont dégueulasses. Tu ferais mieux de rentrer prendre une douche avant d'attraper froid. »
Martijn sauta du muret pour se retrouver dans le sable. Il attrapa Magda à la taille pour la faire descendre elle aussi.
« Viens, on rentre. »
Magda se laissa soulever puis déposer sur le sol. Elle appela Broadway qui accourut vers eux, rajoutant du sable sec à la boue qu'il portait déjà, et ils rentrèrent tous les trois à la maison.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top