Chapitre 16 - Vondelpark

Chapitre Seizième

Pendant les publicités, avant le début de la séance, Martijn s'était lancé la mission de faire rire Magda et ce qu'il avait trouvé de mieux était de lancer des pop-corn en essayant de les rattraper avec la bouche.

« T'y arrives pas, rit Magda.

-Mais si ! Attends... j'en ai eu un tout à l'heure, répondit Martijn en lançant un nouveau grain de maïs gonflé en l'air.

-Arrête Martijn... T'en mets partout, regarde.

-Ah ! T'as vu ?! Je l'ai eu celui-ci !

-Félicitation. Et du coup est-ce qu'on peut manger les autres, genre normalement ?

-Ouais, on peut. Mais ça reste carrément moins drôle.

-Mais c'est carrément plus propre, répondit Magda souriante en prenant une petite poignée de pop-corn.

-Au fait, il parle de quoi ce film ?

-T'as pas regardé avant de venir ?

-Non. Je te fais confiance. C'est triste ?

-Un peu. Mais c'est drôle aussi.

-T'as le droit de venir pleurer son mon épaule, si c'est trop triste.

-Trop gentil, merci, sourit Magda.

-Mais je te préviens tu te mouches pas sur mon tee-shirt, tu prends un mouchoir: pas de mouchoir, pas de pop-corn.

-Pas de bras. Pas de chocolat.

-Quoi ?

-Rien, tu comprendras après le film, répondit Magda alors que les lumières s'éteignaient. »

X+X+X+X+X

    A la fin de la séance, il était demandé aux spectateurs de sortir par la porte qui s'ouvrait sur la rue de derrière. Martijn et Magda suivirent donc le groupe des quelques personnes qui avaient eux aussi assisté à la séance.

« T'as faim ?, demanda Martijn.

-Ça dépend ce qu'on mange...

-Je vois... Tu sais de quoi j'ai envie ? De churros.

-Là. Maintenant ?

-Ouais. Je viens de voir un gamin passer avec des churros et maintenant j'ai envie d'en manger. T'aimes bien ça ?

-Euh... je sais pas. J'en ai jamais mangé, confessa Magdalena.

-Quoi ?!, s'exclama Martijn au beau milieu de la rue. Jamais, jamais ?

-Bah non...

-Ok. Pas de panique. On va aller corriger le tir. Immédiatement. »

    Magda suivit Martijn en riant. Ils finirent par trouver un vendeur un peu plus haut dans la rue.

« Tu prends un truc comme ça, ensuite tu le plonges dans le Nutella, expliquait Martijn pendant que Magda s'exécutait. Ensuite tu fermes les yeux, tu manges sans t'en mettre partout et tu profites du goût. Ferme les yeux, j'ai dit. Alors, c'est bon ?

-C'est super bon, fit Magda les yeux fermés.

-Niveau film je te suis, parce que la séance était super bien. Et niveau bouffe, tu me suis. On fait ça ?

-On fait ça. »

    Tout en mangeant leurs confiseries, Martijn et Magda déambulèrent entre les canaux du vieux Amsterdam. Ils discutaient de tout et de rien, Martijn mettait à un point d'honneur à entendre le rire de Magda toutes les deux minutes au minimum. Vers vingt-deux heures trente, ils avaient fini par se poser au bord du plan d'eau devant le Rijksmuseum. Magda s'était assise en tailleur sur le rebord en pierre et passait distraitement ses doigts dans l'eau glacée ; Martijn lui, s'était allongé complètement sur ce même rebord, sa tête aux pieds de Magdalena. La place où ils se trouvaient était principalement remplie de touristes venus faire des photos devant le célèbre I Amsterdam ou simplement profiter de la beauté du bâtiment la nuit. Magda les regardait en souriant.

« Tu dors ?, demanda Magda d'une petite voix.

-Non, je ne dors pas, répondit Martijn en gardant les yeux fermés. Je suis bien là. Pourquoi tu souris depuis tout à l'heure ?

-Je regarde les touristes.

-C'est pas très gentil de se moquer, fit Martijn dans un sourire.

-Je me moque pas ! Je me rappelle juste qu'il y a cinq mois j'étais à leur place. Je me rappelle aussi qu'il y a cinq mois je ne voulais pas partir et venir vivre ici.

-T'es arrivée quand à Amsterdam au final ?

-Fin août. Mais je suis venue passer un long week-end avec une amie en juin.

-Ah, c'est sympa d'avoir fait ça.

-C'est Charlie qui en avait eu l'idée.

-Charlie, c'est ton dernier frère c'est ça ?

-C'est ça. Dis, Martijn ?, repris Magda après quelques secondes de silence.

-Ja ?

-Comment tu t'es fait ta cicatrice sur le front ? »

    En disant cela, Magda souleva avec délicatesse la petite mèche de cheveux qui tombait sur le front du garçon et passa son doigt à l'endroit de la cicatrice.

« Je me suis battu avec un alligator quand j'étais petit. »

    Magda explosa de rire. Martijn, lui, se contenta de sourire sans ouvrir les yeux.

« Je te jure que c'est vrai.

-Je ne te crois pas, mais c'est pas grave. J'aime bien cette version, dit Magda en riant toujours. »

    Martijn allait rajouter quelque chose mais il fut interrompu par son téléphone qui sonnait. Sur l'écran, Magda ne vit que le nom de l'interlocuteur: « Mongole ».

« Allo ?, fit Martijn en décrochant. Je sais que c'est toi, qu'est-ce qui se passe ?...... Je sais pas. Pourquoi ? Y a un problème ?...... Suzanne, qu'est-ce que t'as fait ?...... On peut savoir comment tu t'es retrouvée enfermée dehors ?...... Oui, c'est important. Pourquoi tu étais dans le jardin à vingt-trois heures ?...... Quoi ?! Pourquoi ?!...... Si, c'est le moment d'en parler. Suzanne ! Si maman l'apprend t'es morte...... Non, non je vais pas te balancer mais tu déconnes là...... Oui, oui, j'arrive. Tu fais chier quand même. Et je te préviens quand je rentre, on en parle ! Et... Et elle a raccrochée.

-Mongole c'est ta sœur, donc ?, remarqua Magda en souriant.

-Ouais, c'est ce qui lui va le mieux, répondit Martijn en se levant. Elle était dans le jardin pour fumer, elle a fermé la baie vitrée et elle ne peut plus la rouvrir de l'extérieur. Du coup, je vais devoir rentrer. Je suis désolé, ça écourte un peu la soirée.

-Non, non, c'est bon. T'inquiète pas.

-Je te raccompagne ?, demanda Martijn en lui tendant la main. »

X+X+X+X+X

     Max avait prévenu Magda qu'elle risquait de ne rentrer sur Amsterdam que le jeudi suivant, donc en attendant la jeune étudiante avait la maison pour elle toute seule. Le samedi, elle avait passé sa journée à trainer en jogging, elle avait reçu des messages d'Erda et Niels qui s'excusaient chacune de leur comportement de la veille ; elle avait aussi reçu une photo de la part de Louis pour lui présenter Coconuts, son nouveau colocataire. Garance l'avait appelée également, mais elles n'avaient pas pu beaucoup se parler. Puis ce fut au tour de Charlie de l'appeler. Enfin de tous ses frères en réalité, Charlie passant quelque jours à New York, il avait retrouvé les deux ainés de la fratrie ; et tous les trois avaient décidé d'appeler leur soeur pour lui faire une surprise. Magda avait été contente de les voir, encore plus de les voir ensemble. Puis ce fut au tour d'Erika de l'appeler. Elles avaient longuement parlé. Erika avait tout de suite remarqué que quelque chose avait changé dans le visage de Magda, mais elle l'avait laissé lui parler de sa vie hollandaise et de Martijn. Erika était quasi certaine de voir des étoiles dans les yeux de Magda quand elle l'évoquait, mais elle n'avait pas fait de commentaires. Puis Magda s'était calmée et elle avait demandé des nouvelles de son amie et de sa mère.

« Je suis contente de te voir comme ça, avait confié l'espagnole à la fin de la conversation.

-Comme ça, comment ?

-Heureuse.

-Parfois la France me manque. Et je ne pensais pas dire ça un jour.

-Je savais que ça finirait par arriver, rit Erika.

-Oh et pour Martijn...

-Oui ?

-Ça reste entre nous ? T'es la première à qui j'en parle et je veux pas que mes frères soient au courant.

-J'en parlerais pas. Promis.

-Merci. »

X+X+X+X+X

    En se levant, ce dimanche matin, Magda avait envie de croissants. Alors, exceptionnellement, pour un dimanche, elle avait commencé par prendre sa douche et s'était habillée pour aller à la boulangerie avec un simple jogging et un pull épais. En rentrant, elle avait pris son petit déjeuner en trainant sur Facebook. Puis elle avait fini le travail qu'elle n'avait pas eu le temps de terminer la veille. Ce n'est que quand elle préparait son déjeuner que son téléphone vibra pour la première fois de la journée.

De MARTIJN:
Tu fais quoi cet aprèm' ? :)
S'il te plait, dis-moi que tu ne fais rien...

De MAGDA:
Tu dis ça parce que t'es derrière ma porte ?

De MARTIJN:
Non, je ne suis pas derrière ta porte.
Actuellement je suis dans mon lit, si tu veux tout savoir [photo]

De MAGDA:
Dans ton lit ? A treize heures ?
Je fais rien de spécial aujourd'hui. Pourquoi ?

De MARTIJN:
Laisse-moi profiter de l'absence de ma mère !
Je devais passer la journée avec Jan devant FIFA, mais il m'a lâchement abandonné pour passer la journée avec sa copine. Il a des trucs à se faire pardonner donc pour l'instant, il dit oui à tout ce qu'elle lui demande.
Et je crois que si je vois Louis, je lui fais bouffer son chat.

De MAGDA:
Toi aussi t'as le droit à plein de photos ?
Pourquoi tu n'en profites pas pour passer du temps avec ta sœur ?

De MARTIJN:
J'en peux plus de ses photos... Il a de la chance qu'elles soient belles.
On s'est engueulé vendredi quand je suis rentré et depuis elle me parle plus. Donc passer la journée avec un mur, j'ai déjà donné hier.

De MAGDA:
J'ai pitié de toi, et je te dois bien une après-midi.

De MARTIJN:
Pourquoi tu me dois une après-midi ?

De MAGDA:
Pour la soirée de vendredi.

De MARTIJN:
Tu me dois rien Magda. Vraiment. J'étais content de passer la soirée avec toi, et de te faire découvrir le plaisir des churros :p
Tu connais le Vondelpark ? On se retrouve là-bas ?

De MAGDA:
Ouais, c'est vrai: merci pour cette découverte qui a changé ma vie, il faut l'avouer ^^
Ça marche on se retrouve là-bas :) A quelle heure ?

De MARTIJN:
Houla ! Pas tout de suite: faut que je me lève, que je me douche, que je m'habille, que je mange, que j'arrive. Dans deux heures ?

X+X+X+X+X

    Magda s'était dit qu'en disant deux heures, Martijn ne s'était pas donné beaucoup de marge de manœuvre. Aussi s'attendait-elle à arriver la première à Vondelpark même en faisant le chemin à pied. Or, quand elle arriva au niveau de portail en fer forgé qui marquait l'entrée du parc, Martijn l'attendait déjà avec un étui à guitare sur le dos

« Je t'ai presque attendue, fit Martijn en la voyant arriver.

-Je suis sûre que t'es arrivée y a cinq minutes. C'est quoi ça ?, demanda Magda en montrant ce que Martijn avait sur le dos.

-Deux minutes. C'est ma guitare, hier tu m'as dit que tu faisais de la musique mais que t'avais pas emmené tes instruments ici. Alors, je me suis dit qu'au pire, les instruments pouvaient toujours venir à toi. Bon, j'ai pas de violon à la maison mais une guitare ça marche aussi ?

-C'est adorable. Merci.

-On y va ?, demanda Martijn en souriant. »

    Ils trouvèrent une place sous un arbre qui avait perdu presque toutes ses feuilles avec l'automne. Magda s'installa contre le tronc et attrapa la guitare que lui tendait Martijn. Elle commença à gratter les cordes sans savoir quoi jouer. Martijn s'était mis en face d'elle et se contentait d'écouter sans dire un mot.

« Tu joues bien. T'as commencé à quel âge ?

-Je sais pas trop, je crois que j'ai toujours fait de la musique. Mes frères me mettaient toujours un instrument dans les mains quand j'étais petite. Alors la guitare, j'ai dû commencer avec celle de Baptiste vers mes cinq ans. J'imagine que ça ne ressemblait pas à grand-chose à l'époque. Elle vient d'où cette guitare ?

-C'est la mienne. C'est mon père qui me l'a offert quand il a remarqué que j'allais lui piquer la sienne en douce quand j'étais petit. »

    Magda sourit à Martijn. Quand elle vit son regard, elle sentit qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas.

« T'as un truc à me dire ?

-Je... Je peux te poser une question que j'ai dans la tête depuis hier ? C'est un peu indiscret, alors si tu veux pas répondre, je comprendrais.

-Vas-y, dit Magda sans arrêter le mouvement de ses doigts sur les cordes.

-Vendredi, tu m'as dit qu'au début tu ne voulais pas partir, que tu ne voulais pas venir à Amsterdam ; t'as dit ça comme si on t'avait obligée à faire ce voyage. Et depuis hier je me demande juste... pourquoi t'as fait un Erasmus si t'avais pas envie de quitter la France ?

-T'as raison. C'est indiscret.

-Excuse-moi. Si tu veux pas en parler, je comprends ; mais je me demande quand même. »

    Magda releva enfin le visage et fixa les yeux bleus de Martijn. Elle ne savait pas si elle avait envie de lui dire. Elle ne savait pas si elle pouvait lui faire confiance à ce point, elle ne savait pas non plus si elle avait envie de lui faire confiance à ce point. Martijn soutenait son regard comme pour lui prouver qu'il attendait une réponse sérieuse à sa question, comme pour lui prouver qu'il méritait, au moins un tout petit bout de sa confiance.

« C'est juste que... Il y avait certaines choses de ma vie que je voulais oublier, mais en France j'y arrivais pas. Et mes frères se sont dit que c'est qu'en partant que j'y arriverais. En partant loin. Longtemps.

-Ces certaines choses, c'est ton ex ?

-A ton tour de me montrer comment tu joues, répondit Magda en lui tendant la guitare. »

    Martijn prit l'instrument en acceptant le manque de réponse à sa question. Il avait compris que s'il voulait s'approcher de Magdalena, il fallait savoir aller à son rythme. Il n'abandonnait pas pour autant, il allait juste attendre qu'elle soit prête. Magdalena s'allongea dans l'herbe à côté de Martijn, laissant ainsi le soleil dominical caresser son visage.

« Tu te débrouilles pas mal Gelderman, murmura-t-elle après avoir écouté plusieurs minutes. C'est même carrément bien.

-Merci.

-Martijn, repris Magda sans bouger et après quelques minutes de silence. Tu veux pas me dire quelque chose que je ne sais pas sur toi.

-Que tu ne sais pas... Un secret ?

-Pas forcément. Un détail, une anecdote sur toi que tu ne m'as pas encore racontée.

-Je parle un peu le français, dit Martijn après quelques secondes de réflexion.

-Quoi ?! Mais pourquoi tu me l'as pas dit avant.

-Bah c'est pas fou non plus, hein. J'ai appris un peu à l'école.

-Tu sais dire quoi ?

-Euh... Je m'appelle Martijn. J'habite aux Pays-Bas, à Amsterdam. J'ai vingt ans.

-Ouais, et quoi d'autre ?

-Il n'y a pas de problème.

-Ça peut toujours servir comme phrase, t'as raison, sourit Magda. C'est tout ?

-J'aime bien manger. Merci beaucoup et Putain. »

    C'est trois dernières phrases firent beaucoup rire Magda.

« Quoi ? Ça ne se dit pas ?, s'inquiéta Martijn.

-Si, si. Ça se dit, répondit Magda en riant toujours.

-Tu vois pourquoi je voulais pas te le dire...

-Je me moque pas, Martijn. Mais... je crois que c'est ton accent qui me fait le plus rire.

-Ouais... bon à ton tour. Dis-moi un truc que tu m'as pas encore raconté. »

    Magda s'autorisa une petite minute de réflexion.

« Alors, à l'époque je vivais à New York, dans le quartier de Chelsea. Et quand j'étais petite, ma mère m'emmenait souvent à un vieux carrousel sur les quais. Ça l'arrangeait parce qu'elle pouvait surveiller en même temps moi qui faisait du manège et Charlie qui faisait du vélo à côté. J'adorais ce manège et un jour j'ai voulu faire un autre tour mais ma mère m'a dit non parce que c'était l'heure de rentrer pour prendre le gouter avec Primaël qui avait fini le sport. Donc, on est rentré, on a pris le goûter et ma mère m'a installé dans la salle à manger avec des coloriages. Sauf que moi j'avais pas du tout envie de faire du coloriage. Moi, je voulais aller refaire un tour de manège. Alors, je ne sais pas comment j'ai fait, avec ma mère dans la cuisine et mes frères dans le salon, mais j'ai réussi à sortir de la maison et je suis repartie au manège.

-T'as fait ta première fugue à cinq ans ?

-Ouais. Ce fut la seule et unique fugue de ma vie parce que vu comment je me suis fait engueuler quand ma mère m'a retrouvée, l'envie d'en refaire une autre est vite passée, tu vois ?

-Je vois très bien, rit Martijn. Bonne anecdote, je ne t'imaginais pas rebelle à ce point dès cinq ans.

-Non, mais moi, sur le coup je voyais pas le mal. Enfin bref. La morale, c'est que ma mère ne nous a plus jamais emmenés à ce manège et que j'aurais mieux fait de finir mes coloriages...

-T'y retournes parfois ? A New York, je veux dire.

-Parfois. Avant j'y allais pendant mes vacances, quand mes frères n'en avaient pas. Sauf que comme je ne vis plus chez mes parents, maintenant pendant mes vacances je reste en France ; et mes frères viennent plus souvent. J'espère y retourner au moins une fois cette année.

-Tu m'emmèneras dans ta valise ? Je veux bien voyager en soute si tu veux.

-Je croyais que t'étais pas le genre de mec à partir en vacances avec des inconnues...

-Ça dépend où... Et puis, on est plus des inconnus maintenant, si ? »

    Magda ouvrit un œil pour regarder Martijn et le sourire qu'il lui adressait acheva de la convaincre.

« Plus tellement, non. »

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